LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 janvier 2009), que M. X... engagé le 2 avril 2003 par la société Le Fournil biterrois, a été victime d'un accident du travail le 21 juin 2005 ; qu'après avoir été déclaré inapte à son poste à l'issue de deux visites de reprise, le salarié a été licencié le 21 juin 2006 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit se prononcer sur les offres valables de reclassement faites au salarié devenu inapte à son emploi ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la société Le Fournil biterrois avait proposé à M. X... un poste administratif à raison de 65 heures par mois, lequel était conforme aux restrictions posées par le médecin du travail ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur cette offre valable de reclassement qui concernait un poste situé dans l'établissement où travaillait M. X..., en rapport avec sa qualification professionnelle et conforme aux préconisations du médecin du travail, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1, L. 1226-10, L. 1226-13 et L. 4624-1 du code du travail ;
2°/ que saisi du point de savoir si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments versés aux débats par l'employeur pour démontrer qu'il s'est affranchi de son obligation ; qu'en l'espèce, la société Le Fournil biterrois versait aux débats, d'une part le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 29 mai 2006 d'où il résultait que les représentants du personnel avaient donné un avis favorable à la proposition de poste faite par l'employeur et ne voyaient «pas d'autres propositions de reclassement possible» et, d'autre part, les courriers de MM. Y... et Z... refusant de céder leur poste à M. X... ; qu'en s'abstenant d'apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement à la lueur de ces éléments déterminants, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1, L. 1226-10, L. 1226-13 et L. 4624-1 du code du travail ;
3°/ que s'agissant du groupe, la société Le Fournil biterrois faisait valoir qu'elle avait sollicité aux fins de reclassement de M. X..., la société JCT, «seule autre société du groupe» ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas s'être expliqué sur l'étendue du groupe auquel il appartenait, ce qui était pourtant le cas, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en se fondant, pour juger que la société Le Fournil biterrois n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement vis-à-vis de M. X..., sur un «article de presse» concernant l'étendue du groupe auquel elle appartiendrait, cependant qu'il ne ressortait pas des bordereaux de communication de pièces qu'un quelconque article de presse eut été régulièrement versé aux débats et soumis à un débat contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'avis donné par les délégués du personnel et le refus par un salarié déclaré inapte à son poste d'une proposition de reclassement n'impliquent pas, à eux seuls, le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;
Et attendu qu'après avoir relevé que la proposition refusée par le salarié comportait une diminution à 65 heures de l'horaire de travail, la cour d'appel a souverainement retenu que la société Le Fournil biterrois, qui ne fournissait aucune précision sur sa taille et sa structure et qui restait discrète sur l'étendue du groupe (BCS) auquel elle appartenait, ne précisait pas les recherches effectivement effectuées ; que, sans modifier l'objet du litige ni être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a pu déduire de ses constatations que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement de ce salarié et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Fournil biterrois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Le Fournil biterrois
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société LE FOURNIL BITERROIS à payer à Monsieur X... la somme de 23.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite ;
AUX MOTIFS QUE « la société Le Fournil Biterrois ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, de l'impossibilité de reclasser Monsieur X... ; qu'en effet elle ne fournit aucune précision sur sa taille et sa structure, les écritures des parties montrant qu'elle employait entre vingt et deux cents salariés ; que l'inaptitude de Monsieur X... était modérée puisqu'il restait apte au travail de bureau, emploi entrant dans ses compétences puisqu'il constituait déjà une partie (65 heures par mois selon l'employeur) de son temps de travail ; qu'elle reste discrète sur l'étendue du groupe auquel elle appartient (BCS) qui possède selon un article de presse, sept autres sites de production et emploie 650 personnes, se limitant d'indiquer que les solutions de reclassement à l'intérieur du groupe sont restées vaines sans préciser les recherches réellement effectuées et les raisons de leur échec et ne produisant qu'un courriel du 21 avril 2006 provenant apparemment du site de Pithiviers indiquant qu'il n'existe aucun emploi disponible sans plus de précision ; qu'ainsi la société Le Fournil Biterrois ne démontre pas l'impossibilité de reclasser Monsieur X... au besoin par mutation et transformation de poste ; qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement et le licenciement de Monsieur X... s'avère abusif » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit se prononcer sur les offres valables de reclassement faites au salarié devenu inapte à son emploi ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la Société LE FOURNIL BITTEROIS avait proposé à Monsieur X... un poste administratif à raison de 65 heures par mois, lequel était conforme aux restrictions posées par le médecin du travail ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur cette offre valable de reclassement qui concernait un poste situé dans l'établissement où travaillait Monsieur X..., en rapport avec sa qualification professionnelle et conforme aux préconisations du médecin du travail, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles L.1232-1, L.1235-1, L.1226-10, L.1226-13 et L.4624-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE saisi du point de savoir si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments versés aux débats par l'employeur pour démontrer qu'il s'est affranchi de son obligation ; qu'en l'espèce, la Société LE FOURNIL BITERROIS versait aux débats, d'une part le procès verbal de la réunion des délégués du personnel du 29 mai 2006 d'où il résultait que les représentants du personnel avaient donné un avis favorable à la proposition de poste faite par l'employeur et ne voyaient « pas d'autres propositions de reclassement possible » et, d'autre part, les courriers de MM. Y... et Z... refusant de céder leur poste à Monsieur X... ; qu'en s'abstenant d'apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement à la lueur de ces éléments déterminants, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1232-1, L.1235-1, L.1226-10, L.1226-13 et L.4624-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE s'agissant du groupe, la société LE FOURNIL BITERROIS faisait valoir qu'elle avait sollicité aux fins de reclassement de Monsieur X..., la Société JCT, « seule autre société du groupe » (conclusions, p.7, al.6) ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas s'être expliqué sur l'étendue du groupe auquel il appartenait (arrêt, p.5, al.4), ce qui était pourtant le cas, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'en se fondant, pour juger que la Société LE FOURNIL BITERROIS n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement vis-à-vis de Monsieur X..., sur un « article de presse » concernant l'étendue du groupe auquel elle appartiendrait (arrêt, p.5, al.4), cependant qu'il ne ressortait pas des bordereaux de communication de pièces qu'un quelconque article de presse eut été régulièrement versé aux débats et soumis à un débat contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur X... a effectué, pour l'année 2003 (août à décembre), 886,77 heures supplémentaires, 230 heures de travail de nuit, et 21,5 heures de travail les jours fériés ; pour l'année 2004, 1 302,46 heures supplémentaires, 215 heures de nuit, 40 heures de travail les jours fériés, et 6 heures le travail le dimanche ; pour l'année 2005 (janvier à juin), 511,32 heures supplémentaires, 105 heures de nuit, 25 heures de jours fériés, et 5 heures de travail le dimanche, et d'AVOIR Invité les parties à liquider la créance salariale de Monsieur X... sur ces heures de travail avec l'indemnité de repos compensateur ;
AUX MOTIFS QUE « vainement la société Le Fournil Biterrois soulève-t-elle l'irrecevabilité des demandes de Monsieur X... antérieures à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 28 janvier 2004 ; qu'en effet d'une part l'article L.622-24 du code de commerce dispense les salariés de l'obligation de déclarer leurs créances nées antérieurement au jugement d'ouverture ; d'autre part elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L.1224-2 du code du travail qui écarte, en cas de transfert du contrat de travail, l'obligation du nouvel employeur de répondre des dettes de l'ancien employeur à l'égard du salarié en cas de procédure collective car le contrat de travail de Monsieur X... n'a pas fait l'objet d'une cession ou transfert, la société Le Fournil Biterrois ayant bénéficié d'un plan de continuation ; qu'en matière des heures de travail effectuées, il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que leur preuve n'incombe pas spécialement à l'une des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que cependant, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que Monsieur X... produit les plannings de l'équipe qu'il dirigeait avec les horaires de