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10/11/2010 | FRANCE | N°09-66809

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 novembre 2010, 09-66809


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Blackmer depuis 1991, élu membre du comité d'entreprise le 24 mars 2003, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 février 2004 ; que la cour d'appel a dit que cette rupture devait s'analyser en un licenciement abusif en ce qu'elle faisait suite à une modification du contrat de travail du salarié sans son accord et a condamné la société Blackmer à diverses indemnités à ce titre ;
Sur le moyen unique pris en ses deux prem

ières branches
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Blackmer depuis 1991, élu membre du comité d'entreprise le 24 mars 2003, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 février 2004 ; que la cour d'appel a dit que cette rupture devait s'analyser en un licenciement abusif en ce qu'elle faisait suite à une modification du contrat de travail du salarié sans son accord et a condamné la société Blackmer à diverses indemnités à ce titre ;
Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas, à lui seul, de nature à justifier l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, la cour d'appel relève que le salarié a droit à une indemnité jusqu'à l'expiration de la période de protection, soit dix-sept mois de salaire ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui faisait valoir que la période d'indemnisation, expirant le 24 septembre 2005, ne pouvait courir qu'à compter de la fin de la période de préavis, le 22 mai 2004, soit pour une période de seize mois, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Vu l'article 29 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 27 avril 1973 ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la cour d'appel retient la demande du salarié sollicitant une indemnité calculée sur la base de 3/5 du salaire mensuel par année d'ancienneté ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la convention collective prévoit une indemnité de licenciement conventionnelle de 3/5ème de mois par année d'ancienneté "pour la tranche au-delà de 7 ans d'ancienneté", mais de 1/5ème de mois par année d'ancienneté "pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté", la cour d'appel a violé ladite convention ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Blackmer au paiement d'une somme de 42 807,60 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, et de 96 387,96 euros à titre de dommages-intérêt pour rupture sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 1er avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Blackmer
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société BLACKMER à payer Monsieur X... 42807,60 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 96387, 96 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse ainsi que 34019, 28 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice résultant de la rupture, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2004, ainsi que 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « Considérant que Monsieur José X... a été embauché le 7 octobre 1991 par la SAS BLACKMER en qualité de chef des ventes ;
Considérant qu'il a été élu représentant du personnel au collège cadres du comité d'entreprise le 24 mars 2003 ;
Considérant que la SAS BLACKMER a procédé à une réorganisation de ses activités au deuxième semestre 2003, passant d'une organisation par secteur géographique à une organisation par nature d'activité ;
Considérant que la SAS BLACKMER a proposé dans le cadre de cette réorganisation à Monsieur José X... une modification de ses fonctions ;
Considérant que ce dernier a refusé cette modification ; il a remis à Monsieur Michel André Y... le 23 février 2004 un courrier rédigé de la façon suivante :
« Je vous confirme par la présente ma démission à compter de ce jour et conventionnellement, je me tiens à votre entière disposition pour effectuer mon préavis de trois mois » ;
Considérant qu'il a saisi le 2 septembre 2004 le conseil de prud'hommes d'AUXERRE d'une demande tendant à obtenir 47.807,606 au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 96.387,966 à titre de dommages et intérêts et 34.019,286 au titre des dommages et intérêts résultant du caractère illicite de la rupture ;
Sur les motifs du licenciement :
Considérant que si la lettre de prise d'acte n'est pas motivée, elle a été précédée par un courrier le 27 janvier 2004 ainsi rédigé :
« Pour faire suite à notre entretien du lundi 26janv.-04, je vous confirme à nouveau mon malaise quotidien au sein de la société Blackmer.
En effet, suite à la réorganisation commerciale de la société Blackmer effective au 1er janvier 04, mon poste de responsable des ventes Europe sud a été supprimé.
Dans mon précédent poste j'étais responsable en charge d'une équipe commerciale constituée de 7 commerciaux et d'une secrétaire pour couvrir commercialement, Espagne, Portugal, Italie, France sur les secteurs d'activités suivant « INDUSTRIE et PETROLE TRANSPORT », représentant un chiffre d'affaire d'environ 18 millions d'euros.
Aujourd'hui, vous me proposez et de ce fait, j'occupe un poste officiellement, depuis le 1er janvier 04, de commercial sans équipe et sans secrétaire, pour couvrir Espagne, Portugal et Italie, sur le secteur « TRANSPORT », pour un chiffre d'affaire prévisionnel de 1 million 500 milles euros, avec une dizaine de clients sur tout le territoire.
Je considère qu'un tel changement constitue une modification substantielle de mon contrat de travail, que je ne peux que refuser.
En conséquence, je vous demande de me licencier car je suis en droit de considérer mon contrat de travail comme rompu.
Cette rupture de mon contrat de travail, me donne droit au versement des indemnités de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis si celui-ci ne peut être effectué aux conditions antérieures » ; Considérant qu'il y a lieu de considérer que cette lettre constitue la véritable lettre de prise d'acte et qu'elle est valablement motivée, la seconde lettre n'en étant que la confirmation suite à de nouvelles offres de l'employeur ;
