LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs, et les articles L. 1231-1 et L. 2411-22 du code du travail ;
Attendu que M. X... a été engagé par M. Z..., président de la société Z... auto, comme directeur général le 6 avril 1999 par un contrat de travail écrit précisant sa qualité de conseiller prud'homal ; que M. Z... a signé, le 6 septembre 1999, une lettre de licenciement mettant fin à la période d'essai de l'intéressé ; qu'alléguant que M. X... aurait subtilisé cette lettre en son absence, M. Z... a convoqué le salarié par lettre du 29 septembre 1999 à un entretien préalable au licenciement pour le 5 octobre suivant, avec mise à pied conservatoire ; que le salarié contestant ce vol, a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 1er octobre 1999 en indiquant que le licenciement lui ayant été déjà notifié le 21 septembre par remise en main propre de la lettre du 6 septembre précédent, il ne se présenterait pas à cet entretien ; que l'employeur a déposé une demande d'autorisation de licenciement le 6 octobre 1999, refusée par l'inspecteur du travail le 4 novembre 1999 au motif que le salarié avait été licencié avant la demande d'autorisation de licenciement par remise de la lettre du 6 septembre 1999 ; que cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 24 janvier 2001 devenu définitif ; que la nouvelle demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur a été refusée par décision de l'inspecteur du travail du 21 juin 2001 constatant que les relations de travail avaient pris fin en fait le 6 octobre 1999 ; qu'auparavant, le 16 mai 2000, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes pour licenciement en violation du statut protecteur ;
Attendu que pour dire que le contrat du salarié avait été rompu en violation du statut protecteur et lui allouer à ce titre, et pour rupture abusive du contrat de travail, diverses sommes, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail a bien été rompu dans les faits, que l'employeur ne peut alléguer la démission du salarié par abandon de poste en l'absence d'une volonté claire et non équivoque de démissionner, laquelle était démentie par la lettre du salarié du 1er octobre 1999 prenant acte de la rupture en raison de la notification préalable de son licenciement, ce qui suffit à lui imputer la rupture du contrat de travail ; qu'à supposer que le salarié ait démissionné, la date de la rupture serait le 4 octobre, date de la fin d'un congé maladie, qu'au contraire si la lettre de rupture lui a été remise le 21 septembre, la date de la rupture serait le 6 octobre, fin du préavis de sorte que dans tous les cas le contrat a été rompu sans autorisation préalable de licenciement ;
Attendu cependant que les décisions des autorités administratives statuant sur la cause de la rupture et la régularité de la procédure suivie s'imposent au juge judiciaire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait des décisions de la juridiction administrative et de l'inspecteur du travail, d'une part, que le salarié n'avait pas été licencié par remise de la lettre de licenciement datée du 6 septembre 1999 et, d'autre part, que le contrat avait été rompu en fait le 6 octobre 1999, ce dont il se déduisait qu'il l'avait été à la suite de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié fondée sur un licenciement qui n'était pas établi, laquelle produisait les effets d'une démission, la cour d'appel a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné la société Z... à payer à M. X... des rappels de salaire au titre d'une prime pour l'année 1999 et d'avantages en nature, l'arrêt rendu le 31 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que le contrat de travail a été rompu le 6 octobre 1999 à la suite de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. X... qui produit les effets d'une démission ;
Déboute M. X... de toutes ses demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Z... autos
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la rupture du contrat de travail liant Monsieur Loïc X... aux sociétés Z... AUTOS et Z... SERCA en date du 21 septembre 1999, constaté la fin de ce contrat de travail au 6 octobre 1999, et constaté que la rupture de ce contrat de travail n'avait pas été autorisée par l'inspection du travail compétente ; jugé ce licenciement de Monsieur X... nul et de nul effet du fait du non-respect de la procédure d'autorisation administrative et jugé ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamner la société Z... AUTOS à verser à Monsieur Loïc X... les sommes de 381. 122, 54 € au titre de l'indemnité de violation de son statut protecteur, 30. 000 € pour l'indemnité de rupture abusive du contrat, 35. 591 € pour le préavis, 1. 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte ;
