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16/11/2010 | FRANCE | N°08-45012

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 novembre 2010, 08-45012


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 16 septembre 2008) que M. X..., engagé par les sociétés EDF et GDF le 3 août 1992 en qualité de monteur distribution et devenu technicien de réseaux électriques le 1er avril 1999 a été déclaré coupable, par jugement du 29 juin 2004, de dégradations volontaires commises dans les locaux d'une agence EDF et condamné à payer des dommages-intérêts à son employeur ; que des poursuites disciplinaires ont également été engagées contre lui ; qu'après avis donné par

les membres de la commission secondaire du personnel, le directeur de l'établi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 16 septembre 2008) que M. X..., engagé par les sociétés EDF et GDF le 3 août 1992 en qualité de monteur distribution et devenu technicien de réseaux électriques le 1er avril 1999 a été déclaré coupable, par jugement du 29 juin 2004, de dégradations volontaires commises dans les locaux d'une agence EDF et condamné à payer des dommages-intérêts à son employeur ; que des poursuites disciplinaires ont également été engagées contre lui ; qu'après avis donné par les membres de la commission secondaire du personnel, le directeur de l'établissement EDF-GDF Distribution Corrèze-Cantal dont il dépendait, lui a notifié le 29 décembre 2004, la sanction de mise à la retraite d'office ; qu'il a formé un recours interne contre cette décision ; qu'après avis de la commission supérieure nationale du personnel, le directeur des ressources humaines de la société EDF et le directeur des relations sociales de la société GDF lui ont notifié, le 5 mai 2006, une sanction de rétrogradation en groupe fonctionnel 2, sans effet rétroactif ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire, de reconstitution de carrière, de dommages-intérêts pour rupture abusive et pour préjudice moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à faire condamner l'employeur à lui verser un rappel de salaires et des dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors, selon le moyen,
1°/ que la mise à la retraite d'office, qui s'analyse en un licenciement pour faute grave, a pour effet de rompre le contrat de travail de l'intéressé ; que dès lors et sauf à considérer qu'un nouveau contrat de travail se trouverait formé, toute atténuation de cette sanction, à la suite de l'exercice par le salarié des voies de recours internes, lesquelles n'ont pas d'effet suspensif, a nécessairement un effet rétroactif ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles 145 et 3315, alinéa 2, de la circulaire Pers. n°846 du 16 juillet 1985 ;
2°/ que même lorsque le salarié a agi sous l'emprise de l'alcool, la faute grave doit être écartée lorsque les agissements de celui-ci s'expliquent par les troubles psychiatriques dont il fait l'objet et non par une volonté de provocation ou de désordre ; qu'en l'espèce, M. X... qui versait aux débats plusieurs certificats médicaux de ses médecins traitants, exposait que les dégradations dont il s'était rendu coupable et dont il ne contestait pas la matérialité, comme au demeurant son éthylisme, s'expliquaient par un syndrome dépressif grave notamment consécutif à une agression physique dont il avait fait l'objet, sur le lieu de travail, par ses collègues de travail ; qu'en décidant que la mise à la retraite d'office initialement prononcée était justifiée sans prêter attention à ces différents éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 3115 de la circulaire Pers. n°846 du 16 juillet 1985, ensemble les articles L. 1231-1, L.1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;
3°/ qu'aux termes de l'article 22 § 6 du Statut des industries électriques et gazières, lequel s'applique à tout agent en arrêt de travail pour maladie, « l'agent frappé d'une incapacité de travail en dehors de son domicile habituel et du champ d'application territorial du service ou de l'exploitation à laquelle il appartient, relève du directeur de service ou de l'exploitation de gaz et d'électricité de France où il se trouve immobilisé » ; qu'en l'espèce, il a toujours été constant et non contesté que, depuis 2003, M. X..., qui est en arrêt de travail depuis le 29 novembre 2001, réside au Puy-en-Velay et ce, en raison de l'absence en Corrèze de toute structure spécialisée pouvant en prendre en charge sa maladie ; qu'ainsi et depuis 2003, M. X... ne relève plus de l'autorité du directeur d'EDF-GDF services Corrèze, si bien que celui-ci était incompétent pour prononcer à son encontre, le 29 décembre 2004, une mise à la retraite d'office ; qu'en affirmant néanmoins que la sanction était justifiée, la cour d'appel a violé l'article 22 § 6 du Statut des industries électriques et gazières ;
