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17/06/2010 | FRANCE | N°09-13546

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 juin 2010, 09-13546


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005, ensemble les articles L. 124-1 et L.124-3 du code des assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Vando X... a fait l'objet de transfusions sanguines à l'occasion d'une opération chirurgicale en 1987 ; que les consorts X..., ses héritiers, imputant à ces transfusions la contamination au virus de l'hépatite C, révélée ultérieurement, et le décès de ce dernier, le 18 aoÃ

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005, ensemble les articles L. 124-1 et L.124-3 du code des assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Vando X... a fait l'objet de transfusions sanguines à l'occasion d'une opération chirurgicale en 1987 ; que les consorts X..., ses héritiers, imputant à ces transfusions la contamination au virus de l'hépatite C, révélée ultérieurement, et le décès de ce dernier, le 18 août 2001, des suites d'une cirrhose, ont assigné, le 25 janvier 2007, l'Etablissement français du sang (EFS) ainsi que la société Axa France IARD, venant aux droits de l'UAP, prise en qualité d'assureur du Centre de transfusion sanguine (CDTS) des Yvelines Nord Poissy devant un tribunal de grande instance en responsabilité, et indemnisation de leur préjudice ; que l'EFS a sollicité sa mise hors de cause, en soutenant qu'il ne venait pas aux droits et obligations du centre de transfusion sanguine des Yvelines ; qu'il a également soulevé l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître d'une telle demande ; que la société Axa France IARD a demandé au juge de la mise en état d'accueillir l'exception tirée de la question préjudicielle relative à la responsabilité de l'EFS et donc de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à venir de la juridiction administrative à ce titre ;
Attendu que pour rejeter la demande de sursis à statuer, l'arrêt énonce que l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 crée en faveur des victimes de la contamination et de leurs ayants droit un régime dérogatoire qui est spécifique au contentieux transfusionnel et qui ouvre à ces derniers un droit à indemnisation ; qu'il en résulte que la question de la substitution ou non de l'EFS dans les droits et obligations de l'ex-CDTS des Yvelines Nord Poissy, dont aura à connaître la juridiction administrative si elle est saisie, ne saurait avoir d'incidence sur le sort de la procédure directement engagée par les consorts X... à l'encontre de la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de responsabilité dudit CDTS ; qu'il s'ensuit également que la reconnaissance de la responsabilité de l'ex-CDTS des Yvelines Nord Poissy, ou de l'EFS venant aux droits de ce dernier, ne constitue pas un préalable à l'exercice de l'action directe contre l'assureur ; que, dès lors rien ne s'oppose à ce que le tribunal, saisi dans le cadre de cette action directe, se prononce sur l'existence d'une obligation à garantie de la société Axa France IARD au regard du régime légal instauré par l'article 102 susvisé, spécialement applicable à la contamination dont Vando X... a été victime ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge judiciaire, saisi de l'action directe de la victime contre l'assureur, n'est pas autorisé à se prononcer sur la responsabilité de l'assuré lorsque celle-ci relève de la compétence de la juridiction administrative, ce qui était le cas en application de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005, la cour d'appel, qui devait surseoir à statuer, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne l'Etablissement français du sang aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux conseils pour la société Axa France IARD
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société AXA FRANCE IARD de sa demande de sursis à statuer ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE «pour conclure au bien fondé de sa demande de sursis à statuer, la société AXA France IARD, invoquant les disposition des articles L 124-1 et suivants du codes des assurances, fait valoir que la mise en oeuvre de l'action directe revendiquée à son encontre par les consorts X... ne peut aboutir tant qu'il n'a pas été statué sur la substitution de l'E.F.S. à l'exCDTS des Yvelines Nord-Poissy et sur la responsabilité de celui-ci dans la contamination de Monsieur X... par le virus de l'hépatite C ; mais considérant qu'en l'occurrence, la manière dont la responsabilité doit être appréciée est définie par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, lequel dispose que : en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loir, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ; il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; le doute profite au demandeur » . Considérant qu'il apparaît que cette nouvelle disposition crée en faveur des victimes de la contamination et de leurs ayants droit un régime dérogatoire, qui est spécifique au contentieux transfusionnel, et qui ouvre à ces derniers un droit à indemnisation ayant vocation à s'exercer conformément aux règles qui lui sont applicables ; Considérant qu'il en résulte que la question de la substitution ou non de l'E.F.S. dans les droits