LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2009) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 15 novembre 2005, pourvoi n° F 03-17.520), que la société Sicomucip, aux droits de laquelle se trouve la société Sophia, venant elle-même aux droits de la société Interbail, et la société Sicomax (les Sicomi) ont consenti un contrat de crédit-bail immobilier à la société Fradhor (la société) ; que les bâtiments sur lesquels portait ce contrat ayant fait l'objet d'un incendie, un différend portant sur la détermination du bénéficiaire de l'indemnité d'assurance est survenu entre les bailleurs et le crédit-preneur ; que les parties ont décidé de séquestrer les fonds entre les mains du CCF, aux droits duquel vient la société HSBC France (la banque) ; que la convention de séquestre signée le 26 février 1980 prévoyait la capitalisation des intérêts par trimestre échu et l'incorporation au capital du produit des intérêts par les soins du séquestre afin de produire eux-mêmes des intérêts ; qu'un arrêt du 9 juillet 1982 ayant décidé que la société n'avait pas la qualité de propriétaire, la banque a versé les sommes séquestrées aux Sicomi le 12 octobre 1982 et confirmé par courrier du 4 septembre 1984 la réalité de ce règlement à la société ; qu'ultérieurement, un arrêt rendu le 20 février 1995 en suite notamment de la cassation de l'arrêt du 9 juillet 1982, désigné la société comme propriétaire des biens depuis 1977 ; que celle-ci a assigné le 27 mars 2001 la banque en responsabilité ;
Attendu que la société Fradhor reproche à l'arrêt d'avoir dit sa demande irrecevable par application des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce, alors, selon le moyen, que dès lors que la prescription trentenaire devient applicable lors que les parties ont inséré une clause d'anatocisme dans leur convention, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 1154 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, déclarer irrecevable la demande de la société Fradhor en paiement des intérêts capitalisés aux motifs que ladite clause ne saurait modifier la nature de la prescription applicable et qu'en toute hypothèse, les intérêts avaient arrêté de courir et de se capitaliser à compter du déblocage du 12 octobre 1982 ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir constaté que la société Fradhor n'agissait pas en exécution d'une décision de justice condamnant la banque à lui payer la somme séquestrée, a exactement retenu que les intérêts capitalisés dans la convention ne sauraient modifier la nature de la prescription applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fradhor aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société HSBC France la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour la société Fradhor
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir dit la demande de la société FRADHOR irrecevable par application des dispositions de l'article L.110-4 du Code de commerce,
AUX MOTIFS QUE « (...) la société FRADHOR reproche à titre principal à la société CCF d'avoir violé ses obligations de séquestre en débloquant les sommes consignées tant au regard de la convention du 26 février 1980 que des articles 1956 et 1960 du Code civil ; Qu'à titre subsidiaire, elle revendique la nullité de cette convention de séquestre sur le fondement des articles 1110 et 1116 du Code civil pour erreur sur la substance, manoeuvres illicites et dolosives ; (...) Que, pour s'opposer à la demande principale, la société CCF, devenue HSBC, soulève pour la première fois en cause d'appel sur le fondement de l'article L.110-4 du Code de commerce selon lequel « les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes » une autre fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par la société FRADHOR le 27 mars 2001 ; (...) Que, pour contester ce nouveau moyen d'irrecevabilité, la société FRADHOR rétorque en premier lieu qu'aux termes de son arrêt du 15 novembre 2005, la Cour de Cassation a retenu implicitement que son action n'était pas prescrite lorsqu'elle a introduit son action devant le Tribunal de commerce de PARIS, de sorte que la société HSBC est mal fondée à revendiquer cette prescription décennale ; Mais (...) qu'il résulte des termes de cet arrêt de la Cour de Cassation que « la Cour d'appel de PARIS a méconnu l'objet du litige » en considérant que la responsabilité de la société CCF était extracontractuelle alors que la société FRADHOR avait visé la responsabilité de celle-ci « en sa qualité de dépositaire chargé d'un séquestre conventionnel sur le fondement des articles 1956 à 1960 du Code civil » ; Que la Cour de Cassation a ainsi statué sur la nature de la responsabilité (contractuelle ou délictuelle) sans en tirer aucune conséquence juridique sur la prescription applicable ; Que l'argumentation de l'appelante est donc inopérante ; (...) En second lieu, que la société FRADHOR se prévaut de la prescription trentenaire qui s'attache, d'une part au fait que l'indemnité d'assurance versée par la société LA PATERNELLE représente les constructions complémentaires qu'elle a financées ; Qu'elle estime que la prescription n'est pas acquise tant que le bien immobilier ou sa contrevaleur n'a pas été matériellement restitué au preneur et tant que les travaux qu'elle a financés n'ont pas été remboursés ; Qu'elle ajoute que cette indemnité d'assurance représente une obligation indivisible de la valeur immobilière ; Que, d'autre part, elle revendique cette prescription trentenaire dans le cadre de l'action en répétition de l'indu au visa de l'article 1235 du Code civil qui s'applique selon elle dans l'exercice du droit à la restitution de l'indemnité d'assurance payée indument aux sociétés SICOMI ou dans le cadre de l'article 2236 du même Code selon lequel ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit ; Qu'elle invoque encore cette prescription trentenaire pour l'action qui tend au recouvrement d'une créance ayant fait l'objet d'un jugement de condamnation ou lorsque les parties sont convenues que les intérêts à échoir se capitaliseront à la fin de chaque année, constituant ainsi un nouveau capital, de sorte que la prescription n'est plus de cinq mais de trente ans ; Mais (...) que le litige n'a pas pour objet la dépossession d'un bien immobilier, par nature imprescriptible comme le prétend l'appelante, mais le déblocage prétendument fautif par un séquestre d'une indemnité d'assurance ; Qu'il existe une absence d'indivisibilité entre l'indemnité d'expropriation réglée par la commune de CLICHY SOUS BOIS et l'indemnité d'assurance versée par la société LA PATERNELLE, qui peuvent tout à fait s'exécuter indépendamment l'une de l'autre ; Que l'action en répétition de l'indu ne peut être engagée que contre celui qui a reçu paiement ; Que tel n'est pas le cas de la société CCF qui n'a pas reçu le règlement de l'indemnité d'assurance ; Que cette dernière, qui n'avait que la qualité de séquestre, n'a pas non plus possédé la somme pour autrui ; Que la société FRADHOR n'agit nullement en l'espèce à l'encontre de la société CCF en vertu d'une décision de justice ayant condamné cette dernière à payer la somme séquestrée ; Qu'enfin, le fait que les intérêts soient capitalisés dans la convention de séquestre ne saurait modifier la nature de la prescription applicable ; Qu'en toute hypothèse, les intérêts ont cessé de courir et de se capitaliser à compter du déblocage du 12 octobre 1982 ; (...) Qu'enfin, la société FRADHOR demande à titre subsidiaire et par voie d'exception la nullité de la convention de séquestre, laquelle serait soumise selon elle à la prescription trentenaire en application des dispositions de l'article 2262 du Code civil ; Mais (...) que si l'exception de nullité est perpétuelle, encore faut-il qu'elle soit opposée comme exception en défense à une action principale ; Que tel n'est pas le cas de la société FRADHOR, demanderesse à l'action principale ; Que pour l'ensemble de ces motifs, la prescription trentenaire ne saurait être retenue ;(...) Que la société CCF considère pour sa part que les fautes qui lui sont reprochées sont nées à l'occasion de l'activité commerciale de la société FRADHOR et qu'en conséquence, les dispositions de l'article L.110-4 du Code de commerce reproduites plus haut sont applicables ; Que la société FRADHOR ne conteste pas que les manquements dont elle accuse le séquestre sont nés à l'occasion de son activité commerciale et que les deux sociétés sont des sociétés commerciales ; Qu'il est de principe que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance ; Que, s'agissant d'une créance contractuelle de nature commerciale, la prescription décennale doit trouver application ; (...) Que, pour s'opposer à cette fin de non recevoir, l'appelante fait valoir qu'elle ne pouvait agir en responsabilité contre le séquestre dès lors que son dommage restait éventuel jusqu'à l'arrêt de la Cour d'appel d'AMIENS du 20 février 1995 ; Qu'ainsi, la prescription n'aurait commencé à courir qu'à compter de cette dernière décision définitive, de sorte que son action introduite le 21 mars 2001 ne serait pas prescrite ; Mais (...) que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle celui-ci a été révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; Qu'en l'espèce, la société FRADHOR fait grief principalement à la société CCF de n'avoir pas satisfait à ses obligations de séquestre en débloquant dès le 12 octobre 1982 la somme de 1.855.878,27 francs entre les mains du mandataire des sociétés SICOMI. Que l'appelante reconnaît dans ses écritures avoir eu connaissance de ce paiement par le courrier que lui a adressé le 4 septembre 1984 la société séquestre ; Qu'elle ne