LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M.
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, salarié de la société Gsf Phébus qui l'employait en qualité d'inspecteur en nettoyage industriel, a été licencié pour faute grave par lettre du 31 mai 2006, pour avoir tenu des propos injurieux à l'un des clients de l'entreprise ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Attendu que pour décider que le licenciement de M.
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était sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué énonce que les propos du salarié, menaçant de violences un client de l'entreprise, n'avaient pas été pris au sérieux par leur destinataire dès lors qu'il ne s'en était pas plaint immédiatement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le salarié ne contestait pas avoir tenu des propos injurieux et menaçants à un client de l'entreprise, de sorte que ces faits étaient de nature à rendre impossible le maintien du contrat de travail et à caractériser une faute grave, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour condamner la société gsf Phébus à payer au salarié une somme au titre des heures supplémentaires non rétribuées, l'arrêt retient que la durée contractuelle de travail journalier était incompatible avec la charge de travail du salarié et que celui-ci faisait nettement plus de 39 heures par semaine ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher le nombre exact d'heures supplémentaires éventuellement effectuées par l'intéressé, alors qu'elle constatait qu'il présentait des relevés faisant mention d'horaires exagérés, et que le contrat de travail prévoyait une compensation des heures supplémentaires par l'allocation de jours de réduction du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M.
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aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour la société Gsf Phébus
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, D'AVOIR dit que le licenciement d'un salarié (monsieur
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) était sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur (la société GSF Phébus) à lui verser les sommes de 21.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 4.004,44 € à titre d'indemnité de licenciement, de 1.724,14 € en remboursement de la mise à pied conservatoire et congés payés afférents, de 7.551,21 € au titre du préavis et des congés payés afférents et de 1.484,19 € au titre de la prime d'expérience et des congés payés afférents, d'avoir ordonné la remise au salarié du bulletin de salaire, de l'attestation Assedic et du certificat de travail rectifiés et d'avoir condamné l'employeur à rembourser aux Assedic un mois d'indemnité de chômage perçue par le salarié ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE par lettre du 20 mars 2006, monsieur
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avait refusé son affectation sur le site Orléans Viandes pour une question d'horaires et ajouté que, depuis octobre 2004, il subissait un harcèlement moral de sa hiérarchie, dont l'affectation litigieuse n'est « qu'un exemple de plus » ; que le 30 mars 2006 la société avait attiré son attention sur l'extrême gravité de cette accusation et lui a demandé des exemples précis et circonstanciés ; que le 11 avril 2006, le salarié avait maintenu ses déclarations ; que le 25 avril 2006, la société lui avait fait remarquer que pour autant il n'apportait pas d'éléments précis ; que le 9 mai 2006, monsieur
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avait donné deux exemples précis qu'il avait imputés à son interlocuteur, Stéphane
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, chef d'établissement ; que l'attestation de mademoiselle
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indiquait qu'en janvier 2006, monsieur
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lui avait dit qu'il souhaitait licencier monsieur
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, mais qu'il ne le pouvait pas car « cela lui coûterait de l'argent » ; qu'à l'époque, elle était stagiaire en alternance au sein de l'agence ; que cette qualité n'était pas de nature à faire naître un doute sur l'authenticité de ses dires ; que le chef d'agence pouvait aussi bien faire ce genre de confidence à une stagiaire qui en principe ne serait pas appelée à intégrer l'entreprise et qui n'avait pas de lien particulier avec le salarié concerné ; que monsieur
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, gérant d'entreprise, attestait par ailleurs que le 5 octobre 2005, il était en voiture avec monsieur
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; que celui avait demandé à monsieur
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, via le téléphone avec kit mains libres, des consignes pour faire face à un manque de personnel ; que monsieur
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lui avait répondu d'un ton menaçant « fais ton métier d'inspecteur et arrête de faire ton cador », ajoutant « je suis ton homme si tu veux » (sous-entendu pour se battre) ; que comme pour le précédent témoin, le fait que monsieur
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ne fût ni un salarié, ni un client ne l'empêchait pas d'avoir pu être présent dans la voiture de monsieur
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; que les propos précités étaient déplacés ; que monsieur
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n'avait pas tant contesté la décision de l'affecter sur le site Orléans Viandes que le fait qu'elle lui avait été annoncée par lettre recommandée avec avis de réception, ce qu'il considérait comme inutilement autoritaire ; que la société avait expliqué cette procédure, le 25 avril 2006, par le refus exprimé par le salarié lors d'une réunion précédente ; que cet élément ne pouvait être retenu car le 9 mai 2006, monsieur
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avait contesté l'existence de cette réunion et du refus exprimé lors de celle-ci, la société n'avait pas répondu et le courrier du 13 mars 2006 ne parlait pas d'un tel refus mais expliquait la décision par les nouvelles compétences de monsieur