Mais attendu que le moyen, irrecevable en sa première branche comme proposant une argumentation incompatible avec celle qui avait été développée devant les juges du fond, et dans sa troisième branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, ne tend, pour le surplus, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur et de la portée des éléments de fait et des preuves qui leur étaient soumis ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour reconstitution de carrière, pour préjudice matériel connexe et pour préjudice moral, alors, selon le moyen :
1°/ que le seul fait, pour un salarié ayant plus de dix ans d'ancienneté, d'avoir été absent à plusieurs reprises, pour de courtes durées ne saurait, même si certaines de ces absences n'étaient pas justifiées, expliquer le retard pris par celui-ci dans sa carrière ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
2°/ que le fait d'avoir été sanctionné, une fois en douze ans de relations de travail, pour ne pas avoir effectué une tâche qui lui avait été confiée, ne saurait pas davantage expliquer, ni moins encore justifier le retard pris dans sa carrière ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L.1134-1 du code du travail ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel, il faisait valoir que l'absence ayant donné lieu à un rappel à l'ordre en 1996 était justifiée par le fait qu'il se trouvait alors hospitalisé, le bulletin d'hospitalisation ayant au demeurant été versé aux débats aux débats ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, par motifs propres et adoptés, retenu que la différence constatée entre l'évolution de la carrière de M. X... et celle de ses collègues ayant une ancienneté comparable à la sienne s'expliquait par des insuffisances et des manquements réguliers et graves de l'intéressé à ses obligations professionnelles ; qu'elle a pu en déduire que la disparité invoquée était justifiée par des raisons objectives ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à faire condamner la société EDF-GDF à lui verser la somme de 22.123,86 € à titre de rappel de salaires, de 17.500 à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal correctionnel a retenu la culpabilité de Nicolas X..., excluant toute atténuation de responsabilité ; que les faits ont été commis en dehors de l'exercice de sa profession mais, s'agissant du saccage des locaux professionnels, l'intention de nuire à l'employeur n'apparaît pas contestable ; que, dès lors, la mise à la retraite d'office ne paraît pas une sanction excessive et, si l'employeur a finalement fait preuve de bienveillance en ne prononçant qu'une rétrogradation, le salarié ne saurait en tirer argument pour soutenir que son employeur aurait ainsi reconnu que la sanction initiale était excessive ; que dans ces conditions il était loisible à l'employeur de ne pas donner d'effet rétroactif à la sanction de rétrogradation, ce qui ne permet pas à Nicolas X... de réclamer le paiement d'un salaire entre la notification de la mise à la retraite d'office et celle de la rétrogradation ; que, la sanction de mise à la retraite d'office n'étant pas critiquable, elle ne peut pas engager la responsabilité de l'employeur à raison du préjudice moral et matériel qu'elle aurait causé à son salarié ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la mise à la retraite d'office, qui s'analyse en un licenciement pour faute grave, a pour effet de rompre le contrat de travail de l'intéressé ; que dès lors et sauf à considérer qu'un nouveau contrat de travail se trouverait formé, toute atténuation de cette sanction, à la suite de l'exercice par le salarié des voies de recours internes, lesquelles n'ont pas d'effet suspensif, a nécessairement un effet rétroactif ; qu'en jugeant l'inverse, la Cour d'appel a violé les articles 145 et 3315 alinéa 2 de la circulaire Pers. n°846 du 16 juillet 1985 ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE même lorsque le salarié a agi sous l'emprise de l'alcool, la faute grave doit être écartée lorsque les agissements de celui-ci s'expliquent par les troubles psychiatriques dont il fait l'objet et non par une volonté de provocation ou de désordre ; qu'en l'espèce, Monsieur X..., qui versait aux débats plusieurs certificats médicaux de ses médecins traitants, exposait que les dégradations dont il s'était rendu coupable et dont il ne contestait pas la matérialité, comme au demeurant son éthylisme, s'expliquaient par un syndrome dépressif grave notamment consécutif à une agression physique dont il avait fait l'objet, sur le lieu de travail, par ses collègues de travail ; qu'en décidant que la mise à la retraite d'office initialement prononcée était justifiée sans prêter attention à ces différents éléments, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 3115 de la circulaire Pers. n°846 du 16 juillet 1985, ensemble les articles L. 1231-1 (ex L. 122-14-3), L. 1234-1 (ex L. 122-6) et L. 1234-5 (ex L. 122-8) du Code du travail ;