et obligations de l'ex-CDTS des Yvelines Nord-Poissy, dont aura à connaître la juridiction administrative si elle est saisie, ne saurait avoir d'incidence sur le sort de la procédure directement engagée par les consorts X... à l'encontre de la compagnie AXA FRANCE IARD, en sa qualité d'assureur de responsabilité dudit CDTS ; Considérant qu'il s'ensuit également que la reconnaissance de la responsabilité de l'ex-CDTS des Yvelines Nord Poissy (ou de l'E.F.S. venant aux droits de ce dernier) ne constitue pas un préalable à l'exercice de l'action directe contre l'assureur ; Considérant que, dès lors, ainsi que le relève le premier juge, rien ne s'oppose à ce que le Tribunal, saisi dans le cadre de cette action directe, se prononce sur l'existence ou non d'une obligation à garantie de la société AXA FRANCE IARD au regard du régime légal instauré par l'article 102 susvisé, spécialement applicable à la contamination dont Monsieur Vando X... a été victime ; Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n ‘y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure qui sera éventuellement engagée devant le tribunal administratif »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il devrait néanmoins être sursis à statuer sur la demande dirigée contre cette société si le tribunal n'était pas en mesure de statuer avant que la décision concernant la demande dirigée contre l'EFS soit intervenue. Il convient toutefois d'observer qu'il s'agit d'une action directe dans le cadre de laquelle il n'est pas obligatoire que l'assuré soit mis en cause. Par ailleurs, aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 202 relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à l'entrée en vigueur de la loi, le demandeur apporte des éléments permettant de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion sanguine ou une injonction de médicaments dérivés du sang et il incombe au défendeur de prouver que cette transfusion ou injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le texte précise en outre que le juge forme sa conviction après avoir ordonné au besoin toutes mesures d'instruction utiles et que le doute profite au demandeur. Il résulte de ce texte que si le demandeur produit des éléments permettant de présumer la contamination, la personne contaminée a droit à indemnisation sauf au demandeur à apporter la preuve de l'innocuité du produit administré ou la preuve absolue d'un autre mode de contamination. Et il s'agit seulement d'un droit à indemnisation du demandeur sans qu'il n'y ait lieu de se prononcer sur une responsabilité. La décision qui sera rendue par le tribunal administratif sera donc sans incidence sur l'obligation à garantie de la société AXA FRANCE IARD puisque cette dernière ne contesta pas être l'assureur du CTDS des Yvelines et que son obligation ne dépend pas du point de savoir si l'EFS a ou non repris le CTDS des Yvelines mais si ce dernier est bien à l'origine de la contamination de Monsieur Vando X..., ce qui peut être examiné par le tribunal dans le cadre de l'action directe. Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il soit statué à l'égard du l'EFS mais au contraire d'inviter la société AXA FRANCE IARD à conclure au fond »,
1. ALORS QU' un assureur de responsabilité ne peut être tenu d'indemniser le préjudice causé à un tiers que dans la mesure où ce dernier peut se prévaloir contre l'assuré d'une créance née de la responsabilité de celui-ci ; que ce principe est applicable à l'action directe exercée par la victime d'une transfusion sanguine, les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 n'instaurant qu'un mécanisme de preuve qui ne dispense pas le juge de statuer sur le principe de la responsabilité de l'assuré, lequel constitue un préalable obligatoire à la mise en jeu de la garantie de l'assureur ; qu'il s'ensuit que lorsque l'examen de la responsabilité de l'assuré dans la survenance de la contamination relève de la compétence exclusive du juge administratif, le juge civil saisi d'une action directe de la victime contre l'assureur doit surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif sur ce point, sous peine d'excéder ses pouvoirs ; qu'en estimant qu'à la suite de l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, la reconnaissance de responsabilité de l'Etablissement français du sang ne constituait pas un préalable à l'examen de l'action directe exercée par les ayant droits de la victime à l'encontre d'AXA et en refusant, par ce motif, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif sur la responsabilité de l'EFS, la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 102 de la loi du 4 mars 2002 et L.124-3 du code des assurances, et par refus d'application, l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an VIII.
2. ALORS, EN OUTRE, QU' en statuant de la sorte, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un excès de pouvoir, en violation de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005, de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an VIII.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-13546
Date de la décision : 17/06/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 jui. 2010, pourvoi n°09-13546


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13546
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