LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 6 mars 2008, n° 135), que Mme X... a été engagée le 2 octobre 1996 en qualité d'agent d'entretien par la société Abilis centre, devenue la société européenne de nettoyage (EDN), et affectée à la propreté des locaux de la CPAM de Tours ; que le contrat de nettoyage a été repris le 18 octobre 2002 par la société Abra nettoyages à la suite de la cession d'actifs de la société EDN ; que la salariée a attrait la société Abra nettoyages devant la juridiction prud'homale pour ensuite y appeler la société EDN, que devant le bureau de conciliation elle a renoncé à ses demandes contre la société Abra et a poursuivi l'instance contre la seule société EDN, puis a de nouveau saisi la juridiction prud'homale contre les sociétés s'étant succédé sur le site, dont la société Abra nettoyages ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire ses demandes contre la société Abra nettoyages irrecevables, alors, selon le moyen :
1°/ que le désistement d'action doit être exprès ; qu'en matière prud'homale, en raison de la règle de l'unicité de l'instance, le désistement d'instance a le même effet qu'un désistement d'action ; que dès lors, il doit être exprimé dans la même forme, c'est à dire de façon expresse ; qu'en décidant en l'espèce que le désistement "implicite" de la salariée de ses demandes dirigées contre la société ABRA dans le cadre d'une première instance faisait obstacle au renouvellement de ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 384 du code de procédure civile et l'article R. 516-1 ancien devenu R. 1452-6 du code du travail ;
2°/ que ne heurte pas le principe de l'unicité de l'instance une seconde demande introduite avant la fin d'une instance en cours ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes pour la seconde fois alors que la première instance mettant qui était pendante devant la cour d'appel, demeurait en cours, de sorte que ses demandes nouvelles à l'encontre de la société ABRA ne heurtaient pas la règle de l'unicité de l'instance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article R. 516-1 ancien devenu R. 1452-6 du code du travail ;
3°/ que la règle d'unicité de l'instance ne peut faire obstacle au droit du salarié de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des graves manquements de son employeur, afin de faire valoir ses droits aux assédic et d'obtenir le paiement des indemnités auxquelles il a droit au titre de la rupture de son contrat de travail ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de la salariée qui déclarée inapte à poste à la suite d'un accident de trajet, s'est trouvée privée de toute indemnisation par la faute de la société ABRA qui ne l'a pas licenciée, la cour d'appel a méconnu le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a constaté que Mme X... avait clairement exprimé sa volonté, dans la première procédure, de ne pas donner suite à sa demande dirigée contre la société Abra nettoyages et que lorsqu'elle avait de nouveau saisi la juridiction prud'homale la cour d'appel n'était plus saisie de demandes contre cette société ; qu'elle en a exactement déduit que Mme X... s'était désistée de sa demande contre la société Abra de sorte que la seconde instance engagée contre la même partie à raison du même contrat de travail était irrecevable ;
Attendu, d'autre part, que les initiatives de la salariée, assistée de son conseil, étant à l'origine de l'irrecevabilité de sa deuxième demande, le moyen tiré de la violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Abra ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les demandes de Madame X... dirigées contre la société ABRA sont irrecevables selon le principe de l'unicité de l'instance ;
AUX MOTIFS QU'en vertu du principe de l'unicité de l'instance, les demandes nouvelles, dérivant d'un même contrat de travail et fondées sur des causes connues du salarié avant sa demande primitive, doivent être déclarées irrecevables lorsque l'instance s'est éteinte par un désistement, lequel conformément à l'article 397 du code de procédure civile peut être exprès ou implicite ; qu'en l'occurrence, Lydia X..., dans un premier temps, dirige son action en résiliation et en paiement de diverses créances salariales et indemnitaires contre la société ABRA ; qu'à l'issue de l'audience de conciliation, elle sollicite la convocation de la société EDN qui n'était pas dans la cause, à une seconde audience de conciliation ; que lors de cette nouvelle audience mettant en présence la société EDN et la société ABRA, le président du Conseil de prud'hommes donne acte que Maître Lison Y... (conseil de la salariée) entend mettre hors de cause la société ABRA et attraire Maître Z..., mandataire liquidateur de la société EDN ainsi que le CGEA ; que devant le bureau de jugement, Lydia X... maintient sa demande de résiliation mais uniquement à l'encontre de la société EDN et sollicite l'inscription de sa créance au passif de la liquidation judiciaire ; que ces circonstances caractérisent l'intention clairement exprimée par la requérante de ne pas donner suite à sa demande dirigée contre la société ABRA et donc son désistement implicite ; qu'il s'ensuit que sa demande dirigée contre cette dernière dans le cadre de la présente procédure introduite postérieurement au premier jugement en date du 8 novembre 2005 qui a dessaisi le Conseil de prud'hommes de Tours, et portant sur le même contrat de travail, est irrecevable, en application du principe de l'unicité de l'instance et en l'absence d'éléments nouveaux survenus depuis lors ou qui se seraient révélés après cette date ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le désistement d'action doit être exprès ; qu'en matière prud'homale, en raison de la règle de l'unicité de l'instance, le désistement d'instance a le même effet qu'un désistement d'action ; que dès lors, il doit être exprimé dans la même forme, c'est à dire de façon expresse ; qu'en décidant en l'espèce que le désistement « implicite » de la salariée de ses demandes dirigées contre la société ABRA dans le cadre d'une première instance faisait obstacle au renouvellement de ces demandes, la Cour d'appel a violé l'article 384 du Code de procédure civile et l'article R.516-1 ancien devenu R.1452-6 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE ne heurte pas le principe de l'unicité de l'instance une seconde demande introduite avant la fin d'une instance en cours ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes pour la seconde fois alors que la première instance mettant qui était pendante devant la Cour d'appel, demeurait en cours, de sorte que ses demandes nouvelles à l'encontre de la société ABRA ne heurtaient pas la règle de l'unicité de l'instance ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article R.516-1 ancien devenu R.1452-6 du Code du travail ;
ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la règle d'unicité de l'instance ne peut faire obstacle au droit du salarié de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des graves manquements de son employeur, afin de faire valoir ses droits aux assédic et d'obtenir le paiement des indemnités auxquelles il a droit au titre de la rupture de son contrat de travail ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de la salariée qui déclarée inapte à poste à la suite d'un accident de trajet, s'est trouvée privée de toute indemnisation par la faute de la société ABRA qui ne l'a pas licenciée, la Cour d'appel a méconnu le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.