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26/05/2010 | FRANCE | N°08-44923

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mai 2010, 08-44923


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 mai 1980 en qualité de magasinier par la société Grand Garage moderne, aux droits de laquelle se trouve la société La Roche automobiles ; que le salarié a présenté sa démission le 3

novembre 2005 ; que le 10 novembre suivant, il a demandé à réintégrer ses fonction...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 mai 1980 en qualité de magasinier par la société Grand Garage moderne, aux droits de laquelle se trouve la société La Roche automobiles ; que le salarié a présenté sa démission le 3 novembre 2005 ; que le 10 novembre suivant, il a demandé à réintégrer ses fonctions, ce que l'employeur a refusé ; qu'estimant la rupture imputable à l'employeur, le 4 juillet 2006, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour dire que la démission du salarié devait produire tous ses effets et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que contrairement à ses dires, M. X... n'a pas donné sa démission sous le coup de l'émotion ; que s'il a quitté l'entreprise subitement après un incident avec son chef de service, il a pris sa décision à son domicile en ne formulant aucun reproche et en proposant d'effectuer son préavis ; qu'il n'avait pas été injustement rappelé à l'ordre ; qu'aucun fait de harcèlement moral n'a été établi à l'encontre de son supérieur hiérarchique; qu'il n'a pas fait reconnaître l'existence d'une maladie ou d'un accident au titre de la législation professionnelle en relation avec les événements en litige ; qu'il ne démontre pas en ces circonstances que sa volonté était viciée, même s'il a pu connaître un état dépressif sérieux ; que sa rétractation étant intervenue tardivement, l'employeur était bien fondé à la refuser ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. X... avait démissionné après avoir quitté l'entreprise à la suite de reproches qui lui avaient été faits par son chef de service, avant de se rétracter sept jours plus tard, en invoquant les pressions qu'il subissait de la part de ce dernier, et que le jour même de sa démission, il avait été placé en arrêt maladie puis avait du être hospitalisé en service psychiatrique onze jours après pour dépression nerveuse, ce qui excluait l'existence d'une volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société La Roche automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Denis X... de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour non respect du statut protecteur.
AUX MOTIFS QUE il résulte du dossier et des débats que Monsieur X..., qui exerçait des fonctions de représentant du personnel depuis 4 ans, qui avait reçu 2 avertissements en 2005 pour des problèmes de facturation, a été l'objet, le 3 novembre 2005, en début d'après-midi, de reproches de la part de son chef de service concernant le non établissement d'un avoir à un salarié ; qu'il a quitté l'entreprise aussitôt après en menaçant de démissionner ; qu'il a rédigé le soir même à son domicile un courrier de démission ne comportant aucun motif et précisant qu'il effectuerait son préavis de 1 mois ; qu'il a été placé à compter de cette date en arrêt de travail ; qu'il a démissionné de ses fonctions de trésorier du comité d'entreprise le 8 novembre 2005 et remis, par courrier séparé, au comité d'entreprise un chèque de 1000 euros ; qu'il s'est ensuite rétracté le 10 novembre suivant en accusant son supérieur hiérarchique d'exercer sur le personnel des pressions insupportables et d'être à l'origine de sa décision précipitée de démissionner ; qu'il a été placé en arrêt maladie du 4 novembre 2005 au 15 septembre 2006 avec une hospitalisation en psychiatrie pour dépression nerveuse ; que la société LA ROCHE AUTOMOBILE a refusé de le réintégrer dans l'entreprise par lettre du 14 novembre 2005 ; qu'elle a refusé le chèque de 1000 euros et lui a demandé à plusieurs reprises les documents relatifs à la comptabilité du comité d'entreprise, qu'elle a constaté par écrit des anomalies dans les comptes après restitution des documents courant décembre 2005 ; que par ailleurs une plainte a été déposée par le salarié pour harcèlement moral contre le supérieur hiérarchique de Monsieur X..., laquelle n'a pas abouti à ce jour, et que, de même, l'inspecteur du travail n'a pas donné suite à un signalement effectué par les représentants du personnel sur l'incident ayant opposé ce