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22/09/2010 | FRANCE | N°09-60477;09-60479

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2010, 09-60477 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 09-60.477 et Z 09-60.479 ;
Vu les articles L. 4612-1, L. 4613-1 et R. 4613-1 du code du travail ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, de contribuer à l'amélioration des conditions de travail de ces salariés et de veiller à l'ob

servation des prescriptions légales prises en ces matières ;
Que les conditi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 09-60.477 et Z 09-60.479 ;
Vu les articles L. 4612-1, L. 4613-1 et R. 4613-1 du code du travail ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, de contribuer à l'amélioration des conditions de travail de ces salariés et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières ;
Que les conditions de travail des travailleurs temporaires, même lorsqu'ils sont exclusivement mis à disposition d'entreprises utilisatrices, dépendent cependant aussi de l'entreprise de travail temporaire ; qu'il en résulte que ces salariés, qui font partie des effectifs de l'entreprise de travail temporaire et y sont électeurs, sont comme les autres salariés éligibles au CHSCT de l'entreprise qui les emploie ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Manpower a signé le 23 septembre 1999 un accord d'entreprise prévoyant la présence de salariés intérimaires au sein des CHSCT de l'entreprise ; que, par avenant du 5 décembre 2006, il a été prévu que l'entreprise serait divisée en six établissements régionaux comprenant un CHSCT composé de neuf membres titulaires, dont six salariés intérimaires ; que l'article 7 dudit accord instituait une procédure de révision de l'accord à chaque renouvellement des instances représentatives ; que la société Manpower a organisé, fin octobre 2009, un processus de négociation pour le renouvellement des membres des CHSCT qui n'a pu aboutir ; qu'en octobre 2009, le collège désignatif du CHSCT de la direction des opérations EST a procédé à l'élection des nouveaux membres du comité conformément aux dispositions de l'accord du 5 décembre 2006 ; que contestant l'élection par le collège désignatif de travailleurs temporaires en qualité de membres du CHSCT, la société Manpower a saisi le tribunal d'instance ;
Attendu que pour annuler les élections au CHSCT de la direction des opérations Est de la société Manpower, le tribunal d'instance énonce notamment que le fait que les salariés intérimaires soient pris en compte dans les effectifs de l'entreprise de travail temporaire ne leur donne pas qualité à être éligibles au CHSCT d'autant qu'ils sont aussi pris en compte dans les effectifs de l'entreprise utilisatrice ;
Qu'en statuant ainsi, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 décembre 2009, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Illkirch-Graffenstaden ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi
Dit valides les élections tenues en octobre 2009 pour le renouvellement du CHSCT de la direction des opérations EST de la société Manpower ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Manpower France et l'Etablissement Manpower France, direction des opérations Est, à payer à MM. Y..., Z..., A... et à la Fédération des employés et cadres CGT-FO la somme globale de 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen unique et identique produit aux pourvois X 09-60.477 et Z 09-60.479 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux conseils pour M. Y..., la Fédération des employés et cadres CGT-FO, M. Z... et M. A... ;

MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Il est reproché au jugement attaqué d'avoir constaté que les stipulations conventionnelles appliquées le 2 octobre 2009 pour les élections de la représentation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la direction des opérations Est de la société Manpower France sont moins favorables que celles imposées par la loi, et d'avoir en conséquence constaté la nullité des élections de MM. Y..., Z... et A... ;
AUX MOTIFS QUE la SAS Manpower relève que les dispositions conventionnelles relatives à la composition du CHSCT sont illégales au motif qu'elles ne sont pas plus favorables que la loi, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, puisque la présence de salariés intérimaires au sein des CHSCT prive les salariés permanents de leurs sièges en général ainsi que des sièges attribués aux cadres puisqu'ils se retrouvent globalement sous-représentés par rapport au nombre de représentants auxquels ils ont droit en vertu de la loi (articles R. 4613-1 et 2 et R. 236-1 du code du travail) ; QUE s'il est vrai que l'accord du 5 décembre 2006 en prévoyant la présence des salariés intérimaires au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire est plus favorable que la loi aux salariés intérimaires, encore faut-il que l'accord collectif pour être dérogatoire à la loi soit plus favorable à l'ensemble des salariés et non pas à une seule catégorie, en l'espèce les salariés intérimaires ; QUE, certes, le tribunal de grande instance est compétent pour connaître des demandes visant à contester la validité d'un accord collectif, mais le juge de l'action étant aussi le juge de l'exception, le tribunal d'instance est compétent pour apprécier la légalité des clauses d'un accord collectif relatif au nombre de sièges réservés aux travailleurs intérimaires, aux travailleurs permanents et aux cadres du fait de la loi puisque les élections dont il est saisi ont été effectuées sur la base de cet accord collectif ; QU'il peut donc être constaté que si l'article R. 4613-1 du code du travail dispose que, dans les établissements de plus de 1 500 salariés, trois des neuf salariés appartenant au personnel de maîtrise ou des cadres doivent composer le CHSCT, aux termes de l'accord collectif du 5 décembre 2006, un seul siège est réservé aux cadres ; QUE de la même façon, si les salariés intérimaires sont représentés au CHSCT par application de l'accord collectif du 5 décembre 2006, les sièges des salariés permanents sont réduits au nombre de trois au lieu de 9 ; or, QUE le principe de l'inéligibilité des salariés intérimaires au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire reste toujours en vigueur ; QUE même si le 8me alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 consacre le droit à tout travailleur de participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion de l'entreprise, il ne garantit pas un droit direct, personnel et absolu de chaque travailleur puisque la loi détermine les conditions et garanties de la mise en oeuvre de ce principe ; QUE le conseil constitutionnel a d'ailleurs affirmé que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur y déroge pour des raisons d'intérêt général pourvu que la différence de traitement soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; QU'en matière de droit du travail, la mise en place par la loi de seuils d'effectifs pour les organes de représentation du personnel en est un exemple ; QUE les directives européennes dès lors qu'elles ne sont pas transposées en droit interne, sont dépourvues de tout effet obligatoire et ne peuvent permettre à un particulier d'en tirer un droit à l'encontre d'un autre particulier ; QU'ainsi, celle du 19 novembre 2008 n'est pas encore transposée et celle du 12 juin 1989 arrêtant les mesures spécifiques aux travailleurs temporaires, transposée par la loi du 31 décembre 1991 et par l a loi du 9 décembre 2004 ratifiant l'ordonnance du 22 février 2001 ne pose pas le principe de l'éligibilité du travailleur temporaire au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire ; QU'au contraire, elle vise le rôle et la responsabilité de l'entreprise utilisatrice pour que le travailleur temporaire bénéficie en matière de sécurité et de santé au travail, du même niveau de protection que celui dont bénéficient les autres travailleurs de l'entreprise et/ou de l'établissement utilisateur ; QUE la question de l'inéligibilité des salariés intérimaires n'est pas non plus remise en cause par la prise en compte de ces salariés dans les effectifs de l'entreprise de travail temporaire puisque faute de travailler dans l'entreprise de travail temporaire, ils ne sont pas éligibles au CHSCT de cette entreprise (Cass. Soc. 5.12.2006) ; QU'en effet, ne peut être désigné en qualité de représentant du personnel au CHSCT qu'un salarié travaillant dans le cadre duquel l'institution est mise en place (Cass. soc. 4 mars 2009 ) ; QUE le fait qu'ils soient pris en compte dans les effectifs de l'entreprise de travail temporaire ne leur donne donc pas qualité à être éligibles au CHSCT d'autant qu'ils sont aussi pris en compte dans les effectifs de l'entreprise utilisatrice ; QU'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 27 juin 2009 juge encore que, sauf accord collectif, un même CHSCT ne peut regrouper des salariés dépendant de plusieurs établissements dotés chacun d'un comité d'établissement ; qu'en conséquence, même si l'article 7 de l'accord collectif du 5 décembre 2006 est à durée indéterminée et dérogatoire à la loi, il est démontré que compte tenu du principe réaffirmé de l'inéligibilité des salariés intérimaires au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire, cette dérogation est défavorable aux règles légales de répartition des sièges tant pour les salariés permanents que pour les cadres ; QU'il importe peu que les dispositions légales n'aient pas été en vigueur au moment de la conclusion de l'accord collectif dès lors qu'elles le sont au moment de son application, à savoir au jour où le tribunal statue ; QU'en conséquence, les élections des représentants au CHSCT de la Direction des Opérations Est de la société Manpower qu'il s'agisse des salariés intérimaires comme des salariés permanents dès lors que les exigences légales impératives n'ont pas été respectées sont entachées de nullité ;
1) ALORS QUE les travailleurs intérimaires, inclus dans l'effectif de l'entreprise de travail temporaire qui les emploie, sont éligibles au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de celle-ci ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé l'article R. 4613-1 du code du travail, ensemble la directive 2008/104/CE du 19 novembre 2008 ;
2) ALORS QUE les stipulations conventionnelles qui permettent la désignation au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de catégories de personnel qui pourraient en être exclues si les seules dispositions légales étaient appliquées sont nécessairement plus favorables ; que dès lors, l'accord prévoyant que six des neuf sièges du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail seront réservés aux salariés intérimaires de l'entreprise de travail temporaire est plus favorable à l'ensemble du personnel que les dispositions légales ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé les articles L. 2251-1 et R. 4613-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-60477;09-60479
Date de la décision : 22/09/2010
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance d'Illkirch-Graffenstaden, 14 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2010, pourvoi n°09-60477;09-60479


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.60477
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