LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 septembre 2009), que, constituée en 1994 par MM. X..., gérant de droit, et Y..., gérant de fait, la société à responsabilité limitée BHR (la société) a été mise en liquidation judiciaire le 13 novembre 1996 ; qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a notifié un redressement à son liquidateur judiciaire puis a émis, le 16 octobre 2000, un avis de mise en recouvrement de la somme de 181 681, 72 euros à titre de rappel de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) ; que cette créance a été admise au passif de la société et que, par courrier du 18 mars 2003, le liquidateur judiciaire a précisé qu'elle n'était pas recouvrable ; que, saisi par le receveur principal des impôts de Boulogne nord sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, le président du tribunal de grande instance a déclaré MM. X... et Y... solidairement responsables avec la société du paiement des impositions en disant n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :
Attendu que MM. Y... et Le X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur exception de prescription alors, selon le moyen, qu'ils n'étaient pas directement visés par le contentieux d'assiette de la SARL ouvert devant le juge de l'impôt, en matière de TVA, mais n'étaient concernés que par une action en responsabilité solidaire engagée par l'Administration dans le cadre d'un contentieux de recouvrement, et ne pouvaient donc se voir opposer une suspension de délai de prescription résultant d'un sursis de paiement demandé dans le cadre du contentieux engagé par la société ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 274 et L. 277 du livre des procédures fiscales et de l ‘ article 2244 du code civil ;
Mais attendu que, selon l'article 377 du code de procédure civile, l'instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer ; qu'en l'espèce, l'arrêt relève que la cour d'appel avait sursis à statuer le 22 septembre 2005 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la réclamation contentieuse élevée par MM. X... et Y... et que, par jugement définitif du 13 mars 2008, le tribunal administratif a rejeté la requête de ces derniers ; qu'il en résulte que le délai de prescription a été suspendu du 22 septembre 2005 jusqu'au 13 mars 2008 ; que, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que MM. Y... et Le X... font grief à l'arrêt d'avoir retenu leur responsabilité solidaire pour le paiement des dettes de la société alors, selon le moyen, que l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société par ses dirigeants ne constitue une condition de mise en cause de la responsabilité solidaire de ces derniers que s'il est démontré que cette inobservation s'est accompagnée de circonstances démontrant que c'est elle, et non pas une négligence des services d'assiette ou de recouvrement, qui a rendu impossible le recouvrement des impositions litigieuses ; qu'ainsi, en se fondant uniquement sur les insuffisances relevées pour condamner les requérants au paiement solidaire des dettes fiscales, l'arrêt attaqué manque de base légale au regard des dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate que la société était tenue de remettre trimestriellement à la recette des impôts un relevé indiquant le montant des opérations réalisées avec le détail de celles taxables ainsi que d'acquitter simultanément le montant des taxes correspondant au chiffre d'affaires déclaré ; qu'il relève que la vérification de comptabilité a démontré son caractère incomplet outre une minoration systématique pour la période du 1er avril 1994 au mois de novembre 1996 du chiffre d'affaire taxable au titre de la TVA, une importante partie des achats étant effectuée en espèces ainsi qu'une partie des salaires qui n'était pas déclarée, la quasi-totalité des recettes étant perçue en espèces et sans établissement de reçu ou justificatif ; qu'il retient que de tels manquements constituent une inobservation grave et répétée des obligations de la société et caractérisent des détournements de sommes directement perçues auprès des clients au titre de la TVA ; qu'il en déduit que les deux dirigeants ont ainsi laissé se constituer la dette fiscale de la société dans des conditions telles qu'il était devenu impossible pour l'administration de la recouvrer, ses diligences étant privées d'effet en raison de l'ouverture d'une procédure collective appelée à être clôturée pour insuffisance d'actif ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche visé au moyen, a légalement justifié sa décision ; que celui-ci n'est pas fondé ;
