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09/11/2010 | FRANCE | N°08-45283

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 novembre 2010, 08-45283


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été embauché le 2 mai 1984 par l'association AFPA comme enseignant en soudage puis à compter du 1er mai 1995, comme formateur itinérant ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires depuis 1998, de primes sur treizième mois, de dommages-intérêts pour perte de repos compensateur ;

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 20

05-32 du 18 janvier 2005 ;

Attendu que le temps habituel de trajet entre le dom...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été embauché le 2 mai 1984 par l'association AFPA comme enseignant en soudage puis à compter du 1er mai 1995, comme formateur itinérant ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires depuis 1998, de primes sur treizième mois, de dommages-intérêts pour perte de repos compensateur ;

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;

Attendu que le temps habituel de trajet entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif ; que seul le temps de trajet dépassant le temps normal du trajet d'un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel doit être rémunéré comme du temps de travail effectif ;

Attendu que pour allouer à M. X... un rappel de salaires à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que le temps de trajet mis par le salarié pour rejoindre les centres indiqués par l'employeur afin d'y prodiguer son enseignement excédait le temps de trajet nécessaire et habituel entre son domicile et son lieu d'affectation situé à Bègles, de sorte qu'il devait s'assimiler à du temps de travail effectif ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle devait rechercher si les temps de trajets effectués par M. X... pour se rendre sur les différents lieux de ses activités de formation avaient excédé le temps normal de trajet d'un travailleur entre son domicile et son lieu de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association AFPA à payer à M. X... des sommes à titre d'heures supplémentaires, indemnités de congés payés et rappel de primes de 13 ème mois incidents, outre des dommages-intérêts pour perte de repos compensateur, l'arrêt rendu le 7 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association AFPA

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'AFPA à verser à Monsieur X... des rappels d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, des rappels de primes de 13 ème mois, des dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Comme le rappelle le premier juge, selon les dispositions de l'article L 212-4 alinéa 1 du code du travail applicable à l'époque des faits (devenu l'article L 3121-1) la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

L'ensemble des pièces versées aux débats démontrent à l'évidence que, en fonction des ordres de mission qui lui étaient délivrés, Monsieur X... devait se rendre dans un centre de FPA, déterminé par l'employeur, géographiquement différent de celui de son domicile, lequel était pourtant indiqué comme point de départ de la mission. Dès lors, c'est à juste raison que le premier juge a considéré que le temps mis pour rejoindre ces centres indiqués par l'employeur où Monsieur X... devait prodiguer son enseignement pour une durée déterminée également par l'employeur et pour en revenir, et qui excédait le temps de trajet nécessaire et habituel entre son domicile et son lieu d'affectation situé à Bègles (point établi), devait s'assimiler à un temps de travail effectif en considération de la règle légale rappelée ci-dessus, dans une situation entre les parties antérieure à la loi du 18 janvier 2005 et à l'accord collectif de travail du 10 février 2006 qui est venu préciser ce point. En effet, le temps de trajet effectué en exécution des fonctions conférées par l'employeur doit être rémunéré comme temps de travail lorsqu'il dépasse le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. Monsieur X... justifie aux débats que telle était la situation et il justifie avoir accompli les trajets répondant à ces conditions.

L'ensemble des pièces versées aux débats permet de vérifier les calculs de l'intéressé et l'analyse du premier juge sur ce point.

En cause d'appel ces derniers ne sont pas utilement critiqués dans leur détermination.

Dès lors, l'Association échoue dans sa demande de voir organiser une expertise même au motif de la nécessité de ventiler les sommes dues au salarié en considération de primes ou d'avantages par ailleurs consentis au salarié.

En effet, les primes et avantages en question sont liés à la fonction de l'intéressé et non à la durée du travail telle qu'elle est relevée en l'espèce.

Dès lors, la décision entreprise doit être confirmée et l'Association AFPA déboutée de ses demandes ; une allocation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 1.500 €, sera accordée au seul salarié »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur l'existence des heures supplémentaires L'AFPA ne peut valablement soutenir que Monsieur Georges X... n'avait pas pour lieu de travail le centre de BEGLES et qu'il dépendait de ST HERBLAIN. ST HERBLAIN est le siège qui gère la carrière des formateurs itinérants de la France entière, chaque formateur ayant une affectation contractuelle auprès d'un centre qui est aussi son centre de rattachement administratif.

D'ailleurs interrogé à l'audience, Monsieur Georges X... a indiqué qu'il exerçait à BEGLES, le fait qu'il n'y passe pas en partant et/ou en revenant de mission ne remet pas en cause son affectation à ce centre.