AUX MOTIFS QUE « avant d'aborder le coeur du litige, un bref rappel des épisodes procéduraux antérieurs est nécessaire ; le 4 novembre 1999, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement demandée par l'employeur le 6 octobre ; le 7 février 2001, le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé cette décision ; le 23 octobre 2003, la Cour administrative de Bordeaux a rejeté la demande d'annulation du jugement précité ; le 8 juin 2005, le Conseil d'Etat a rejeté la requête de Monsieur X... tendant à l'annulation de l'arrêt précité ; le 21 juin 2005, l'inspecteur du travail a dit n'y avoir lieu sur la requête réitérée d'autorisation du licenciement de l'employeur en l'absence de persistance du lien contractuel depuis le 6 octobre 1999 ; bien qu'une requête en annulation ait été déposée par l'employeur le 21 août 2001, il n'est pas invoqué l'existence d'une décision administrative y afférente ; le 9 juillet 2001, la plainte pour vol déposée par la société Z... AUTOS a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu ; pour passionnant qu'il soit le vol de la lettre du 6 septembre 1999 n'est qu'un épiphénomène ; en effet même en retenant l'argumentaire de la société Z... AUTOS sur un vol de ce courrier, la problématique de la rupture du contrat subsiste tout comme son imputabilité ; de fait, la relation salariale a été rompue comme le précise la décision de l'inspecteur du travail du 21 juin 2001, dont il n'est pas invoqué l'annulation (« la rupture du contrat de travail étant bien intervenue, dans les faits le 6 octobre 1999 »), la société Z... AUTOS tente de contourner cette difficulté en plaidant que la rupture du contrat résulte d'une démission du salarié. Or, celle-ci ne se présume pas et doit résulter d'une volonté éclairée et non équivoque ; l'abandon de poste supposé de Monsieur X... suite au vol (retenu pour la seule démonstration) ne caractérise nullement cette démission. Cette dernière est d'ailleurs contredite par son courrier du 1er octobre 1999 (en réponse à celui de l'employeur du 29 septembre faisant état du vol de la lettre et convoquant le salarié pour un entretien préalable à un éventuel licenciement) aux termes duquel le salarié conteste l'accusation de vol et déclare prendre acte de la décision de rupture (j'ai pris acte de la décision de rupture qui m'a ainsi été notifiée) ; les termes de ce courrier sont exclusifs d'une démission et l'employeur l'a d'ailleurs entendu comme tel puisqu'il a saisi l'inspecteur du travail pour une autorisation de licenciement par une requête du 6 octobre suivant ; la prise d'acte ne porte pas ici sur des fautes imputées à l'employeur rendant impossible la poursuite de la relation salariale, laquelle aurait valeur de licenciement en cas de fautes prouvées et de démission à défaut, mais sur la notification de la rupture du contrat avant la fin de la période d'essai (non stipulée au contrat) ; cette prise d'acte ne modifie alors nullement la présente problématique ; par ailleurs, en invoquant une démission la société Z... AUTOS se prévaut nécessairement de la rupture de la relation contractuelle ; elle le fait à tort puisque l'absence de démission vient d'être démontrée ; ce fait suffit à lui imputer la responsabilité de la rupture de la relation contractuelle ; à titre surabondant, il doit être souligné que dès lors que la société Z... AUTOS invoque le vol, l'obligation probatoire pèse sur elle ; l'instance pénale terminée par un non-lieu faute de preuve est ici sans incidence ; les attestations qu'elle produit établissent que le dirigeant a entendu conserver le courrier du 6 septembre jusqu'à son retour de métropole pour consulter préalablement son conseil ; à supposer ces témoignages conformes à la réalité, ils ne contredisent nullement la possibilité d ‘ une remise du courrier par l'employeur le 21 septembre (dans un moment de faiblesse ou d'énervement) après son arrivée dans le département le 20 septembre à 10 H selon le bon voyage communiqué ; par ailleurs aucun élément n'est produit quant aux circonstances (supposées) de la découverte du vol ; celui-ci ne résulte que de l'affirmation de Monsieur Z... et il est pour le moins surprenant qu'aucune attestation