ALORS, AU SURPLUS, QU'aux termes de l'article 22 § 6 du Statut des industries électriques et gazières, lequel s'applique à tout agent en arrêt de travail pour maladie, « l'agent frappé d'une incapacité de travail en dehors de son domicile habituel et du champ d'application territorial du service ou de l'exploitation à laquelle il appartient, relève du directeur de service ou de l'exploitation de gaz et d'électricité de France où il se trouve immobilisé » ; qu'en l'espèce, il a toujours été constant et non contesté que, depuis 2003, Monsieur X..., qui est en arrêt de travail depuis le 29 novembre 2001, réside au Puy en Velay et ce, en raison de l'absence en Corrèze de toute structure spécialisée pouvant en prendre en charge sa maladie ; qu'ainsi et depuis 2003, Monsieur X... ne relève plus de l'autorité du directeur d'EDF-GDF services Corrèze, si bien que celui-ci était incompétent pour prononcer à son encontre, le 29 décembre 2004, une mise à la retraite d'office ; qu'en affirmant néanmoins que la sanction était justifiée, la Cour d'appel a violé l'article 22 § 6 du Statut des industries électriques et gazières.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande d'indemnité pour reconstitution de carrière, de dommages-intérêts pour préjudice matériel connexe et de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE Nicolas X... ne peut pas prétendre à une évolution de carrière correspondant à la moyenne de ses collègues ayant une ancienneté comparable à la sienne s'il est établi que sa manière de servir présente des insuffisances ou qu'il a fait l'objet de sanctions disciplinaires ; que Nicolas X... a fait l'objet d'une observation écrite de son supérieur hiérarchique le 12 décembre 1996 pour des absences injustifiées et d'un avertissement du 10 juin 1999 pour une absence injustifiée constatée le même jour, laquelle faisait suite à plusieurs autres ; que son supérieur hiérarchique, Alain Y... signale que dans le courant de l'année 2000 Nicolas X... lui a demandé à être intégré dans le groupe exploitation et à se voir confier d'autres tâches que celles de monteur, qu'il lui a proposé un travail de préparation et de consignation mais que le travail confié le premier jour n'a pas été réalisé et qu'une procédure disciplinaire a été engagée ; que le comportement professionnel de Nicolas X... ayant donné lieu à critique, il n'est pas fondé à se plaindre d'un préjudice de carrière ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le seul fait, pour un salarié ayant plus de dix ans d'ancienneté, d'avoir été absent à plusieurs reprises, pour de courtes durées ne saurait, même si certaines de ces absences n'étaient pas justifiées, expliquer le retard pris par celui-ci dans sa carrière ; qu'en affirmant l'inverse, la Cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 (anciennement L. 122-45 alinéa 1) et L. 1134-1 (anciennement article L. 122-45 alinéa 4) du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le fait pour Monsieur X... d'avoir été sanctionné, une fois en douze ans de relations de travail, pour ne pas avoir effectué une tâche qui lui avait été confiée, ne saurait pas davantage expliquer, ni moins encore justifier le retard pris par celui-ci dans sa carrière ; qu'en affirmant l'inverse, la Cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 (anciennement L. 122-45 alinéa 1) et L. 1134-1 (anciennement article L. 122-45 alinéa 4) du Code du travail ;
ALORS, EN OUTRE, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 21 § 4 et 5), Monsieur X... faisait valoir que l'absence ayant donné lieu à un rappel à l'ordre en 1996 était justifiée par le fait qu'il se trouvait alors hospitalisé, le bulletin d'hospitalisation ayant au demeurant été versé aux débats aux débats ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 (anciennement L. 122-45 alinéa 1) et L. 1134-1 (anciennement article L. 122-45 alinéa 4) du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45012
Date de la décision : 16/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 16 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 nov. 2010, pourvoi n°08-45012


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45012
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