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09/11/2010 | FRANCE | N°09-41898

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 novembre 2010, 09-41898


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 16 janvier 2009), que Mme X..., veuve Y... a, par acte notarié du 26 septembre 2003, donné en location-gérance à M. Z... et Mme A... à compter du 1er octobre 2003 un fonds de station-service à Besançon, pour une durée de trois mois renouvelable par tacite reconduction de six mois en six mois ; que M. Z... et Mme A... ont notifié le 23 juin 2005 à Mme Y... leur décision de ne pas renouveler le contrat ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'ho

male de demandes sur le fondement de l'article L. 781-1-2° du code du t...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 16 janvier 2009), que Mme X..., veuve Y... a, par acte notarié du 26 septembre 2003, donné en location-gérance à M. Z... et Mme A... à compter du 1er octobre 2003 un fonds de station-service à Besançon, pour une durée de trois mois renouvelable par tacite reconduction de six mois en six mois ; que M. Z... et Mme A... ont notifié le 23 juin 2005 à Mme Y... leur décision de ne pas renouveler le contrat ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale de demandes sur le fondement de l'article L. 781-1-2° du code du travail recodifié sous les numéros L. 7321-1 et L. 7321-2, 2°, a) ;
Attendu que M. Z... et Mme A... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir requalifier une situation en une relation de travail et de leurs demandes résultant de cette requalification alors, selon le moyen :
1°/ que, s'agissant d'un débat portant sur la qualification de la situation des locataires gérants par rapport à une relation de travail qu'ils invoquaient, il appartient au juge de se prononcer en connaissance de cause notamment sur le point essentiel de savoir ce qu'il en est de revenus provenant de la vente des produits pétroliers et des recettes des activités annexes afin d'apprécier si ces dernières constituent un apport négligeable ou non et de pouvoir définir le degré de dépendance économique ; que les appelants faisaient valoir que c'était Mme Y... qui détenait la comptabilité, qu'ils ne pouvaient dès lors la verser aux débats et ils produisaient une lettre émanant de leur compagnie d'assurance selon laquelle il n'exerçait aucune activité secondaire génératrice de plus de 20 % du chiffre d'affaires, les juges d'appel ajoutant que les successeurs de locataires gérants ne tiraient par jour des activités annexes que la somme dérisoire de 150 euros à 180 euros ; qu'en l'état de ces données, il appartenait au juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit applicable, d'ordonner une mesure d'instruction pour faire le point objectivement sur la répartition des recettes entre les produits pétroliers et celles des activités annexes ; qu'en refusant d'ordonner cette mesure d'instruction et en ne tranchant pas dès lors la vraie difficulté soumise à son examen, la cour méconnaît son office au regard des articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile, ensemble au regard des exigences d'un procès équitable au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que, s'agissant de la politique des prix, que les juges du fond relèvent que « si la marge bénéficiaire laissée sur les produits pétroliers peut exclure toute politique personnelle de prix et si un contrôle s'exerce sur la vente de ces carburants, les co-gérants exerçaient des activités annexes et pouvant développer d'autres, de nature à représenter une part significative de l.activité pour laquelle ils n'étaient tenus d'aucune obligation d.approvisionnement, d'aucune stratégie commerciale, d.'ucun tarif, et grâce à laquelle ils pouvaient acquérir une indépendance encouragée et une réelle liberté d.exploitation » ; qu'en refusant de faire le départ entre les activités de vente de carburant et lubrifiant où les co-gérants ne disposaient pas de réelle liberté de manoeuvre sur la détermination des prix et les profits résultant des activités annexes pour décider que n'avait pas été établie la condition relative à une absence de liberté de manoeuvre par rapport à la fixation des prix, la cour qui statue à partir de motifs inopérants et dubitatifs, ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article L.781-1 ancien, devenu les articles L. 7321-1 à 7321-4 du code du travail, la cour ayant laissé la vraie question à trancher en suspend, violant ce faisant de surcroît les articles cités au précédent élément de moyen ;
3°/ que la cour se fonde sur une motivation hypothétique en indiquant par rapport à la liberté de fixation des prix en réalité inexistante que si la marge bénéficiaire laissée sur les produits pétroliers – activité principale de la station – peut exclure toute politique personnelle de prix, et si un contrôle s'exerce sur la vente de ces carburants …, d'où une méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la liberté de détermination des prix s'agissant des activités annexes étant sans la moindre incidence sur l'existence ou non d'une telle liberté sur ce qui était principal, à savoir la vente de carburants et de lubrifiants ; qu'en décidant le contraire, la cour viole les articles L. 7321-1 à 7321-4 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, dont aucune pièce de la procédure ne fait apparaître qu'elle était saisie d'une demande tendant à ce qu'elle ordonne une mesure d'instruction, a estimé, par une appréciation des éléments de fait et des moyens de preuve qui lui étaient soumis, et sans se prononcer par des motifs hypothétiques ou dubitatifs, que M. Z... et Mme A... n'établissaient, ni que la proportion des recettes de la station-service provenant des activités annexes était négligeable, ni que cette proportion avait pour conséquence d'exclure toute politique personnelle de prix ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour M. Z... et Mme A....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Z... et Madame A... de leurs demandes tendant à voir requalifier une situation en une relation de travail et d'avoir débouté les susnommés de leurs demandes résultant de cette requalification.
