LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Millenium loisirs,- M. Michel X...,- L'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 11 juin 2009, qui, pour infractions à la législation sur les jeux et spectacles et infractions à la législation sur les contributions indirectes, a condamné la première, à 1 500 euros d'amende, le deuxième, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, les deux, à des amendes et pénalités fiscales et au paiement des droits fraudés ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour la société Millenium loisirs et M. X..., pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 112-1 du code pénal, 6 de la loi du 21 mai 1836 dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré M. X... et la société Millenium loisirs coupables des faits poursuivis pour la période 2003 et 2004 et les a condamnés pénalement et à payer des indemnités, amendes et pénalités à l'administration des douanes ;
"aux motifs qu'il n'est pas contestable que la fréquence des lotos, organisés trois fois par semaine, souvent plusieurs services de suite pour une même association, dont la préparation, le déroulement, la comptabilité et le financement incombaient à M. X..., au-delà donc d'un cadre restreint et d'un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale, admis par exception au monopole des jeux de l'Etat par l'article 6 de la loi de 1836 sur les loteries constituait le délit de loterie prohibée et d'autant plus à compter du 10 mars 2004, où la modification de cet article a formellement prohibé semblable activité lorsque ce but n'est pas unique et exclusif ;- que sur l'action des douanes, en matière de contributions indirectes pour la période ... (2003 à fin septembre 2004), les quatre infractions sont établies, aucune déclaration de maison de jeux n'a en effet été déposée, l'exercice d'une activité habituelle de loteries prohibées constituant l'exploitation d'une maison de jeux ; que, si les documents comptables ont été effectivement produits, il n'y figure pas de comptabilité annexe ; qu'enfin, les recettes des lotos soumises à l'impôt sur les spectacles de la quatrième catégorie en vertu des articles 1559, 1563 et 147 de l'annexe 4 du code général des impôts n'ont pas été déposées, et les droits correspondants n'ont pas été payés ;- que sur les sanctions fiscales, le jugement doit être réformé dès lors qu'il n'a pas prononcé ni d'amendes ni de pénalités proportionnelles ; que les peines encourues pour les quatre délits se cumulent ; que l'octroi de circonstances atténuantes permet de diminuer jusqu'à trois fois le montant des pénalités ; que la cour prononcera d'une part, trois amendes fiscales de 100 euros pour la personne physique, 500 euros pour la personne morale et fixera les pénalités fiscales pour l'année 2003 à 57 562 euros, pour l'année 2004 à 128 706 euros ; qu'il incombe, par ailleurs, d'ordonner le paiement des droits fraudés à 432 276 euros ;
"1) alors qu'une loi nouvelle portant aggravation des incriminations et des peines prévues par la loi antérieure n'est applicable qu'à des faits accomplis après son entrée en vigueur ; que l'arrêt attaqué, pour entrer en voie de condamnation à l'égard des prévenus, pour des faits survenus entre 2003 et 2004, relève que la modification de l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 par la loi du 9 mars 2004 a formellement prohibé les activités de loterie lorsque leur but n'est pas uniquement et exclusivement à but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale ; qu'il s'ensuit que cette nouvelle loi était plus restrictive et donc plus sévère que l'ancienne loi ; que l'arrêt ne pouvait donc faire application des dispositions nouvelles pour l'ensemble des faits poursuivis, y compris pour ceux qui étaient antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, en méconnaissance du principe susvisé ;
"2) alors que, tout jugement de condamnation doit, à peine de nullité, constater tous les éléments constitutifs de l'infraction ayant motivé la condamnation ; qu'en l'espèce, l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 excepte des dispositions des articles 1er et 2, les lotos traditionnels "lorsqu'ils sont organisés dans un cercle restreint et uniquement dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale et se caractérisant par des mises de faible valeur, inférieures à vingt euros", indépendamment de la fréquence des jeux ; que la cour qui, pour refuser de faire jouer cette dérogation, se fonde sur la fréquence des jeux pour en déduire l'absence de but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale, a privé sa décision des motifs propres à la justifier ;
"3) alors que le principe de proportionnalité des peines consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 doit être interprété au regard de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme qui prohibe la répression de la fraude au moyen de sanctions exorbitantes ; qu'en l'espèce, le cumul des peines pénales prononcées avec les différentes amendes et pénalités fiscales outre le paiement des droits éludés, aboutit à une condamnation manifestement disproportionnée ;
"4) alors qu'enfin, la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; que l'arrêt attaqué est entaché de contradiction en ce qu'il énonce, dans les motifs, qu'il convient de prononcer la condamnation de la personne physique et de la personne morale, respectivement, à trois amendes de 100 euros et de 500 euros, et en ce que, dans le dispositif, il prononce quatre amendes de 100 euros pour l'une et 500 euros pour l'autre, et qui, dans les motifs, fixe les pénalités fiscales à 57 562 euros pour l'année 2003 et à 128 706 euros pour l'année 2004, soit pour un montant total de 186 268 euros, mais dans le dispositif dit qu'il y a lieu de condamner les prévenus solidairement à payer "pour chacune des trois infractions une pénalité proportionnelle de 186 268 euros";
Attendu que, d'une part, les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à la loi du 9 mars 2004 a, sans insuffisance, ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments constitutifs l'infraction pénale retenue à la charge des prévenus ;
Attendu que, d'autre part, abstraction faite d'une erreur purement matérielle commise dans les motifs de l'arrêt sur le nombre d'amendes prononcées, l'arrêt, en infligeant des amendes pénales et des pénalités fiscales, qui sanctionnent des faits distincts, a, sans méconnaître les textes légaux et conventionnels invoqués, justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour l'administration des douanes et droits indirects, pris de la violation des articles L. 238 du livre des procédures fiscales, 1551, 1560, 1563, 1565, 1791, 1804-A et 1804-B du code général des impôts, 124, 146, 149, 150, 152 et 154 de l'annexe IV du même code, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que, s'il a déclaré les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés pour la période du 3 juin 2003 au 1er octobre 2004, il a, en revanche, relaxé les prévenus des faits qui leur étaient imputés pour la période comprise entre le 1er octobre 2004 et le 28 mars 2005 ;
"aux motifs propres que, pour la période suivante, visée dans la citation des douanes jusqu'au 28 mars 2005, la cour constate que le procès-verbal dressé par cette administration, s'il comporte le relevé fourni par les associations des recettes des lotos organisés à cette période, même probablement dans des conditions similaires à la période précédente, ne permet pas de dire, faute d'auditions et vérifications supplémentaires, si les nouvelles conditions d'exploitation contrevenaient à la loi ;
"et aux motifs éventuellement adoptés que concernant les infractions douanières, cette administration fait état de pièces (auditions, vérification) qui ne figurent pas au dossier ; que dès lors, le tribunal ne saurait considérer comme acquise la culpabilité de la société Millenium loisirs et de son gérant pour les faits postérieurs à 2005, les parties en cause ayant rapporté, quant à elles, la preuve qu'à compter de 2005, les publicités n'étaient plus assurées par leurs services et qu'on ne pouvait plus leur faire grief d'avoir persisté dans les pratiques illégales ;
"1) alors que, dès lors que les poursuites étaient engagées sur procès-verbal de l'administration, les faits ainsi constatés faisaient foi jusqu'à preuve contraire des infractions relevées par le procès-verbal ; qu'en énonçant que "le procès-verbal dressé par l'administration ne permet pas de dire, faute d'auditions et de vérifications supplémentaires, si les nouvelles conditions d'exploitation contrevenaient à la loi", faisant ainsi peser la charge de la preuve sur l'administration quand il incombait aux prévenus d'établir l'inexactitude des constatations de l'administration quant aux infractions relevées, les juges du fond ont violé les textes susvisés, et notamment l'article L. 238 du livre des procédures fiscales ;
"2) et alors que, en tout cas, faute d'avoir constaté qu'eu égard aux éléments de preuve qu'ils produisaient, les prévenus avaient démontré, soit que leur activité n'était pas une activité de jeux, soit que leur activité étant une activité de jeux, ils avaient satisfait aux quatre obligations visées à la prévention, les juges du fond ont entaché, en tout état de cause, leur décision d'une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés";
Vu l'article L. 238 du livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'en matière de contributions indirectes, les procès-verbaux de l'administration font foi jusqu'à preuve contraire ;
Attendu que, pour relaxer la société Millenium loisirs et M. X... des chefs d'infractions à la législation sur les contributions indirectes, à raison des faits qui leur étaient imputés pour la période du 1er octobre 2004 au 28 mars 2005, l'arrêt retient que le procès-verbal de notification d'infractions dressé le 5 décembre 2005 par l'administration, ne permet pas d'établir, faute d'auditions et de vérifications supplémentaires, que les nouvelles conditions d'exploitation de l'activité de jeux contrevenaient à la loi ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, qui n'établissent pas que les prévenus aient rapporté la preuve contraire des faits constatés dans le procès-verbal précité desquels il ressort que les prévenus avaient continué, pour la période considérée, à exercer une activité commerciale portant sur l'organisation de lotos, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de la société Millenium loisirs et de M. X... :
Le REJETTE ;
II - Sur le pourvoi de l'administration des douanes et droits indirects :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 11 juin 2009, mais en ses seules dispositions ayant débouté l'administration des douanes et des droits indirects de ses demandes relatives aux faits commis du 1er octobre 2004 au 28 mars 2005, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bayet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;