LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, à bon droit retenu que la présomption d'appartenance à la commune de tout chemin affecté à l'usage du public pouvait être invoquée par tout intéressé, la cour d'appel, qui a relevé que M. X..., riverain du chemin en cause, demandait à ce que les consorts Z...-A...suppriment tout obstacle à la circulation, a légalement justifié sa décision de déclarer recevable l'action introduite par M. X... ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, au vu des attestations et écrits produits, que le chemin litigieux était couramment utilisé par le public depuis plus de trente années, que son assiette existait depuis des dizaines d'années, qu'il était utilisé par de nombreux usagers et entretenu par les employés communaux, et qu'il était donc utilisé comme voie de passage ouverte au public, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que l'absence de mention en tant que tel du chemin en cause dans les actes de propriété des consorts Z...-A...comme sur le cadastre, document fiscal, ne suffisait pas à renverser la présomption de propriété résultant de l'article L. 161-3 du Code rural, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de qualifier de rural le chemin reliant " Planchadeaud " aux " Isles " situé sur la commune de Saint-Pierre Bellevue ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z...-A...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Z...-A...à payer la somme de 2 500 euros à M. X... et à la commune Saint-Pierre Bellevue, ensemble ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. Z... et Mme A....
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le chemin reliant les lieudits Le Planchadeau et Les Isles sur la commune de Saint-Pierre Bellevue est un chemin rural au sens de l'article L 161-1 du Code rural et d'avoir ordonné à Monsieur Z... et à Madame A... de débarrasser le chemin de tout ce qui est de nature à entraver la circulation et ce sous astreinte de 75 euros par jour à compter de la signification du jugement ;
Aux motifs que le chemin litigieux qui relie Planchadeau aux Isles en traversant d'Est en Ouest la parcelle cadastrée n° 423, propriété des appelants, ne figure pas sur le plan cadastral qui n'est qu'un document fiscal, mais son tracé apparaît clairement sur les photographies aériennes versées aux débats ; que ce chemin ne se confond pas avec l'assiette de la servitude de passage dont il est fait mention dans l'acte notarié de vente du 21 janvier 2005, qui précise que cette servitude s'exerce en limite de la parcelle n° 423 ; que Monsieur X... produit diverses attestations notamment de Monsieur et Madame B..., de Messieurs C..., de Madame D..., de Madame E..., de Madame F..., de Monsieur G..., de Monsieur H..., de Monsieur I... et de Monsieur J... desquelles il résulte que le chemin litigieux était couramment utilisé par le public depuis plus de trente années ; que le maire de la commune de Saint-Pierre Bellevue confirme dans un courrier du 14 septembre 2006 que l'assiette de ce chemin existe depuis des dizaines d'années, qu'il était utilisé par nombreux usagers et précise qu'il est entretenu par les employés communaux ; que la réalité de cet entretien par le personnel communal est confirmée par les attestations de Monsieur K..., agent d'entretien municipal, qui indique participer à l'entretien du chemin sur les ordres du maire de la commune, ainsi que par celle rédigée par Monsieur L... ; qu'au vu de ces éléments qui font la preuve tant de l'utilisation du chemin litigieux comme voie de passage ouverte au public depuis plus de trente ans que de son entretien par l'autorité municipale, c'est à juste titre que le premier juge a retenu sur le fondement des articles L 161-2 et L 161-3 du Code rural et des articles 2228 et suivants et 2262 du Code civil, que ce chemin était un chemin rural appartenant à la commune de Saint Pierre Bellevue avant d'ordonner sous astreinte à Monsieur Z... et à Madame A... de le libérer de toute entrave, la circonstance qu'il ne soit pas mentionné comme tel dans l'acte notarié de vente de leur propriété ne permettant pas de remettre en cause la propriété de la commune sur ledit chemin ;