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L 781-1 ancien, devenu L. 7321-1 à L. 7321-4 du Code du travail, d'une part, les dispositions dudit code qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes où à recevoir des objets à traiter, manutentionner, transporter, pour le compte d'une seule entreprise individuelle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise, d'autre part, que dès lors que les conditions sus-énoncées sont en fait réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du Code du travail sont applicables sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'un lien de subordination ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE la demande de Monsieur Z... et de Madame A... tend, non pas à la nullité du contrat, mais à sa qualification en contrat de travail puisqu'il s'agit de lui faire produire de tels effets ; qu'une telle requalification est possible quelle que soit la volonté conventionnellement exprimée et même s'il existe une présomption d'activité non salariée dans le cas, qui est celui de Monsieur Z..., d'inscription au RCS, dès lors que l'intéressé est placé dans un lien de subordination juridique permanent à l'égard de son donneur d'ordre ou à défaut dans un lien de subordination économique ; que cette subordination économique existe pour une activité exercée à titre principal lorsque les conditions édictées par l'article susvisé sont cumulativement remplies, à savoir la fourniture par l'entreprise du local, l'exclusivité ou la presque exclusivité des fournitures, l'imposition par cette entreprise des conditions d'exploitation et des prix ; que s'il est admis que l'activité était exercée à titre principal dans un local appartenant à Madame Y..., si donc la première condition est remplie, ce qui n'est pas contesté, il n'en est pas de même pour les deux autres ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE les stipulations contractuelles faisaient bien obligation aux cogérants de distribuer des carburants fournis en totalité et des lubrifiants fournis à 75 % par Madame Y... mais leur donnaient aussi le libre choix des fournisseurs pour tous les autres produits commercialisés dans les «rayons bazars, nouveautés et articles alimentaires», ainsi que le libre choix des services à offrir en conformité avec la désignation du fonds ce qui aux termes de l'article I comprend les produits destinés à l'entretien des véhicules, les lavages, vidanges, graissages, petits dépannages et même toutes activités de diversification après accord préalable ; qu'il faudrait pouvoir distinguer les revenus provenant de la vente des produits pétroliers, des recettes des activités annexes afin de pouvoir apprécier si ces dernières constituent un apport négligeable ou non et de pouvoir définir le degré de dépendance économique ; que les premiers juges avaient reproché à cet égard aux appelants de ne pas avoir communiqué leur comptabilité ; qu'ils ne la versent toujours pas aux débats, soutenant, sans preuve, qu'elle est détenue par Madame Y... alors que le contrat prévoit bien qu'ils devaient tenir la comptabilité et conserver entre leurs mains les livres afférents au fonds ; qu'en l'absence de cet élément de preuve dont la production leur incombe, les cogérants ne peuvent tirer aucune déduction de la lettre émanant de leur compagnie d'assurance selon laquelle ils n'exercent aucune activité secondaire génératrice de plus de 20 % du chiffre d'affaires alors que cette indication ne repose que sur leur propre déclaration, alors que selon la "déclaration de début d„activité non salariée» remplie par eux, la rubrique «activités secondaires» faisait référence à des ventes de boissons, confiserie et gaz, alors que la lettre susvisée de l'assureur inclut dans les activités principales : « le commerce... de produits pour véhicules automobiles, bateaux, avions, stations-services, sans pièces détachées», alors que leur successeur atteste que le chiffre d'affaires de l'activité boutique est de 150 euros à 180 euros par jour ; qu'en ce qui concerne les activités contractuellement autorisées de graissage, vidange, lavage, petit dépannage, aucun élément ne permet de savoir si la station était équipée d'un atelier et d'une aire de lavage ; qu'il est néanmoins certain qu'elle disposait d'un pont-élévateur puisque Monsieur Z... prétend, sans en justifier, qu'il était en panne ; que si certaines friandises, boissons, aliments, étaient acquis grâce à la carte "METRO" de Madame Y..., carte d'accès à un magasin pratiquant un niveau de prix intéressant, ils étaient débités sur le compte de la titulaire de la carte et refacturés aux gérants ; que si quelques factures ont été émises par des fournisseurs ou des prestataires de services au nom de Madame Y... et refacturées aux cogérants, pour des produits de la boutique ou pour des réparations, il n'en demeure pas moins que les cogérants auraient pu, en toute liberté, s'ils y avaient trouvé leur intérêt, acquérir les mêmes marchandises, bénéficier des mêmes services auprès de tout autre cocontractant de leur choix ; qu'aucune preuve n'est davantage apportée au soutien des allégations des appelants selon lesquelles :
