LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 4 décembre 2008), que la société Dieudonné et compagnie, qui exploite un établissement de santé et de soins à Cambo-les-Bains, a maintenu l'horaire collectif de ses salariés à 39 heures hebdomadaires et les a rémunérés sur cette base, avec une bonification sous forme de repos au-delà de la 35e heure, après l'entrée en vigueur tant de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 dite Aubry II fixant la durée légale à 35 heures par semaine, que de l'accord du 27 janvier 2000 sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du secteur de l'hospitalisation privée et du secteur social et médico-social à caractère commercial ; que Mme X... et un certain nombre d'autres salariés de cette entreprise ont saisi la juridiction prud'homale le 9 novembre 2004 ;
Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes tendant au paiement d'heures travaillées à compter du 12 mai 2000, de congés payés afférents ainsi qu'à la délivrance de bulletins de salaire conformes, alors, selon le moyen, que l'accord de branche du 27 janvier 2000 qui revêtait un caractère obligatoire à l'égard de la société Dieudonné et compagnie à compter du 12 mai 2000 par l'effet de l'arrêté d'extension du 28 avril 2000 publié au journal officiel du 11 mai 2000, prévoit que " la réduction du temps de travail s'accompagnera du maintien des salaires minima conventionnels des différentes conventions collectives concernées … par la mise en oeuvre d'un complément différentiel de réduction d'horaire " déterminé dans les conditions prévues audit accord ; que la mise en oeuvre du complément différentiel découle exclusivement de la réduction légale du temps de travail sans être subordonnée par l'accord de branche à une réduction effective du temps de travail effectué par chaque salarié dans l'entreprise ; qu'ainsi, ce complément est dû sans considération de l'existence d'heures travaillées au-delà de la durée légale des 35 heures hebdomadaires, le temps de travail effectué au-delà des 35 heures hebdomadaires devant donner lieu au paiement d'heures supplémentaires au taux majoré sans préjudice du versement du complément différentiel dans son intégralité ; qu'en décidant cependant pour rejeter les demandes des salariés, que " lorsqu'il n'y a pas réduction effective du temps de travail de 39 heures à 35 heures, c'est-à-dire lorsque le salarié continue à effectuer 39 heures hebdomadaires, il n'y a pas lieu de lui octroyer l'indemnité différentielle ", la cour d'appel a violé les articles L. 3121-10 (article L. 212-1 ancien dudit code), L. 3121-11 (article L. 212-6 ancien dudit code), ainsi que l'article 1er du chapitre III de l'accord de branche du 27 janvier 2000 pris pour l'application de la convention collective des établissements privés sanitaires et sociaux et l'arrêté d'extension du 28 avril 2000 entré en vigueur le 12 mai 2000 ;
Mais attendu que l'accord du 27 janvier 2000 dans la branche de l'hospitalisation privée et son annexe applicable au secteur social et médico-social à caractère commercial n'imposent nullement la réduction effective du temps de travail à 35 heures, et que le versement de l'indemnité différentielle destinée à assurer le maintien du salaire n'est dû qu'aux salariés dont l'horaire de travail est réduit ;
Et attendu qu'ayant constaté que la société avait maintenu un horaire de 39 heures pendant la période litigieuse, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que l'indemnité différentielle n'était pas due, n'encourt pas le grief du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les salariés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées par les parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour Mmes X..., B..., D..., E..., F..., G... et M. Z....
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Marie-France X..., Madame Anne-Marie A... épouse B..., Madame Maria Lourdes D..., Madame Gisèle
E...
, Madame Michèle F..., Madame Béatrice G... et Monsieur Thierry Z... de leurs demandes tendant au paiement d'heures travaillées à compter du 12 mai 2000, de congés payés y afférents et des intérêts de retard ainsi qu'à la délivrance de bulletins de salaire conformes ;
AUX MOTIFS QUE l'article 3 du chapitre II de l'accord du 27 janvier 2000 rappelle notamment que « la durée légale hebdomadaire de travail est définie selon les dispositions de l'article L. 212-1 du Code du travail à 35 heures de travail effectif au plus tard au 1er février 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et au plus tard au 1er janvier 2002 pour les autres entreprises » ; que cet accord de branche rappelle donc la modification de la durée légale hebdomadaire de travail, ramenée à 35 heures, réduction qui a donc pour effet de constituer un nouveau seuil de déclenchement des heures supplémentaires ; que l'article 1er du chapitre III rappelle que les différentes grilles salariales des conventions collectives correspondent à un horaire hebdomadaire de 39 heures et que les parties en présence adoptent pour principe que la réduction du temps de travail s'accompagnera du maintien des salaires minima conventionnels des différentes conventions collectives concernées, ou du SMIC, si les salaires minima conventionnels lui sont inférieurs, par la mise en oeuvre d'un complément différentiel de réduction d'horaire déterminé dans des conditions qui sont également définies par l'accord ; que la question est donc de savoir si, en l'espèce, il y avait lieu à application de ce complément différentiel ; que le complément différentiel n'est dû que lorsqu'il y a réduction effective du temps de travail avec passage de 39 heures effectuées à 35 heures hebdomadaires effectuées ; que dans ce cas, les salariés qui n'effectuent plus que 35 heures au lieu de 39 heures sont donc susceptibles de subir une diminution de leur rémunération ; qu'afin de compenser cette diminution de rémunération il est donc prévu l'attribution d'une indemnité différentielle afin que le salarié, tout en n'effectuant plus que 35 heures au lieu de 39, continue à percevoir une