LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Axa Corporate solutions du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Isabelle X..., épouse Y..., M. Frédéric X..., Mme Z..., M. A..., la société Allianz Global Corporate et Specialty et M. B... ;
Attendu que le 14 septembre 1992 un avion de tourisme appartenant à l'Aéroclub de Péronne qui revenait d'un voyage en Hongrie s'est écrasé peu après avoir décollé de l'aéroport de Strasbourg avec quatre personnes à bord : MM. C..., A..., X... et B... ; que MM. C... et X..., qui avaient été éjectés, sont décédés ; que la veuve et les deux enfants de Jean-Marc X..., Mme Z..., compagne de Gérard C... ainsi que MM. A... et B... ont fait assigner l'Aéroclub de Péronne, la société Axa Corporate solutions, son assureur et la société AGF Mat, assureur de l'appareil afin d'obtenir indemnisation des préjudices subis ; que Mme Z... a fait assigner M. B... aux mêmes fins ; que par jugement du 30 mars 2006, le tribunal a rejeté toute responsabilité de l'Aéroclub ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident :
Attendu d'abord qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 8 janvier 2009) d'avoir condamné la société Axa Corporate solutions à payer à Mme X... diverses sommes au titre des frais funéraires et au titre du préjudice économique, alors, selon le moyen, que selon l'article L. 310-1 du code de l'aviation civile «le transport aérien consiste à acheminer par aéronef d'un point d'origine à un point de destination des passagers», quels que soient la nature et l'objet du déplacement ; qu'ainsi, en l'espèce, où les membres de l'Aéroclub de Péronne avaient effectué un déplacement d'agrément aller et retour en Hongrie, la cour d'appel en écartant l'application de l'article L. 322-3 dudit code, aux termes duquel «sauf stipulations conventionnelles contraires, la responsabilité du transporteur effectuant un transport gratuit ne sera engagée, dans la limite prévue ci-dessus, que s'il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés. La responsabilité du transporteur par air ne peut être recherchée que dans les conditions et limites prévues ci-dessus, quelles que soient les personnes qui la mettent en cause et quel que soit le titre auquel elles prétendent agir», faute d'un contrat de transport, a violé lesdits textes ;
Attendu ensuite que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu de retenir la responsabilité de l'Aéroclub de Péronne dans l'accident dont a été victime M. X..., membre de cet aéroclub, à défaut d'existence d'un contrat entre les deux parties, sinon une simple mise à disposition d'aéronef, alors, selon le moyen :
1°/ que l'aéroclub dont onze des membres font, sous la direction de son président et de son vice-président, le voyage vers un club partenaire en Hongrie et retour dans trois aéronefs volant en convoi dont deux appartiennent au club, convient avec lesdits membres d'une convention d'organisation de manifestation sportive ; que la cour d'appel, en disant que la convention se limitait à une simple mise à disposition ou prêt à usage d'aéronef a violé, par fausse qualification, les articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ que l'Aéroclub de Péronne ayant organisé un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d'aéronef dû à la conjonction de la mauvaise préparation du vol, de l'imprudence de l'équipage qui a tenté de poursuivre le voyage jusqu'à sa destination finale malgré sa fatigue, de très mauvaises conditions météorologiques et la surcharge de l'appareil, et encore en s'abstenant sciemment de déposer le plan de vol afin de dissimuler le défaut de qualification au vol de nuit du pilote d'un autre aéronef volant en convoi avec celui accidenté, a manqué à son obligation de sécurité, faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
Attendu encore que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu de retenir une responsabilité du fait des choses imputable à l'Aéroclub de Péronne dans l'accident dont a été victime M. X..., membre de cet aéroclub, car ce dernier avait perdu la garde de l'aéronef accidenté, alors, selon le moyen, que l'Aéroclub de Péronne dont le président, ès qualités, conduisait un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d'aéronef, en avait conservé la garde matérielle et juridique, de sorte qu'il est responsable des conséquences de cet accident, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de cette constatation, a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil.
