LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué réunis, ci-après annexés :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, exactement relevé qu'il résultait des stipulations de l'article 50 du CCAG dont les parties admettaient l'application au marché, que la soumission à la personne responsable du marché du différend né à l'occasion de l'exécution de celui-ci entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur constituait un préalable obligatoire à la saisine du tribunal administratif et constaté que l'architecte et la société Bat Eco ne proposaient pas d'établir que cette procédure pré contentieuse avait été contractuellement étendue à l'hypothèse de la saisine d'une juridiction de l'ordre judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige et qui a retenu que l'action engagée par la société Salvi à l'encontre de l'architecte et de l'économiste de la construction s'analysait en une action en responsabilité pour faute, exercée après exécution du marché, en a exactement déduit que les stipulations de l'article 50 du CCAG ne s'appliquaient pas à l'action en responsabilité engagée par la société Salvi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que l'évaluation des travaux faite par l'économiste de la construction était insuffisante, la cour d'appel a pu retenir que l'architecte, chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre avait également manqué à son obligation de vérification des travaux et de leur réalisation au prix du descriptif et a souverainement fixé la part de responsabilité lui incombant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afferents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et de le société Bat Eco, condamne la société Bat Eco à payer à la société Entreprise Salvi Jean et Lucien la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour M. X....
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la procédure précontentieuse prévue à l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux publics, et donc d'avoir déclaré recevable l'action présentée par la société SALVI,
AUX MOTIFS PROPRES QUE les premier juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause en relevant que l'action engagée par la SARL SALVI Jean et Lucien à l'égard de l'architecte et de l'économiste de la construction ne tend pas à résoudre un différend en cours d'exécution d'un marché au regard de l'article 50-11 du CCAG, mais s'analyse en une action en responsabilité, pour faute, exercée après exécution du marché ; qu'en conséquence, les stipulations du CCAG ne s'appliquant pas à une action en responsabilité ne trouvent pas application et l'action de la SARL SALVI Jean et Lucien est recevable (arrêt, p. 3) ; que la SARL SALVI Jean et Lucien admet le principe d'une part de responsabilité dès lors qu'en sa qualité de professionnel du bâtiment, elle se devait de vérifier qu'elle était en mesure de mettre en oeuvre les travaux moyennant le prix forfaitaire fixé dans le descriptif ; que sa demande adressée au maître de l'ouvrage, le 10 octobre 2003, sept jours seulement après la conclusions du marché, aux fins de parfaire le chiffrage des travaux supplémentaires, démontre qu'elle avait connaissance dès avant la conclusion du marché, des insuffisances de l'évaluation de celui-ci (arrêt, p. 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, et dont les parties admettent l'application au marché litigieux, prévoit que si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, celui-ci remet à celui-là, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations ; que si la demande de l'entrepreneur n'est pas admise, il peut saisir le tribunal administratif compétent en lui soumettant exclusivement les motifs de réclamation énoncés dans son mémoire ; qu'il résulte de ces stipulations que la soumission à la personne responsable du marché du différend né à l'occasion de l'exécution de celui-ci entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur constitue un préalable obligatoire à la saisine du tribunal administratif ; que cependant, alors que l'action engagée par la société SALVI tant à l'égard de l'architecte que de l'économiste de la construction ne tend pas à résoudre un différend en cours d'exécution d'un marché, mais s'analyse en une action en responsabilité pour faute exercée après exécution du marché, les défendeurs ne proposent pas d'établir que la procédure précontentieuse prévue par le document sus cité ait été contractuellement étendue à l'hypothèse de la saisine d'une juridiction de l'ordre judiciaire ; qu'en outre, l'action en responsabilité exercée par la société SALVI ne peut avoir qu'un fondement délictuel ou quasi délictuel dans la mesure où elle ne met pas en cause l'exécution du contrat de mandat donné par les membres du groupement d'entreprises à M. X... (jugement, p. 4) ; que le lot confié à la société SALVI a été évalué à la somme de 952.522,85 € ; que celle-ci fait valoir que le descriptif chiffré de son lot n'était pas exhaustif, et qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de réaliser les travaux qui lui étaient confiés moyennant la somme prévue par l'économiste ; qu'elle rappelle que dans un courrier adressé le 10 octobre 2003, elle a attiré l'attention du maître de l'ouvrage sur les insuffisances de l'évaluation faite par l'économiste de la construction dans les domaines suivants : quantité de dalles, démolition de cloisons dans les étages, évacuation des déblais, désamiantage (jugement, p. 5) ;
ALORS QUE, D'UNE PART, constitue un différend né de l'exécution du contrat, au sens de l'article 50-11 du CCAG-travaux, la contestation par l'entrepreneur de l'exactitude du cadre de décomposition du prix global et forfaitaire servant de fondement à l'ordre de service qui lui a été délivré et l'exécution par l'entrepreneur de travaux supplémentaires non demandés et non acceptés par le maître de l'ouvrage ; que la cour d'appel a constaté que la société SALVI, quatre jours seulement après signature de l'acte d'engagement du marché, a indiqué au maître de l'ouvrage que des travaux supplémentaires non compris dans le cadre de décomposition du prix devaient selon elle être effectués pour un montant de 99.180,62 €, puis a exécuté ces travaux, ce qui caractérisait l'existence d'un différend né de l'exécution du contrat et rendait donc applicable la procédure des articles 50-11 et 50-12 du CCAG ; qu'en décidant que la réclamation de la société SALVI ne constituait pas un tel différend, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard desdits articles, ensemble les articles 1134 du code civil et 122 du code de procédure civile.
