LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mindla dite Madeleine
X...
et Solo
Y...
, mariés en 1948 sans contrat de mariage préalable, sont respectivement décédés les 4 mars 2005 et 14 octobre 2005, en laissant pour leur succéder leurs petits-enfants Mme Géraldine
Y...
, Mme Elisa
Y...
et M. Julien
Y...
, en représentation de leur père prédécédé, et en l'état d'un testament authentique du 7 juillet 2005, aux termes duquel Solo
Y...
déclare léguer " la pleine propriété de l'intégralité de la quotité disponible à (sa) petite-fille Géraldine
Y...
épouse de M.
Z...
, voulant que les droits de Julien
Y...
et de sa soeur Elisa
Y...
épouse de M.
A...
Jean-Marc soit cantonnés au strict minimum réservé par la loi. " ; que des difficultés se sont élevées entre les héritiers quant au règlement des successions ;
Sur le premier moyen pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme Elisa
Y...
et M. Julien
Y...
font grief à l'arrêt attaqué (Caen, 21 avril 2009) d'avoir rejeté leur demande d'annulation du testament ;
Attendu que c'est sans se contredire que la cour d'appel, après avoir retenu que le testateur, qui ne bénéficiait pas d'une formation juridique, n'avait pas dicté les termes juridiques compris dans l'expression " la pleine propriété de l'intégralité de la quotité disponible ", a admis, contrairement aux énonciations de la seconde branche du moyen, que, le notaire ayant exprimé deux fois la même idée, la première fois en termes techniques et la seconde fois en termes courants en explicitant que les droits des autres héritiers devaient être cantonnés au strict minimum réservé par la loi, la rédaction du testament avait été accomplie sous la dictée du testateur ; que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;
Sur la seconde branche, ci-après annexé :
Attendu que Mme Elisa
Y...
et M. Julien
Y...
font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant au rapport à la succession des sommes versées par Mindla dite Madeleine
X...
, épouse
Y...
sur le contrat d'assurance vie souscrit auprès de la société Predica assurance de personne dont le capital s'élevait, au jour du décès, à la somme de 7 078 734 euros ;
Attendu qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, qu'à la date où le contrat d'assurance vie avait été souscrit au profit de son conjoint, et à défaut, ses descendants, soit le 17 janvier 1989, Mindla
Y...
, née le 9 février 1928, mariée sous le régime de la communauté légale, ayant un enfant et trois petits-enfants, avait, nonobstant sa maladie, une espérance de vie démontrée, et que le montant de la cotisation initiale, soit 15 045 000 francs, correspondait à moins de 14 % du patrimoine des époux
Y...
, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a souverainement estimé, au regard des situations familiale et patrimoniale de la souscriptrice, que la prime n'était pas manifestement exagérée au sens de l'article L. 132-13 du code des assurances ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Elisa
Y...
et M. Julien
Y...
aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Elisa
Y...
et M. Julien
Y...
à payer à Mme Géraldine
Y...
la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme Elisa
Y...
et de M. Julien
Y...
;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Elisa
Y...
et M. Julien
Y...
.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation du testament de Solo
Y...
établi en la forme authentique le 7 juillet 2005 ;
AUX MOTIFS QUE le testament de Monsieur Solo
Y...
a été reçu par Maître Arnaud
B...
, notaire associé à BONDY, et Maître Louis Marc
C...
, notaire au BOURGET, le 7 juillet 2005 ; qu'il mentionne que :
« Monsieur Solo
Y...
… jouissant de la plénitude de ses facultés intellectuelles, ainsi qu'il est apparu au notaire ;
A dicté son testament à Maître
B...
, notaire soussigné en présence du notaire instrumentaires de la manière suivante : JE LEGUE la pleine propriété de l'intégralité de la quotité disponible à ma petite-fille Géraldine
Y...
épouse de Monsieur
Z...
, voulant que les droits de Julien
Y...
et de sa soeur Elisa
Y...
épouse de Monsieur
A...
Jean-Marc soient cantonnés au strict minimum réservé par la loi » ; que suit la signature ; que le document continue ainsi : « les notaires soussignés ont fait écrire au moyen d'une machine à traitement de texte par Mme
E...
Marie Yvonne épouse de M. Jean
F...
, secrétaire de Me
B...
, le présent testament tel qu'il a été dicté par Solo
Y...
