LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., ancien dirigeant d'une société Aunis medias reprise par la société Profil éditions dans le cadre d'un plan de cession homologué par le tribunal de commerce le 23 décembre 2004 devait, aux termes de ce plan, bénéficier d'un contrat d'attaché commercial auquel les parties ont finalement renoncé ; que la société Profil éditions a signé le 22 février 2005 un "contrat de prestations de services" avec la société Alizé, créée le 9 juillet 2001 par M. X... qui, associé unique, en assurait la gérance ; que l'intéressé a mis fin à cette convention le 23 août 2007 et a saisi la juridiction prud'homale pour voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail avec la société Profil éditions et obtenir la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient l'absence de lien de subordination en se fondant principalement sur la signature des conventions litigieuses par M. X... en sa qualité de dirigeant de la société Alizé créée de longue date, la facturation par celle-ci des honoraires contractuellement prévus, les liens personnels et commerciaux unissant les parties, l'absence d'élément permettant de dire que M. X... aurait assumé la direction de la société Profil éditions, la volonté légitime du dirigeant de cette dernière de contrôler l'activité de la force de vente que la société Alizé avait mission d'animer et de manière générale l'activité de l'entreprise au regard des objectifs contractuellement fixés, la mise à disposition d'un bureau et de moyens de production et de communication utilisés pour l'exercice d'autres activités et la revendication par le demandeur de son statut de consultant indépendant ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'intéressé devait suivre les instructions de la gérance de la société Profil éditions, qu'il était chargé de l'animation de la force de vente avec un bureau et des moyens de production et de communication mis à sa disposition par la société Profil éditions et sous le contrôle du gérant de cette société et qu'il possédait à ce titre une carte de visite au nom de ladite société, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait qu'il était placé dans un lien de subordination à l'égard de la société, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Profil éditions aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Profil éditions et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué de s'être déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de LA ROCHELLE ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... dirigeait notamment la Société ALIZÉ, créée avec Madame Y... au mois de juin 2001 pour la prise et la vente de photos, et la Société AUNIS MEDIAS, agence de publicité ; que cette dernière a été placée en redressement judiciaire le 3 février 2004 ; que par jugement du 23 décembre 2004, le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE a prononcé sa cession à Monsieur Z..., lequel a crée la Société PROFIL EDITIONS pour la poursuite de l'exploitation ; que le 18 février 2005, la Société PROFIL EDITIONS a confié à Madame Jeanne A... une mission de conseil et d'accompagnement en matière d'encadrement du personnel, d'animation et d'organisation commerciale, d'administration des ventes et d'organisation administrative ; que le 22 février 2005, la Société PROFIL EDITIONS a conclu avec la Société ALIZE une convention par laquelle cette dernière s'engageait notamment à animer la force de vente, à assurer une action commerciale, la validation technique des documents édités et leur diffusion ; que cette activité a été exercée par Monsieur X..., devenu à l'époque l'associé unique de la Société ALIZÉ ; que le contrat, conclu pour un an à compter du 1er janvier 2005, a été reconduit pour la même durée au 1er janvier 2006, seuls les objectifs étant modifiés ; qu'une nouvelle convention a été conclue le 10 janvier 2007, pour une durée de deux ans, avec l'adjonction de missions supplémentaires (suivi administratif et comptable, préconisations pour le recrutement de salariés, projet internet) ; que Monsieur X... a mis fin à ce contrat le 23 août 2007 ; que les premiers juges ont déduit l'existence d'un lien de subordination des termes mêmes de la convention, selon laquelle le prestataire devrait suivre les instructions de la gérance, de différents courriers électroniques contenant précisément des instructions de Monsieur Z..., du fait qu'aucun des six salariés de la Société PROFIL EDITIONS n'avait de fonction de direction et que ces salariés voyaient en Monsieur X... leur responsable, que celui-ci avait la signature sur le compte bancaire de la Société, qu'il possédait une carte de visite au nom de la Société PROFIL EDITIONS et travaillait dans ses locaux avec ses moyens de production et de communication qui étaient mis à sa disposition ; que cependant, il convient de rappeler qu'en l'absence de contrat de travail apparent, c'est à celui qui se prévaut d'un tel contrat d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, Monsieur X... a signé les conventions litigieuses en sa qualité de dirigeant de la Société ALIZÉ, laquelle n'a pas été créée pour les besoins de la cause