LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL X... Méditerranée était actionnaire depuis le 2 février 2003 de la société Creno, société coopérative à forme anonyme à capital variable ; que le conseil d'administration de la société Creno, réuni le 21 mars 2005, reprochant à la société X... Méditerranée divers manquements aux engagements contractés à l'égard du groupe, a décidé son exclusion à compter du 1er octobre 2005 ; que la société Creno ayant assigné la société X... Méditerranée en paiement de diverses sommes, cette dernière a reconventionnellement demandé sa condamnation au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour exclusion arbitraire et abusive, outre le remboursement de sommes payées indûment ; que la société X... Méditerranée ayant été mise en redressement judiciaire, M. Y..., mandataire judiciaire, a été appelé en cause ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 7 de la loi du 10 septembre 1947 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, les statuts des coopératives fixent les conditions d'adhésion, de retrait et d'exclusion des associés ; que ces dispositions spéciales priment sur celles générales régissant le fonctionnement des sociétés à capital variable ;
Attendu que pour dire que la décision par laquelle le conseil d'administration de la société Creno avait exclu la société X... Méditerranée était arbitraire et abusive, l'arrêt, après avoir rappelé que l'article L. 231-6 du code de commerce dispose que, dans les statuts des sociétés à capital variable il pourra être stipulé que l'assemblée générale aura le droit de décider que l'un ou plusieurs des associés cesseront de faire partie de la société, retient que cette disposition est applicable à la coopérative Creno, constituée sous la forme de société anonyme à capital variable et s'oppose à ce que ses statuts donnent pouvoir au conseil d'administration pour prononcer une telle exclusion ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 7 des statuts de la société Creno prévoyait la possibilité pour le conseil d'administration d'exclure un actionnaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le même moyen, pris en sa seconde branche, qui est recevable :
Vu l'article L. 235-1 du code de commerce ;
Attendu que pour se prononcer comme il fait, l'arrêt retient qu'il ressort de la lecture du procès-verbal de réunion du conseil d'administration que la décision d'exclure la société X... Méditerranée a été discutée et arrêtée sans que cette question soit inscrite à l'ordre du jour et portée à la connaissance de la société, de sorte qu'absente de la réunion, elle n'a pu s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la nullité des actes ou délibérations des organes d'une société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du droit des sociétés ou des lois qui régissent les contrats et qu'en conséquence l'impossibilité pour l'associé exclu de venir s'expliquer devant l'organe décidant son exclusion n'est pas une cause de nullité de la délibération ayant prononcé l'exclusion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement formée par la société Creno au titre de la part trimestrielle de cotisation d'adhésion de la société X... Méditerranée, l'arrêt retient, qu'exclue par décision du 21 mars 2005 avec effet immédiat, celle-ci ne doit pas la cotisation du troisième trimestre, le principe du paiement de la cotisation d'adhésion trimestriellement et d'avance ne pouvant recevoir application puisque l'exclusion a pris effet avant la clôture de l'exercice en cours ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'article 7 des statuts de la société Creno stipulait que les décisions d'exclusion au cours d'un exercice social ne prennent effet qu'au jour de la clôture de cet exercice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a infirmé le chef du jugement portant désignation d'un expert afin de déterminer la valeur de rachat des 400 actions de la société Creno détenues par la société X... Méditerranée le 30 mars 2005, l'arrêt rendu le 13 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société X... Méditerranée et M. Y..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Creno
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement attaqué en ce qu'il a dit et jugé que l'exclusion de la SARL X... MEDITERRANEE prononcée par le Conseil d'administration de la SA CRENO, pour des motifs non justifiés, et sans respecter les droits de la défense, est arbitraire et abusive ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 52, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1867, codifié à l'article L. 231-6 du code de commerce, dispose que, dans les statuts des sociétés à capital variable « il pourra être stipulé que l'assemblée générale aura le droit de décider… que l'un ou plusieurs des associés cesseront de faire partie de la société » ; Attendu que cette disposition est applicable à la coopérative CRENO constituée sous la forme de société anonyme à capital variable ; Attendu que si