Attendu enfin que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu de retenir une responsabilité délictuelle pour faute personnelle de l'aéroclub de Péronne dans l'accident dont a été victime M. X..., membre de l'aéroclub et passager de l'aéronef accidenté, alors, selon le moyen, que l'Aéroclub de Péronne dont le président dirigeait ès qualités un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d'aéronef dû à la conjonction de la mauvaise préparation du vol, de l'imprudence de l'équipage qui a tenté de poursuivre le voyage jusqu'à sa destination finale malgré sa fatigue, de très mauvaises conditions météorologiques et la surcharge de l'appareil, et encore en s'abstenant sciemment de déposer le plan de vol afin de dissimuler le défaut de qualification au vol de nuit du pilote d'un autre aéronef volant en convoi avec celui accidenté, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle ; la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé les articles 1382 et 1383 du code civil.
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que l'aéroclub, dont le président n'était pas intervenu ès qualités, n'avait pris aucune part à l'organisation du voyage mais s'était limité à mettre l'appareil à la disposition des participants dont la plupart étaient des pilotes brevetés qui se sont succédés aux commandes et ne se sont acquittés d'aucune contrepartie en sus de la simple participation aux frais ; qu'elle en a exactement déduit qu'aucun contrat de transport n'avait été conclu et que la mise de l'aéronef à la disposition des participants s'analysait en un contrat de prêt ayant pour effet d'en transférer l'usage ; qu' elle a encore retenu qu'aucune faute lors de cette mise à disposition, ni contractuelle dans ses rapports avec ses membres, ni délictuelle vis-à-vis des tiers, n'était imputable à l'aéroclub ou n'avait de lien de causalité avec l'accident et qu'aucune responsabilité du fait des choses ne pouvait être retenue en l'absence de mise en cause de la structure de l'appareil après le transfert de sa garde ; qu'elle en a déduit à bon droit que les consorts X... et A... étaient mal fondés à invoquer la violation d'une obligation de résultat contre l'aéroclub qui n'en était dès lors pas tenu ; qu'elle n'encourt dès lors aucun des griefs des moyens ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Axa Corporate solutions à payer à Mme E..., veuve X... la somme de 5 116,19 euros au titre des frais funéraires ainsi que la somme de 114 336,76 euros au titre de son préjudice économique et à M. B... une provision de 5 000 euros, alors, selon le moyen, que l'action directe engagée par la victime suppose que soit établie la responsabilité de l'assuré ; que la convention annexe B de la police responsabilité civile accident aéronef souscrite par l'Aeroclub de Péronne auprès d'Axa garantit le souscripteur, le propriétaire de l'aéronef et toute personne ayant avec leur autorisation, la garde ou la conduite de l'aéronef contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant leur incomber à la suite d'un accident en raison d'une part des dommages matériels ou corporels causés à des personnes non transportées, d'autre part, des dommages corporels causés aux occupants (passagers ou membres d'équipage) à bord de l'aéronef ou au cours des opérations d'embarquement ou de débarquement ; dès lors, en déclarant que cette convention B permet d'indemniser les personnes non transportées au titre des frais funéraires et du préjudice économique par le gardien de l'appareil au moment de l'accident pour condamner Axa Corporate solutions à indemniser de ces chefs Mme E..., veuve X..., victime par ricochet de l'accident, et M. B..., la cour d'appel, qui a écarté toute responsabilité de l'Aéroclub de Péronne et a retenu que le pilote ayant la garde de l'aéronef au moment de l'accident ne pouvait être déterminé, n'a pas tiré de ses constatations, d'où il ressort que le gardien auteur du fait dommageable n'était pas identifié, les conséquences légales qui s'imposaient, et a violé l'article L. 124-3 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la preuve ayant été rapportée que la victime avait été passager au moment de l'accident, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'était ouverte l'action directe du tiers lésé, à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable en application de l'article L. 124-3 du code des assurances ;