Aux termes de l'article L.212-4 alinéa 1 er applicable en l'espèce, "la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles".

Contrairement à ce que soutient l'AFPA, Monsieur Georges X... n'avait pas la possibilité de décider en toute liberté de ses jours et heures de départ ou de retour.

Les ordres de mission versés au débat sont rédigés de façon précise : pour le début de la mission, l'heure et le lieu de départ sont expressément mentionnées.

L'AFPA ne pourrait soutenir que les formateurs itinérants sont libres que si l'ordre de mission ne comportait qu'une formule générale fixant seulement le lieu de la mission et l'heure à laquelle elle débute ainsi que celle à laquelle elle se termine.

Par ailleurs, les temps de trajet sont, au vu des ordres de missions versés aux débats, supérieurs au temps normal de déplacement que le salarié met entre son domicile (ST GERVAIS) et son lieu d'affectation (BEGLES) évalué à environ 30 mn aller et 30 mn retour. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation déjà évoquée, le temps de trajet peut être assimilé à du temps de travail effectif dès lors qu'il excède le temps de déplacement normal domicile-lieu d'affectation et le temps de trajet entre deux lieux de travail effectif s'analyse en un temps de travail effectif. Il résulte de cela que pendant les temps de trajet nécessaires pour se rendre sur ses lieux de missions, Monsieur Georges X... se trouvait à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, ce qui selon les dispositions de l'article L.212-4 alinéa 1er du Code du Travail constitue un temps de travail effectif.

Sur le paiement des heures supplémentaires L'AFPA ne peut déterminer les temps de trajet d'un salarié à partir des données indiquées par le site "Via Michelin" lequel ne peut tenir compte de nombreux éléments (état des routes, travaux, conditions météorologiques, nécessité des pauses de sécurité) ; les différences entre les temps aller et retour s'expliquent par les horaires : très matinaux à l'aller, à des heures plus encombrées au retour. Le temps de trajet domicile-lieu de travail n'a pas à être rémunéré mais il n'y a pas lieu de le déduire fictivement lorsque Monsieur Georges X... part en mission depuis son domicile conformément à l'ordre qui lui est donné, ce temps ne serait à déduire que si le salarié passait à son centre d'affectation, soit à l'aller, soit au retour pour les besoins de sa mission.

Les primes de compensation versées au salarié ne constituent pas une rémunération, elles sont liées aux contraintes inhérentes à la fonction et n'ont pas en conséquence à être déduites de la rémunération due au titre des heures supplémentaires.

La conversion des heures supplémentaires en repos compensateur de remplacement n'apparaît pas être une obligation et le 13ème mois, s'il ne prend pas en compte la prime de compensation, prend en compte les salaires donc les heures supplémentaires.

En conséquence, les éléments avancés par l'AFPA au soutien de sa demande d'expertise n'apparaissent pas fondés. Les demandes chiffrées par Monsieur Georges X... ne sont donc pas valablement contestées et elles apparaissent justifiées au vu des pièces versées au débat : les ordres de mission font apparaître l'heure, le jour, le lieu de départ, la date d'arrivée à l'établissement, la date et l'heure de départ ainsi que le mode de transport utilisé. Les relevés de déroulements des missions établis par Monsieur Georges X... reprennent ces éléments avec la date et l'heure d'arrivée. Par exemple et par sondage, le 24/08/1998, un ordre de mission a été émis pour le remplacement d'un formateur au CFPA de TOULOUSE BORDELONGUE : départ 6 h de ST GERVAIS, utilisation du véhicule personnel, arrivée le 24/08/1998 à 8 h 30, départ le 04/09/1998 à 12 h 10, fin de mission à 17 h, d'où un dépassement horaire de 5 h 20 alors que selon la fiche individuelle mensuelle du temps de mise à disposition le voyage est évalué à 2,75 comptées en heures supplémentaires à 25 % sur la fiche individuelle mensuelle de rémunération. Ces mêmes éléments figurent sur la fiche d'état de frais destinée à chiffre les indemnités. En conséquence, il n'apparaît pas opportun d'ordonner une expertise ; il sera fait droit aux demandes de Monsieur Georges X... qui a établi ses calculs sur les documents cidessus énoncés qui n'apparaissent pas critiquables. De même qu'il sera fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour perte de repos compensateurs.