ALORS QUE, D'UNE PART ET SUBSIDIAIREMENT, les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; que Monsieur X... comme la société BAT ECO soutenaient que la contestation élevée par la société SALVI constituait un différend en cours d'exécution du chantier tandis que la société SALVI elle-même avait précisé que l'action qu'elle avait engagée « s'est entendue en cours de chantier », ce qui caractérisait l'existence d'un différend en cours d'exécution du chantier relevant des articles 50-11 et 50-12 du CCAG ; qu'en décidant pourtant, contrairement aux conclusions concordantes des parties sur ce point, que la contestation élevée par la société SALVI ne constituait pas un différend en cours d'exécution du chantier, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
Le second moyen de cassation (subsidiaire) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Monsieur X... responsable sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle du dommage subi par la société ENTREPRISE SALVI et de l'avoir condamné à le réparer à concurrence du quart,
AUX MOTIFS PROPRES QU'en ce qui concerne la responsabilité des différents intervenants au marché, il a été exactement relevé que la SARL BAT ECO, en sa qualité d'économiste de la construction, a établi un document intitulé « cadre de décomposition du prix global et forfaitaire » et procédé à la description détaillée et chiffrée, lot par lot, de tous les travaux nécessaires à la réalisation du projet que le maître de l'ouvrage envisageait de faire réaliser, le lot confié à la SARL SALVI Jean et Lucien étant évalué à la somme de 952.522,85 euros ; qu'au vu des insuffisances de l'évaluation faite par l'économiste de la construction sur les quantités de dalles, démolition de cloisons dans les étages, évaluation des déblais, désamiantage, l'économiste de la construction a manqué à son obligation d'évaluation précise des travaux, l'architecte a manqué à son obligation de vérification des travaux et de leur réalisation correcte par rapport au prix calculé dans le descriptif ; que la SARL SALVI Jean et Lucien admet le principe d'une part de responsabilité dès lors qu'en sa qualité de professionnel du bâtiment, elle se devait de vérifier qu'elle était en mesure de mettre en oeuvre les travaux moyennant le prix forfaitaire fixé dans le descriptif ; que sa demande adressée au maître de l'ouvrage, le 10 octobre 2003, sept jours seulement après la conclusion du marché aux fins de parfaire le chiffrage des travaux supplémentaires, démontre qu'elle avait connaissance, dès avant la conclusion du marché, des insuffisances de l'évaluation de celui-ci ; que compte tenu de ces éléments, contrairement aux dispositions du jugement, il convient de retenir la part de responsabilité revenant à chacun des intervenants, à raison de la moitié pour la SARL SALVI Jean et Lucien, du quart pour Philippe X... et du quart pour la société BAT ECO, de sorte qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les appels en garantie respectifs de Philippe X... et de la SARL BAT ECO ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que la société BAT ECO, en sa qualité d'économiste de la construction, a établi le document intitulé « cadre de décomposition du prix global et forfaitaire » et procédé à la description détaillée et chiffrée, lot par lot, de tous les travaux nécessaires à la réalisation du projet que la société maître d'ouvrage envisageait de faire réaliser ; que c'est ainsi que le lot confié à la société SALVI a été évalué à la somme de 952.522,85 € ; que la société SALVI fait valoir que le descriptif chiffré de son lot n'était pas exhaustif, et qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de réaliser les travaux qui lui étaient confiés moyennant la somme prévue par l'économiste ; qu'elle rappelle que dans un courrier adressé le 10 octobre 2003, elle a attiré l'attention du maître d'ouvrage sur les insuffisances de l'évaluation faite par l'économiste de la construction dans les domaines suivants : quantité de dalles, démolition de cloisons dans les étages, évacuation des déblais, désamiantage ; que le principe de ces insuffisances a été confirmé par le maître d'ouvrage dans le courrier qu'il a lui-même envoyé, le 15 février 2004, à Monsieur X... en sa qualité de mandataire du groupement d'entreprises, et dans lequel il indiquait avoir constaté pour le seul lot démolition-gros-oeuvre des oublis dans l'évaluation des travaux pour une somme de 73.119,28 € hors taxes ; que la société demanderesse est ainsi fondée à soutenir que l'économiste de la construction a commis une faute en sous-évaluant de manière significative le montant des travaux faisant partie du lot numéro 1, alors que sa tâche consistait précisément à les évaluer de manière complète et précise ; qu'elle est aussi fondée à soutenir que l'architecte qui était chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre a aussi commis une faute en ne vérifiant pas que les travaux dont il était censé surveiller l'avancement avaient été exhaustivement décrits et qu'ils pouvaient être correctement réalisés moyennant le prix calculé dans le descriptif ; que toutefois, la société SALVI, en sa qualité de professionnel du bâtiment, habituée à établir des devis, se devait également de vérifier que tous les travaux dont dépendait la réalisation du lot qui lui était attribué avaient été intégralement pris en compte, et qu'elle était en mesure de les mettre en oeuvre moyennant le prix forfaitaire fixé dans le descriptif ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'entrepreneur qui connaissait dès avant la conclusion de son marché l'insuffisance des devis établis dans le « cadre de décomposition du prix global et forfaitaire » par un économiste de la construction co-traitant de la maîtrise d'oeuvre ayant procédé à la description détaillée et chiffrée, lot par lot, de tous les travaux nécessaires à la réalisation du projet que le maître de l'ouvrage envisageait de faire réaliser, est seul responsable de son préjudice résultant d'une sousestimation des travaux ; qu'il ne peut dès lors reprocher aucune faute sur ce point à l'architecte chargé de la maîtrise d'oeuvre de l'exécution des travaux ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'architecte ne commet pas de faute en n'attirant pas l'attention de l'entreprise sur un fait qui était de la connaissance de tous ; qu'en mettant à la charge de l'architecte l'obligation d'avertir l'entrepreneur de l'insuffisance de l'évaluation opérée par l'économiste de la construction, tout en relevant qu'avant même la conclusion du marché, l'entrepreneur avait connaissance de l'insuffisance de cette évaluation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1382 du code civil.Moyen produit au pourvoi provoqué par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société Bat Eco.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, déclarant ainsi recevable l'action exercée par un entrepreneur à forfait (la société SALVI) contre un architecte (M. X...) et un économiste de la construction (la société BATECO, l'exposante), d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la procédure précontentieuse prévue à l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux publics ;
AUX MOTIFS QUE les premiers juges avaient fait une exacte appréciation des faits de la cause en relevant que l'action engagée par la société SALVI à l'égard de l'architecte et de l'économiste de la construction ne tendait pas à résoudre un différend en cours d'exécution d'un marché au regard de l'article 50-11, CCAG, mais s'analysait en une action en responsabilité, pour faute, exercée après exécution du marché ; qu'en conséquence, les stipulations du CCAG ne s'appliquant pas à une action en responsabilité ne trouvaient pas application et l'action de l'entreprise était recevable ;
ALORS QUE constituent un différend né de l'exécution du contrat, au sens de l'article 50-11 du CCAG, la contestation par l'entrepreneur de l'exactitude du cadre de décomposition du prix global et forfaitaire ayant servi de fondement à l'ordre de service qui lui a été délivré, et l'exécution par l'entrepreneur de travaux supplémentaires non demandés et non acceptés par le maître de l'ouvrage ; qu'après avoir constaté que, quatre jours seulement après la signature de l'acte d'engagement du marché, l'entrepreneur avait indiqué au maître de l'ouvrage que les travaux supplémentaires non compris dans le cadre de décomposition du prix devaient selon lui être effectués pour un montant de 99.180,62 €, puis avait exécuté ces travaux, l'arrêt attaqué se devait d'en déduire qu'il existait un différend né de l'exécution du contrat rendant applicable la procédure des articles 50-11et 50-12 du CCAG ; qu'en décidant le contraire, omettant de tirer les conséquences légales de ses propres énonciations, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 122 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, en outre et subsidiairement, le maître d'oeuvre comme l'économiste de la construction soutenaient que la contestation élevée par l'entrepreneur constituait un différend en cours d'exécution du chantier, tandis que l'entreprise elle-même précisait (v. ses conclusions du 22 mai 2008, p.3, al. 2, in limine) que l'action qu'elle avait engagée « s'ét(ait) entendue en cours de chantier », ce qui caractérisait l'existence d'un différend relevant de la procédure précontentieuse des articles 50-11 et 50-12 du CCAG ; qu'en décidant, contrairement aux conclusions concordantes de toutes les parties que la contestation soulevée par l'entrepreneur ne constituait pas un différend en cours d'exécution du chantier, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.