Et sur le quatrième moyen du pourvoi incident :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir limité à la somme de 114 336,76 euros le préjudice économique subi par Mme X... et garanti par la société d'assurance Axa du fait de la mort accidentelle de son mari, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; que pour limiter à la somme de 114 336,76 euros le montant garanti par la société d'assurance Axa, l'arrêt se réfère au "plafond de garantie stipulé dans la police" quand l'assureur se référait, non à son contrat mais au plafond légal prévu par l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2°/ qu'alors, subsidiairement, après s'être ainsi référée au "plafond de garantie stipulé dans la police", la cour a néanmoins statué simultanément sur le fondement de l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile dont elle a estimé qu'il n'était pas applicable, à défaut d'existence d'un contrat de transport et ce faisant elle a rendu les motifs de son arrêt contradictoires et inintelligibles en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a énoncé que la société Axa reconnaissait dans ses conclusions que le préjudice économique se situait "approximativement" entre 114 336,76 euros et 121 959,21 euros, mais soutenait ne pas être tenue d'indemniser ce chef de préjudice au delà des 114 336,76 euros correspondant au plafond de garantie stipulé dans la police, n'a pas fait application, en condamnant à payer la moindre de ces sommes au titre de ce seul chef de préjudice et contrairement aux allégations du moyen qui manque ainsi en fait, du plafond visé à l'article L. 322-3 du code de l'aviation civile, même si le plafond visé dans la police était équivalent au plafond légal et a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société Axa Corporate solutions et Mme X... aux dépens afférents à leur pourvoi respectif ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Axa Corporate solutions, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à Madame E... veuve X... la somme de 5 116,19 € au titre des frais funéraires ainsi que la somme de 114 336,76 € au titre de son préjudice économique, et à M. B... une provision de 5 000 € ;
AUX MOTIFS QU'en l'absence de contrat de transport, il n'y a pas lieu à application de l'article L. 322-3 du Code de l'aviation civile ni de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, à laquelle il se réfère, mais seulement du droit commun de la responsabilité issu du Code civil ;
ALORS QUE selon l'article L. 310-1 du Code de l'aviation civile «le transport aérien consiste à acheminer par aéronef d'un point d'origine à un point de destination des passagers», quels que soient la nature et l'objet du déplacement ; qu'ainsi en l'espèce où les membres de l'aéroclub de Péronne avaient effectué un déplacement d'agrément aller et retour en Hongrie, la Cour d'appel en écartant l'application de l'article L. 322-3 dudit Code, aux termes duquel «sauf stipulations conventionnelles contraires, la responsabilité du transporteur effectuant un transport gratuit ne sera engagée, dans la limite prévue ci-dessus, que s'il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés. La responsabilité du transporteur par air ne peut être recherchée que dans les conditions et limites prévues cidessus, quelles que soient les personnes qui la mettent en cause et quel que soit le titre auquel elles prétendent agir», faute d'un contrat de transport, a violé lesdits textes.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à Madame E... veuve X... la somme de 5 116,19 € au titre des frais funéraires ainsi que la somme de 114 336,76 € au titre de son préjudice économique, et à M. B... une provision de 5 000 € ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Jean-Marc X... était passager arrière de l'appareil au moment de l'accident ; pour autant, la garantie prévue à la convention spéciale B1 ne permet pas de faire droit aux demandes des consorts X... dirigées contre AXA, puisqu'ils n'étaient pas à bord de l'aéronef et n'agissent pas en qualité d'ayants droits, mais de victimes par ricochet, se prévalant de préjudices qui leur sont propres et non d'un préjudice directement subi par leur auteur ; la convention annexe B ne permet pas de les indemniser au titre de leur préjudice moral ; elle permet cependant d'indemniser les personnes non transportées au titre des frais funéraires et du préjudice économique causés par le gardien de l'appareil au moment de l'accident ; que si la surcharge de l'appareil est tenue par la Gendarmerie des Transports Aériens pour vraisemblable, elle n'est pas certaine, les enquêteurs ayant réalisé leur calcul à partir de masses qu'ils ont estimées, tant pour les passagers