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23/11/2010 | FRANCE | N°09-66538

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2010, 09-66538


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 17 mars 2009), que Mme X... a été engagée le 15 mars 2005 en qualité de directeur d'agence du Mans par la société Appelez Pour un Financement (APF), que par lettre en date du 9 mai 2006, elle a présenté sa démission avec départ effectif le 12 mai suivant, sans effectuer son préavis ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir notamment des rappels de salaires et de commissions, ainsi que la requalification de sa démission en licenciement abusif ;
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Attendu que la société fait grief à l'arrêt de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 17 mars 2009), que Mme X... a été engagée le 15 mars 2005 en qualité de directeur d'agence du Mans par la société Appelez Pour un Financement (APF), que par lettre en date du 9 mai 2006, elle a présenté sa démission avec départ effectif le 12 mai suivant, sans effectuer son préavis ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir notamment des rappels de salaires et de commissions, ainsi que la requalification de sa démission en licenciement abusif ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de travail lui était imputable et de la condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif alors, selon le moyen :
1°/ que les faits, reprochés par le salarié à l'employeur dans sa lettre de démission, ne peuvent justifier la requalification de celle-ci en licenciement qu'à la condition d'être établis et de revêtir un caractère fautif d'une gravité suffisante ; que le maintien dans les lieux d'un ancien directeur ne peut être reproché à l'employeur par le nouveau directeur que s'il est établi que le premier a conservé ses responsabilité initiales ; qu'en retenant que M. Y..., en restant présente dans les lieux, avait nécessairement vidé de leur substance les fonctions confiées à Mme X..., sans rechercher si cet élément importait peu dès lors que M. Y... était affecté à un domaine d'intervention radicalement différent de celui confié à Mme X... et que son maintien provisoire dans les lieux ne s'expliquait que par la nécessité d'attendre l'achèvement des travaux de son nouveau bureau, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le manquement de l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du code du travail ;
2°/ qu'en admettant que l'ancien directeur ait par ailleurs pu avoir une attitude hostile à l'égard de la salariés, une telle circonstance n'aurait pu être imputable à l'employeur que si elle avait été le fruit d'une collusion de sa part ou si, alerté sur cette situation, il avait négligé d'y remédier ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur, auprès de qui la salariée ne s'était jamais plainte de quoique que ce soit jusqu'au jours de sa démission, pouvait être tenu responsable de cette situation, et si la salariée n'avait pas plutôt agi ainsi dans l'espoir de cumuler les avantages d'un licenciement et du nouveau contrat de travail qu'elle avait conclu avant de démissionner, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du code du travail ;
3°/ qu'à supposer que la mésentente entre deux salariés puisse être imputée à l'employeur, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si le manquement reproché à celui-ci revêtait un caractère suffisamment grave pour justifier la requalification de la démission en licenciement, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que la salariée démontrait le comportement déloyal de l'employeur, en a déduit que les faits qui lui étaient reprochés étaient suffisamment graves pour justifier la rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de rappel de salaire sur le mois de mai 2006 alors, selon le moyen, qu'en accordant l'intégralité du rappel de salaire demandé par la salariée au titre du mois de mai 2006, sans tenir compte de ce que celle-ci avait quitté la société dès le 12 du mois, après avoir demandé à être dispensée de son préavis, la cour d'appel a méconnu les articles L. 140-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société ne pouvait modifier les conditions de rémunération de la salariée en retirant du calcul du montant des commissions le chiffre d'affaires réalisé par M. Z..., conseiller d'agence, la cour d'appel a souverainement fixé le montant du rappel de commissions dû ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société APF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une somme à titre de rappel de commission de décembre 2006 à juin 2006, alors, selon le moyen, qu'il résultait du contrat de travail que la salariée ne pouvait percevoir une commission sur le chiffre d'affaires réalisé par les autres salariés de l'agence qu'à la condition que ceux-ci aient travaillé dans le même secteur qu'elle, en collaboration avec elle ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la demande de Mme X... ne se heurtait pas au fait que MM. Y... et Z... travaillaient dans le secteur « défiscalisation », secteur distinct de celui confié à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 140-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a estimé que le contrat de travail de la salariée ne permettait pas d'exclure les commissions réalisées par certains conseillers de l'agence en raison du secteur d'activité dans lequel ils exerçaient ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
La société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de régularisation de salaires pour atteinte au principe d'égalité de traitement alors, selon le moyen, qu'en retenant que l'employeur ne démontrait pas que M. Y... ait eu une ancienneté supérieure à celle de Mme X..., après avoir elle même constaté, ce qui n'était d'ailleurs pas contesté, que le premier avait été recruté avant la seconde, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé par fausse application le principe « à travail égal, salaire égal » ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que l'employeur n'a pu justifier de la différence de rémunération constatée entre Mme X... et le salarié auquel elle se comparait, ni par l'ancienneté différente des salariés, ni par le fait que M. Y... était actionnaire de la société ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Appelez pour un financement et M. A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour la société Appelez pour un financement et M. A....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail était imputable à la société APF et d'AVOIR condamné celle-ci au paiement de 3. 000 € à titre de dommagesintérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE : la lettre de démission impute des faits à l'employeur, de sorte que le juge doit rechercher si les faits sont avérés ; dans ce cas la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission ; Madame X..., dans sa lettre de rupture, fait état de l'attitude négative de Monsieur Y..., ancien directeur de cette même agence, toujours en poste à ce jour ; Madame X... verse aux débats une attestation de Monsieur Clément B..., ancien collègue de travail, qui atteste que Monsieur Y... a créé une altercation en mars 2006, tenant des propos violents et menaçants, et qu'à compter de l'arrivée de Madame X..., Monsieur Y... a créé une atmosphère de travail insupportable, qu'il était présent jusqu'au départ de Madame X... dans la société ; Monsieur C... Jérôme, agent immobilier, fait état de l'absence de transmission à Madame X... des coordonnées qu'il expédiait concernant ses clients ; ces deux attestations révèlent que Monsieur Y... était présent à la société et avait un comportement négatif ; la société APF fait état du fait que cette situation est impossible car Monsieur Y..., à compter de janvier 2006, ne travaillait plus pour elle ; que cette affirmation est toutefois inexacte, puisqu'en janvier 2006, Monsieur Y... a reçu son salaire de la société APF en qualité de directeur d'agence ; l'attestation de Monsieur Z... ne peut être retenue car cette attestation mentionne que Monsieur Y... était le subordonné de Madame X..., ce qui est inexact, puisque Monsieur Y... était le directeur de l'agence qui était supposée remplacer Madame X... et avait une rémunération supérieure à la sienne ; les autres attestations de l'employeur ne sont pas pertinentes car elles ne décrivent pas les relations entre Madame X... et Monsieur Y... ; qu'il résulte de l'attestation de Monsieur B... et des bulletins de salaire de Monsieur Y... que ce dernier était en poste à la société APF, vidant ainsi de sa substance le poste de directeur d'agence de Madame
X...
et que le comportement de Monsieur Y... entravait l'exercice professionnel de la salariée générant chez cette dernière des angoisses et une fatigue psychologique (attestation D... Nathalie) ; que les courriels échangés entre Madame Muriel E... et Madame X... démontrent la réalité de la mauvaise ambiance au sein de la société puisque la salariée écrivait le 29 mars 2006 « pas de panique, je reste encore un peu chez APF » et « je n'ai pas dit mon dernier mot » et parlait de Monsieur Y... de façon ironique en ces termes « mon ami » ; que la salariée justifie du comportement déloyal de l'employeur de sorte que la rupture est imputable à celui-ci et emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que Madame X... avait quatorze mois d'ancienneté ; que sa rémunération fixe brute était de 1. 524, 24 € ; qu'elle ne justifie pas de sa situation après la rupture ; qu'elle a cependant subi nécessairement un préjudice du fait de la rupture de son contrat de travail qui sera évalué à la somme de 3. 000 € ;

1°) ALORS QUE : les faits, reproché par le salarié à l'employeur dans sa lettre de démission, ne peuvent justifier la requalification de celle-ci en licenciement qu'à la condition d'être établis et de revêtir un caractère fautif d'une gravité suffisante ; que le maintien dans les lieux d'un ancien directeur ne peut être reproché à l'employeur par le nouveau directeur que s'il est établi que le premier a conservé ses responsabilité initiales ; qu'en retenant que Monsieur Y..., en restant présente dans les lieux, avait nécessairement vidé de leur substance les fonctions confiées à Madame X..., sans rechercher si cet élément importait peu dès lors que Monsieur Y... était affecté à un domaine d'intervention radicalement différent de celui confié à Madame X... et que son maintien provisoire dans les lieux ne s'expliquait que par la nécessité d'attendre l'achèvement des travaux de son nouveau bureau, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le manquement de l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du code du travail ;
2°) ET ALORS QU'en admettant que l'ancien directeur ait par ailleurs pu avoir une attitude hostile à l'égard de la salariés, une telle circonstance n'aurait pu être imputable à l'employeur que si elle avait été le fruit d'une collusion de sa part ou si, alerté sur cette situation, il avait négligé d'y remédier ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur, auprès de qui la salariée ne s'était jamais plainte de quoique que ce soit jusqu'au jours de sa démission, pouvait être tenu responsable de cette situation, et si la salariée n'avait pas plutôt agi ainsi dans l'espoir de cumuler les avantages d'un licenciement et du nouveau contrat de travail qu'elle avait conclu avant de démissionner, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du code du travail ;
3°) ET ALORS QU'à supposer que la mésentente entre deux salariés puisse être imputée à l'employeur, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si le manquement reproché à celui-ci revêtait un caractère suffisamment grave pour justifier la requalification de la démission en licenciement, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société APF au paiement d'une somme de 3. 821, 86 € à titre de rappel de salaire sur le mois de mai 2006 ;
AUX MOTIFS QUE : Monsieur Z... était conseiller d'agence, réglé par la société APF ; aussi, la société ne pouvait pas modifier les conditions de la rémunération de sa salariée en retirant du calcul de son commissionnement le chiffre d'affaires réalisé par ce salarié ; ainsi donc, le montant des commissions du mois de mai est de 3. 948, 13 € ; de sorte que son salaire s'élevait à 4. 693, 01 €, alors qu'elle n'a perçu que la somme de 3. 171, 52 € ; la société APF reste donc débitrice à son égard de la somme de 1. 521, 49 € ; que le solde de ses congés payés est de 1. 108, 37 € ; les commissions restant dues sont d'un montant de 1. 192 €, selon le tableau établi par la salariée ; ainsi donc, les sommes dues par la société APF au titre du solde de mois de mai 2006 est de 3. 821, 86 € ;
ALORS QU'en accordant l'intégralité du rappel de salaire demandé par la salariée au titre du mois de mai 2006, sans tenir compte de ce que celle-ci avait quitté la société dès le 12 du mois, après avoir demandé à être dispensée de son préavis, la cour d'appel a méconnu les articles L. 140-1 et suivants du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société APF au paiement d'une somme de 6. 199 € à titre de rappel de commissions de décembre 2005 à juin 2006 ;
AUX MOTIFS QUE : la société APF a retiré du chiffre d'affaire de l'agence les dossiers traités par Messieurs Y... et Z... ; or, ces deux salariés étaient encore employés et rémunérés par la société APF ; qu'ainsi donc, le commissionnement de Madame X... doit, conformément au contrat de travail, être calculé sur le chiffre d'affaire des collaborateurs, incluant de ce fait, également, le chiffre d'affaires de Messieurs Y... et Z... ; qu'elle n'a pas été réglée, ainsi, de la somme de 6. 199 € sur l'année 2006 ;
ALORS QU'il résultait du contrat de travail que la salariée ne pouvait percevoir une commission sur le chiffre d'affaires réalisé par les autres salariés de l'agence qu'à la condition que ceux-ci aient travaillé dans le même secteur qu'elle, en collaboration avec elle ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la demande de Madame X... ne se heurtait pas au fait que Messieurs Y... et Z... travaillaient dans le secteur « défiscalisation », secteur distinct de celui confié à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 140-1 et suivants du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société APF au paiement d'une somme de 15. 065 € à titre de régularisation de salaires pour atteinte au principe d'égalité de traitements ;
AUX MOTIFS QUE : la différence de traitements entre Madame X... et Monsieur Y... est importante, puisque, sur la partie fixe, il y a une différence mensuelle de 724, 45 € mais également le calcul des commissions est différent, puisque le calcul de ses commissions était de 15 % dès le premier euro de chiffre d'affaire, tandis que le commissionnement de Madame X... était de 5 % à compter d'un seuil de 4. 574 € ; que les deux salariés avaient le même statut ; que la société doit justifier des éléments objectifs qui justifient cette différence de traitements entre les deux salariés ; qu'elle allègue, sans en justifier, que Monsieur Y... aurait une ancienneté plus importante et serait actionnaire de la société ; que la charge de la preuve de l'égalité de traitements incombe à l'employeur qui en l'espèce est défaillant ; que la salariée a subi une perte annuelle d'un montant de 15. 065, 30 € ; que sa demande est fondée ;
ALORS QU'en retenant que l'employeur ne démontrait pas que Monsieur Y... ait eu une ancienneté supérieure à celle de Madame X..., après avoir elle même constaté, ce qui n'était d'ailleurs pas contesté, que le premier avait été recruté avant la seconde, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé par fausse application le principe « à travail égal, salaire égal ».


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-66538
Date de la décision : 23/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 17 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2010, pourvoi n°09-66538


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.66538
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