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27/10/2010 | FRANCE | N°08-44446

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 octobre 2010, 08-44446


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la troisième branche du moyen unique :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 18 août 1997 par la Mutuelle générale de prévoyance en qualité de téléactrice, a intégré le 1er juin 1999 la Mutuelle familiale de Haute-Savoie ; que le 9 octobre 2003 elle s'est plainte auprès du président de cette mutuelle de harcèlement moral de la part de l'une et de harcèlement sexuel de la part de l'autre de ses supérieurs hiérarchiqu

es ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 19 mars 2004 ;
Attendu que po...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la troisième branche du moyen unique :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 18 août 1997 par la Mutuelle générale de prévoyance en qualité de téléactrice, a intégré le 1er juin 1999 la Mutuelle familiale de Haute-Savoie ; que le 9 octobre 2003 elle s'est plainte auprès du président de cette mutuelle de harcèlement moral de la part de l'une et de harcèlement sexuel de la part de l'autre de ses supérieurs hiérarchiques ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 19 mars 2004 ;
Attendu que pour décider que le licenciement de Mme X... reposait sur une faute grave et la débouter de ses demandes la condamnant à restituer à son employeur les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement, l'arrêt retient que, licenciée pour avoir porté des accusations graves et non fondées à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques au risque de les voir confrontés à des poursuites pénales et dans le but d'amoindrir leur autorité sur les autres salariés, elle a commis un abus, dans l'exercice de sa liberté d'expression, constitutif d'une faute grave ;
Attendu cependant que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;
Qu'en statuant comme elle a fait, sans avoir constaté la mauvaise foi de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la Mutuelle familiale de Haute-Savoie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Mutuelle familiale de Haute-Savoie à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement pour faute grave de Madame Denise X... était justifié et rejeté l'ensemble des demandes de la salariée de l'ensemble, et d'avoir en conséquence ordonné à la salariée la restitution des sommes versées par l'employeur au titre de l'exécution provisoire du jugement ;
AUX MOTIFS QU'« en premier lieu, il ne peut être sérieusement contesté que la Mutuelle a rempli ses obligations légales et réglementaires de prévention en matière de harcèlement en prenant, dès qu'elle a eu connaissance des doléances de Madame X..., les initiatives rappelées dans la lettre de licenciement et dont les justificatifs sont produits dans le litige prud'homal ; qu'en tout cas, les mesures prises ne peuvent constituer une preuve de la réalité des faits allégués ; qu'en deuxième lieu, il appartient au salarié prétendument victime d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur ou le salarié mis en cause de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel comportement ; qu'après avoir procédé à l'audition de Madame X..., des deux cadres incriminés et de l'employeur, le contrôleur du travail a entendu une délégation de représentants du personnel, ainsi que des salariés de l'entreprise, dont deux personnes au choix de l'intéressée pouvant attester de ses déclarations ; que contrairement à ce qui est allégué par celle-ci, les conclusions de l'enquête, dont les lignes directrices ont été approuvées par le médecin du Travail, ne sont pas empreintes de doute, dès lors qu'il est constaté que les accusations de Madame X... contre Monsieur Y... et Madame Z... n'ont pas été confirmées par les entretiens que le contrôleur du travail a eus avec les personnes interrogées, y compris celles désignées par la salariée pour accréditer ses dires et que, notamment, s'agissant du harcèlement moral, le rapport indique « rien ne montre dans l'enquête que les demandes faites à Madame X... soient des pressions illégitimes ou un détournement du pouvoir d'organisation de l'employeur » ; que l'affirmation du contrôleur du travail, « nous n'avons pas assez d'éléments pour caractériser le délit de harcèlement moral » doit être interprétée, au vu des éléments de l'enquête, comme signifiant en réalité qu'il n'en possédait aucun ; qu'il n'est pas démontré que ses préconisations et conseils, dont la teneur n'a pas été reproduite pour des raisons de confidentialité à l'égard de chacun de ses interlocuteurs, aient été prodigués dans un autre but que celui d'une simple prévention de tout harcèlement moral dans l'entreprise que les difficultés relationnelles entre Madame X... et ses supérieurs hiérarchiques, auxquelles