LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 février 2009), que M. X... a été engagé d'abord par contrat à durée déterminée du 17 août au 21 août 1998, puis par contrat à durée indéterminée, à compter du 14 septembre 1998, par la société Laboratoires Renaudin en qualité de responsable assistant du réglage et de l'entretien des machines et des équipements de production, avec une période d'essai de trois mois ; qu'il a été élu membre du CHSCT le 12 février 1999 ; que le 29 mars 1999, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement, décision confirmée le 9 août suivant, sur recours hiérarchique ; que le 26 novembre 1999, à la suite du recours gracieux formé par l'employeur, la décision de l'inspecteur du travail a été annulée par le ministre du travail qui a autorisé le licenciement de M. X... qui avait été désigné délégué syndical le 6 octobre 1999 ; que M. X..., licencié le 1er décembre 1999, a contesté l'autorisation de licenciement devant le tribunal administratif de Pau ; que par jugement du 27 juin 2002, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ce jugement a été annulé par arrêt de la cour administrative d'appel du 7 octobre 2004, qui a également annulé la décision du ministre du travail du 26 novembre 1999 ; que par arrêt du 5 avril 2006, le Conseil d'Etat a annulé la décision de la cour administrative d'appel, le jugement du tribunal administratif et la décision du ministre du travail du 26 novembre 1999 ; que le 13 janvier 2000, M. X... avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif et de rappels de salaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire son licenciement régulier et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la décision administrative définitive se prononçant sur les faits fautifs allégués par l'employeur, qui a retenu que ces faits soit n'étaient pas établis, soit ne justifiaient pas la mesure de licenciement, s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant ces faits, décide qu'ils constituent une faute grave ou une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'état 1°) de la décision du 29 mars 1999 de l'inspecteur du travail ayant refusé d'autoriser le licenciement aux motifs que "les faits reprochés à M. X... ne revêtent pas un gravité suffisant pour justifier un licenciement" ; 2°) de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 9 août 1999 l'ayant confirmée aux motifs "qu'il est reproché au salarié une insuffisance et une incompétence professionnelles à l'origine de plusieurs fautes… que les éléments du dossier ne permettent pas de regarder comme établie l'insuffisance professionnelle du salarié" ; 3°) de l'annulation, par le Conseil d'Etat le 5 avril 2006, des décisions du ministre de l'emploi et de la solidarité des 15 et 26 novembre 1999 qui avaient autorisé le licenciement, du jugement du tribunal administratif de Pau du 27 novembre 2002 ayant confirmé son bien-fondé et de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 novembre 2004, la cour d'appel qui, au mépris de ces décisions ayant refusé d'autoriser le licenciement après s'être prononcées sur les faits fautifs, non remises en cause par l'arrêt du 5 avril 2006, a néanmoins décidé que le juge judiciaire était compétent pour rechercher si les faits reprochés constituaient ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement, a violé le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790 ;
2°/ qu'après avoir constaté l'existence d'une irrégularité de forme, la cour d'appel qui a débouté le salarié de toutes ses demandes, a violé les articles L. 1232-3 et L. 1235-2 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait été licencié en l'état de l'autorisation donnée le 26 novembre 1999 par le ministre du travail, de l'emploi et de la solidarité dont la décision a été ensuite annulée par le juge administratif pour des irrégularités de procédure, sans qu'il se prononce sur la matérialité et la gravité des faits, a exactement décidé que le juge judiciaire, saisi d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, était compétent pour apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Attendu, ensuite, que la circonstance que l'un des griefs énoncés dans la lettre de licenciement n'a pas été indiqué au salarié par l'employeur au cours de l'entretien préalable, caractérise une irrégularité de forme qui n'empêche pas le juge de décider que ce grief peut fonder le licenciement ; que la cour d'appel, devant laquelle M. X... n'a pas demandé réparation de cette irrégularité de forme, a exactement décidé que ce grief devait être examiné pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que ne constitue par une cause de licenciement, le fait de ne pas avertir un supérieur hiérarchique d'un incident ne présentant aucun danger ;qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles l'incident du 12 avril 1999, qu'il était reproché à M. X... de ne pas avoir signalé immédiatement à son employeur, ne touchait pas la chaîne de sécurité et "qu'il n'y avait aucun danger grave et imminent sur la chaudière", la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