ne soit communiquée quant à ses recherches lors de la découverte de sa disparition et à sa réaction lorsque la soustraction a été envisagée ; réaction qui en toute logique a dû être apocalyptique ; la preuve du vol n'est donc pas rapportée ; dès lors la simple détention par Monsieur X... d'un original signé du courrier du 6 septembre, même sans mention de décharge, reste probante de sa remise volontaire (fin de la digression surabondante) ; la démission invoquée à tort fondée sur l'abandon de poste impose de retenir comme date de la fin de la relation salariale le lundi 4 octobre 1999 qui correspond à la date théorique de reprise après l'arrêt maladie du 27 septembre au 2 octobre 1999 ; si le vol n'a pas eu lieu, la rupture du contrat résulte de la remise du courrier du 6 septembre 1999 avec une fin de contrat au 6 octobre (fin du préavis) ; les droits du salarié sont, dans les deux hypothèses, identiques ; le débat sur la réalité du vol, bien qu'envisagé à titre surabondant, est ainsi inopérant ; »
1) ALORS QUE l'annulation du refus d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé prononcée par le juge administratif et devenue définitive, s'impose au juge judiciaire, y compris dans ses motifs afférents à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le refus d'autorisation de licenciement opposé à l'employeur par l'inspecteur du travail avait été annulé par le juge administratif par une décision devenue définitive et dont il résultait que la preuve n'était pas rapportée que le salarié, qui avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 1er octobre 1999 en raison d'un licenciement qui lui aurait été notifié le 21 septembre précédent, s'était effectivement vu remettre une lettre de licenciement par son employeur à cette date ; qu'en affirmant que la preuve était rapportée de la remise au salarié d'une lettre de licenciement le 21 septembre 1999, la Cour d'appel, qui a remis en cause le bien-fondé de la décision prise par le juge administratif, a violé la loi des 16 et 24 août 1790, et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;
2) ALORS, en tout état de cause, QU'il appartient au juge d'examiner tous les éléments de preuve produits à l'appui de l'affirmation d'un fait et de rechercher si, pris ensemble, ils sont de nature à constituer des indices concordants de la réalité dudit fait ; qu'en l'espèce, pour établir que le courrier daté du 6 septembre 1999 n'avait jamais été remis au salarié le 21 septembre 1999, mais avait au contraire été subtilisé par ce dernier, l'employeur versait aux débats l'attestation de Monsieur Y... relatant que Monsieur Z..., de retour de congés, lui avait appris que le courrier litigieux avait été dérobé dans son bureau, la lettre de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, en date du 29 septembre 1999, évoquant l'indignation de l'employeur s'étant aperçu que le salarié avait subtilisé la lettre qui était restée dans son bureau, la demande d'autorisation de licenciement adressée à l'inspecteur du travail le 6 octobre 1999 dans laquelle l'employeur accusait son salarié du vol du courrier litigieux et du chantage qu'il avait mené une fois en sa possession, la décision du tribunal administratif de Saint Denis de la Réunion du 7 février 2001 constatant l'absence de toute mention de décharge sur le courrier daté du 6 septembre 1999 empêchant de s'assurer du caractère certain de la rupture du contrat de travail à la date de remise alléguée du 21 septembre 1999, décision confirmée par un arrêt en date du 23 octobre 2003 rendu par la Cour administrative d'appel de Bordeaux, puis par un arrêt en date du 8 juin 2005 rendu par le Conseil d'Etat, et, enfin, un constat d'huissier du 29 septembre 1999 établissant que des documents appartenant à son ancien employeur avaient été découverts dans le bureau du salarié et qu'il était ainsi manifestement coutumier des faits de vol, ce qui avait d'ailleurs conduit l'employeur à déposer deux plaintes en ce sens ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'ensemble de ces éléments particulièrement concordants n ‘ étaient pas de nature à établir que l'employeur n'avait nullement remis spontanément le courrier litigieux le 21 septembre 1999, i. e. avant la prise d'acte de la rupture par le salarié le 1er octobre 1999, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 devenus les articles L. 1231-1, L1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail, ensemble l'article L. 2411-22 du Code du travail.