Alors d'une part, que l'action en revendication n'appartient qu'à celui qui se prétend propriétaire ; qu'en l'espèce, la commune de Saint Pierre Bellevue qui n'est intervenue à l'instance que sur intervention forcée en cause d'appel et qui s'en est remise à la décision du juge quant à la qualification du chemin litigieux, n'a pas exercé d'action en revendication ni invoqué une quelconque prescription acquisitive du chemin litigieux ; qu'en se fondant pour dire que ce chemin est un chemin rural appartenant à la commune, sur une prescription acquisitive invoquée par le seul Monsieur X..., la Cour d'appel a violé les articles 31 du Code de procédure civile, 544, 2228 et suivants et 2262 du Code civil ;
Alors d'autre part, que la possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nousmême ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom ; que dès lors, le seul constat de l'usage d'un chemin par le public, s'il permet de retenir une présomption de propriété au profit de la commune, ne suffit pas à caractériser la possession de cette dernière ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 2228 du Code civil et L 161-3 du Code rural ;
Alors en outre, que l'usucapion exige une possession trentenaire ; qu'en se bornant à relever que le chemin litigieux est entretenu par les employés communaux, sans constater qu'il le serait depuis au moins trente ans, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2228 et 2262 du Code civil ;
Alors en tout état de cause, que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; qu'en l'espèce, ainsi que cela résulte des conclusions de la commune de Saint Pierre Bellevue, celle-ci ne revendiquait pas la propriété du chemin litigieux sur la qualification duquel elle s'en remettait à la décision du juge ; que la prétendue possession de la commune était dès lors pour le moins équivoque et ne caractérisait aucune intention d'appropriation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans avoir caractérisé la réunion des conditions précitées, et notamment l'absence d'équivoque, et la volonté de la commune de Saint Pierre Bellevue de se comporter comme le propriétaire de ce chemin, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2229 et 2262 du Code civil ;
Alors en cinquième lieu, qu'un chemin affecté à l'usage du public est seulement présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ; qu'en déduisant de la preuve de l'affectation du chemin au public et de son entretien par la commune, le droit de propriété de cette dernière sur ce chemin, la Cour d'appel a violé l'article L 161-3 du Code rural ;
Alors de plus, qu'en ne recherchant pas ainsi qu'elle y était invitée, si les consorts Z... et A... et leurs auteurs ne disposaient pas d'un titre de propriété sur l'assiette du chemin litigieux, et si ce titre ajouté à l'absence de mention de ce chemin sur le plan cadastral ne constituaient pas des circonstances de nature à renverser cette présomption de propriété, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 161-3 du Code rural ;
Alors enfin, que par un courrier du 8 septembre 2006, le maire de la commune de Saint Pierre Bellevue indiquait expressément à propos de l'attestation de Monsieur K..., que contrairement à la portion du chemin située entre le CD 37 et le pont enjambant le ruisseau du Moulinier, la zone du chemin située « au delà du pont et objet du litige n'est à ce jour pas officiellement entretenue par les services de la commune (nous ne pouvons intervenir sur un domaine privé) » ; qu'il ajoutait à propos de l'attestation de Monsieur C..., que ce dernier est employé communal à temps partiel et exerce la profession d'agriculteur au village du Planchadeau, et « qu'à ce titre il a pu être amené à procéder à un débroussaillage de la partie située au delà du pont d'autant plus qu'avant l'acquisition des parcelles supérieures par Monsieur Z..., il exploitait lesdites parcelles » ; que dans un courrier précédent du 14 octobre 2005, la commune admettait en outre expressément que rien ne permettait de considérer objectivement que les conditions que doit remplir un chemin pour être qualifié de chemin rural sont en l'espèce remplies ; qu'en ne s'expliquant ainsi qu'elle y était invitée, sur la portée de ces courriers des 6 septembre 2006 et 14 octobre 2005 émanant du propriétaire prétendu du chemin litigieux, sur la qualification de ce chemin et sur les attestations retenues, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 161-1 et suivants du Code rural, 2228 et suivants et 2262 du Code civil.