Considérant que jusqu'en octobre 2003 Monsieur José X... exerçait fonctions de responsable des ventes pour la France et l'Europe du Sud dans les secteurs d'activité industrie et pétrole transport ;
Considérant que suite au refus du salarié d'une première proposition de poste, celui-ci a finalement été affecté à compter du 1er janvier 2004 à un poste de Commercial dans le secteur transport pour l'Espagne, le Portugal et l'Italie ;
Considérant qu'il ressort de l'examen des anciens et nouveaux organigrammes que Monsieur José X... s'est trouvé placé non plus « responsable des ventes France et Europe du Sud » mais responsable au sein de la section transport, du secteur « Italie, Espagne et Portugal » ;
Considérant que bien que l'employeur soutienne sans être contredit que son lieu de travail et sa rémunération étaient restés les mêmes, il apparaît que l'activité confiée au salarié était différente et s'exerçait sur un secteur géographique plus restreint, ce qui caractérise une modification des fonctions et responsabilités de l'intéressé ;
Qu'en outre, ses allégations relatives à la composition de son équipe et à l'absence de secrétaire particulière ne sont pas sérieusement contredites ;
Considérant que la SAS BLACKMER ne pouvait modifier le contrat ou les conditions de travail d'un salarié protégé sans son accord ; que dès lors il y a lieu de dire que la rupture du contrat de travail est intervenue aux torts de l'employeur ;
Sur les conséquences de la rupture :
Considérant que nonobstant le fait que le salarié ait retrouvé du travail aussitôt, ainsi que l'explique l'employeur, Monsieur José X... a néanmoins droit, puisqu'il n'a pas demandé sa réintégration, à une indemnité de 17 mois de salaires, c'est-à-dire jusqu'à l'expiration de la période de protection, soit 96.387,96€ ;
Considérant qu'il a droit également à une indemnité de 6 mois de salaires, en raison du caractère illicite de la rupture, soit 34.019,286 ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner l'employeur à lui payer à titre d'indemnité conventionnelle la somme de 42.807,606 euros »
1. ALORS QU' en l'absence de contrat de travail écrit définissant les fonctions du salarié, l'existence d'une modification apportée par l'employeur à ces fonctions ne peut s'apprécier qu'au regard des fonctions que le salarié exerçait effectivement avant la prétendue modification dont il se prévaut; qu'en l'espèce, la société BLACKMER soutenait qu'avant le 1er janvier 2004, le salarié était en charge d'assurer la commercialisation des produits de la branche TRANSPORT sur le secteur de l'EUROPE du SUD (conclusions d'appel de l'exposante p 2 et 5); qu'en se fondant exclusivement sur la dénomination du poste de Monsieur X... figurant dans les organigrammes de la société avant et après le 1er janvier 2004, pour en déduire que ses fonctions avaient été modifiées, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, ce que recouvrait concrètement le poste de responsable des ventes EUROPE occupé par le salarié avant le 1er janvier 2004, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 2421-3 du code du travail ;
2. ALORS QU'il incombe au salarié qui invoque une modification de son contrat de travail ou un changement de ses conditions de travail, d'en rapporter la preuve ; que lorsqu'une partie a la charge de la preuve, celle-ci ne peut se déduire du silence opposé par la partie adverse ; qu'en retenant, pour dire que les fonctions de Monsieur X... avaient été modifiées sans son accord, que ses allégations relatives à la composition de son équipe et à l'absence de secrétaire particulière n'étaient pas contredites par la société BLACKMER, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3. ALORS QUE la société BLACKMER contestait le montant de l'indemnité pour violation du statut protecteur calculé par Monsieur X... en faisait valoir dans ses conclusions d'appel et pièces à l'appui (certificat de travail et attestation ASSEDIC) que le préavis de trois mois que Monsieur X... avait exécuté, qui avait débuté le 23 février 2004 après la remise de la lettre confirmant la démission, ce qu'invoquait d'ailleurs le salarié luimême (cf. ses conclusions p. 3), avait pris fin le 22 mai 2004, de sorte qu'il ne restait que 16 mois jusqu'à l'expiration de sa période de protection le 25 septembre 2004 ; qu'en retenant une période de 17 mois pour allouer au salarié une indemnité de 96 387, 96 euros de ce chef, sans répondre aux conclusions de l'exposante qui soutenait que le préavis du salarié avait expiré le 22 mai 2004 de sorte qu'il ne restait que 16 mois jusqu'à l'expiration de sa période de protection, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4. ALORS QUE l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie alloue « à l'ingénieur ou cadre licencié avant d'avoir atteint l'age de 65 ans et sans avoir commis de faute grave une indemnité distincte du préavis. La base de calcul de cette indemnité de licenciement est fixée comme suit, en fonction de la durée de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise :
- pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté ;
- pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d'ancienneté » ; que la société BLACKMER contestait le calcul de cette indemnité, effectué par le salarié qui avait appliqué un taux de 3/5 ème à la totalité de son ancienneté, en faisant valoir que « L'indemnité est égale à l/5 ème de mois pour les 7 premières années et 3/5eme de mois pour les années suivantes » (conclusions d'appel de l'exposante p 7) ; qu'en accordant au salarié la somme qu'il réclamait sans s'expliquer sur les modalités de calcul qu'elle retenait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-66809
Date de la décision : 10/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 avril 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 nov. 2010, pourvoi n°09-66809


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.66809
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