2°/ que le comportement du salarié, quelle que soit sa gravité, ne peut justifier le licenciement lorsqu'il n'est pas dépourvu de tout lien avec le mandat du salarié ; qu'en ayant reproché à M. X... d'avoir, dans une lettre du 14 mai 1999, alors que l'incident remontait au 12 avril, demandé "en tant que membre du CHSC" de faire procéder à une action corrective d'urgence sur la chaudière, en raison d'un danger grave et imminent, cependant que contrairement aux affirmations de M. X... il n'y avait aucun danger grave et imminent sur la chaudière, pour en déduire que ce grief était fondé, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1232-1 et L. 2421-3 du code du travail ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, qu'appréciant l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur pour justifier le licenciement de M. X..., notamment celui d'insuffisance professionnelle caractérisé à la fois par une incapacité à assurer la maintenance des machines et une absence de respect des consignes en cas d'incident, sans lien avec son mandat de membre du CHSCT, la cour d'appel a décidé que ce licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blanc, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Monsieur X... était régulier et d'avoir débouté le salarié de toutes ses demandes ;
Aux motifs que c'était à tort que Monsieur X... soutenait que son licenciement était irrégulier, aux motifs que l'annulation d'une décision refusant d'autoriser le licenciement d'un représentant du personnel ne permettait pas à l'employeur de licencier, et que dans ce cas l'inspecteur du travail devait à nouveau être saisi d'une demande d'autorisation ; qu'en effet, le licenciement notifié le 1er décembre 1999 avait été autorisé par décision du Ministre de l'Emploi et de la Solidarité, saisi sur recours gracieux ; que la décision du 15 novembre 1999 qui comportait une erreur matérielle, avait été retirée et remplacée par une décision de même sens du 26 novembre 1999 qui avait dit : - la décision ministérielle du 9 août 1999 est retirée, - la décision du 29 mars 1999 de l'inspecteur du travail est annulée, - le licenciement est autorisé ; que le Ministre avait en outre considéré qu'il n'existait aucun lien entre la mesure de licenciement et l'élection du salarié au CHSCT ; que la décision d'autorisation de licenciement avait été annulée par arrêt du Conseil d'Etat du 5 avril 2006, pour des irrégularités de procédure, sans examen du fond et sans remise en question de la régularité du recours gracieux ; que le juge administratif ne s'était pas prononcé sur la matérialité et la gravité des faits, se bornant à annuler la décision sur le terrain de sa légalité externe ; que cette annulation postérieure de l'autorisation de licenciement par décision de la justice administrative ne rendait pas le licenciement nul, mais seulement inopérant ; que le juge judiciaire retrouvait sa pleine compétence pour rechercher si les faits reprochés constituaient ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; et aux motifs que la circonstance qu'un grief énoncé dans la lettre de licenciement n'ait pas été indiqué au salarié par l'employeur au cours de l'entretien préalable caractérisait une irrégularité de forme sans permettre pas à la cour de l'écarter sans l'examiner ;
Alors 1°) que la décision administrative définitive se prononçant sur les faits fautifs allégués par l'employeur, qui a retenu que ces faits soit n'étaient pas établis, soit ne justifiaient pas la mesure de licenciement, s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant ces faits, décide qu'ils constituent une faute grave ou une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'état 1°) de la décision du 29 mars 1999 de l'inspecteur du travail ayant refusé d'autoriser le licenciement aux motifs que «les faits reprochés à M. X... ne revêtent pas un gravité suffisant pour justifier un licenciement» ; 2°) de la décision du Ministre de l'Emploi et de la Solidarité du 9 août 1999 l'ayant confirmée aux motifs «qu'il est reproché au salarié une insuffisance et une incompétence professionnelles à l'origine de plusieurs fautes…que les éléments du dossier ne permettent pas de regarder comme établie l'insuffisance professionnelle du salarié» ; 3°) de l'annulation, par le Conseil d'Etat le 5 avril 2006, des décisions du Ministre de l'emploi et de la solidarité des 15 et 26 novembre 1999 qui avaient autorisé le licenciement, du jugement du tribunal administratif de Pau du 27 novembre 2002 ayant confirmé son bien fondé et de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 novembre 2004, la cour d'appel qui, au mépris de ces décisions ayant refusé d'autoriser le licenciement après s'être prononcées sur les faits fautifs, non remises en cause par l'arrêt du 5 avril 2006, a néanmoins décidé que le juge judiciaire était compétent pour rechercher si les faits reprochés constituaient ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement, a violé le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790 ;