Et attendu que le troisième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Ernest Y... et Jacques X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par de Me Odent, avocat aux Conseils pour MM. Y... et Le X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir retenu la responsabilité solidaire des deux appelants pour le paiement des dettes sociales de la SARL BHR, rejetant par là même l'exception de prescription ;
AUX MOTIFS QUE si le jugement entrepris les a déclarés solidairement responsables avec la société BHR du paiement des impositions éludées par cette dernière et si, à la suite de ce jugement, ils ont introduit une réclamation contentieuse avec demande de sursis de paiement avant de saisir le tribunal administratif le 9 mai 2005, la demande de sursis de paiement produite à l'appui d'une réclamation contentieuse régulière suspend l'exigibilité de l'impôt à la date de sa réception par l'administration et met le comptable dans l'impossibilité d'agir et est suspensive de la prescription de l'action en recouvrement ; que la cour, dans son arrêt du 22 septembre 2005, a sursis à statuer sur l'appel formé par Monsieur Y... et Monsieur X..., en relevant dans ses motifs que seul le juge administratif pouvait connaître du contentieux de la TVA et que le comptable des impôts ne pouvait émettre à leur encontre un titre exécutoire, lequel sera constitué par le présent arrêt si le jugement entrepris est confirmé ; que le tribunal administratif de VERSAILLES a, par jugement définitif du 13 mars 2008, rejeté la requête de Monsieur Y... et de Monsieur X... et que le comptable des impôts ayant fait rétablir l'affaire au rôle de la cour le 23 octobre 2008, aucune forclusion ne pouvait être valablement opposée à l'action de l'administration ;
ALORS QUE Monsieur Y... et Monsieur X... n'étaient pas directement visés par le contentieux d'assiette de la SARL ouvert devant le juge de l'impôt, en matière de TVA, mais n'étaient concernés que par une action en responsabilité solidaire engagée par l'Administration dans le cadre d'un contentieux de recouvrement, et ne pouvaient donc se voir opposer une suspension de délai de prescription résultant d'un sursis de paiement demandé dans le cadre du contentieux engagé par la société ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 274 et L. 277 du livre des procédures fiscales et de l'article 2244 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris qui a retenu la responsabilité solidaire des deux appelants pour le paiement des dettes sociales de la SARL BHR ;
AUX MOTIFS QUE les manquements relevés par l'Administration constituent une inobservation grave et répétée des obligations fiscales des dirigeants qui ont laissé se constituer la dette fiscale de la société BHR dans des conditions qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par celle-ci, comme le démontre l'attestation de Me A..., mandataire-liquidateur, la procédure collective étant appelée à être clôturée pour insuffisance d'actif ;
ALORS QUE l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société par ses dirigeants ne constitue une condition de mise en cause de la responsabilité solidaire de ces derniers que s'il est démontré que cette inobservation s'est accompagnée de circonstances démontrant que c'est elle, et non pas une négligence des services d'assiette ou de recouvrement, qui a rendu impossible le recouvrement des impositions litigieuses ; qu'ainsi, en se fondant uniquement sur les insuffisances relevées pour condamner les requérants au paiement solidaire des dettes fiscales, l'arrêt attaqué manque de base légale au regard des dispositions de l'article L. 267 du LPF.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris qui a retenu la responsabilité solidaire des deux appelants pour le paiement des dettes sociales de la SARL BHR ;
AUX MOTIFS QUE, contrairement à ce que les appelants soutiennent, l'avis de mise en recouvrement (AMR), sur la régularité duquel la cour peut statuer en application de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, mentionne l'origine de la créance, la nature de celle-ci, la période considérée, le montant des bases imposables, le taux retenu et distingue le principal des intérêts ;
ALORS QUE les exposants avaient reproché à l'avis de mise en recouvrement de ne pas avoir mentionné, spécialement, le taux et la nature de sanctions fiscales ; qu'ainsi, en n'ayant pas fait référence aux pénalités dans les mentions de l'AMR, la cour n'a pas répondu à ce moyen, en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile.