LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1351 du code civil ;
Attendu que le prononcé à l'encontre de la caution d'un jugement la condamnant à exécuter son engagement ne fait pas obstacle à ce qu'elle oppose au créancier l'extinction de sa créance pour une cause postérieure audit jugement, celui-ci serait-il passé en force de chose jugée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., dirigeant de la société Garage porte de France (la société GPF), s'est rendu caution solidaire, le 16 février 1990, de la société Labo Industrie, aux droits de laquelle vient la société Fuchs lubrifiant France (la société Fuchs), du montant d'un prêt de 75.463 euros ; que, par jugement du 2 mars 2000, M. X... a été condamné à payer à la société Labo industries une somme de 57.831,95 euros ; qu'au cours de l'instance devant conduire à ce jugement, par jugement du 29 novembre 1999, publié au Bodacc le 5 janvier 2000, la société GPF a été mise en liquidation judiciaire ; que la société créancière n'a procédé à aucune déclaration de créance, ni sollicité aucun relevé de forclusion ; que sur assignation de M. X..., le tribunal, par jugement du 28 juin 2007, a constaté l'extinction de la créance de la société Fuchs, faute d'avoir été déclarée au passif du débiteur ;
Attendu que pour rejeter l'action de M. X... tendant à la décharge des effets du jugement du 2 mars 2000, après avoir relevé qu'au cours de l'instance devant conduire à ce jugement, par jugement du 29 novembre 1999, publié au Bodacc le 5 janvier 2000, la société GPF avait été mise en liquidation judiciaire, que la société créancière ne paraissait pas avoir déclaré sa créance à la liquidation du débiteur principal s'étant contentée de poursuivre la caution, que M. X..., pourtant informé en qualité de dirigeant de la société cautionnée de sa mise en liquidation judiciaire, avait accepté le jugement de condamnation sans le contester par voie d'appel sur le fondement d'un défaut de déclaration au passif du débiteur principal de la créance poursuivie contre lui en qualité de caution et sans solliciter de renvoi pour faire vérifier l'existence d'une production au passif qu'il représentait et que s'il avait pu être admis un temps que l'autorité de chose jugée était limitée aux moyens juridiques développés dans le cadre de la procédure, cette analyse était actuellement abandonnée dans la mesure où il appartenait au débiteur de soulever au cours de l'instance en paiement contre lui tous les moyens susceptibles de faire déclarer éteinte la créance, l'arrêt retient que la remise en cause du jugement de condamnation de M. X... dans le cadre d'une procédure antérieure diligentée, en dehors des voies de recours légalement organisées, ne peut pas être admise et qu'en décider autrement produirait des incohérences juridiques graves et une prolongation des procédures aussi longtemps que le débiteur pourrait imaginer des moyens nouveaux ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit l'appel de la société Fuchs lubrifiant France contre le jugement du 28 juin 2007 du tribunal de grande instance de Strasbourg, l'arrêt rendu le 4 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la créance de la société Fuchs lubrifiant France est éteinte, faute de déclaration régulière conformément à l'article L. 621-46, alinéa 4, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises applicable à la cause ;
Dit que M. X... était fondé à se prévaloir de cette extinction et que la société Fuchs lubrifiant France n'était plus en droit de poursuivre l'exécution du jugement du 2 mars 2000 (RG n° 1998/00289) contre celle-ci ;
Condamne la société Fuchs lubrifiant France aux dépens ;
Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par la société Fuchs lubrifiant France ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux conseils pour M. X... ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR réformé le jugement entrepris et rejeté l'action de M. X... tendant la décharge des effets du jugement du 2 mars 2000,