- Madame Y... leur imposait une politique commerciale publicitaire alors que seule la SA TOTAL se manifestait par des pratiques de fidélisation ;
- outrepassait le pouvoir de consultation de la comptabilité, de surveillance des locaux, de vérification de la souscription d'un contrat d'assurance exercé dans le cadre de la location-gérance ;
- fixait les prix alors que pour les carburants ils étaient "conseillés par la société TOTAL" et pouvait osciller "en plus ou en moins selon la concurrence et l.environnement" et que pour les lubrifiants, seules les modalités du prix d'achat par les cogérants et non celles des prix de revente par eux étaient précisées par le contrat ;
- s'immisçait quotidiennement dans leur gestion, par le paiement par Madame Y... de certaines charges d'exploitation, refacturées ensuite, faute de changement de titulaire de l'abonnement (eau, EDF, téléphone) ne suffit pas à démontrer pas plus que l'ouverture d'un compte bancaire réservé aux opérations avec le pétrolier, générateur de frais refacturés conformément à une clause contractuelle ;
AUX MOTIFS ENFIN QUE les cogérants ne démontrent par aucune pièce que Madame Y... décidait des horaires, des jours d'ouverture ou de fermeture, embauchait le personnel de remplacement, réglementait l'hygiène et la sécurité à leur place ; que si la marge bénéficiaire laissée sur les produits pétroliers peut exclure toute politique personnelle de prix et si un contrôle s'exerce sur la vente de ces carburants, les cogérants exerçaient des activités annexes et pouvaient en développer d'autres, de nature à représenter une part significative d'activité pour laquelle ils n'étaient tenus d'aucune obligation d'approvisionnement d'aucune stratégie commerciale, d'aucun tarif et grâce à laquelle ils pouvaient acquérir une indépendance encouragée et une réelle liberté d'exploitation ; qu'ainsi, les dispositions du Code du travail ne peuvent bénéficier aux appelants, deux des conditions de l'article L 781-1 ancien, devenu L. 7321-1 à L. 7321-4 n'étant pas remplies ;
ET AUX MOTIFS QUE, à les supposer adoptés des premiers juges, qu'il est de jurisprudence constante que, si l'inscription du locataire gérant au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers fait présumer qu'il n'est pas lié par un contrat de travail, il est toujours possible pour celui-ci de demander la requalification de son contrat en contrat de travail, l'article L. 781-1 2ème du Code du travail, lorsque les conditions qui y sont énumérées sont réunies, assimilant à des contrats de travail des situations qui ne font pas apparaître naturellement un lien de subordination.
Qu'il importe de relever d'une manière générale que la dépendance économique du locataire gérant par rapport à la société distributrice qui lui fournit le carburant, caractérisée par de multiples suggestions au regard de l'approvisionnement, des conditions d'exploitation et de commercialisation pouvant aller jusqu'à l'exigence d'une tenue vestimentaire sur certains fournisseurs de produits pétroliers, peut être telle qu'elle crée une situation s'apparentant à une véritable subordination juridique ; qu'il devient donc factice d'effectuer la distinction voulue par Madame Y... entre dépendance économique et subordination juridique, observations faites, au demeurant, que la jurisprudence n'hésite pas à recourir, à l'occasion de litiges de cette nature, à l'expression ainsi exprimée «situation de dépendance et de subordination économique et juridique », que ce faisant la juridiction s'appliquera donc essentiellement à rechercher si les critères de mise en oeuvre de l'article L. 781-1 2ème du Code du travail sont ou non réunies au cas d'espèce afin de déterminer si Monsieur Z... et Madame A... peuvent prétendre au bénéfice de la législation du travail ; que ces conditions, qui peuvent être remplies cumulativement, peuvent être énumérées de la sorte :
- fourniture de local ;
- lien exclusif ou quasi-exclusif entre le locataire gérant et l'entreprise industrielle et commerciale ;
- conditions et prix imposés par l'entreprise distributrice.
AUX MOTIFS ENCORE, s'agissant de la première des conditions visées ci-dessus, QUE Madame Y... était propriétaire des lieux dont s'agit et qu'elle en avait gardé juridiquement la jouissance, se contentant de mettre ceux-ci à la disposition des locataires gérants pour qu'ils puissent y exercer leur activité, cette condition est donc remplie ; qu'en ce concerne la deuxième condition, il est jugé que le gérant doit, soit recevoir exclusivement ou quasi-exclusivement des marchandises d'une seule entreprise, soit agir exclusivement pour le compte d'une seule entreprise ; qu'il résulte des clauses du contrat de location gérance que Monsieur Z... et Madame A... devaient vendre uniquement des carburants fournis par Madame Y... et que les lubrifiants vendus devaient être acquis à concurrence de 75 % auprès de cette dernière ; que l'article II 2ème du contrat stipulait par ailleurs que l'exploitant a le libre choix de ses fournisseurs pour tous les autres produits qu'il commercialise ainsi que le choix des services qu'il offre à la clientèle ; que le contrat de location gérance désigne de la manière suivante les activités du fonds de commerce mis à la disposition des demandeurs : « distribution d.hydrocarbures et autres sources d.énergie à titre principal ; la vente de produits et articles destinés à l.entretien et au fonctionnement des véhicules automobiles, en particulier le lubrifiant, avec exécution de prestations de services concernant les véhicules automobiles, notamment lavage, vidange, graissage et petits dépannages, ainsi que toutes activités de services, telles que rayon bazar, nouveautés et articles alimentaires » ;
AUX MOTIFS AUSSI, des premiers juges, QUE Madame Y... souligne que l'extrait Kbis produit aux débats mentionne que l'activité exercée par Monsieur Z... et Madame A... consistait en «vente de carburants, vente de boissons, confiserie, gaz» ; qu'elle fait observer aussi, sans qu'un démenti formel n'ait été apporté par les demandeurs, que la station-service était équipée d'une baie avec pont élévateur et atelier ; qu'une telle installation était de nature à permettre la réalisation de prestations de service, telles que notamment la vidange de véhicules automobiles ; qu'au demeurant si le contrat de location-gérance fait référence à la possibilité de réaliser des prestations concernant les véhicules automobiles, en les énumérant ainsi : « lavage, vidange, graissage et petits dépannages », force est d'admettre qu'une installation compatible avec ce genre d'activité devait alors exister ; que les demandeurs font valoir notamment, au titre des éléments susceptibles de caractériser leur état de subordination par rapport à la propriétaire du fonds de commerce, que les friandises, boissons, sandwichs, DVD et autres denrées alimentaires et non alimentaires vendus par la station étaient achetés avec la carte « métro » mise à leur disposition par Madame Y... ; que toutefois, alors qu'il n'est pas contesté que cette carte permettait seulement l'accès au magasin de vente en gros dénommé «Métro», mais ne constituait nullement un moyen de paiement, il ne peut être soutenu que par ce procédé Madame Y... contrôlait l'approvisionnement en marchandises diverses effectué par les locataires-gérants ; pour ce qui concerne les achats d'huile et de lubrifiants, si la fourniture exclusive ou quasi-exclusive de ces produits par Madame Y... a pu en pratique s'instaurer, cette situation a de toute évidence résulté de ce que, comme le souligne la défenderesse, Monsieur Z... et Madame A... ont pu de la sorte bénéficier des conditions tarifaires privilégiées qui lui étaient accordées ; qu'il n'était en tout cas pas interdit à ces derniers de diversifier leur mode d'approvisionnement quant à ces produits, rappel étant fait que le contrat le leur permettait à concurrence de 25 %, ce pourcentage devant a priori être compris en volume de marchandises, et non en chiffre d'affaires après revente, résultant de la comparaison entre les produits fournis par Madame Y... et ceux provenant le cas échéant d'autres sources d'approvisionnement ; qu'il importe de relever que Monsieur Z... et Madame A... n'ont pas versé aux débats les documents comptables afférents à leur activité, seuls éléments qui auraient permis en principe de déterminer la part des revenus provenant respectivement de la vente des produits pétroliers et des activités annexes ; que cette carence dans la production d'éléments de preuve, à laquelle il ne saurait être suppléé par le recours à une quelconque mesure d'instruction, prive la juridiction de la possibilité de mesurer le degré de dépendance économique dans laquelle les demandeurs étaient supposés se trouver par rapport à leur fournisseur.
