LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2009 n° 0711968) que la société civile d'exploitation agricole
X...
Frères (la SCEA) a pour objet statutaire l'exploitation de la ferme du Tronchet ainsi que tous autres fonds ruraux qui pourront être pris à bail ou acquis par la société et, généralement, toutes les opérations mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement à cet objet, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société ; qu'elle a pour associés Mme Marie-Thérèse X... et Mme Marcelle X..., veuve Y... (Mmes X...), respectivement titulaires de 47,5 % et 5 % des parts représentant le capital social, et M. Jean X..., titulaire de 47,5 % des parts ;
Attendu que la SCEA et Mmes X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle la décision de l'assemblée générale ordinaire de la SCEA du 15 mars 2004 ayant approuvé le changement d'affectation d'un bâtiment, sa restauration et les modalités de financement de celle-ci, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes des statuts de la SCEA, la société avait pour objet «l'exploitation de la grande ferme du Tronchet qui sera prise à bail par la société ainsi que tous autres fonds ruraux qui pourront être pris à bail par la société, l'acquisition et l'exploitation de tous autres biens ruraux notamment par l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme et, généralement toutes les opérations mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement à l'objet précité, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société» ; qu'aux termes des mêmes statuts, le gérant avait pour mission d'administrer le domaine et les biens de la société en bon père de famille en assurant la conservation et le développement du patrimoine social ; que dès lors, la restauration et l'aménagement de bâtiments agricoles non utilisés pour l'exploitation des terres, qui permet à l'exploitant agricole d'assurer la conservation desdits bâtiments en les rentabilisant, correspond à l'objet social en ce qu'ils assurent l'exploitation des biens ruraux au même titre que l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme, expressément visé par les statuts ; que dès lors, en décidant que la décision de transformer le dernier bâtiment de la propriété du Tronchet en une salle de réception en liaison avec l'activité hôtelière exercée dans la plus grande partie des autres bâtiments avait achevé de faire de l'activité hôtelière l'activité prépondérante de la SCEA et modifié l'objet social , la cour d'appel a violé lesdits statuts et l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'aux termes de l'article L. 311-1 du code rural, sont réputées agricoles, notamment, les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ; que ce texte répute civils des actes de manufacture, de location ou de services qui, en vertu de l'article L. 110-1 du code de commerce constituent des actes de commerce, sous réserve qu'ils soient accomplis par un exploitant agricole et qu'ils aient, notamment, pour support l'exploitation ; que dès lors, en mettant en valeur une partie de son corps de ferme en le louant à des tiers, la SCEA, qui exploite par ailleurs près de 120 hectares de terres agricoles, a incontestablement réalisé une activité relevant du secteur agricole, de nature civile, conforme aux statuts de la SCEA ; qu'en décidant néanmoins, pour annuler la décision prise par l'assemblée générale du 15 mars 2004, que les travaux litigieux seraient, en tout état de cause, contraires à l'objet social puisque visant à une affectation commerciale du bâtiment rénové, la cour d'appel a violé l'article L . 311-1 du code rural ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que, selon ses statuts, l'objet de la SCEA est exclusivement agricole, l'arrêt retient que l'activité à vocation agricole de la SCEA a progressivement régressé au profit d'une activité hôtelière sans rapport avec l'activité agricole et devant être qualifiée de commerciale puisque consistant, sur toute l'année, en entreprise de réceptions privées et séminaires avec organisation ponctuelle de concerts et location de salles, chambres et logements ; que l'arrêt précise que ces activités représentent, selon le rapport de l'expert mandaté par M. X..., "les deux tiers du chiffre d'affaires" ; que l'arrêt relève encore que ce document indique que "les bâtiments n'ont plus aujourd'hui de vocation agricole et constituent un ensemble hôtelier à part entière" ; qu'il ajoute que la décision prise par l'assemblée litigieuse de transformer le dernier bâtiment de la propriété du Tronchet non encore exploité à usage hôtelier en une salle de réception en liaison avec l'activité hôtelière exercée de fait dans la plus grande partie des autres bâtiments a achevé de faire de l'activité hôtelière l'activité prépondérante de la SCEA ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte, d'un côté, que les prestations d'hôtellerie fournies à titre habituel par la SCEA, étant dépourvues de lien avec l'activité agricole, n'avaient pas pour support l'exploitation et, de l'autre, que la décision d'affecter à l'activité hôtelière le dernier bâtiment non encore exploité à cette fin était contraire aux statuts en ce qu'elle portait atteinte au caractère civil de l'objet social, la cour d'appel, qui a constaté que la décision litigieuse n'avait pas été prise aux conditions requises pour les modifications statutaires, a justement retenu que cette décision était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCEA et Mmes X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour Mmes X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclarée nulle pour vice de fond l'assemblée générale ordinaire de la SCEA COUTTÉ FRERES du 15 mars 2004 et, par voie de conséquence la décision de financement qui en constitue l'accessoire ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que la SCEA COUTTÉ FRERES est une société civile à objet exclusivement agricole, son objet étant ainsi défini dans ses statuts : «exploitation de la grande ferme du TRONCHET qui sera prise à bail par la