peut donc prétendre fixer le point de départ de la prescription à la date de l'arrêt de la Cour d'appel d'AMIENS du 20 février 1995 puisque le dommage résultant des fautes reprochées n'était nullement éventuel à cette dernière date mais était réalisé dès le 12 octobre 1982, date à laquelle la somme séquestrée a été effectivement versée entre les mains du mandataire des sociétés SICOMI ; Que le point de départ du délai de prescription se situe à la date du 4 septembre 1984, date à laquelle ce règlement fautif selon elle lui a été révélé ; (...) Que la société FRADHOR se prévaut également de divers actes interruptifs de prescription ; Mais (...) qu'elle invoque vainement une impossibilité d'agir dont elle ne justifie nullement ; Qu'elle n'apporte pas davantage la preuve qu'elle aurait accompli des diligences interruptives de prescription au sens des articles 2243 et suivants du Code civil ; Qu'ainsi, elle n'a jamais dirigé une action antérieure8 ment à la présente instance à l'encontre de la société CCF, qui ne saurait se confondre avec les sociétés SICOMI, chacune ayant une personnalité morale différente, même si certains de leurs dirigeants sont les mêmes personnes physiques ; Que par ailleurs, les fautes alléguées d'un tiers (société SICOMI) ne sauraient non plus constituer une interruption de la prescription ; Que dans ces conditions, il sera fait droit à la fin de non recevoir soulevée par la société CCF ; Que le jugement sera confirmé par des motifs substitués ; »
ALORS D'UNE PART QUE, se référant à une jurisprudence de la Cour de Cassation, l'exposante faisait valoir en page 17 de ses conclusions signifiées le 9 mars 2009 (prod.) que la prescription peut avoir pour point de départ non pas la date de manifestation du dommage ou celle à laquelle la victime en a eu connaissance, mais la date de la décision de justice fixant le bien fondé de sa créance dans la mesure où le droit à indemnisation dépend nécessairement de l'action à engager pour faire constater l'existence et le montant de ladite créance ; Qu'en énonçant, sans s'expliquer sur la jurisprudence de la Cour de Cassation invoquée à l'appui de ce moyen opérant, que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle celui-ci a été révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE tout comme les prescriptions particulières ne sont pas applicables à l'action en restitution des sommes déposées sur un compte bancaire ou postal ou sur un livret de caisse d'épargne, la prescription décennale de l'article L.110-4 du Code de commerce n'est pas applicable à l'action en restitution de sommes déposées chez un séquestre, qui les détient jusqu'à ce que soit déterminée la personne la personne qui doit les obtenir ; Qu'en déclarant que la prescription trentenaire ne saurait être retenue car le CCF, qui n'avait que la qualité de séquestre, n'a pas possédé la somme pour autrui, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1956 et 2236 du Code civil ;
ALORS ENCORE QUE dès lors que la prescription trentenaire devient applicable lorsque les parties ont inséré une clause d'anatocisme dans leur convention, la Cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 1154 du Code civil et L.110-4 du Code de commerce, déclarer irrecevable la demande de l'exposante en paiement des intérêts capitalisés aux motifs que ladite clause ne saurait modifier la nature de la prescription applicable et qu'en toute hypothèse, les intérêts avaient arrêté de courir et de se capitaliser à compter du déblocage du 12 octobre 1982 ;
ALORS ENCORE QU'en affirmant l'absence d'indivisibilité entre l'indemnité d'expropriation réglée par la Commune et l'indemnité d'assurance qui pouvaient tout à fait s'exécuter indépendamment l'une de l'autre sans répondre au moyen de l'exposante pris de ce qu'elle avait été déclarée propriétaire du terrain et des constructions, si bien que les fonds déconsignés à tort par le CCF, qui représentaient une partie de la valeur des constructions par elle acquises, étaient complémentaires à l'indemnité d'expropriation du terrain nu (cf. ses conclusions signifiées le 9 mars 2009, prod. p.19 in fine et p.20 in limine), la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1218 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; Que, pour justifier de la confusion des personnes morales lui permettant d'invoquer des actes interruptifs de prescription, l'exposante avait régulièrement versé aux débats et visé en pages 27 et suivantes de ses conclusions signifiées le 9 mars 2009 diverses pièces déterminantes ; Qu'en énonçant, sans se prononcer sur leur valeur probante, que le CCF ne saurait se confondre avec les sociétés SICOMI, chacune ayant une personnalité morale différente même
si certains de leurs dirigeants sont les mêmes personnes physiques, la Cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile.