La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2010 | FRANCE | N°08-43002

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 novembre 2010, 08-43002


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 13 février 2006, M. X... a été engagé à durée indéterminée par M. Y... en qualité de directeur adjoint de laboratoire d'analyses médicales ; qu'il a été licencié pour faute grave le 30 septembre 2006, la lettre de licenciement lui reprochant d'avoir, le 4 septembre 2006, tenu devant témoins des propos agressifs et proféré des menaces à l'encontre de l'employeur et faisant état d'un incident de même nature intervenu le 4 août précédent où l'intéressé avait

menacé son employeur de lui "casser la figure" en lui montrant les poings ; que c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 13 février 2006, M. X... a été engagé à durée indéterminée par M. Y... en qualité de directeur adjoint de laboratoire d'analyses médicales ; qu'il a été licencié pour faute grave le 30 septembre 2006, la lettre de licenciement lui reprochant d'avoir, le 4 septembre 2006, tenu devant témoins des propos agressifs et proféré des menaces à l'encontre de l'employeur et faisant état d'un incident de même nature intervenu le 4 août précédent où l'intéressé avait menacé son employeur de lui "casser la figure" en lui montrant les poings ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement d'indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié certaines sommes à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 4 du code de procédure civile que les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que M. Y... faisait valoir dans ses conclusions d'appel du 2 octobre 2007 que le contrat de travail de M. X... mentionnait précisément sa qualité de cadre dirigeant ; qu'en affirmant qu'il n'était nullement invoqué la qualité de cadre dirigeant de M. X..., la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant, violant ainsi le texte susvisé ;
2°/ que pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail, à savoir qu'un cadre dirigeant se voit confier des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'il perçoit une rémunération se situant parmi les plus élevées des systèmes de rémunération pratiquées dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en écartant la qualité de cadre dirigeant de M. X... sans examiner si l'importance des responsabilités, l'indépendance et le niveau de rémunération de M. X... ne permettait pas de lui reconnaître la qualité de cadre dirigeant excluant le paiement des heures supplémentaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, hors toute dénaturation, que l'employeur se bornait à invoquer la qualité de cadre du salarié, et non celle de cadre dirigeant, et par suite retenu à bon droit que les dispositions relatives à la durée du travail lui étaient applicables, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que pour écarter la faute grave, dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'employeur à verser au salarié certaines sommes à titre d'indemnité de préavis, de paiement de la mise à pied conservatoire et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, la cour d'appel, après avoir constaté que la matérialité de l'incident du 4 août n'était pas discutée mais que le salarié contestait celui du 4 septembre, relève que "les attestations de l'employeur concernent les faits du 4 août ou ne précisent pas la date des faits relatés", ce dont elle déduit que la réalité des faits du 4 septembre n'est pas établie et consécutivement la preuve d'une réitération d'une attitude agressive ou menaçante ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des attestations de l'employeur visées par la cour d'appel que l'une d'entre elles indiquait expressément que le salarié avait tenu "le 4 septembre" des propos agressifs et insultants envers M. Y..., la cour d'appel, qui a dénaturé ladite attestation, a méconnu le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement sur l'absence de faute grave, les sommes de 29 100 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 5 318,88 euros au titre de la mise à pied conservatoire, 2 910 euros et 513,88 euros à titre d'indemnités de congés payés afférentes allouées au salarié, dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné M. Y... à verser à M. X... la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt rendu le 25 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par de Bouthors, avocat aux Conseils pour M. Y...

Premier moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement sur l'absence de faute grave, les sommes de 29.100 euros, 5.318,88 euros, 2.910 euros, 531,88 euros allouées au salarié et d'AVOIR dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné Monsieur Y... à payer à Monsieur X... la somme 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le licenciement abusif ;
Aux motifs propres que « la lettre de licenciement relate l'incident survenu le 4 septembre 2006 ; qu'il est reproché au salarié d'avoir tenu devant témoins des propos agressifs et proféré des menaces à l'encontre de l'employeur ; qu'elle rappelle ensuite l'incident de même nature qui est déjà intervenu le 4 août précédent où Monsieur X... a menacé Monsieur Y... de lui « casser la figure » en lui montrant les poings ; que la matérialité de l'incident du août n'est pas discutée ; qu'en revanche, Monsieur X... conteste tout incident le septembre ; qu'il doit être relevé que les attestations de l'employeur concernent les faits du 4 août ou ne précisent pas la date des faits relatés ; qu'il en résulte que la réalité des faits du 4 septembre n'est pas établie et consécutivement la preuve d'une réitération d'une attitude agressive ou menaçante ; qu'aux termes de la lettre de licenciement les faits invoqués comme faute sont ceux du 4 septembre dans leur matérialité et dans leur élément constitutif d'une réitération ; que l'incident du 4 août ne constitue donc que le premier terme de la réitération sans être relevé comme fautif en lui-même ; que c'est d'ailleurs dans cette logique que l'employeur a précisé "dans un souci d'apaisement, je n'avais pas jugé utile de sanctionner cet incident que j'avais mis sur le compte d'un état nerveux exceptionnel et tout à fait inexplicable" ; qu'en tout état de cause, l'incident du 4 août dont l'origine tient à un différend à propos d'heures supplémentaires, qui sera ultérieurement abordé, n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat ; que la faute grave et la cause réelle et sérieuse font alors défaut ; que le licenciement et la mise à pied conservatoire ne sont donc pas légitimes ; que les sommes allouées par le jugement pour le salaire afférent à la mise à pied et aux congés payés s'y rapportant sont confirmées, l'erreur matérielle étant néanmoins rectifiée (5.318,88 euros) ; que Monsieur X... demande la confirmation de l'indemnité de préavis de trois mois ; qu'aux termes de l'article 21 de la convention collective nationale étendue des laboratoires d'analyses médicales, le préavis des cadres est de trois mois sans condition d'ancienneté ; que le jugement est donc confirmé sur le préavis et les congés payés s'y rapportant ; qu'eu égard à son ancienneté inférieure à une année et aux autres éléments de l'espèce, le préjudice résultant du licenciement abusif est liquidé à 20.000 euros» (arrêt p. 3 et p. 4) ;
et aux motifs adoptés que « les parties reconnaissent qu'il y a eu licenciement ; que Monsieur X... a reconnu que lors de l'entretien avec son employeur le 4 août 2006, il a proféré des menaces et des insultes à l'égard de ce dernier ; mais que Monsieur Y... a déclaré qu'il avait pu comprendre ces excès parce qu'il savait que son employé souffrait d'une maladie génétique invalidante ; que le 4 septembre 2006, une nouvelle altercation s'est produite entre les parties dont l'origine était liée aux mêmes motifs que lors de l'entretien du 4 août 2006 ; que vu les attestations produites que le climat qui s'est instauré dans la relation entre l'employeur et un collaborateur direct responsable de l'entreprise par délégation de l'employeur lorsque ce dernier est absent, ne saurait dégénérer dans des crises paroxystiques, préjudiciables à l'ensemble de l'entreprise comme dans le cas d'espèce un laboratoire d'analyses médicales qui accueille les patients et qui par ailleurs engendre une inquiétude chez les autres personnels ; que le motif de la rupture peut être qualifié de réel, puisque la situation est reconnue par les parties d'une part et de sérieux d'autre part, compte tenu du contexte et des éléments en présence ; mais que l'employeur a introduit de son fait des circonstances atténuantes à l'égard de son salarié, il ne saurait un mois plus tard invoquer la faute grave nonobstant une mise à pied conservatoire intervenue quelques jours après les faits ; qu'il conviendra donc de rejeter le licenciement pour faute grave et d'en tirer les conséquences sur les demandes formulées : paiement de l'indemnité de préavis telle qu'elle est prévue à l'article 21 de la convention collective produite et applicable soit 29.100 euros, le remboursement des salaires correspondant à la période de mise à pied conservatoire soit 5.318,88 euros et l'indemnité compensatrice de congés payés correspondant au préavis soit 2.910 euros et à la mise à pied conservatoire soit 531,88 euros » (jugement p. 5) ;
1°) Alors, d'une part, que selon les articles 4 et 5 du Code de procédure civile les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que les attestations de Madame Z... du 6 septembre 2006 et de Madame A... du 15 septembre 2006 régulièrement et contradictoirement produites aux débats par l'employeur à l'appui des fautes énoncées dans la lettre de licenciement, indiquaient clairement que le 4 septembre 2006 Monsieur X... avait insulté et menacé Monsieur Y... ; qu'en énonçant que les attestations de l'employeur concernaient seulement les faits du 4 août ou ne précisaient pas la date des faits relatés, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant et méconnu les termes du litige en violation des textes précités ;