que pour les bagages, mais en s'en tenant à des considérations théoriques ; ils ont par ailleurs estimé cette surcharge qu'à 10 ou 15 kg, ce qui rend cette estimation de masse aléatoire ; quant à la péremption du certificat de navigabilité, elle n'est pas démontrée par les pièces versées aux débats, notamment pas les constatations des gendarmes ; au surplus, la surcharge de l'appareil et l'absence de certificat de navigabilité seraient-ils établis, ils seraient sans incidence sur les droits de Madame Veuve X..., compte tenu du renvoi précis par la clause de sauvegarde des droits des victimes stipulée à l'article 7 de la convention annexe B au e) de l'article 3 et au a) de l'article 5 des conditions générales communes ; il a été établi qu'aucun plan de vol au départ de STRASBOURG n'avait été déposé alors que l'aéronef a décollé pour son dernier voyage avant le début de la nuit aéronautique le jour de l'accident , ce manquement à la réglementation n'avait pas échappé à M. C... qui avait convenu avec le pilote de l'autre appareil qu'en cas de question du contrôle aérien sur leur destination, ils répondraient que celle-ci était VERDUN et non PERONNE ; l'appareil de M. F... a d'ailleurs effectué le trajet STRASBOURG-PERONNE sans escale, ce qui démontre de plus fort qu'aucun des pilotes ou commandant de bord des appareils au départ de STRASBOURG n'avait l'intention d'interrompre le voyage à cause de la tombé de la nuit ; mais ici encore, la clause de sauvegarde des droits des victimes à l'article 7 de la convention annexe B, qui renvoie au a) de l'article 5 des conditions générales communes rend cette exclusion inopposable à Mme Veuve X..., à qui AXA ne peut davantage opposer le dol de l'assuré, alors qu'il n'est pas démontré que son époux, qui n'était que passager, y aurait pris part, et qu'en tout état de cause Monsieur X... n'est pas l'assuré au sens du contrat, droit à indemnisation de sa veuve résultant de l'action directe contre l'assureur reconnue aux victimes ; la somme de 5 116,19 € réclamée par Madame Veuve X... au titre des frais funéraires étant justifiée par la facture qu'elle verse aux débats, la société AXA sera donc condamnée au paiement de cette somme majorée des intérêts légaux depuis la date de l'arrêt ; en ce qui concerne le préjudice économique, dans la mesure où AXA reconnaît dans ses conclusions qu'il se situe approximativement entre 114 336,76 € et 121 959,21 €, mais soutient ne pas être tenue d'indemniser ce chef de préjudice au-delà de 114 336,76 € correspondant au plafond de garantie stipulé dans la police, la Cour l'a condamnée à payer la moindre de ces sommes au titre de ce seul chef de préjudice ; que rien ne permet d'affirmer, ni même de présumer que M. B... se trouvait effectivement en place avant et que c'est donc à lui que la garde ou la conduite de l'aéronef se trouvait confiée par l'Aéroclub au moment de l'accident ; qu'il convient également de souligner que M. B... n'était pas, au moment de l'accident, un membre d'équipage au sens du contrat d'assurance ;
ALORS QUE l'action directe engagée par la victime suppose que soit établie la responsabilité de l'assuré ; que la convention annexe B de la police responsabilité civile accident aéronef souscrite par l'AEROCLUB de PERONNE auprès d'AXA garantit le souscripteur, le propriétaire de l'aéronef et toute personne ayant avec leur autorisation, la garde ou la conduite de l'aéronef contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant leur incomber à la suite d'un accident en raison d'une part des dommages matériels ou corporels causés à des personnes non transportées, d'autre part, des dommages corporels causés aux occupants (passagers ou membres d'équipage) à bord de l'aéronef ou au cours des opérations d'embarquement ou de débarquement ; dès lors, en déclarant que cette convention B permet d'indemniser les personnes non transportées au titre des frais funéraires et du préjudice économique par le gardien de l'appareil au moment de l'accident pour condamner AXA CORPORATE SOLUTIONS à indemniser de ces chefs Madame Veuve X..., victime par ricochet de l'accident, et Monsieur B..., la Cour d'appel, qui a écarté toute responsabilité de l'AEROCLUB de PERONNE et a retenu que le pilote ayant la garde de l'aéronef au moment de l'accident ne pouvait être déterminé, n'a pas tiré de ses constatations, d'où il ressort que le gardien auteur du fait dommageable n'était pas identifié, les conséquences légales qui s'imposaient, et a violé l'article L. 124-3 du Code des assurances, ensemble l'article 1134 du Code civil.
