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16/06/2010 | FRANCE | N°09-42114

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2010, 09-42114


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 20 décembre 2007), que le 14 mars 2003, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Minerve Antilles Guyane (MAG SN), à la suite d'une déclaration de cessation des paiements effectuée le 27 février précédent au nom de cette société ; que l'AGS ayant refusé de garantir des créances indemnitaires invoquées sur le fondement d'un accord d'entreprise conclu le 24 février 2003, MM. Y... et Lucien X..., licenciés par le liquidateur judiciaire, ont saisi la juridiction prud'homale pour être reconn

us créanciers d'indemnités de licenciement, en invoquant également des ...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 20 décembre 2007), que le 14 mars 2003, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Minerve Antilles Guyane (MAG SN), à la suite d'une déclaration de cessation des paiements effectuée le 27 février précédent au nom de cette société ; que l'AGS ayant refusé de garantir des créances indemnitaires invoquées sur le fondement d'un accord d'entreprise conclu le 24 février 2003, MM. Y... et Lucien X..., licenciés par le liquidateur judiciaire, ont saisi la juridiction prud'homale pour être reconnus créanciers d'indemnités de licenciement, en invoquant également des créances salariales et indemnitaires, au titre d'heures supplémentaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que MM. Y... et Lucien X... font grief à l'arrêt de juger que l'AGS n'était pas tenue de garantir les créances indemnitaires résultant de l'accord du 24 février 2003, alors, selon le moyen :
1° / que l'appartenance des salariés à des sociétés différentes d'un même groupe n'est pas, à elle seule, susceptible de justifier un traitement discriminatoire ; que dès lors, le fait pour une société du groupe de signer avec les partenaires sociaux un accord collectif tendant à réparer l'inégalité affectant les conditions financières du départ de ses salariés en cas de licenciement économique, pour harmoniser celles-ci avec les conditions financières en vigueur au sein des autres sociétés du groupe, ne saurait à lui seul être assimilé à une fraude aux droits des AGS ; qu'en décidant le contraire, sans indiquer en quoi il aurait pu être justifié de traiter différemment les salariés de la société Minerve Antilles Guyane SN et ceux des autres sociétés du groupe AOM Air Liberté, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des accords des 1er et 24 février 2003, des articles 1116, 1134, 1370 et 2268 du code civil, L. 2221-2 et L. 3253-8 du code du travail ;
2° / que la fraude suppose l'intention frauduleuse de son auteur ; qu'en l'espèce, les exposants soutenaient dans leurs écritures d'appel que la finalité de l'accord d'entreprise du 24 février 2003 était de rétablir l'équité et la parité en cas de licenciement économique, entre les salariés employés par la société Minerve Antilles Guyane SN d'une part et, d'autre part, ceux des autres sociétés du groupe AOM auquel cette société appartenait ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions des exposants qui invoquaient une rupture de l'égalité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans être liée par la qualification que ses signataires avaient donnée à l'accord du 24 février 2003, la cour d'appel a retenu qu'à la date de sa conclusion, qui précédait de trois jours la déclaration de cessation des paiements de l'employeur, l'entreprise n'avait plus d'activité, son principal partenaire étant lui-même en liquidation judiciaire, et que son insuffisance d'actif ne pouvait lui permettre de prendre en charge le règlement des indemnités prévues dans cet accord, alors que des licenciements étaient inéluctables ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les signataires de l'accord connaissaient l'impossibilité pour l'employeur de faire face aux obligations qu'il mettait à sa charge et le préjudice causé de ce fait à l'AGS, elle a caractérisé une fraude commise au détriment de cet organisme, excluant par là même tout autre motif de conclusion de l'accord ; qu'elle en a déduit à bon droit que l'accord ne pouvait être opposé à l'AGS, pour la mise en oeuvre de sa garantie ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Lucien X... et Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. X... et autre