chacun des salariés, leur destination et pour les absences leur motif ; que ces plannings mentionnent également pour chaque jour le début de son temps de travail et sa fin ; que ces documents énoncent un horaire de travail précis et vérifiable ; que la société Le Fournil Biterrois ne relève aucune anomalie dans les données fort nombreuses y figurant alors qu'elle dispose des éléments de comparaison ; que ces plannings étayent la demande de Monsieur X... ; que la société Le Fournil Biterrois s'avère défaillante dans sa contribution à la charge de la preuve ne versant aucun document contraire et notamment pas ceux relatifs au contrôle de la durée du travail que les articles L.3171-1-1, L.3171-2, D.3171-1, D.3171-2 et D.3171-8 du code du travail lui imposent de tenir ; qu'ainsi Monsieur X... établit la réalité des heures supplémentaires ou de nuit dont il demande le paiement ; que cependant les calculs fournis par Monsieur X... se fonde sur la qualification réclamée de niveau VI ou V et non pas celle retenue par cet arrêt conforme aux mentions des bulletins de paie ; que le taux horaire applicable à la qualification retenue n'est pas indiqué et la détermination des sommes revenant à Monsieur X... doit s'opérer d'après un décompte soumis à l'examen contradictoire des parties ; qu'il convient donc d'inviter les parties d'après le nombre d'heures supplémentaires, de travail de nuit et de travail les jours fériés détaillé dans le dispositif de cet arrêt de liquider la créance et en cas de difficultés de saisir la Cour par requête » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, le juge ne peut, pour décider que le salarié a rempli son obligation de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande d'heures supplémentaires, se déterminer uniquement au regard d'éléments établis unilatéralement par le demandeur pour les besoins de la cause ; qu'en l'espèce, en s'appuyant exclusivement sur les « plannings des tournées » produits par Monsieur X... pour juger que ce dernier étayait sa demande d'heures supplémentaires, sans répondre aux conclusions de la Société LE FOURNIL BITERROIS faisant valoir (p.10, al.8) que ces éléments n'émanaient pas de l'entreprise mais avaient été élaborés par l'intéressé luimême sur son ordinateur personnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
QUE, de même, en se fondant sur de tels éléments pour retenir que le salarié apportait des éléments de nature à étayer sa demande de paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles L.3171-4 du Code du travail et 1315 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET DE TOUTE FACON, QUE la Société LE FOURNIL BITERROIS contestait les plannings versés aux débats par Monsieur X... en faisant valoir que ces derniers ne prenaient pas en compte les temps de repos légaux dont le salarié ne prétendait pourtant pas avoir été privés (conclusions p.10, al.7) ; qu'en s'abstenant de tenir compte, dans le chiffrage des heures supplémentaires devant servir de base au calcul du rappel de salaire, desdits temps de repos, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.3171-4 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN, QU' en affirmant que la Société LE FOURNIL BITTEROIS ne relevait aucune anomalie dans les données figurant dans les plannings produits par Monsieur X..., cependant que l'exposante faisait valoir que ces derniers ne prenaient pas en compte les temps de repos légaux dont le salarié ne prétendait pourtant pas avoir été privé (conclusions p.7, al.10), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société LE FOURNIL BITERROIS à payer à Monsieur X... la somme de 11.286 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE « L'article L. 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un emploi de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Cette dissimulation doit être intentionnelle ; que le nombre important d'heures supplémentaires accomplies par Monsieur X..., leur répétition chaque mois durant toute la durée de la relation de travail du moins depuis août 2003, l'absence de tout élément pouvant expliquer leur omission, la persistance de la société Le Fournil Biterrois dans la négation de l'existence de ces heures supplémentaires établissent le caractère intentionnel de l'infraction ; que l'article L.8223-1 du code du travail prévoit au profit du salarié dont le contrat de travail a été rompu, victime d'une dissimulation d'emploi salarié, une indemnité égale à six mois de salaire ; qu'il doit être alloué à Monsieur X... la somme de 11 286 euros » ;
ALORS QUE la cassation du chef de l'arrêt qui a jugé que Monsieur X... était fondé en ses demandes concernant les rappels de salaire entraînera, sur le fondement de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt qui a alloué à ce dernier une somme de 11.286 € à titre de dommages et intérêts pour « travail dissimulé ».