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03/11/2010 | FRANCE | N°09-40008

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 novembre 2010, 09-40008


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en qualité de VRP multicartes par la société Famille des grands vins et spiritueux (FGVS) le 1er octobre 1993, a indiqué à son employeur, par courrier du 21 octobre 2005, qu'il avait "la possibilité de prendre sa retraite anticipée le 1er novembre 2005" ; que le 14 février 2006 l'employeur a accusé réception du courrier de son salarié l'informant de son départ vol

ontaire à la retraite au 1er février 2006 ; que M. X... a saisi la juridicti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en qualité de VRP multicartes par la société Famille des grands vins et spiritueux (FGVS) le 1er octobre 1993, a indiqué à son employeur, par courrier du 21 octobre 2005, qu'il avait "la possibilité de prendre sa retraite anticipée le 1er novembre 2005" ; que le 14 février 2006 l'employeur a accusé réception du courrier de son salarié l'informant de son départ volontaire à la retraite au 1er février 2006 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour accorder au salarié une indemnité au titre de la perte de chance de négocier la cession de sa clientèle, l'arrêt énonce que M. X..., bien que n'ayant pas formellement subordonné à une condition son départ anticipé à la retraite, souhaitait qu'il s'accompagne de cette cession et que, s'il ne pouvait être fait grief à l'employeur d'avoir refusé, comme bon lui semblait, d'agréer le projet de cession, le caractère tardif et ainsi déloyal de ce refus l'avait empêché de renoncer à son départ à la retraite lui faisant donc perdre une chance de contraindre l'employeur de lui verser ultérieurement une indemnité de clientèle s'il entendait la lui reprendre ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'avait pas subordonné son départ à la retraite à la condition qu'il puisse céder la valeur de sa clientèle, de sorte que la perte de chance retenue n'était qu'hypothétique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accordé une indemnité pour perte de chance, l'arrêt rendu le 31 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Famille des grands vins et spiritueux.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société FGVS à payer à Monsieur X... la somme de 7.500 € à titre de dommages et intérêts, ensemble celle de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE par courrier du 21 octobre 2005, M. X... indiquait à son employeur qu'il avait "la possibilité de prendre sa retraite anticipée le 1er novembre 2005" et qu'il avait décidé de partir le 1er février 2006 "afin de faciliter la transmission de l'actif du chiffre " à son successeur ; qu'il ajoutait : "j'ai des candidats à vous proposer, par contre, je vous demande de choisir mon remplaçant avant mon départ". Le 26 janvier, il écrivait à son employeur : "je vous informe que je peux transmettre mon activité à M. Z... (...) J'ai déjà eu l'occasion de vous informer que je prends ma retraite le 1er février 2006. J'espère que vous pourrez m 'informer de la suite que vous comptez donner à cette possibilité" ; que le 1er février il indiquait avoir décidé avec l'accord de la Cram un report de quinze jours de son départ en retraite "afin de préserver l'intérêt" de sa succession ; que dans un nouveau courrier du 9 février il s'inquiétait de n'avoir toujours pas obtenu de réponse et soulignait qu'il risquait de subir un préjudice important ; qu'enfin le 14 février il indiquait que sa retraite sera effective dès que sa succession sera acceptée ; que par courrier du 14 février 2006, la FGVS accusait réception du courrier par lequel le salarié l'informait de sa décision de départ volontaire en retraite anticipée au 1er février et répondait au salarié que sa proposition de successeur ne l'intéressait pas ; qu'il ressort de cet échange de correspondances que M. X... n'a pas formellement soumis son départ en retraite anticipée à une condition ; qu'il en découle que la demande du salarié tendant à voir considérer la rupture de la relation de travail comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait être retenu ; qu'en revanche dans le courrier du 21 octobre 2005 comme dans les courriers suivants, le salarié exprime clairement qu'il entend que son départ en retraite s'accompagne de la cession de sa clientèle ; que l'employeur fait valoir que le départ en retraite est exclusif du versement d'une indemnité de clientèle et que le mécanisme de cession de carte est soumis à la condition de l'accord de l'employeur et que celui-ci est discrétionnaire ; que cependant un courrier de la société Acovis sous la signature de Jean Marie et Eric Z..., révèle qu'au cours d'un échange concernant l'éventualité de la reprise de la clientèle de M. X..., fa direction commerciale du groupe FGVS s'est réservée le droit d'exploiter directement la clientèle grossiste, seuls les clients restaurateurs et cavistes indépendants pouvant faire l'objet de la transaction, M. X..., qui n'est pas propriétaire de la clientèle mais simplement d'un droit d'exploitation, ne peut faire grief à son employeur d'avoir agi comme bon lui semblait ; qu'en revanche il apparaît que l'employeur a profité d'une opportunité que lui offrait la perspective du départ en retraite du salarié pour reprendre une partie des droits d'exploitation directs de la clientèle ; qu'or même s'il n'a pas formellement subordonné son