; puis Maître
B...
l'a lu au testateur qui a déclaré le bien comprendre et reconnaître qu'il exprime exactement ses volontés le tout en présence simultanée et non interrompue de Maître
C...
» ;
QUE les appelants soutiennent que les testateurs ne possédaient pas une pratique de la langue française lui permettant de dicter de tels termes ; qu'en effet, « la pleine propriété de l'intégralité de la quotité disponible » comprend des termes techniques que peu de personnes sont en mesure d'utiliser sans formation juridique préalable ; que l'on peut donc retenir que le testateur qui ne bénéficiait pas d'une telle formation n'a pas dicté ces mots ; mais que le notaire qui reçoit un testament n'a pas l'obligation de reproduire exactement les mots qui lui sont dits, mais doit, au contraire, dans le respect absolu de la volonté du défunt, proposer la rédaction technique juridique la plus utile ; qu'en l'espèce, le notaire a exprimé deux fois la même idée, la première fois en termes techniques et la seconde fois en termes courants en explicitant que les droits des autres héritiers devaient être cantonnés au strict minimum réservé par la loi ; qu'ainsi entendue, la rédaction du testament sous la dictée du testateur ne justifie ni critique ni mesure d'instruction ; que l'acte notarié mentionne la dictée et qu'aucune inscription de faux n'a été sollicitée ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la Cour d'appel qui constate, d'un côté, que le testament a été écrit « au moyen d'une machine à traitement de texte par Madame
E...
Marie Yvonne épouse de Monsieur Jean
F...
, secrétaire de Maître
B...
, …, tel qu'il a été dicté par Monsieur Solo
Y...
» et, de l'autre côté, que le testateur n'a pas dicté les mots du testament qui a été l'oeuvre du notaire, s'est déterminé par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'énonciation de l'acte authentique selon laquelle le testament a été écrit, au moyen d'une machine à traitement de texte, par la secrétaire du notaire tel qu'il a été dicté par le testateur, fait foi jusqu'à inscription de faux, si bien qu'en retenant que le texte du testament n'était pas celui qui avait été dicté par le testateur, la Cour d'appel a violé les articles 1319 et 972 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'Elisa et Julien
Y...
tendant au rapport à la succession des sommes versées par Mindla dite Madeleine
X...
épouse
Y...
sur le contrat d'assurance vie souscrit auprès de la Société PREDICA ASSURANCE DE PERSONNE dont le capital s'élevait, au jour du décès, à la somme de 7. 078. 734 € ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Julien et Elisa
Y...
ne contestent pas que le montant de la cotisation initiale, soit 15. 045. 000 francs, correspondait à moins de 14 % du patrimoine des époux
Y...
au moment de la souscription ; que les époux
Y...
bénéficiaient donc d'un patrimoine important qui permettait ce placement sans aucun excès pour le montant de la cotisation ; que l'organisme chargé du placement a délivré une attestation selon laquelle aucun versement n'a été effectué entre le 1er janvier 1997 et le décès de l'assuré ; que Monsieur
Julien Y...
et Madame Elisa
Y...
font valoir avec raison que cela ne dit rien des versements réalisés antérieurement au 1er janvier 1997 ; mais qu'ils n'ont pas essayé d'interroger ou de faire interroger l'organisme auprès duquel cette assurance avait été souscrite pour faire établir que d'autres primes aient été versées ultérieurement ; que la preuve du caractère excessif des primes leur incombe ; que Madame Géraldine
Y...
a fait remarquer que Mindla
Y...
avait également souscrit en décembre 1987 un contrat d'assurance dont la valeur de rachat à son décès était de 5. 725. 091 € ; qu'elle affirme sans être contredite que ce second contrat bénéficiait à ses trois petits-enfants ; que pour apprécier la mesure des cotisations, il faudrait prendre en compte les deux contrats alors que Monsieur
Julien Y...
et Madame Elisa
Y...
ne mentionnent pas celui de 5. 725. 000, 91 € ;
ALORS, QU'il résulte de l'article L. 132-13 du Code des assurances que les règles du rapport à succession et celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de prime, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité du contrat pour ce dernier, si bien qu'en ne recherchant pas l'utilité présentée par le contrat par la souscriptrice, et en s'abstenant d'avoir égard à sa situation familiale, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte précité ;