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23/11/2010 | FRANCE | N°09-41195

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2010, 09-41195


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 25 novembre 2003 en qualité de directeur commercial par la société Cabinet Herr experts, pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, outre des activités en dehors de cet horaire donnant lieu à récupération ; qu'après avoir fait l'objet d'un avertissement, il a été licencié le 11 février 2005 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement d'indemnités ainsi que de rappel

de salaire pour heures supplémentaires sur les années 2004 et 2005 et de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 25 novembre 2003 en qualité de directeur commercial par la société Cabinet Herr experts, pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, outre des activités en dehors de cet horaire donnant lieu à récupération ; qu'après avoir fait l'objet d'un avertissement, il a été licencié le 11 février 2005 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement d'indemnités ainsi que de rappel de salaire pour heures supplémentaires sur les années 2004 et 2005 et de dommages-intérêts pour travail dissimulé ; que la société Cabinet Herr experts a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de dommages-intérêts pour violation par M. X... de son obligation de non-concurrence ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Cabinet Heer experts fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... certaines sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un travail effectif au sens des articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail (anciens articles L. 212-4, alinéa 1, et L. 212-4 bis, alinéa 1) le temps pendant lequel un salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme temps de travail effectif ; qu'en l'espèce, l'employeur avait fait valoir que les permanences que M. X... avait été conduit à effectuer consistaient à conserver son téléphone portable à proximité pour être en mesure de prendre note du signalement d'un sinistre et, exceptionnellement, à se rendre sur site ; que ces permanences, qui ne l'empêchaient pas de vaquer à ses occupations, ne pouvaient être assimilées à du travail effectif, nonobstant les jours de récupération accordés par l'employeur pour les permanences des week-ends et jours fériés ; qu'en accordant néanmoins à M. X... la rémunération en heures supplémentaires des heures de permanence effectuées par lui sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces heures correspondaient à un temps de travail effectif, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du code du travail (anciens articles L. 212-4, alinéa 1, et L. 212-4, bis alinéa 1) ;
2°/ que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail (ancien article L. 324-10) n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que, toutefois, l'élément intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de salaire ; qu'au sein de la société Herr Experts, les heures supplémentaires étaient prévues et régies par le contrat de travail, un règlement écrit et des plannings préétablis ; qu'en décidant néanmoins l'existence d'un élément intentionnel au seul motif que cet employeur, qui avait expressément prévu les permanences de jour et avait lui-même mis en place «ce système», n'était pas crédible quand il plaidait l'absence d'élément intentionnel, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'effectuant la recherche demandée et appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits par les parties relativement aux conditions d'organisation et de récupération des permanences de jour et durant les week-end, la cour d' appel, qui a relevé qu'un document de l'employeur indiquait pour chaque mois le nombre de jours à récupérer correspondant aux samedis et dimanches de permanence, en a déduit que l'employeur avait assimilé les jours de permanence à du temps de travail effectif et qu'en conséquence les heures de permanence de semaine qui n'avaient pas fait l'objet de récupération devaient être rémunérées comme temps de travail effectif ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé que les permanences de jour, non payées et non compensées, étaient effectuées chaque semaine par les trois commerciaux et que cette situation, mise en place par l'employeur, avait duré pendant toute la période où le salarié avait travaillé pour le cabinet, la cour d'appel a par là-même caractérisé l'élément intentionnel du travail dissimulé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 66 de la convention collective nationale des entreprises d'expertises en matière d'évaluations industrielles et commerciales, L. 2254-1 du code du travail et 1134 du code civil ;Attendu que pour débouter l'employeur de sa demande de dommages-intérêts pour violation par le salarié de sa clause de non concurrence, la cour d'appel retient que la clause de non-concurrence reprise au contrat de travail de M. Eric X..., rédigée en des termes très généraux avec renvoi à la convention collective sans aucune précision de périmètre géographique, d'indication de durée et d'indemnité compensatrice n'est pas régulière ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 66 de la convention collective nationale des entreprises d'expertises en matière d'évaluations industrielles et commerciales précisant l'étendue, la durée et le montant de la contrepartie pécuniaire de l'obligation de non-concurrence s'appliquaient de plein droit dès lors que, ainsi que le constate l'arrêt, le contrat de travail, qui comportait une clause de non concurrence, se référait expressément à ladite convention, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ébouté la société Cabinet Herr experts de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de M. X... pour violation de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 22 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Herr experts