rémunération équivalente à celle qu'il percevait lorsqu'il effectuait 39 heures ; que lorsqu'il n'y a pas réduction effective du temps de travail de 39 à 35 heures, c'est-à-dire lorsque le salarié continue à effectuer 39 heures hebdomadaires, il n'y a pas lieu de lui octroyer l'indemnité différentielle ; que cependant, dans la mesure où la durée légale du temps de travail est réduite à 35 heures, seuil de déclenchement des heures supplémentaires, toutes les heures effectuées au-delà de 35 heures doivent être considérées comme des heures supplémentaires et donc rémunérées en tant que tel au taux majoré ; que c'est précisément parce que le salarié qui continue à effectuer 39 heures perçoit une rémunération supérieure à celle qu'il percevait antérieurement à la réduction légale du temps de travail, puisque que quatre de ces heures sont rémunérées à un taux majoré, qu'il n'a pas droit à l'indemnité différentielle dont la finalité est de compenser la perte de salaire qui résulterait de l'application mécanique du passage de l'horaire légal de 39 à 35 ; qu'en l'espèce, il est établi, et il n'est pas contesté, que les appelants ont continué à effectuer et à être rémunérés sur la base de 39 heures hebdomadaires après la signature de l'accord du 27 janvier 2000 que la Société DIEUDONNÉ et Compagnie reconnaît devoir appliquer ; que s'il n'y a pas lieu à application du complément différentiel défini par l'article 1er du chapitre III de l'accord du 27 janvier 2000, en revanche il y a lieu à application du taux majoré pour les heures effectuées au-delà de 35 heures, à compter du 1er février 2000, date d'entrée en vigueur de la loi 2000-37 du 19 janvier 2000 ; qu'à compter du 1er mai 2003, et en application de l'accord d'entreprise sur la réduction et l'aménagement du temps de travail en date du 30 avril 2003, la durée hebdomadaire du travail effectif dans l'entreprise a été ramenée à 35 heures (article 3-1-2), payées 39 « sans passer par l'intermédiaire d'un différentiel » (articles 7-1 et 7-2), étant rappelé par l'article 3-2-1 que les heures supplémentaires sont décomptées au-delà de la durée légale hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 212-1 du Code du travail ; qu'ainsi, la réduction effective du temps de travail hebdomadaire à 35 heures résulte de l'accord d'entreprise du 30 avril 2003, preuve supplémentaire que cette réduction n'avait pas été imposée par l'application de l'accord de branche du 27 janvier 2000 ; que l'article 3-1-2 de l'accord d'entreprise fait état de ce que cette réduction du temps de travail sera effective au 1er mai 2003 et que pour la période antérieure un avenant sera négocié avant le 15 juin 2003 aux fins de régulariser la situation antérieure à compter de la mise en oeuvre de l'accord de branche ; qu'il n'est pas établi que cet avenant a effectivement été négocié. En revanche, il est reconnu l'applicabilité de l'accord de branche du 27 janvier 2000 ; que la date d'application de cet accord de branche est le 1er février 2000 pour les employeurs adhérents à une organisation signataire et à compter du 12 mai 2000 pour les autres, en raison de l'extension de l'accord de branche par arrêté du 28 avril 2000, publié au journal officiel du 11 mai 2000 ; que cependant, ces dates d'application ne valent que pour les stipulations conventionnelles ; qu'en revanche, s'agissant de l'application des dispositions légales, c'est la date d'entrée en vigueur de la loi concernée qui compte ; qu'en l'espèce, dans la mesure où il n'y avait pas lieu à application de la stipulation conventionnelle instaurant un complément différentiel, mais simplement application des dispositions légales instaurant une durée légale hebdomadaire du travail effectif constituant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, la date à prendre en considération est celle de l'entrée en vigueur de la loi concernée, soit le 1er février 2000 ; qu'il convient donc de dire que les heures effectuées au-delà de 35 heures à compter du 1er février 2000 constituaient des heures supplémentaires et devaient être rémunérées au taux majoré, en application des dispositions légales et indépendamment de la question de l'étendue de l'application de la convention collective nationale ;
ALORS QUE l'accord de branche du 27 janvier 2000 qui revêtait un caractère obligatoire à l'égard de la société DIEUDONNE ET COMPAGNIE à compter du 12 mai 2000 par l'effet de l'arrêté d'extension du 28 avril 2000 publié au journal officiel du 11 mai 2000, prévoit que « la réduction du temps de travail s'accompagnera du maintien des salaires minima conventionnels des différentes conventions collectives concernées … par la mise en oeuvre d'un complément différentiel de réduction d'horaire » déterminé dans les conditions prévues audit accord ; que la mise en oeuvre du complément différentiel découle exclusivement de la réduction légale du temps de travail sans être subordonnée par l'accord de branche à une réduction effective du temps de travail effectué par chaque salarié dans l'entreprise ; qu'ainsi, ce complément est dû sans considération de l'existence d'heures travaillées au-delà de la durée légale des 35 heures hebdomadaires, le temps de travail effectué au-delà des 35 heures hebdomadaires devant donner lieu au paiement d'heures supplémentaires au taux majoré sans préjudice du versement du complément différentiel dans son intégralité ; qu'en décidant cependant pour rejeter les demandes des salariés, que « lorsqu'il n'y a pas réduction effective du temps de travail de 39 heures à 35 heures, c'est-à-dire lorsque le salarié continue à effectuer 39 heures hebdomadaires, il n'y a pas lieu de lui octroyer l'indemnité différentielle », la Cour d'appel a violé les articles L. 3121-10 (article L. 212-1 ancien dudit Code), L. 3121-11 (article L. 212-6 ancien dudit Code), ainsi que l'article 1er du chapitre III de l'accord de branche du 27 janvier 2000 pris pour l'application de la Convention collective des établissements privés sanitaires et sociaux et l'arrêté d'extension du 28 avril 2000 entré en vigueur le 12 mai 2000.