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06/10/2010 | FRANCE | N°10-81075

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 octobre 2010, 10-81075


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Claude X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 21 janvier 2010, qui, pour escroquerie, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt

attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable d'escroquerie au jugement,
"aux motifs que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Claude X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 21 janvier 2010, qui, pour escroquerie, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable d'escroquerie au jugement,
"aux motifs que tant devant le tribunal que devant la cour d'appel saisis par Jean-Claude X... d'une demande de résiliation du contrat de location-gérance consenti à Carlo Y... par acquisition de la clause résolutoire, Jean-Claude X... avait invoqué le contrat de location-gérance de 1992 et la poursuite de l'activité dont témoignait la lettre du 4 novembre 1994 par laquelle il autorisait la société Nervol à faire les travaux et peintures nécessaires à la remise en état de la station-service et à préciser le litrage des citernes ; que s'il était exact que la cour d'appel avait interprété différemment les pièces versées aux débats par Jean-Claude X..., il ne pouvait, au motif qu'il lui appartenait de déterminer le sens exact et la valeur des pièces produites, conclure à sa relaxe ; que la cour n'avait fait droit à son argumentation qu'en contemplation du contrat de location-gérance de 1992 qu'il savait être fictif et de la poursuite de l'exploitation invoquée qu'il savait fausse et qu'il a invoqués pour soutenir que le fonds de commerce existait toujours et bénéficiait d'une clientèle quand il avait consenti en 1995 un contrat de location-gérance à Carlo Y... ; que par la production de ces documents destinés à tromper la religion de la cour, Jean-Claude X... l'avait ainsi déterminée à estimer à tort que le contrat était valable bien que les conditions exigées par la loi du 20 mars 1956 ne fussent pas réunies ;
"1°) alors que ne constitue pas une manoeuvre frauduleuse la production, à l'appui d'une action en justice, d'une pièce dont le juge a précisément pour mission de déterminer le sens exact et la valeur probante ; qu'en ayant retenu comme frauduleuse la production d'un contrat dont le tribunal et la cour d'appel ont différemment apprécié les clauses, la cour d'appel a violé l'article 313-1 du code pénal ;
"2°) alors que l'escroquerie au jugement suppose la présentation en justice, de mauvaise foi, de documents mensongers qui, destinés à tromper la religion du juge, sont susceptibles de faire condamner une partie à des sommes qui ne sont pas dues ; qu'en retenant Jean-Claude X... dans les liens de la prévention, sans avoir caractérisé sa mauvaise foi et après avoir constaté que Carlo Y... avait contracté en connaissance de cause et non en raison de manoeuvres commises par Jean-Claude X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Claude X... à payer une somme de 47 662,11 euros de dommages-intérêts à Carlo Y... ;
"aux motifs que le contrat conclu par Carlo Y... ne pouvait recevoir la qualification de location-gérance mais uniquement celle de bail commercial ; ce n'était qu'en raison de l'escroquerie au jugement commise par Jean-Claude X... que la qualification de location-gérance avait été retenue par la cour d'appel et la redevance maintenue à 4 744 francs au lieu d'un loyer de 1 500 francs tel que fixé par le tribunal de commerce, soit une différence de 3 244 francs par mois ; que Carlo Y... justifiait s'être acquitté à ce titre de la somme de 47 662,11 euros ;
"alors que la partie civile ne peut obtenir réparation que du préjudice résultant directement de l'infraction poursuivie ; que la cour d'appel, qui a constaté (arrêt p.8) que Carlo Y... avait conclu le contrat de location-gérance de 1995 en toute connaissance de cause et non parce que Jean-Claude X... avait usé de manoeuvres pour l'inciter à contracter, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatation" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par acte du 2 mars 1992, M. Jean-Claude X... a concédé la gérance d'un fonds de commerce de mécanique à son épouse qui ne l'a pas exploité ; qu'en exécution d'un contrat de location-gérance sous signatures privées du 9 janvier 1995, ce fonds a été repris par M. Carlo Y... ; que, statuant sur la résolution de cette dernière convention, la cour d'appel d'Agen en a constaté la validité, l'expulsion du locataire-gérant étant ensuite ordonnée; que, sur la plainte avec constitution de partie civile portée par M. Carlo Y..., M. X... a été poursuivi, des chefs d'escroquerie, pour avoir, en produisant le contrat de location-gérance du 2 mars 1992 qu'il savait dépourvu d'effet, d'une part, déterminé le plaignant à signer l'acte du 9 janvier 1995, d'autre part, trompé les juges de la cour d'appel ;
Attendu que, pour relaxer M. X... du premier de ces chefs, l'arrêt, après avoir retenu qu'une nouvelle location-gérance ne pouvait être convenue faute d'exploitation et de clientèle, énonce notamment, que la convention du 9 janvier 1995 ne comporte aucune référence au contrat précédent ; que les juges ajoutent que M. Carlo Y... l'a signée en toute connaissance de cause ;
Qu'en revanche, pour dire établi le délit d'escroquerie au jugement, les juges relèvent que M. X... a, dans le cadre de l'instance civile, invoqué le contrat de location-gérance du 2 mars 1992 et justifié de la poursuite de l'activité en produisant une lettre du 4 novembre 1994 autorisant des travaux de remise en état ; qu'ils ajoutent que la cour d'appel n'a fait droit à son argumentation qu'en retenant un contrat qu'il savait fictif et une poursuite de l'exploitation dont il connaissait le caractère mensonger ; que les juges en déduisent que le prévenu, par la production de ces documents destinés à tromper la religion de la cour d'appel, l'a déterminée à estimer à tort que le contrat de location-gérance était valable bien que les conditions exigées par la loi du 20 mars 1956 ne soient pas réunies ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, après avoir retenu que la convention de location-gérance litigieuse avait été signée en toute connaissance de cause par M. Carlo Y..., et alors qu'il appartient au juge civil de déterminer les effets juridiques des pièces produites, sans autre manoeuvre leur donnant force ou crédit, à l'appui d'une action en justice, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions pénales et civiles ayant condamné M. Jean-Claude X... du chef d'escroquerie au jugement, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 21 janvier 2010,
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Agen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-81075
Date de la décision : 06/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 21 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 oct. 2010, pourvoi n°10-81075


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Blanc

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.81075
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