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société HERR EXPERTS à payer à Monsieur X... la somme de 4.200 euros à titre d'heures supplémentaires et celle de 46.461,36 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que la Société HERR EXPERTS avait mis en place un système de permanence entre 6 heures du matin et 22 heures ainsi que pendant les week-ends, ces permanences étant tenues par roulement et en l'espèce réparties entre trois commerciaux dont Monsieur X..., un récapitulatif du planning commercial approuvé par l'employeur fixant les jours de récupération à prendre ; que ce système est confirmé par la production de récapitulatifs du planning commercial correspondant au troisième et quatrième trimestre 2004, étant relevé que celui d'octobre 2004 à janvier 2005 est contresigné par la gérante ; que le salarié soutient, sans être sérieusement contredit par l'employeur, que de tels plannings indispensables à l'organisation du travail étaient rédigés pour chaque trimestre ; que ce relevé indique pour chaque mois le nombre de jours travaillés à récupérer correspondant aux samedis et aux dimanches de permanence, une mention en bas de page du planning indiquant : «Le commercial travaillant le dimanche sera en récupération hebdomadaire le vendredi qui suit. Le commercial travaillant le samedi sera en récupération hebdomadaire le mercredi qui suit» ; que ce système de récupération prévu par les plannings établit à lui seul que l'employeur assimilait les jours de permanence à des jours de travail effectif ; qu'il ne ressort pas des éléments produits au dossier que ces jours de récupération programmés chaque semaine n'aient pas été pris par Monsieur X... ; que ces plannings ne font en revanche pas apparaître de récupération pour les heures de permanence de semaine ; qu'en conséquence, même si l'employeur soutient à juste titre que Monsieur X... était libre d'organiser son emploi du temps à sa guise, ce qui pouvait l'amener à contacter certains clients tôt le matin ou tard le soir, ce qui exclut de faire droit à ses demandes d'heures supplémentaires hors permanence, pour autant l'intéressé n'en restait pas moins, comme ses collègues, tenu à assurer deux à trois fois par semaine des permanences, au-delà de son travail effectif, dont l'amplitude était de six heures du matin à 22 heures le soir ; que ces heures, en toute logique, auraient dû être également comptabilisées comme du travail effectif ; que les bulletins de salaire ne font apparaître aucun paiement d'heures supplémentaires ; que les heures supplémentaires correspondant aux permanences de jour, expressément prévues par l'employeur pour le bon fonctionnement du service, étant effectuées chaque semaine par les trois commerciaux, n'étant pas compensées par des repos compensateurs, et ne faisant l'objet d'aucune mention sur les bulletins de salaire, l'employeur alors que cette situation a duré pendant toute la période pendant laquelle Monsieur X... a été salarié dans l'entreprise, la Société HERR EXPERTS, qui avait elle-même mis en place ce système, n'est pas crédible quand elle plaide l'absence d'élément intentionnel ;
ALORS D'UNE PART QUE constitue un travail effectif au sens des articles L 3121-1 et L 3121-5 du Code du Travail (anciens articles L 212-4 alinéa 1 et L 212-4 bis alinéa 1) le temps pendant lequel un salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme temps de travail effectif ; qu'en l'espèce, l'employeur avait fait valoir que les permanences que Monsieur X... avait été conduit à effectuer consistaient à conserver son téléphone portable à proximité pour être en mesure de prendre note du signalement d'un sinistre et, exceptionnellement, à se rendre sur site ; que ces permanences, qui ne l'empêchaient pas de vaquer à ses occupations, ne pouvaient être assimilées à du travail effectif, nonobstant les jours de récupération accordés par l'employeur pour les permanences des week-ends et jours fériés ; qu'en accordant néanmoins à Monsieur X... la rémunération en heures supplémentaires des heures de permanence effectuées par lui sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces heures correspondaient à un temps de travail effectif, la Cour d'Appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L 3121-1 et L 3121-5 du Code du Travail (anciens articles L 212-4 alinéa 1 et L 212-4 bis alinéa 1) ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L 8221-5 du Code du Travail (ancien article L 324-10) n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que, toutefois, l'élément intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de salaire ; qu'au sein de la Société HERR EXPERTS, les heures supplémentaires étaient prévues et régies par le contrat de travail, un règlement écrit et des plannings préétablis ; qu'en décidant néanmoins l'existence d'un élément intentionnel au seul motif que cet employeur, qui avait expressément prévu les permanences de jour et avait lui-même mis en place «ce système», n'était pas crédible quand il plaidait l'absence d'élément intentionnel, la Cour d'Appel a violé l'article L 8221-5 du Code du Travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la clause de non concurrence prévue dans le contrat de travail de Monsieur X... n'était pas régulière et d'avoir, en conséquence, débouté la Société HERR EXPERTS de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de son ancien salarié en réparation du préjudice causé par la violation de ladite clause ;
AUX MOTIFS QUE la clause de non concurrence reprise au contrat de travail de Monsieur X..., rédigée en termes très généraux avec renvoi à la convention collective sans aucune précision de périmètre géographique, d'indication de durée et d'indemnité compensatrice, n'était pas régulière ; qu'en outre, il n'est nullement établi que la convention collective à laquelle renvoyait le contrat de travail ait été communiquée par l'employeur à son salarié ;
ALORS QU'est régulière la clause de non concurrence contenue dans le contrat de travail d'un salarié qui se réfère à la convention collective applicable dès lors que celle-ci précise les limitations dans le temps et dans l'espace et les modalités de calcul de la contrepartie financière ; qu'en décidant néanmoins que la clause de non concurrence reprise au contrat de travail de Monsieur X..., rédigée en termes très généraux, avec renvoi à la convention collective sans aucune précision de périmètre géographique, d'indication de durée et d'indemnité compensatrice, n'était pas régulière, la Cour d'Appel a violé l'article 66 de la Convention collective des entreprises d'expertise en matière d'évaluation industrielle et commerciale et l'article 1134 du Code Civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-41195
Date de la décision : 23/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2010, pourvoi n°09-41195


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.41195
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