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner l'AFPA à verser à Monsieur Georges X... une indemnité de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les dépens seront à la charge de l'AFPA. Il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire »

1. ALORS QUE le lieu habituel de travail d'un salarié est celui où il exerce effectivement et habituellement ses fonctions en exécution de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur X..., formateur itinérant depuis le 1er mai 1995, était amené dans le cadre de ses fonctions à se déplacer sur toute la France dans les différents centres de formation, selon les ordres de mission de son employeur et qu'il ne passait jamais par son centre de rattachement administratif situé à BEGLES pour s'y rendre; que l'AFPA ajoutait que Monsieur X... n'avait exercé à BEGLES que dans le cadre de ses fonctions itinérantes en remplacement de formateurs absents, sur ordre de mission, comme dans tous les autres centres de formation (conclusions d'appel de l'exposante p 15) ; qu'en relevant que le salarié était rattaché administrativement au centre de BEGLES et qu'il y avait « exercé », pour en déduire que ce centre constituait son lieu de travail habituel, sans cependant caractériser qu'il y exerçait habituellement ses fonctions de formateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 212-4 (devenu L. 3121-1 du code du travail) dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;

2. ALORS QUE le temps de trajet des salariés itinérants, qui n'ont pas de lieu de travail habituel, ne constitue un temps de travail effectif que lorsqu'il excède le temps normal de trajet d'un salarié entre son domicile et son lieu de travail habituel ; qu'en retenant que les temps de trajet effectués par Monsieur X... excédaient le temps de trajet entre son domicile et son

lieu de rattachement administratif situé à BEGLES, sans rechercher si le trajet entre le domicile du salarié et les différents lieux où il dispensait ses formations dérogeait au temps normal du trajet d'un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L212-4 du code du travail (devenu L3121-1) dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;

3. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE seul le temps de trajet inhabituel, c'est-à-dire celui qui dépasse en durée le temps normal du déplacement entre le domicile et le lieu de travail habituel d'un salarié, peut être assimilé à du temps de travail effectif et réglé comme tel ; que doit donc être déduit des temps de trajet effectués, le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel d'un salarié, pour évaluer le montant des rappels de salaires à verser au salarié ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de déduire le temps de trajet normal entre le domicile de Monsieur X... et son lieu de rattachement administratif, au motif inopérant qu'il ne passait par son centre d'affectation pour se rendre sur ses lieux de mission, la Cour d'appel a violé l'article L 212-4 du code du travail (devenu L3121-1) dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;

4. ALORS QUE l'AFPA contestait le nombre d'heures supplémentaires retenu par le salarié au titre de ces temps de trajet en faisant valoir que jusqu'au 31 mars 2000, les formateurs itinérants travaillaient 39 heures par semaine jusqu'à 17 heures le vendredi, de sorte que les trajets de retour effectués par Monsieur X... les vendredi après-midi avaient été effectués sur son temps de travail (conclusions d'appel de l'exposante p 24); qu'en se bornant à affirmer que les calculs du salarié « ne sont pas utilement critiqués dans leur détermination » sans répondre à ce chef précis de conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QUE l'AFPA faisait valoir que les primes de compensation versées à tous les formateurs itinérants étaient calculées en fonction de l'éloignement du lieu de formation du domicile de l'intéressé (conclusions d'appel, p 3-4 et 25 ) et ajoutait que les salariés percevaient également des jours de congés supplémentaires en fonction de l'éloignement du lieu de formation par rapport à leur domicile (conclusions d'appel de l'exposante p4) ; qu'en affirmant dès lors que les primes et avantages consentis aux formateurs itinérants sont liés à la fonction de l'intéressé et non à la durée du travail, pour refuser de les compenser avec les rappels de salaires pour heures supplémentaires dues au salarié, sans analyser les modalités de calcul desdites primes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-5 du code du travail (devenu L3121-22) ;

6. ALORS QUE l'AFPA faisait en outre valoir que le paiement de ces heures de trajet inhabituelles ne pourraient, si elles aboutissaient à comptabiliser des heures supplémentaires, ouvrir droit à paiement majoré, mais à indemnisation pour non prise des repos compensateurs de remplacement en application de l'article 16-1 de l'accord du 24 décembre 1999 prévoyant que « le paiement des heures supplémentaires est remplacé par l'attribution d'un repos compensateur de remplacement » (conclusions d'appel de l'exposante p 6) ; qu'en affirmant que « la conversion des heures supplémentaires en repos compensateurs de remplacement n'apparaît pas être une obligation », la Cour d'appel a violé l'article 16-1 de l'accord du 24 décembre 1999.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45283
Date de la décision : 09/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 07 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 nov. 2010, pourvoi n°08-45283


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45283
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