puisqu'elle existait depuis plusieurs années et a continué à avoir d'autres activités que la « mission » au sein de la Société PROFIL EDITIONS, ce que celle-ci établit par ses pièces n° 41 et 42 ; que la Société ALIZÉ a régulièrement facturé les honoraires contractuellement prévus, sans que leur nature ne fasse jamais l'objet de la moindre contestation jusqu'à la rupture ; que Monsieur X... était un ami de longue date de Monsieur Z... et de Madame Jeanne A..., ce que confirme l'un de ses courriers électroniques du 28 juin 2007, et il a poursuivi pendant toute la durée des conventions des relations d'affaires avec Monsieur Z..., acquérant des parts sociales dans deux sociétés lui appartenant, partageant avec lui des projets de reprise d'entreprises, et négociant la reprise de la Société PROFIL EDITIONS, repreneur de la Société AUNIS MEDIAS dont il avait été le dirigeant ; qu'au regard de ces éléments et en tout état de cause, la clause selon laquelle le prestataire devait suivre les instructions de la gérance – qui au demeurant figure uniquement dans la dernière convention du 10 janvier 2007 – ne permet pas à elle seule de faire présumer l'existence d'un contrat de travail, il est nécessaire d'examiner la manière dont ces-conventions successives ont été exécutées ; qu'à cet égard l'on peut constater en premier lieu que les missions confiées à la Société ALIZÉ étaient précises et limitées, et ni leur énumération ni les pièces versées aux débats ne permettent de dire qu'en réalité c'est la direction de l'entreprise qui aurait incombé à Monsieur X... ; qu'il agissait en effet en concours avec Madame Jeanne A... (encadrement du personnel, animation et organisation commerciale, administration des ventes et organisation administrative), dont l'activité a été bien réelle au sein de l'entreprise comme en témoignent les nombreuses pièces produites à ce sujet par la Société PROFIL EDITIONS, au point d'ailleurs que le différend survenu entre les deux « consultants » au sujet d'une salariée a été l'une des causes de la rupture du contrat par Monsieur X... ; que quant au gérant de la Société PROFIL EDITIONS, Monsieur Z..., sa présence fréquente à la Rochelle est attestée non seulement par l'importance des frais de déplacement dont justifie la Société, mais également par les nombreux courriers électroniques – dont ceux produits par Monsieur X... – et les comptes-rendus de réunions versés aux débats ; que dans ce cadre, les courriers électroniques produits par Monsieur X... et visés dans le jugement entrepris traduisent essentiellement le désir légitime de Monsieur Z... de contrôler l'activité de la force de vente que la Société ALIZÉ avait mission d'animer, et d'une manière plus générale l'activité de l'entreprise au regard des objectifs contractuellement fixés ; que le fait que les salariés composant cette force de vente aient considéré Monsieur X... comme leur « manager » n'a rien de surprenant puisque l'animation de la force de vente était l'une de ses missions ; qu'il en est de même du fait que Monsieur X... ait eu la signature bancaire (seulement à partir du 27 mars 2007) et qu'il ait passé des commandes pour le compte de la Société PROFIL EDITIONS, puisqu'il avait notamment pour mission de négocier avec les imprimeurs et d'assurer la diffusion et la distribution des supports ; qu'enfin, la mise à disposition par la Société PROFIL EDITIONS d'un bureau et de ses moyens de production et de communication n'est pas non plus significative d'un lien de subordination, car non seulement cette mise à disposition était indispensable à l'exécution des missions de Monsieur X..., mais plusieurs salariés témoignent de ce qu'il utilisait ces moyens pour l'exercice de ses autres activités au vu et au su de tous, ce qui n'aurait pas été toléré de la part d'un salarié ; que bien plus, la présence du « consultant » dans les locaux de l'entreprise deux jours par semaine, prévue dans la convention du 10 janvier 2007, a été négociée, et à cette occasion Monsieur X... a revendiqué son statut de non salarié dans un courrier du 8 Octobre 2006 en ces termes : « en tant que consultant indépendant, je tiens à ma liberté d'action et du temps libre » ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a dit le Conseil de Prud'hommes, les conventions conclues entre la Société PROFIL EDITIONS et la Société ALIZÉ ne sauraient s'analyser en un contrat de travail en l'absence de lien de subordination de Monsieur X... ; qu'au contraire de ce que celui-ci soutient, les parties à ces conventions étaient en situation d'égalité pour leur négociation, puisque si Monsieur X... se trouvait en difficulté à la suite du dépôt de bilan de la Société AUNIS MEDIAS, ses compétences, sa connaissance de l'entreprise, de la clientèle et du marché local le rendaient indispensable à la réussite de la reprise de l'activité ; que d'ailleurs chacune des conventions a fait l'objet de réelles négociations, que ce soit sur la définition des missions ou sur la détermination des objectifs et de la rémunération ; que de plus, les conventions ont été exécutées conformément à leur objet, Monsieur X... a assumé et revendiqué son statut de non salarié, et il a rompu le contrat