société ainsi que tous autres fonds ruraux qui pourront être pris à bail par la société, l'acquisition et l'exploitation de tous autres biens ruraux notamment par l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme et, généralement toutes les opérations mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement à l'objet précité, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société» ; que s'il peut être admis l'adjonction à l'activité civile agricole d'activités d'hébergement et d'accueil de public accessoires c'est à la condition que ces activités restent secondaires et qu'elles s'inscrivent dans le prolongement de l'acte de production agricole ou aient pour support l'exploitation agricole telles qu'activités de gîtes ruraux ou d'accueil à la ferme ; qu'il ressort des publicités et du journal d'informations locales versés aux débats ainsi que des bilans et du rapport, non démenti, de Monsieur Z... expert mandaté en 2006 par Monsieur X... que l'activité à vocation agricole de la SCEA COUTTÉ FRERES a progressivement régressé au profit d'une activité hôtelière sans rapport avec l'activité agricole et devant être qualifiée de commercial puisque consistant, sur toute l'année, «en entreprise de réceptions privées et séminaires avec organisation ponctuelle de concerts et location de salles, chambres et logements», ces activités correspondant à l'origine à celle de l'ancienne société de fait ayant été intégrée dans l'activité de la SCEA COUTTÉ FRERES et inscrite dans ses bilans et représentant la plus grosse part des chiffres d'affaires de celle-ci, Monsieur Z... dans son rapport, indiquant ainsi que «les deux tiers du chiffre d'affaires concernent cette activité, l'activité agricole y étant secondaire depuis de nombreuses années» et indiquant encore «que les bâtiments n'ont plus aujourd'hui de vocation agricole et constituent un ensemble hôtelier à part entière», ces indications induisant que la location de logements dans le manoir à côté de celles des chambres et des salles ne sont pas des activités réputées agricoles au sens de l'article L 311-1 du code rural lesquelles supposent qu'elles soient le prolongement de l'acte de production ou qu'elles aient pour support l'exploitation ; que la décision prise par l'assemblée litigieuse de transformer le dernier bâtiment de la propriété du TRONCHET non encore exploité à usage hôtelier en une salle de réception en liaison avec l'activité hôtelière exercée de fait dans la plus grande partie des autres bâtiments a achevé de faire de l'activité hôtelière l'activité prépondérante de la SCEA COUTTÉ FRERES ; que Monsieur X... estime dès lors à juste titre que la décision ainsi prise par l'assemblée en cause en ce qu'elle modifiait l'objet social de la société devait être prise en assemblée extraordinaire à la majorité des trois quarts du capital social ; qu'à supposer que les travaux en cause, limités à la seule étable ne puissent à eux seuls caractériser la prépondérance actuelle de l'activité hôtelière et le changement subséquent d'objet social de la société, ils seraient, en tout état de cause, contraires à l'objet social ci-dessus défini puisque visant à une affectation commerciale de ce bâtiment rénové de sorte que, dans tous les cas de figure, la décision prise par l'assemblée litigieuse doit être annulée ainsi, que par voie de conséquence, la décision de financement qui en constitue l'accessoire ;
ALORS D'UNE PART QU'aux termes des statuts de la SCEA COUTTÉ FRERES, la société avait pour objet «l'exploitation de la grande ferme du TRONCHET qui sera prise à bail par la société ainsi que tous autres fonds ruraux qui pourront être pris à bail par la société, l'acquisition et l'exploitation de tous autres biens ruraux notamment par l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme et, généralement toutes les opérations mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement à l'objet précité, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société» ; qu'aux termes des mêmes statuts, le gérant avait pour mission d'administrer le domaine et les biens de la société en bon père de famille en assurant la conservation et le développement du patrimoine social ; que dès lors, la restauration et l'aménagement de bâtiments agricoles non utilisés pour l'exploitation des terres, qui permet à l'exploitant agricole d'assurer la conservation desdits bâtiments en les rentabilisant, correspond à l'objet social en ce qu'ils assurent l'exploitation des biens ruraux au même titre que l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme, expressément visé par les statuts ; que dès lors, en décidant que la décision de transformer le dernier bâtiment de la propriété du TRONCHET en une salle de réception en liaison avec l'activité hôtelière exercée dans la plus grande partie des autres bâtiments avait achevé de faire de l'activité hôtelière l'activité prépondérante de la SCEA COUTTÉ FRERES et modifié l'objet social , la Cour d'Appel a violé lesdits statuts et l'article 1134 du Code Civil ;
ALORS D'AUTRE PART QU'aux termes de l'article L 311-1 du Code Rural, sont réputées agricoles, notamment, les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ; que ce texte répute civils des actes de manufacture, de location ou de services qui, en vertu de l'article L 110-1 du Code de Commerce constituent des actes de commerce, sous réserve qu'ils soient accomplis par un exploitant agricole et qu'ils aient, notamment, pour support l'exploitation ; que dès lors, en mettant en valeur une partie de son corps de ferme en le louant à des tiers, la SCEA, qui exploite par ailleurs près de 120 hectares de terres agricoles, a incontestablement réalisé une activité relevant du secteur agricole, de nature civile, conforme aux statuts de la SCEA ; qu'en décidant néanmoins, pour annuler la décision prise par l'assemblée générale du 15 mars 2004, que les travaux litigieux seraient, en tout état de cause, contraires à l'objet social puisque visant à une affectation commerciale du bâtiment rénové, la Cour d'Appel a violé l'article L 311-1 du Code Rural.