l'article 7 de la loi du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération, dispose que les statuts des coopératives « fixent les conditions d'adhésion, de retraite et d'exclusion des associés », sans d'ailleurs indiquer l'organe décisionnel compétent, l'article L. 231-6 du code de commerce s'oppose à ce que les statuts d'une société anonyme à capital variable donnent pouvoir au conseil d'administration de prononcer une telle exclusion ; Attendu en conséquence que la décision d'exclure la SA X... de l'actionnariat de la SA CRENO, pris le 21 mars 2005 par le conseil d'administration dépourvu de la compétence nécessaire, est nulle ; Qu'elle l'est d'autant plus, qu'il ressort de la lecture du procès-verbal de réunion du conseil qu'elle a été discutée et arrêtée après le vote des administrateurs sur les démissions en tant qu'adhérents de CRENO de deux autres sociétés du groupe X..., les sociétés POISSONNERIE CENTRALE et X... NÎMES, sans que la question de l'exclusion de la SARL X... MEDITERRANEE ne soit inscrite à l'ordre du jour et n'ait été portée à sa connaissance, de sorte qu'absente de la réunion, elle l'a pu s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur le fond : Attendu que les articles L. 231-1 et suivants (dispositions communes aux sociétés commerciales à capital variable) sont applicables à la SA CRENO ; Attendu que l'article L. 231-6 stipule (Loi du 24 juillet 1867 Art 52) : « que l'assemblée générale a le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts, que l'un ou plusieurs des associés cessent de faire partie de la Société » ; Attendu qu'il s'ensuit, comme l'a confirmé la Cour de cassation (26 janvier 1981), que cette disposition de la loi s'oppose logiquement à ce que les statuts d'une SA coopérative à capital variable donnent pouvoir au Conseil d'administration de prononcer une telle exclusion ; Attendu que c'est le Conseil d'administration de la SA CRENO, réuni le 21 Mars 2005 qui a prononcé l'exclusion de la SARL X... MEDITERRANEE avec remboursement de parts sociales ; Sur la forme : Attendu que cette décision d'exclusion n'a été précédée ni d'une mise en demeure adressée à la SARL X... MEDITERRANEE afin qu'elle puisse rectifier ou modifier ce qui lui était reproché, ni par une convocation pour assurer sa défense ; Attendu que le Tribunal relève en outre que l'ordre du jour très laconique du Conseil d'Administration du 21 Mars 2005 ne permettait pas de déceler que le point n° 2 intitulé BALICCO/ POISSONNERIE CENTRALE puisse également concerner la SARL X... MEDITERRANEE et encore moins que celle-ci puisse faire l'objet de reproches et surtout que le Conseil d'Administration pouvait statuer sur l'exclusion de la SARL X... MEDITERRANEE, alors que sournoisement, seule la SARL POISSONNERIE CENTRALE, Société gérée par M. X... Joachim, semblait être concernée par cet ordre du jour par suite de la décision de démissionner prise par cette dernière ; Sur les faits : Attendu que le Tribunal ne relève dans les pièces versées aux débats le moindre reproche que la SA CRENO, ses adhérents ou des tiers auraient pu formuler à l'encontre de la SARL X... MEDITERRANEE ; Attendu que les reproches formulés par la SA CRENO ne sont étayés, par aucune pièce, que bien au contraire les pièces versées aux débats ne concernent pas directement la SARL X... MEDITERRANEE, à savoir : - l'absentéisme de M. X... Joachim (page 11 CRR) aux réunions est proclamé mais non justifié, - le débordement de M. X... Joachim à l'occasion de l'opération suicide CLEMENVILLA n'est pas justifié, bien au contraire M. X... Joachim par sa lettre du 23 décembre 2004 apporte une critique constructive, ce qui sous entend son intérêts d'appartenance au « réseau CRENO » (pièce 16), - la concurrence déloyale (page 12 CCR), là aussi, n'est pas rapportée, bien au contraire M. X... Joachim soutient dans son courrier du 27 janvier 2006 (coquille pour 2005) que : l'enseigne CRENO ne doit pas être discréditée sur le terrain par des luttes intestines entre adhérents ce qui est une critique constructive et une marque d'intérêt d'appartenance à l'enseigne « CRENO » (pièce 17), - périmètre de prospection et d'attribution : le désir ainsi exprimé de M. X... Joachim ne peut en aucun cas s'analyser comme devant être la mise en place d'un cartel pour organiser une concurrence fictive ou déloyale, dès lors que divers compétiteurs et d'autres enseignes comparables à celle de « CRENO » exercent dans le VAR comme dans les BOUCHES DU RHONE (pièce 18), - le manque de respect des clients Grands Comptes : Ce reproche excipé d'une lettre de SODHEXO France datée du 4 décembre 2000 ne peut concerner la SARL X... MEDITERRANEE dès lors qu'elle était adressée d'une part à la SA X... et d'autre part à une date nettement antérieure à celle de l'adhésion de la SARL X... MEDITERRANEE au groupement « CRENO » (pièce 20), - « propos dénigrants » du 2 Mars 2005 : cette affirmation précisée par lettre de la SAS CRENO IMPEX datée du 18 Mars 2005 n'est étayée par aucun témoignage, de plus adressée aux « ETS X... SA » sis à la ROQUETTE sur SIAGNE, surabondamment cette lettre n'en formule pas pour autant ses reproches à la SARL X... MEDITERRANEE entité distincte comme rappelé ci avant (pièce 21) ; Le Tribunal ne pourra que constater l'absence totale de justification des reproches dont fait état la SA CRENO à l'encontre de son actionnaire la SARL X... MEDITERRANEE ; Attendu qu'il y a lieu dès lors de déclarer et juger que la décision du Conseil d'administration réuni le 21 Mars 20054 d'exclure la SARL X... MEDITERRANEE n'a pas été prise dans le respect des règles de droit, ni des dispositions de l'Article 7-3 des Statuts, que les motifs invoqués n'étaient pas justifiés, de même que le droit à se défendre de la SARL X... MEDITERRANEE a été particulièrement bafoué ; Attendu qu'il y a lieu en conséquence de constater et juger que la décision d'exclusion, votée par le Conseil d'administration de la SA CRENO, est constitutive d'abus de droit au préjudice de la SARL X... MEDITERRANEE et que la SA CRENO doit réparation, sans partage, de tous les préjudices pouvant découler de cette exclusion abusive » ;
ALORS D'UNE PART QUE les statuts des coopératives fixent les conditions d'adhésion, de retrait et d'exclusion des associés ; que le conseil d'administration d'une coopérative à capital variable est compétent pour prononcer l'exclusion d'un de ses associés si ses statuts le prévoient ; que l'article 7 des statuts de la société CRENO prévoyait la possibilité pour le conseil d'administration d'exclure un actionnaire ; qu'en décidant pourtant que la décision d'exclusion de la société X... MEDITERRANEE était nulle en retenant que le conseil d'administration de la société CRENO n'était pas compétent pour la prononcer, la cour d'appel a violé l'article 7 de la loi du 10 septembre 1947 ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la nullité des actes ou délibérations des organes d'une société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du droit des sociétés ou des lois qui régissent le contrat ; que la violation des droits de la défense et l'absence de justes motifs d'exclusion, à les supposer établis, ne sont pas une cause de nullité de la délibération ayant prononcé l'exclusion d'un associé mais justifient uniquement, le cas échéant, l'allocation de dommages-intérêts ; que la cour d'appel, a pourtant prononcé la nullité de la délibération du conseil d'administration de la société CRENO ayant exclu la société X... MEDITERRANEE de son actionnariat au prétexte d'une prétendue violation des droits de la défense et de l'absence de justes motifs d'exclusion, en violation de l'article L. 235-1 du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement attaqué en ce qu'il a dit que la SA CRENO n'a pas à percevoir la cotisation fixe du 3ème trimestre 2005 et d'avoir, en conséquence, débouté la SA CRENO de sa demande tendant au paiement de la facture du 20 juin 2005 d'un montant de 1 871, 14 € ;
AUX MOTIFS QUE « la SA BALICO MEDITERRANEE ayant été exclue par décision du 21 mars 2005 ayant pris effet immédiatement puisque la SA CRENO IMPEX l'a rayée des crénistes dès le 5 avril 2005, elle ne doit pas la cotisation du troisième trimestre d'un montant de 1 871,14 euros dont le paiement lui a été réclamé par facture du 20 juin 2005 N° VE05060146, le principe du paiement de la cotisation d'adhésion trimestriellement et d'avance ne pouvant recevoir application alors que l'exclusion a pris effet avant la clôture de l'exercice en cours en méconnaissance des statuts » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « si la cotisation d'adhésion est due statutairement jusqu'au terme de l'exercice en cours (30 septembre 2005), il n'en reste pas moins que la SARL X... MEDITERRANEE, par suite de son exclusion n'a pu bénéficier des droits et prestations attachés à cette adhésion ; Attendu que cette exclusion est entachée d'un abus de droit, le Tribunal limitera le droit de la SA CRENO à percevoir la cotisation fixe d'adhésion jusqu'au 30 Mars 2005 et déboutera la SA CRENO de sa demande pour le 3ème trimestre 2005 » ;
ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'il résulte de l'article 14 du règlement intérieur de la société CRENO relatif aux modalités de versement de la cotisation annuelle que celle-ci « est payable trimestriellement et d'avance » ; qu'il en résulte que la société X... MEDITERRANEE était redevable de la totalité de la cotisation annuelle décidée par le conseil d'administration pour l'exercice courant du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005 ; qu'en refusant cependant d'appliquer cette stipulation en constatant que « la SA X... MEDITERRANEE ayant été exclue par décision du 21 mars 2005 ayant pris effet immédiatement puisque la SA CRENO IMPEX l'a rayée des crénistes dès le 5 avril 2005 » sans caractériser en quoi la décision prise par un tiers puisse justifier que les parties n'appliquent pas leur contrat, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du Code civilLe greffier de chambre