2°) Alors, qu'en tout état de cause, il résulte de l'article 9 du Code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que l'employeur ayant produit à l'appui de sa lettre de licenciement les deux attestations de Madame Z... et de Madame A... établissant l'attitude agressive et menaçante de Monsieur X... à son encontre le 4 septembre 2006 et prouvant de ce fait la réalité de la réitération des faits du 4 août, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande de l'employeur sans à aucun moment viser et ni procéder à l'analyse même sommaire des attestations versées aux débats en violation de l'article 9 du Code de procédure civile ;
3°) Alors que par ailleurs, constitue une faute grave celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que commet une faute grave le cadre salarié qui tient devant témoins des propos injurieux et très agressifs à l'encontre de son employeur en le menaçant physiquement ; qu'au cas présent, le comportement violent et extrêmement menaçant à l'encontre de son employeur du pharmacien biologiste cadre, responsable en l'absence de l'employeur du laboratoire d'analyses biologiques qui accueille des patients, caractérise une faute grave rendant impossible le maintien de ce cadre dans l'entreprise ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
4°) Alors qu'en toute hypothèse, le licenciement d'un cadre salarié, qui devant témoins, profère des injures à l'encontre de son employeur et le menace physiquement, a nécessairement une cause réelle et sérieuse ; qu'en infirmant la décision du conseil de prud'hommes qui l'avait admis sans s'expliquer autrement sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 et s. du Code du travail ;
5°) Alors que, par ailleurs, les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que Monsieur Y... soutenait, dans ses conclusions d'appel du 2 octobre 2007 (p. 9), qu'il avait été condamné à payer 29.100 euros à titre d'indemnité de préavis à Monsieur X... sans qu'il ne soit tenu compte du temps passé dans l'entreprise par ce salarié ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
Second moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Y... à payer à Monsieur X... les sommes de 5.017,39 euros pour les heures supplémentaires et 501 ,73 euros pour les congés payés s'y rapportant ;
Aux motifs que «Monsieur X... demande la somme de 5.017,39 euros au titre d'heures supplémentaires réalisées de juin à juillet 2006 lorsqu'il a remplacé, en plus de son service, Monsieur Y... alors en congés ; que l'employeur considère que le régime des heures supplémentaires n'était pas applicable du fait de la position de cadre de Monsieur X... ; mais que, seule la qualité de cadre dirigeant ou de cadre autonome soumis à une convention de forfait permet d'exclure les dispositions relatives au temps de travail ; qu'en l'espèce, il n'est nullement invoqué la qualité de cadre dirigeant de Monsieur X... ; que par ailleurs, aucune convention de forfait n'existe ; que consécutivement, les dispositions relatives à la durée du travail, dont les heures supplémentaires, sont applicables ; que les heures supplémentaires invoquées par le salarié ne sont pas discutées dans leur réalité ; qu'il est alors fait droit à la demande ainsi qu'aux congés payés s'y rapportant » (arrêt p. 4) ;
1°) Alors que, d'une part, il résulte de l'article 4 du Code de procédure civile que les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que Monsieur Y... faisait valoir dans ses conclusions d'appel du 2 octobre 2007 que le contrat de travail de Monsieur X... mentionnait précisément sa qualité de cadre dirigeant ; qu'en affirmant qu'il n'était nullement invoqué la qualité de cadre dirigeant de Monsieur X..., la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant, violant ainsi le texte susvisé ;
2°) Alors que d'autre part, pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail, à savoir qu'un cadre dirigeant se voit confier des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'il perçoit une rémunération se situant parmi les plus élevées des systèmes de rémunération pratiquées dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en écartant la qualité de cadre dirigeant de Monsieur X... sans examiner si l'importance des responsabilités, l'indépendance et le niveau de rémunération de Monsieur X... ne permettait pas de lui reconnaître la qualité de cadre dirigeant excluant le paiement des heures supplémentaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3111-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-43002
Date de la décision : 03/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 25 mars 2008, 07/01007

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 25 mars 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 nov. 2010, pourvoi n°08-43002


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.43002
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award