Alors 2°) qu'après avoir constaté l'existence d'une irrégularité de forme (arrêt p. 10, 1er §), la cour d'appel qui a débouté le salarié de toutes ses demandes, a violé les articles L. 1232-3 et L. 1235-2 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que Monsieur X... soutenait que la lettre de licenciement était motivée par des fautes évoquées lors de l'entretien préalable mais qui avaient fait l'objet d'un refus de licenciement par l'Inspecteur du Travail et sur des fautes postérieures à l'entretien préalable qui n'avaient fait l'objet d'aucune autorisation de l'inspecteur, ni enquête contradictoire et que de ce seul fait, le licenciement se trouvait sans cause réelle et sérieuse ; qu'il convenait de nouveau de rappeler que l'annulation postérieure de l'autorisation de licenciement par décision de la justice administrative pour des motifs tirés de son illégalité, ne rendait pas le licenciement nul, mais seulement inopérant et que le juge judiciaire retrouvait sa pleine compétence pour rechercher si les faits reprochés constituaient ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la circonstance qu'un grief énoncé dans la lettre de licenciement n'ait pas été indiqué au salarié par l'employeur au cours de l'entretien préalable caractérisait une irrégularité de forme sans permettre pas à la cour de l'écarter sans l'examiner ; sur le grief d'insuffisance professionnelle ; que les faits du 16 décembre 1998…4 février 1999…8 février 1999…15 février 1999 étaient attestés ; sur le fait d'avoir quitté son poste le 15 janvier 1999, ce grief était fondé ; sur l'incident du 12 avril 1999, qu'à la suite du déclenchement de l'alarme, les techniciens avaient essayé de maintenir la chaudière en pression et avant leur départ, avaient laissé des instructions sur le cahier de liaison demandant notamment de prendre contact en cas de survenance de nouveaux problèmes avec Monsieur Z... et avec la société Babcock ; qu'il résultait des différents comptes rendus produits, que les consignes n'avaient pas été suivies car suite à une nouvelle alarme «défaut de carburant», Monsieur Z... n'avait pas été prévenu, alors qu'un technicien de la société Techma avait été appelé en intervention par Monsieur X..., alors qu'elle n'était pas chargée de l'entretien de cet équipement ; que dans une attestation du 4 juin 1999. la société Babcock confirmait qu'elle n'avait jamais été appelée pour intervention par la SA Laboratoires Renaudin les 12 et 13 avril 1999 ; qu'en réponse à une demande d'explication de son employeur, Monsieur X... avait, dans une lettre du 14 mai 1999, alors que l'incident remontait au 12 avril, demandé en tant que membre du CHSCT de faire procéder à une action corrective d'urgence sur la chaudière, en raison d'un danger grave et imminent ; que le technicien de la Société Babcock dépêché sur les lieux le 17 mai 1999 avait indiqué que la chaîne de sécurité n'avait pas été touchée, contrairement aux affirmations de Monsieur X... et qu'il n'y avait aucun danger grave et imminent sur la chaudière ; que ce grief est fondé ; que le reproche majeur d'insuffisance et d'incompétence professionnelle fait à Monsieur X... était incontestablement établi ;
Alors 1°) que ne constitue par une cause de licenciement, le fait de ne pas avertir un supérieur hiérarchique d'un incident ne présentant aucun danger ;qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles l'incident du 12 avril 1999, qu'il était reproché à Monsieur X... de ne pas avoir signalé immédiatement à son employeur, ne touchait pas la chaîne de sécurité et «qu'il n'y avait aucun danger grave et imminent sur la chaudière», (p. 11), la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Alors 2°) que le comportement du salarié, quelle que soit sa gravité, ne peut justifier le licenciement lorsqu'il n'est pas dépourvu de tout lien avec le mandat du salarié ; qu'en ayant reproché à Monsieur X... d'avoir, dans une lettre du 14 mai 1999, alors que l'incident remontait au 12 avril, demandé «en tant que membre du CHSCT» de faire procéder à une action corrective d'urgence sur la chaudière, en raison d'un danger grave et imminent, cependant que contrairement aux affirmations de Monsieur X... il n'y avait aucun danger grave et imminent sur la chaudière, pour en déduire que ce grief était fondé, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1232-1 et L. 2421-3 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, statuant sur le préjudice subi par Monsieur X... sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, rejeté toutes ses demandes ;
Aux motifs que la période à prendre en considération s'étendait du 1er décembre 1999, date de notification du licenciement, jusqu'au 4 janvier 2005, deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation d'autorisation de licenciement rendue par la cour administrative d'appel de Bordeaux ; qu'il convenait de déterminer le préjudice subi au cours de cette période ; que s'il était demeuré salarié de la SA Laboratoires Renaudin jusqu'au débuté janvier 2005, il aurait perçu selon ses propres estimations 125.000 € ; qu'il résultait de ses avis d'imposition que durant cette période ses revenus avaient été de 167.008 € ; que l'ensemble de ses frais justifiés, soit 22.855,64 € devait être déduit de ses revenus perçus entre 2000 et 2004 soit : (167.008 € - 22.855,64 €), soit 144.152,36 €, résultat excédant la somme de 125.000 € qu'il aurait reçue s'il était demeuré salarié de la SA Laboratoires Renaudin jusqu'en janvier 2005 ; qu'il ne justifiait donc d'aucun préjudice indemnisable pendant la période de référence ;
Alors que lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration, la sanction de son licenciement illégal est le versement de la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à la fin de la période de protection, peu important les revenus perçus de tiers ; qu'en déduisant de l'indemnisation devant revenir à Monsieur X... au titre de la période de protection, les revenus perçus pendant cette période, la cour d'appel a violé les articles L. 2422-1 et L. 2422-4 du code du travail.