LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée :
Vu les articles L. 1225-4 et L. 1225-5 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte ; que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou par l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ; que l'existence d'un motif économique de licenciement ne caractérise pas à elle seule cette impossibilité ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme X... a été engagée par Mme Y... le 16 novembre 2004 en qualité de coiffeuse ; que le 14 novembre 2006, elle a été licenciée pour motif économique, l'employeur se prévalant d'un chiffre d'affaires mensuel insuffisant et du refus par la salariée de la réduction du temps de travail ; qu'après avoir informé le 28 novembre son employeur de son état de grossesse, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire justifiée l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse, l'arrêt retient que la faiblesse du chiffre d'affaires du salon de coiffure ne permet pas de maintenir un emploi à temps plein, que pour l'exercice 2005-2006 le total des charges d'exploitation était de 56 980 euros pour un total de charges de 45 817 euros incluant 16 109 euros au titre des salaires payés, que la situation économique du salon ne permet pas la rémunération de la salariée et de Mme Y... laquelle travaille également au salon, que ces données comptables caractérisent l'existence d'un motif étranger à la grossesse de la salariée au sens de l'article L. 122-25-2 du code du travail alors applicable ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi la situation économique du salon rendait impossible le maintien du contrat de travail de la salariée pour un motif non lié à son état de grossesse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne Mme Z...
Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour Mme X... (demanderesse au pourvoi principal).
Madame X... fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que l'impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à sa grossesse était justifiée par madame Y... ;
AUX MOTIFS QUE madame X... a été embauchée le 16 novembre 2004 en qualité de coiffeuse ; qu'elle a été licenciée par lettre du 14 novembre 2006 ; qu'elle a informé son employeur de son état de grossesse par lettre du 28 novembre 2006 ; que par application de l'article L. 122-25-2 du code du travail (ancien) le contrat de travail peut être résilié s'il est démontré par l'employeur de l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse de la salariée ; qu'il est versé aux débats les résultats des exercices du 1er octobre 2005 au septembre 2006 et du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 ; que malgré une réduction de la masse salariale le résultat de l'exercice 2006 – 2007 a diminué sauf à observer qu'une provision pour risque a impacté sur le résultat de cet exercice ; que la faiblesse du chiffre d'affaires du salon de coiffure ne permettait pas de maintenir un emploi à temps plein ; qu'ainsi pour l'exercice 2005 – 2006 le total des charges d'exploitation était de 56 980 euros pour un total de charges de 45 817 euros, incluant 16 109 euros au titre des salaires payés ; que la situation économique du salon de coiffure ne permettait pas la rémunération de la salariée et de madame Y... laquelle travaillait également au salon ; que ces données comptables caractérisent l'existence d'un motif étranger à la grossesse de la salariée au sens de l'article L. 122-25-2 précité ;
ALORS QUE la situation économique de l'employeur ne constitue pas en soi une impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse de la salariée ; qu'en considérant, pour dire justifié le licenciement de madame X..., qui avait informé son employeur de son état de grossesse dans le délai de 15 jours, que le chiffre d'affaires du salon de coiffure ne permettait pas de maintenir à temps plein le poste de cette dernière et de la rémunérer en même temps que son employeur, madame Y... qui y travaillait également, sans caractériser autrement que par la situation économique du salon l'impossibilité où se trouvait celle-ci de maintenir le contrat de travail de la salariée pour un motif étranger à sa grossesse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1225-4 et L. 1225-5 du code du travail (ancien article L. 122-25-2 du code du travail). Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour Mme Z...
Y... (demanderesse au pourvoi incident).
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit, vu la motivation de la lettre de licenciement, que le licenciement pour motif économique de Madame X... n'est pas justifié et d'AVOIR condamné Madame Y... à paiement de la somme de 1. 280 € à titre de préavis, de 128 € au titre des congés payés afférents, outre intérêts à compter du 10 février 2007, de 8. 500 € à titre de dommages-intérêts outre intérêts à compter de l'arrêt et de 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE par contre, la lettre de licenciement n'est pas correctement motivée dès lors que l'incidence des difficultés économiques sur l'emploi de Madame X... n'est pas évoquée ; qu'eu égard à l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement, le licenciement de Madame X... n'est pas justifié ; qu'il est dû à la salariée les sommes suivantes : 1. 280 € au titre du préavis, somme demandée par la salariée, 128 € au titre des congés payés afférents outre intérêts à compter du 10 février 2007, 8. 500 € à titre de dommages-intérêts, en l'état du préjudice de la salariée laquelle produit l'attestation ASSEDIC justifiant du paiement d'allocations à la date du 6 mai 2008, outre intérêts à compter du présent arrêt ; que la somme de 600 € doit être allouée à Madame X... au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la lettre de licenciement de Madame X... en date du 14 novembre 2006 indique que le motif économique justifiant la rupture de son contrat de travail résulte de ce que «- le chiffre d'affaires que vous réalisez mensuellement ne permet pas d'assurer le règlement d'un salaire sur une base de 35 heures par semaine – vous avez refusé la réduction de temps de travail de 18 heures par semaine » ; qu'en relevant, pour dire la lettre de licenciement insuffisamment motivée, qu'elle n'évoque pas l'incidence des difficultés économiques sur l'emploi de Madame X... cependant que par les termes clairs et précis susvisés, il est mentionné que les difficultés économiques ont justifié une modification du contrat de travail de la salariée consistant en un temps partiel, refusée par cette dernière, la Cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement et a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la mention dans la lettre de licenciement de l'existence d'une modification du contrat de travail refusée par le salarié constitue l'énonciation de l'incidence des difficultés économiques sur le contrat de travail du salarié ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 1233-15 et L. 1233-16 du code du travail.