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en matière agroalimentaire ; que la forme utilisée était bien inutilement autoritaire ; que comme il serait indiqué après, des heures supplémentaires, en nombre important, étaient dues à l'appelant ; qu'en conclusion, la société avait commis des manquements d'importance inégale ; que monsieur
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, qui en était l'instrument, les connaissait parfaitement ; que par ailleurs, monsieur
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, en mars 2006, avait eu 20 jours d'arrêt de travail pour état dépressif ; que dans un tel contexte, si elle ne suffisait pas à caractériser un harcèlement moral, cette erreur de qualification ne constituait ni une faute grave, ni une cause sérieuse de licenciement; que la lettre de rupture mentionnait les propos agressifs de monsieur
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de manière suffisante ; qu'interrogé à l'audience, monsieur
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n'avait pas contesté, que comme l'attestait monsieur
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, il lui avait dit, fin 2005 : « Si je ne m'étais pas retenu, je t'aurais mis mon poing dans la gueule » ; que monsieur
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avait précisé qu'il n'avait pas répliqué ; que ce témoin était chargé du développement au sein de l'UDEL, une organisation patronale, qui était une client de la société Phébus ; que les relations employeur / salarié lui étaient donc familières et il était parfaitement à même d'apprécier si le comportement d'un salarié nécessitait ou non une réaction ; que la cour d'appel avait constaté que le témoignage de monsieur
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avait été établi le 5 mai 2006 ; que s'il avait pris au sérieux les menaces de monsieur
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, il n'aurait certainement pas, compte tenu de ses fonctions, attendu plusieurs mois pour s'en plaindre, mais aurait réagi immédiatement ;qu'ainsi l'allégation de monsieur
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, selon laquelle elles constituaient une plaisanterie vis-à-vis de quelqu'un qu'il tutoyait n'était nullement fantaisiste et il existait au moins un doute sur la réalité et sur le sérieux de ces menaces, l'attestation de monsieur
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selon laquelle monsieur
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s'en serait plaint verbalement ne pouvant être retenue puisqu'il était l'auteur de la lettre de licenciement ; que ce deuxième motif ne serait pas retenu non plus (arrêt, p. 4 à 6) ; que selon l'article 6 du code de procédure civile, « à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder » ; que l'article L. 122-14-3 du code du travail indiquait « en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier… le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties… si un doute subsiste, il profite au salarié » ; qu'en l'espèce, dans sa plaidoirie, la société GSF Phébus évoquait le refus d'affectation exprimé par monsieur
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; que ce moyen n'était pas du tout évoqué dans la lettre de licenciement ; que les autres griefs contenus dans la lettre de licenciement n'étaient pas démontrés ; que si l'existence de l'altercation avec un collaborateur de l'UDEL n'était pas contestée, l'attestation produite par la personne concernée ne précisait pas les raisons de celle-ci, le jour des faits, et le rôle commercial de l'attestataire entre l'UDEL et la société GSF Phébus ; qu'en conséquence, le licenciement de monsieur
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était injustifié (jugement, p. 4) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE constitue une faute grave le fait, pour un salarié, d'imputer à son employeur un harcèlement moral non caractérisé ; qu'en retenant, après avoir constaté que les éléments de preuve produits aux débats ne caractérisaient pas un harcèlement moral, que l'erreur de qualification commise par le salarié, qui avait imputé un harcèlement moral à son employeur, ne constituait pas une faute grave, la cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1234-1 du même code ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE constitue une faute grave le fait pour un salarié d'abuser de sa liberté d'expression en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, a fortiori en proférant des menaces de recours à la violence, qui plus est lorsque les propos concernés, tenus à l'égard d'un client de l'employeur, sont de nature à ternir l'image de ce dernier ; qu'en excluant l'existence d'une faute grave, après avoir pourtant relevé que le salarié avait tenu à un client de l'employeur les propos suivants, à la fois injurieux et menaçants : « Si je ne m'étais pas retenu, je t'aurais mis mon poing dans la gueule », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'employeur avait fait valoir (conclusions, p. 11) que les propos injurieux et agressifs tenus par monsieur
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à l'encontre d'un client étaient d'autant plus inadmissibles que le salarié, chargé de fonctions d'inspecteur, représentait l'entreprise à l'égard des tiers ; qu'en excluant la qualification de faute grave par la considération que les menaces proférées par le salarié avaient pu constituer une plaisanterie et que leur destinataire avait pu ne pas les prendre au sérieux, considération inopérante puisque la faute grave pouvait exister en l'état de propos nuisibles à la réputation de l'employeur, même si leur destinataire ne s'était pas effectivement et personnellement senti en danger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE dans son attestation du 5 mai 2006, monsieur Christian
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, destinataire des propos concernés, avait, après avoir rappelé que monsieur
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l'avait « menacé physiquement » et lui avait tenu lesdits propos, indiqué : « Compte tenu de mon âge, je n'ai pas répondu craignant pour ma santé » ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'en résultait pas que monsieur