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'accord du 24 février 2003 a été conclu en fraude du système d'assurance de garantie des salaires et que l'AGS n'est pas tenue à en garantir les conséquences financières, et d'AVOIR en conséquence débouté les salariés de leur demande tendant à voir déclarer opposables à l'AGS leurs demandes en paiement d'indemnité en application de l'accord du 24 février 2003 ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte des dispositions des articles L. 143-11-1 à L. 143-11-8 du code du travail que l'Assurance de Garantie des Salaires couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail lorsque le licenciement intervient dans les jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ; que l'AGS dispose toutefois d'un droit propre à contester le principe et l'étendus de sa garantie à condition de faire la preuve que le fondement contractuel de la créance qu'elle conteste procède d'une fraude à son endroit ; que tel est le cas lorsque l'employeur conclut pendant la période suspecte, en pleine connaissance de son impossibilité d'en assumer les conséquences financières, un accord d'entreprise dont la seule finalité est de majorer l'indemnisation de licenciements économiques inéluctables en spéculant sur la prise en charge pas l'AGS, sans que cet accord ne s'inscrive dans un plan social qui aurait pour objet d'éviter ou limiter les licenciements par une mise en place de mesures alternatives aux licenciements et / ou propres à assurer le reclassement des salariés ; qu'il résulte des éléments de fait au litige qu'au 24 février 2003, date de la signature de l'accord d'entreprise qui sert de fondement aux demandes des salariés, la société MAG SN n'avait plus d'activité et que son principal, si ce n'est unique, partenaire commercial, la société « AIR LIB », était en liquidation judiciaire depuis le février 2003 ; qu'il s'en déduit que, même si le dépôt de bilan n'est intervenu que trois jours plus tard, à une date où son passif s'élevait à 540. 000 euros, elle était déjà dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que le débat qui s'est instauré entre les parties sur liens entre les sociétés AIR LIB et MAG SN est sans intérêt dés lors qu'il est acquis aux débats que les deux sociétés étaient deux entités juridiques distinctes, que la seconde n'était pas la « filiale » de la première et que, en toute hypothèse, aucune clause de l'accord d'entreprise signé le 01 octobre 2001 entre la direction d'AIR LIB et le personnel au sol de cette société n'envisageait son « extension », fusse à une société appartenant au même groupe industriel ; que contrairement aux affirmations des intimés, le line entre les deux accords n'avait donc aucune justification juridique impérative et ressortait de la volonté propre des signataire de l'accord du 24 février 2003 de se « référer » à celui du 1er octobre 2001 ; que la notion d'« accord d'extension » utilisée depuis l'origine du litige par les intimés n'a donc aucun fondement juridique ; qu'en décidant d'appliquer au personnel d'une entreprise en cessation d'activité et de paiement un accord signé 18 mois plus tôt au bénéfice du personnel d'une entreprise elle-même en liquidation judiciaire depuis une semaine, toutes les parties signataire de l'accord du 24 février 2003 savaient que la société MAG SN ne pourraient en assumer les conséquences et l'AGS devrait se substituer à elle pour que les indemnisations prévues puissent être payées ; que la singularité de la situation est renforcée par le contenu même de l'accord qui, en sus d'une majoration substantielle de l'indemnité de licenciement conventionnelle, instaurait 2 autres modes d'indemnisation en cas de licenciement en cas de licenciement économique ; que dès lors qu'à la date de sa signature le licenciement économique du personnel au sol était un événement qui n'avait plus rien d'aléatoire mais présentait un caractère inéducable, cet accord revenait en définitive à gratifier les salariés, sans aucune contrepartie pour l'entreprise, de trois indemnités cumulatives différentes ayant la même cause et le même objet ; que l'AGS est bien fondé à soutenir que de telles libérations ne pouvaient l'engager sans son accord et que cette convention est frauduleuse en ce qu'elle constitue le détournement manifeste d'un système d'assurance visant à garantir le paiement des salaires « en cas d'insuffisance de fonds disponibles dans l'entreprise » ; que dès lors que « la fraude corrompt tout », la cour ne peut retenir une partie de cet accord pour rendre opposable à l'AGS » ;
ALORS 1°) QUE l'appartenance des salariés à des sociétés différentes d'un même groupe n'est pas, à elle seule, susceptible de justifier un traitement discriminatoire ; que dès lors, le fait pour une société du groupe de signer avec les partenaires sociaux un accord collectif tendant à réparer l'inégalité affectant les conditions financières du départ de ses salariés en cas de licenciement économique, pour harmoniser celles-ci avec les conditions financières en vigueur au sein des autres sociétés du groupe, ne saurait à lui seul être assimilé à une fraude aux droits des AGS ; qu'en décidant le contraire, sans indiquer en quoi il aurait pu être justifié de traiter différemment les salariés de la société MINERVE ANTILLES GUYANNE SN et ceux des autres sociétés du groupe AOM-AIR LIBERTE, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des accords des 1er et 24 février 2003, des articles 1116, 1134, 1370 et 2268 du Code civil, L. 2221-2 et L. 3253-8 du code du travail ;
ALORS 2°) QUE la fraude suppose l'intention frauduleuse de son auteur ; qu'en l'espèce, les exposants soutenaient dans leurs écritures d'appel que la finalité de l'accord d'entreprise du 24 février 2003 était de rétablir l'équité et la parité en cas de licenciement économique, entre les salariés employés par la société MINERVE ANTILLES GUYANNE SN d'une part et, d'autre part, ceux des autres sociétés du groupe AOM auquel cette société appartenait (conclusions d'appel des salariés, p. 5, dernier al., p. 6, al. 2 et p. 9, al. 2) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions des exposants qui invoquaient une rupture de l'égalité, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, et des dommages et intérêts consécutifs au non-paiement des heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 5 de la convention collective du personnel au sol des compagnies aéroportuaires stipule que « en raison du caractère particulier de l'exploitation aérienne, il est fréquent que les heures de présence ne puissent être fixées de façon rigide ; elles correspondent aux nécessités et aux aléas de cette exploitation et il doit en être tenu compte dans la rémunération des intéressés ; c'est pourquoi, les appointements des cadres ont un caractère forfaitaire ; ils sont établis soit par un forfait global contractuel tenant compte des variations d'horaires dues à des heures supplémentaires (…) ; soit comme pour les autres catégories de personnels à régimes d'appointements mensuels, en fonction de l'horaire réellement effectué » ; que les cadres visés par la convention collective sont classés, en tenant compte de l'importance de l'entreprise et de celle des fonctions réellement exercées, dans trois groupes définis en annexe ; que les cadres relevant des coefficients 300 (LUCIEN X...) et 420 (Y...) sont expressément visés comme étant bénéficiaires d'appointements ayant un caractère forfaitaire ; que par ailleurs les intimés, qui exerçaient respectivement les responsabilités de " Responsable Fret " et de " Chef d'Escale'', ne justifient pas que, contrairement, aux'dispositions de la Convention collective, ils étaient soumis à un horaire fixe et à la réglementation sur les 35 heures alors que le montant de leur salaire tel qu'il apparaît sur les bulletins de paie, a toujours été forfaitaire ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter toutes les demandés présentées à ce titre » ;
ALORS QUE : la rémunération forfaitaire s'entend d'une rémunération convenue entre les parties au contrat de travail pour un nombre déterminé d'heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale, et même si le principe en est posé par la convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié, précisant notamment le nombre d'heures travaillées incluses dans le forfait ; qu'en opposant aux salariés l'article 5 de la convention collective du personnel au sol des compagnies aéroportuaires prévoyant la possibilité de convenir d'appointements forfaitaires, pour les débouter de leurs demandes d'heures supplémentaires, sans aucunement vérifier si des conventions individuelles de forfait avaient été régulièrement conclues entre les parties, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 3121-22 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42114
Date de la décision : 16/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Fort-de-France, 20 décembre 2007, 07/00128

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 20 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jui. 2010, pourvoi n°09-42114


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.42114
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