en raison de ce qu'il considérait comme des atteintes à sa sphère de compétence et à son pouvoir de décision ; que dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris du chef de la compétence et de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la Cour d'appel qui, tout en constatant que le contrat conclu entre M. X... et la Société PROFIL EDITIONS énonçait que « M. X... devra suivre les instructions de la gérance de la Société », que les courriers électroniques adressés à l'intéressé déplorant la non réalisation des objectifs ou exigeant une information sur son emploi du temps ainsi que sur ses heures d'arrivée et de départ, traduisaient la volonté du gérant de « contrôler l'activité de la force de vente que M. X... avait mission d'animer et d'une manière plus générale l'activité de l'entreprise au regard des objectifs contractuellement fixés » et qu'il avait été mis à la disposition de M. X... au sein de l'établissement un bureau et des moyens de production et de communication, ainsi que des cartes de visite personnelles au nom de la Société, a néanmoins conclu à l'absence d'un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail et s'est déclarée incompétente au profit du Tribunal de commerce, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé en conséquence les dispositions de l'article L.1221-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge méconnaît les termes du litige lorsqu'il déclare contesté un fait dont l'exactitude n'est pas discutée ou qu'il introduit dans le litige des moyens de fait que les parties n'avaient pas invoqués ; qu'en affirmant, pour exclure l'existence d'un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail et se déclarer incompétente au profit du Tribunal de commerce, que ni l'énumération des missions confiées à M. X... par le biais de la Société ALIZE, ni les pièces versées aux débats ne permettaient de dire que la direction de l'entreprise lui aurait incombé, alors que l'intéressé ne prétendait pas être le dirigeant de la SARL PROFIL EDITIONS mais affirmait au contraire (écritures en appel, p. 3 et suivantes) avoir été placé sous la subordination constante de son gérant, M. Z..., de sorte que contrairement à son statut officiel de consultant, il n'avait bénéficié en réalité d'aucune liberté d'action, la Cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS ENSUITE QU'en retenant, pour exclure l'existence d'un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail et se déclarer incompétente au profit du Tribunal de commerce, que M. X... avait signé avec la SARL PROFIL EDITIONS les conventions litigieuses en sa qualité de dirigeant de la Société ALIZE, laquelle n'avait pas été créée pour les besoins de la cause et qu'il aurait continué à avoir d'autres activités que sa mission au sein de la SARL, alors que sauf clause contractuelle d'exclusivité indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, il n'est pas interdit à un salarié, dès lors que son employeur ne s'y est pas opposé, d'exercer une activité parallèle pour son propre compte ou celui d'un tiers, sans que cette activité ait une quelconque conséquence sur la qualification de leur relation contractuelle, la Cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, l'a privée de base légale au regard de l'article L.1221-1 du Code du travail ;
ALORS ENCORE QU'en retenant, pour exclure l'existence d'un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail et se déclarer incompétente au profit du Tribunal de commerce, que la Société ALIZE avait régulièrement facturé à la SARL PROFIL EDITIONS les honoraires contractuellement prévus, sans que leur nature ne fasse jamais l'objet de la moindre contestation de la part de M. X... jusqu'à la rupture, alors que l'absence de protestation de l'intéressé ne valait pas renonciation à se prévaloir du statut social qui découlait nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail et que de surcroît la qualification des honoraires sous les intitulés « forfait de frais mensuels » ou « prime annuelle de résultat » laissait précisément supposer l'existence d'un contrat de travail, la Cour d'appel a une nouvelle fois violé les dispositions de l'article L.1221-1 du Code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QU'en retenant, pour exclure l'existence d'un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail et se déclarer incompétente au profit du Tribunal de commerce, que les parties auraient été en situation d'égalité pour leur négociation puisque les compétences de M. X..., sa connaissance de l'entreprise, de la clientèle et du marché local le rendaient indispensable à la réussite de la reprise de l'activité et que chacune des conventions avait fait l'objet de négociations sur la définition des missions ainsi que sur la détermination des objectifs et de la rémunération, constatations qui, dès lors qu'elles n'étaient relatives qu'aux qualités professionnelles du salarié et à sa capacité à négocier au mieux ses conditions de travail, étaient impropres à caractériser l'absence de lien de subordination entre les parties, la Cour d'appel a encore entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L.1221-1 du Code du travail.