dernier à Monsieur X... ; que pour dire, d'une part, que la démission de Monsieur X... ne procédait pas d'une volonté libre et éclairée, d'autre part, que la rétractation n'était pas tardive, le premier juge a retenu l'état psychique de Monsieur X... et relevé qu'il avait été victime d'une dépression nerveuse dans le premier semestre 2005, qu'il restait fragile sur le plan psychique, qu'il a été hospitalisé 11 jours seulement après sa démission en milieu fermé psychiatrique, que son état psychique était d'origine professionnelle ; que toutefois, il résulte des éléments susvisés d'appréciation que, contrairement à ses dires, le salarié n'a pas donné sa démission sous le coup d'une émotion, que, s'il a quitté l'entreprise subitement après l'incident, il a pris sa décision à son domicile, qu'il n'a formulé aucun reproche dans la lettre de démission et qu'il a proposé d'effectuer son préavis, qu'il a démissionné simultanément de ses fonctions de trésorier du comité d'entreprise dans des circonstances douteuses, qu'il n'avait pas été injustement rappelé à l'ordre, qu'aucun fait de harcèlement moral n'a été établi à l'encontre de son supérieur hiérarchique, qu'il n'a pas fait reconnaître l'existence d'une maladie ou d'un accident au titre de la législation professionnelle en relation avec les évènements en litige, qu'il ne démontre pas, dans ces circonstances que sa volonté était viciée, même s'il a pu connaître un état dépressif sérieux ; qu'ensuite sa rétractation est intervenue tardivement après une semaine écoulée et qu'en conséquence, l'employeur était bien fondé à la refuser ; qu'il en résulte que la démission doit produire tous ses effets ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur X... de toutes ses prétentions.
ALORS QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Monsieur Denis X... a quitté l'entreprise et présenté sa démission le jour même où il avait fait l'objet de reproches jugés injustifiés de la part de son employeur ; qu'il a le même jour fait l'objet d'un arrêt de travail pour dépression nerveuse, arrêt prolongé pendant plus de dix mois, et fait l'objet encore, onze jours seulement après avoir quitté l'entreprise, d'une hospitalisation psychiatrique en milieu fermé pendant deux semaines en raison d'une dépression réactionnelle sévère ; que moins d'une semaine après avoir adressé sa démission, il a adressé à son employeur un courrier par lequel il se rétractait et dénonçait les pressions insupportables exercées par son supérieur hiérarchique ; qu'en affirmant que la volonté de démissionner de Monsieur Denis X... n'aurait pas été viciée, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134 du Code civil et L. 122-4 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L.1231-1 du Code du travail.
ET ALORS QUE la lettre de démission ne fixe pas les termes du litige et n'empêche pas le salarié de faire état devant les juges de griefs à l'égard de son employeur, griefs dont il se déduit que le salarié n'avait pas donné un consentement clair et non équivoque à sa démission ; qu'en se bornant à dire que le salarié «n'avait pas été injustement rappelé à l'ordre, qu'aucun fait de harcèlement moral n'a été établi à l'encontre de son supérieur hiérarchique», la Cour d'appel qui n'a aucunement précisé les éléments lui permettant de parvenir à une telle conclusion, a statué par voie de simple affirmation en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS enfin QU'en retenant que Monsieur Denis X... n'avait «pas fait reconnaître l'existence d'une maladie ou d'un accident au titre de la législation professionnelle en relation avec les évènements en litige», que la plainte déposée par lui pour harcèlement moral contre son supérieur hiérarchique n'avait «pas abouti à ce jour», et que «l'inspecteur du travail n'a vait pas donné suite au signalement effectué par les représentants du personnel sur l'incident ayant opposé ce dernier à Monsieur X...» (arrêt attaqué, p. 3, § 2), quand aucune de ces considérations ne pouvait exclure le harcèlement moral ou à tout le moins les pressions dont le salarié soutenait avoir été la victime, la Cour d'appel a statué par autant de motifs inopérants en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44923
Date de la décision : 26/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 09 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mai. 2010, pourvoi n°08-44923


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44923
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