départ à la cession de clientèle, M. X... s'est placé dès l'origine dans cette perspective alors même que s'il avait été informé sans délai de la position de l'employeur, il aurait pu renoncer à son départ en retraite anticipée, ce qui aurait contraint l'employeur à lui verser une indemnité de clientèle si elle entendait la reprendre ; que le fait, pour la FGVS de n'avoir fait connaître que tardivement que la cession de clientèle ne serait en toute hypothèse pas complète a empêché le salarié de concevoir d'autre projet, constitue un acte de déloyauté qui a causé un préjudice au salarié ; mais que ce préjudice ne saurait atteindre le montant de l'indemnité de clientèle, car l'information complète du salarié ne le mettait pas en mesure de recevoir cette somme à coup sûr ; mais qu'il lui a fait perdre une chance d'en négocier la cession, qui correspond à 50% ; que l'ampleur du préjudice étant de 15 000 €, il convient de lui allouer 7500 € ;
ALORS QUE, D'UNE PART, pour dire que la société FGVS a fait preuve de déloyauté envers son salarié et la condamner à réparer le préjudice subi, la Cour considère qu'il ressort d'un courrier émanant de la société Acovis qu'au cours d'un échange concernant l'éventualité de la reprise de la clientèle de Monsieur X..., la direction commerciale du groupe FGVS se serait réservée le droit d'exploiter directement une partie de la clientèle de Monsieur X..., ce dont elle aurait dû l'informer sans délai ; qu'en statuant ainsi, sans préciser ni la date de courrier auquel elle se réfère, ni celle de l'entretien durant lequel la société FGVS aurait prétendument fait par de cette décision, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil, s'il faut considérer que la responsabilité est ici de nature contractuelle ;
ALORS QUE, subsidiairement, pour dire que la société FGVS a fait preuve de déloyauté envers son salarié et la condamner à réparer le préjudice subi, la Cour considère qu'il ressort d'un courrier émanant de la société Acovis qu'au cours d'un échange concernant l'éventualité de la reprise de la clientèle de Monsieur X..., la direction commerciale du groupe FGVS se serait réservée le droit d'exploiter directement une partie de la clientèle de Monsieur X..., ce dont elle aurait du l'informer sans délai ; qu'en statuant ainsi, sans préciser ni la date de courrier auquel elle se réfère ni celle de l'entretien durant lequel la société FGVS aurait prétendument fait par de cette décision, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil, s'il faut considérer que la responsabilité est ici de nature délictuelle ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, pour condamner la société FGVS à payer à Monsieur X... la somme de 7500 euros à titre de dommages et intérêts, la Cour considère en substance que l'employeur a fait preuve de déloyauté en répondant tardivement au désir du salarié de céder sa clientèle à un successeur ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société FGVS (concl. pages 8 et 9) qui faisaient valoir que de son côté, Monsieur X... avait lui-même informé son employeur seulement 5 jours avant la date de son départ en retraite de l'identité du successeur qu'il souhaitait présenter pour lui céder clientèle, la Cour méconnaît les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, ENFIN, pour condamner la société FGVS à verser des dommages et intérêts à Monsieur X..., la Cour considère que ce dernier a perdu une chance d'obtenir une indemnité de clientèle car s'il avait été informé sans délai de la position de l'employeur, il aurait pu renoncer à son départ en retraite anticipée, ce qui aurait contraint l'employeur à lui verser une indemnité de clientèle si elle entendait la reprendre ; qu'en se déterminant ainsi, bien que rien ne permette d'affirmer ni que le salarié était prêt à renoncer purement et simplement à son départ en retraite, ni que l'employeur aurait tout de même voulu récupérer les droits d'exploitation de sa clientèle et prendre l'initiative de la rupture si le salarié avait renoncé à partir en retraite, de sorte que la perte de chance retenue est purement hypothétique, la Cour viole l'article 1147 du Code civil, s'il faut considérer que la responsabilité est ici de nature contractuelle ;
ALORS QUE, subsidiairement, pour condamner la société FGVS à verser des dommages et intérêts à Monsieur X..., la Cour considère que ce dernier a perdu une chance d'obtenir une indemnité de clientèle car s'il avait été informé sans délai de la position de l'employeur, il aurait pu renoncer à son départ en retraite anticipée, ce qui aurait contraint l'employeur à lui verser une indemnité de clientèle si elle entendait la reprendre ; qu'en se déterminant ainsi, bien que rien ne permette d'affirmer ni que le salarié était prêt à renoncer purement et simplement à son départ en retraite ni que l'employeur aurait tout de même voulu récupérer les droits d'exploitation de sa clientèle et prendre l'initiative de la rupture si le salarié avait renoncé à partir en retraite, de sorte que la perte de chance retenue est purement hypothétique, la Cour viole les articles 1382 et 1383 du Code civil, s'il faut considérer que la responsabilité est ici de nature délictuelle.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40008
Date de la décision : 03/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 nov. 2010, pourvoi n°09-40008


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.40008
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