elle a reproché de « vouloir lui imposer une façon de travailler contraire à sa pratique », ne sont pas constitutives d'un tel comportement ; qu'il s'en déduit que Madame X... n'a pas établi de faits permettant de caractériser une situation de harcèlement, alors que pour sa part, l'employeur a produit les témoignages de huit salariés (Monsieur Damien A..., Mesdames Sylvie B..., Josette C..., Sylvie D..., Laurence E..., Sandrine F..., Catherine G... et Denise H...) qui attestent à l'unanimité d'une activité professionnelle exercée « dans la bonne humeur, le respect de chacun et la convivialité », confortant ainsi les conclusions de l'enquête administrative ; qu'en troisième lieu, le salarié ne peut abuser de sa liberté d'expression par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que Madame X... a été licenciée pour avoir porté des accusations graves et non fondées à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques, après qu'ils eurent attiré l'attention de la salariée sur son travail, ainsi par la lettre de Madame Z... en date du 18 avril 2003 ; que les accusations portées sans fondement contre les deux cadres concernés, dans le but d'amoindrir leur autorité sur les autres salariés et au risque de les voir confrontés à des poursuites pénales, caractérisent un abus dans l'exercice de la liberté d'expression, constitutif d'une faute grave rendant comme telle impossible le maintien de l'intéressée dans l'entreprise ; qu'il convient dès lors, par voie de réformation du jugement, de déclarer le licenciement justifié et de rejeter les demandes de Madame X... ; que l'arrêt vaut titre de restitution, de sorte qu'il n'y a pas lieu à condamnation particulière de ce chef » ;
ALORS D'UNE PART QUE ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral, la Cour d'appel qui ne tient pas compte de l'ensemble des éléments établis par le salarié ; ,qu'en se fondant exclusivement sur le rapport de l'inspecteur du Travail pour dire que Madame X... n'établissait pas les faits de harcèlement moral, et en déduire que le licenciement de Madame X... reposait sur une faute grave, sans même prendre en considération les faits précis dont la salariée se prévalait dans ses écritures d'appel (cf. prod n° 2, p. 8 à 11), la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les juges du fond sont tenus d'appréhender l'ensemble des éléments établis par la salariée et de rechercher s'ils permettent d'établir une présomption suffisante de harcèlement ; qu'en se fondant sur le seul rapport de l'inspecteur du Travail pour dire que Madame X... n'établissait pas les faits de harcèlement moral, cependant que Madame X... faisait valoir qu'elle avait subi des faits de harcèlement sexuel de la part de Monsieur Y..., la Cour d'appel qui n'a pas examiné les faits précis dont la salariée se prévalait, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si la salariée avait subi des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement sexuel et a violé les articles L. 1153-1, L. 1153-2 et L. 1154-1 du Code du travail ;
ALORS EN OUTRE ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE la dénonciation à la direction du comportement d'un supérieur hiérarchique sous la qualification erronée de harcèlement ne constitue pas une faute grave dès lors que le salarié n'a pas agi de mauvaise foi ; qu'en considérant que Madame X... avait abusé de son droit d'expression et commis une faute grave en proférant des accusations non fondées à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques sans même avoir constaté que la salariée aurait agi de mauvaise foi, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-4 et L. 1234-9 du Code du travail, ensemble l'article L. 1121-1 du même Code ;
ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QUE la dénonciation à la direction du comportement d'un supérieur hiérarchique sous la qualification erronée de harcèlement ne constitue pas une faute grave lorsque la fausseté des accusations de harcèlement sexuel et moral portées par le salarié contre son supérieur hiérarchique n'est pas établie ; qu'en énonçant, pour dire que le licenciement de Madame X... reposait sur une faute grave, que la salariée n'établissait pas de faits permettant de caractériser une situation de harcèlement sans même caractériser la fausseté des accusations de harcèlement moral et sexuel portées par la salariée contre ses supérieurs hiérarchiques, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-4 et L. 1234-9 du Code du travail, ensemble l'article L. 1121-1 du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44446
Date de la décision : 27/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 04 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 oct. 2010, pourvoi n°08-44446


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44446
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