AUX MOTIFS QUE M. X... s'était porté caution solidaire de la Société qu'il dirigeait, la SA Garage de la Porte de France, à l'égard de ses fournisseurs, les établissements Labo Industries, devenus la société Fuchs Lubrifiant ; que M. X... a été poursuivi en exécution de ses engagements de caution et en paiement à ce titre d'une somme de 379.352,72 FF ; que par jugement du 2 mars 2000, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a fait droit à cette demande et a condamné M. X... à payer à la société des établissements Labo Industries la somme demandée ; qu'au cours de cette instance, le débiteur principal, la société Garage de la Porte de France, a été placé en liquidation judiciaire le 29 novembre 1999 ; que le jugement a été publié au BODACC le 5 janvier 2000 ; que la société des établissements Labo Industrie ne paraît pas avoir déclaré sa créance à la liquidation du débiteur principal et s'est contentée de poursuivre la caution ; que M. X... a accepté le jugement de condamnation et ne l'a pas contesté par voie d'appel sur le fondement d'un défaut de déclaration au passif du débiteur principal de la créance poursuivie contre lui en qualité de caution ; qu'il n'avait pas sollicité non plus de renvoi pour faire vérifier l'existence d'une production au passif qu'il représentait ; qu'il était pourtant informé en qualité de président directeur général de cette société anonyme de son placement en liquidation judiciaire ; que d'ailleurs, le jugement du 2 mars 2000 qui l'a condamné à payer une somme de 379.352,72 FF est définitif et ne peut pas être remis en cause par un jugement ultérieur, en dehors des voies de recours légalement organisées ; que conformément à l'article 460 du Code de procédure civile, la nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi ; que conformément à l'article 481, le jugement dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche, mais que celui-ci conserve le pouvoir de rétracter sa décision en cas d'opposition, de tierce-opposition ou de recours en révision ; qu'il n'est pas permis de rétracter un jugement en dehors de ces hypothèses ; qu'il a pu être admis un temps que l'autorité de chose jugée était limitée aux moyens juridiques développés dans le cadre de la procédure, mais que cette analyse est actuellement abandonnée et que l'on considère qu'il appartient au débiteur de soulever au cours de l'instance en paiement contre lui tous les moyens susceptibles de faire déclarer éteinte la créance ; qu'il a déjà été vu que cela demeurait possible dans le cas des poursuites contre M. X... et que quand bien même cela aurait été impossible, il n'en reste pas moins que le jugement de condamnation ne pouvait pas être rétracté par un autre jugement rendu en dehors des voies de recours légalement admissibles ; qu'en décider autrement produirait des incohérences juridiques graves et une prolongation des procédures aussi longtemps que le débiteur pourrait imaginer des moyens nouveaux ; que cette problématique est d'ailleurs révélée par l'ambiguïté du libellé du jugement entrepris, qui a dit que la société Fuchs Lubrifiant France «n'était plus en droit de poursuivre l'exécution du jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 2 mars 2000» ; que l'on pourrait dès lors se demander à partir de quand le précédent jugement ne serait plus susceptible d'être poursuivi et quel serait le sort des sommes payées en exécution de celui-ci ; qu'une répétition de l'indû relative à des sommes payées sur la base d'un jugement définitif paraîtrait devoir poser un problème ; qu'au total, cette Cour estime que la remise en cause du jugement de condamnation de M. X... dans le cadre d'une procédure antérieure diligentée en dehors des voies de recours légalement organisées, ne peut pas être admise ; qu'infirmant le jugement entrepris, la Cour déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes,
ALORS D'UNE PART QUE l'autorité de chose jugée d'un jugement n'est pas opposable en cas de faits nouveaux ; qu'en l'espèce, pour faire obstacle à l'autorité du jugement du 2 mars 2000, M. X... faisait valoir que la liquidation judiciaire de la Société Garage des Portes de France prononcée le 29 novembre 1999 était postérieure à la clôture de l'instruction intervenue le 22 novembre 1999 et que les plaidoiries avaient eu lieu le 17 janvier 2000, soit avant la date d'expiration du délai de déclaration des créances et donc du délai de relevé de forclusion ; qu'il en résultait nécessairement que le défaut de déclaration de sa créance par la Société Fuchs Lubrifiant, avéré le 5 mars 2000, et l'absence de demande en relevé de forclusion par celle-ci avant le 29 novembre 2000, ne pouvaient pas être soumis au Tribunal de grande instance avant la clôture des débats et qu'ils constituaient donc bien des évènements nouveaux susceptibles d'être soumis au tribunal sans heurter la chose jugée du précédent jugement ; qu'en considérant pourtant que la demande se heurtait à l'autorité de chose jugée du jugement du 2 mars 2000, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil,
ALORS D'AUTRE PART QU'en considérant ces évènements, survenus postérieurement à la clôture de l'instruction et des débats, auraient pu être soumis au tribunal dans le cadre de l'instance ayant abouti au jugement du 2 mars 2000, la Cour d'appel a violé l'article 783 du Code de procédure civile.