AUX MOTIFS ENCORE, s'agissant du troisième critère, QU'il exige que l'activité des gérants se soit déroulée selon les « conditions et prix imposés par l.entreprise», telle qu'elle est formulée, la référence aux «conditions» est essentiellement relative aux conditions commerciales de distribution de produits plutôt qu'aux conditions de fonctionnement de l'établissement ; qu'à cet égard, aucune des situations énoncées par Monsieur Z... et Madame A... - outre que certaines ne procèdent que d'allégations non fondées- ne démontre que ceux-ci auraient été tenus de se soumettre à des instructions commerciales ou techniques, voire à des directives comptables de nature à peser sur la politique commerciale choisie par eux ; qu'ainsi, à titre d'exemples, il n'apparaît pas que les demandeurs se soient vu interdire la faculté de faire crédit, de pratiquer des ventes promotionnelles... ou toutes autres opérations de ce type caractérisant une stratégie commerciale ; que le fait, allégué par les demandeurs, que Madame Y... se soit rendue régulièrement dans le fonds de commerce est à mettre au rang des justes préoccupations de la part du propriétaire dudit fonds, qui a un intérêt évident à s'assurer que celui-ci fonctionne de façon satisfaisante et est normalement achalandé ; que Madame Y... fait valoir avec raison que les opérations ayant consisté à facturer des cartes bancaires et à déduire les chèques impayés, outre que celles-ci résultaient de stipulations contractuelles, étaient légitimes dans la mesure où elles constituaient des charges d'exploitation ; qu'en tout état de cause des telles opérations n'établissent pas que Madame Y... aurait imposé une pratique privant les gérants de toute autonomie dans l'organisation de la vente des produits pétroliers et autres marchandises ; que par ailleurs, l'article 1112 a du contrat prévoit que le locataire-gérant «déterminera librement les jours et heures d.ouverture de la station-service» ; qu'enfin il est stipulé à l'article 1-4 du contrat de location-gérance prévoyant les conditions et prix de revente des carburants que «le locataire-gérant devra déterminer son prix de vente en fonction des prix conseillés par la société TOTAL, en plus ou en moins selon la concurrence et l.environnement», tandis que l'article III 2a dispose, en ce qui concerne les produits autres que le carburant, que «le locataire-gérant fixera librement et sous sa propre responsabilité les tarifs de vente de toutes les marchandises acquises par lui ainsi que ceux des services et les conditions de paiement consenties à la clientèle à sa seule charge de respecter les prescriptions légales ou réglementaires...» ; qu'il est clair que l'expression « prix conseillés », de surcroît par la société Total qui est un tiers au contrat, ne signifie pas prix imposés, une certaine latitude ayant été laissée aux gérants dans la mesure où ils pouvaient fixer le prix en fonction de la concurrence et de l'environnement ; qu'à cet égard et contrairement à l'interprétation qui en est donnée par Monsieur Z... et Madame A..., la clause d'après laquelle «le locataire-gérant payera les lubrifiants au prix de cession du tarif revendeur au jour de la signature du présent contrat… des modifications ultérieures de ce tarif s.appliquant de plein droit» est relative au prix auquel Madame Y... leur vendait les lubrifiants et non au prix auquel ils revendaient ces mêmes produits à la clientèle ; que dès lors, il apparaît guère possible de soutenir que Madame Y... aurait imposé un prix de cession pour un quelconque des produits vendus dans la station-service tenue par Monsieur Z... et Madame A... ; que s'il est permis de penser que Monsieur Z... et Madame A..., à de multiples occasions, s'en sont remis dans la réalité à Madame Y... pour assurer la gestion des stocks de la partie «boutique» du fonds de commerce et décider du prix de revente des carburants et lubrifiants, ce procédé, qu'ils l'aient à tort ou à raison jugé profitable pour eux, ne saurait pour autant être assimilé à une emprise voulue et décidée par la propriétaire du fonds de commerce ayant abouti à une perte d'autonomie dans l'exploitation de leur activité commerciale ; qu'il s'avère en définitive que le contrat de location-gérance conclu entre Madame Y..., d'une part, Monsieur Z... et Madame A..., d'autre part, laissait à ces derniers les moyens de s'assurer une réelle indépendance économique et qu'en tant que distributeurs ils pouvaient disposer d'une réelle liberté pour l'exploitation de leur affaire, dès lors qu'il n'est pas démontré que leur profession de gérants consistait « essentiellement » à vendre des marchandises fournies « exclusivement ou presque exclusivement » par Madame Y... et que dès lors, certaines des conditions cumulativement exigées par l'article L.781-1, 2ème du Code du travail faisant défaut, Monsieur Z... et Madame A... ne peuvent prétendre au bénéfice des dispositions de cet article, si bien qu'ils seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;