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avait pris les menaces au sérieux, la cour d'appel a dénaturé cette attestation et méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
ALORS, ENFIN, QU'en relevant , pour en déduire qu'il aurait existé un doute sur la réalité et le sérieux des menaces proférées par le salarié, que « s'il avait pris au sérieux les menaces de monsieur
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, monsieur
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n'aurait certainement pas, compte tenu de ses fonctions, attendu plusieurs mois pour s'en plaindre, mais aurait réagi immédiatement », la cour d'appel s'est prononcée par un motif hypothétique et a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné un employeur (la société GSF Phébus) à payer à un salarié (monsieur
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) les sommes de 50.000 € au titre d'heures supplémentaires, y compris celles faites le dimanche et les jours fériés, et de 5.000 € au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE le contrat était totalement muet sur la durée du travail ; que les bulletins de paie mentionnaient une durée de 169 heures, soit 39 heures par semaine ; que la société affirmait que les heures supplémentaires ainsi faites étaient remplacées par 22 jours de RTT par an, ce qui n'était pas contesté ; que monsieur
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avait rempli et émargé des relevés individuels journaliers établis chaque mois, mentionnant le nombre de jours de RTT pris ; que ce montant était le suivant : 20 jours en 2001, 21 jours en 2002, 18 jours en 2003, 20 jours en 2004, 22 jours en 2005, 0 jour en 2006 ; qu'il manquait donc des jours et que les heures supplémentaires n'avaient pas été intégralement compensées ; que pour le surplus, il convenait de rechercher si monsieur
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avait pu faire plus de 39 heures par semaine ; qu'en la matière, la preuve était partagée, chaque partie devant apporter des éléments ; que toutefois, le salarié devait produire ceux de nature à étayer sa demande ; que la société produisait les relevés précités ; que cependant, monsieur
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s'était borné à mentionner les jours travaillés ; qu'ils étaient donc inopérants pour déterminer le nombre d'heures réalisées ; que le 20 mars 2006, pour expliquer ses réticences à aller sur le chantier Orléans Viandes, monsieur
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avait écrit « vous savez que j'effectue déjà aujourd'hui une moyenne de 13 heures par jour, sans compter les dimanches et jours fériés » ; que le 30 mars 2006, la société avait répondu : « il est bien évident que nous organiserons votre secteur pour que votre intervention puisse être faite selon des horaires de travail normaux, tant quotidiens qu'hebdomadaires » ; qu'il ne s'agissait pas d'une reconnaissance de ce que monsieur
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faisait plus de 39 heures par semaine ; qu'il produisait une copie de son agenda, depuis mai 2001, précisant, jour après jour, les heures passées à l'agence et sur les différents chantiers, qui étaient désignés ; que depuis mars 2005, la société avait pointé de très nombreuses incohérences et inexactitudes, à partir de l'heure et du lieu auxquels monsieur
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avait pris du carburant ou était passé à un péage ; que toutefois, elle ne produisait des relevés, par l'intermédiaire de la carte Total, qu'en novembre et décembre 2005 ; que monsieur
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avait lui-même contesté certaines de ces incohérences ; que le salarié était en charge de divers chantiers répartis sur toute l'agglomération orléanaise, d'où des temps de déplacement non négligeables pour aller de l'un à l'autre ; que les relevés journaliers produits par la société démontraient qu'il travaillait fréquemment six jours par semaine, et parfois même le dimanche ; que ces semaines-là, pour rester dans la limite de 39 heures, il aurait fallu qu'il travaille en moyenne six heures et demie par jour, ce qui était incompatible avec sa charge de travail ; qu'en conclusion, si ces relevés mentionnaient des horaires exagérés, il faisait cependant nettement plus de 39 heures par semaine ; que la cour évaluait la valeur des heures supplémentaires non payées, y compris celles faites le dimanche et les jours fériés non payées, à 50.000 €, les congés payés étant de 5.000 € (arrêt, p. 7 à 9) ;
ALORS, D'UNE PART , QUE les juges du fond doivent évaluer précisément le nombre d'heures supplémentaires effectuées et non payées afin de justifier la somme au paiement de laquelle ils condamnent l'employeur ; qu'en l'état de conclusions (pp. 15 à 17) par lesquelles l'employeur avait porté des contestations précises aux relevés de temps de travail du salarié concernant de nombreux jours et semaines, la cour d'appel, qui s'est bornée à évaluer la valeur des heures supplémentaires dues au salarié, y compris celles effectuées le dimanche, sans rechercher quel était le nombre exact d'heures supplémentaires prétendument effectuées et non payées par l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en ne précisant pas sur quels éléments de preuve elle se fondait pour parvenir à l'évaluation de la valeur d'heures supplémentaires non payées, la cour d'appel a, de plus fort, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QU'en retenant que les relevés journaliers produits par l'employeur démontraient que le salarié travaillait fréquemment six jours par semaine, et parfois même le dimanche, de sorte que pour rester dans la limite de 39 heures hebdomadaires, il aurait fallu qu'il travaille en moyenne 6 heures et demie par jour, pour en déduire que ce volume horaire serait incompatible ave c sa charge de travail, la cour d'appel a supposé que le salarié avait travaillé plus de 6 heures et demie par jour, de sorte qu'elle s'est prononcée par un motif hypothétique et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.