ALORS QUE D'UNE PART, s'agissant d'un débat portant sur la qualification de la situation des locataires gérants par rapport à une relation de travail qu'ils invoquaient, il appartient au juge de se prononcer en connaissance de cause notamment sur le point essentiel de savoir ce qu'il en est de revenus provenant de la vente des produits pétroliers et des recettes des activités annexes afin d'apprécier si ces dernières constituent un apport négligeable ou non et de pouvoir définir le degré de dépendance économique ; que les appelants faisaient valoir que c'était Madame Y... qui détenait la comptabilité, qu'ils ne pouvaient dès lors la verser aux débats et ils produisaient une lettre émanant de leur compagnie d'assurance selon laquelle il n'exerçait aucune activité secondaire génératrice de plus de 20 % du chiffre d'affaires, les juges d'appel ajoutant que les successeurs de locataires gérants ne tiraient par jour des activités annexes que la somme dérisoire de 150 euros à 180 euros ; qu'en l'état de ces données, il appartenait au juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit applicable, d'ordonner une mesure d'instruction pour faire le point objectivement sur la répartition des recettes entre les produits pétroliers et celles des activités annexes ; qu'en refusant d'ordonner cette mesure d'instruction et en ne tranchant pas dès lors la vraie difficulté soumise à son examen, la Cour méconnaît son office au regard des articles 4 du Code civil et 12 du Code de procédure civile, ensemble au regard des exigences d'un procès équitable au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE D'AUTRE PART s'agissant de la politique des prix, que les juges du fond relèvent que « si la marge bénéficiaire laissée sur les produits pétroliers peut exclure toute politique personnelle de prix et si un contrôle s.exerce sur la vente de ces carburants, les co-gérants exerçaient des activités annexes et pouvant développer d.autres, de nature à représenter une part significative de l.activité pour laquelle ils n.étaient tenus d.aucune obligation d.approvisionnement, d.aucune stratégie commerciale, d.aucun tarif, et grâce à laquelle ils pouvaient acquérir une indépendance encouragée et une réelle liberté d.exploitation » ; qu'en refusant de faire le départ entre les activités de vente de carburant et lubrifiant où les co-gérants ne disposaient pas de réelle liberté de manoeuvre sur la détermination des prix et les profits résultant des activités annexes pour décider que n'avait pas été établie la condition relative à une absence de liberté de manoeuvre par rapport à la fixation des prix, la Cour qui statue à partir de motifs inopérants et dubitatifs, ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article L.781-1 ancien, devenu les articles L.7321-1 à 7321-4 du Code du travail, la Cour ayant laissé la vraie question à trancher en suspend, violant ce faisant de surcroît les articles cités au précédent élément de moyen.
ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, la Cour se fonde sur une motivation hypothétique en indiquant par rapport à la liberté de fixation des prix en réalité inexistante que si la marge bénéficiaire laissée sur les produits pétroliers – activité principale de la station – peut exclure toute politique personnelle de prix, et si un contrôle s'exerce sur la vente de ces carburants …, d'où une méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
ET ALORS ENFIN QUE la liberté de détermination des prix s'agissant des activités annexes étant sans la moindre incidence sur l'existence ou non d'une telle liberté sur ce qui était principal, à savoir la vente de carburants et de lubrifiants ; qu'en décidant le contraire, la Cour viole les articles L.7321-1 à 7321-4 du Code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-41898
Date de la décision : 09/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 16 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 nov. 2010, pourvoi n°09-41898


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.41898
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