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme E..., veuve X..., demanderesse au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu de retenir la responsabilité de l'Aéroclub de Péronne dans l'accident dont a été victime Monsieur X..., membre de cet aéroclub, à défaut d'existence d'un contrat entre les deux parties, sinon une simple mise à disposition d'aéronef ;
AUX MOTIFS QU'un aéroclub n'est pas une entreprise de transport, mais une association qui a pour vocation de mettre à la disposition de ses membres les moyens nécessaires à la pratique de l'aviation légère, dans le cadre des loisirs, moyennant le paiement d'une cotisation ; que certes, il a déjà été jugé qu'il pouvait avoir la qualité de transporteur aérien, niais seulement dans des cas où il était démontré qu'il avait conclu un contrat de transport avec d'autres personnes, ou que l'un de ses préposés avait lui-même transporté d'autres personnes, qu'il n'est pas démontré que les participants du voyage en Hongrie se seraient acquittés d'une contrepartie quelconque auprès de l'association , en sus de la simple participation aux frais (carburant, taxes...) qu'implique nécessairement un tel voyage ; qu'à cet égard, il n'est pas indifférent de noter que la plupart des ces participants, sinon tous étaient des pilotes brevetés ou en cours de formation, et que plusieurs d'entre eux se sont succédé aux commandes, prenant ainsi une part active au voyage ce qui n'est généralement pas le cas dans le cadre de contrats de transports avérés ; qu'il y a lieu de relever qu'il n'est produit aucun document afférent à la vie associative tendant à démontrer que le voyage a été organisé ou proposé par l'aéroclub de Péronne ; que le simple fait que son président y prenait part et qu'il soit apparu aux yeux de certains témoins ou participants comme le chef du groupe ou comme commandant de bord ne saurait engager l'association elle-même, dès lors que Monsieur C... avait vocation, comme n'importe quel autre membre de l'aéroclub, à utiliser pour ses propres loisirs les appareils appartenant à ce dernier, et que ses qualifications aéronautiques et son expérience lui conféraient de fait une autorité morale et un ascendant réels sur la plupart de ses compagnons ; qu'il en va de même, à plus forte raison, de la participation de Monsieur G..., vice-président, et d'autres membres ; que d'ailleurs, l'un des participants, Monsieur Daniel H..., qui se trouvait dans un autre appareil, a présenté aux gendarmes qui l'ont entendu le 23 septembre 1992 le voyage comme «organisé par quelques membres de l'aéroclub» et non par l'aéroclub lui-même, ce qui est d'autant plus crédible que ce témoin a été entendu avant l'introduction de la présente instance et qu'il n'a jamais été partie ; que par ailleurs, si un projet de vente par l'aéroclub d'un avion de tourisme monomoteur type «Rallye» à l'aéroclub de Bekescsaba en Hongrie a été évoqué, il n'était manifestement pas le mobile du voyage, présenté par Madame Z... et par Monsieur G..., lors de leur audition par la gendarmerie des transports aériens comme une visite amicale aux membres de cet aéroclub, ce que confirme un mémoire daté du 7 janvier 1993 et rédigé par Monsieur B..., qui souligne qu'il s'agissait de contacts établis par Jean-François G... ; que du reste, le «Rallye» en question n'était pas du voyage ; que les consorts X... sont donc mal fondés à invoquer l'existence d'un contrat de transport au soutien de leur action contre l'Aéroclub de Péronne et les assureurs ; qu'il n'y a pas lieu à application de l'article L 322-3 du Code de l'aviation civile ni de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, à laquelle il se réfère, mais seulement du droit commun de la responsabilité civile ; que l'Aéroclub de Péronne n'est pas intervenu dans le cadre d'un contrat de transport, mais d'un contrat de mise à disposition d'appareil, qui doit être assimilé, non à un louage, faute de loyer, mais à un prêt, sa responsabilité ne peut donc être recherchée que sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ;
1°) ALORS QUE l'aéroclub dont onze des membres font, sous la direction de son président et de son vice-président, le voyage vers un club partenaire en Hongrie et retour dans trois aéronefs volant en convoi dont deux appartiennent au club, convient avec lesdits membres d'une convention d'organisation de manifestation sportive ; que la cour d'appel, en disant que la convention se limitait à une simple mise à disposition ou prêt à usage d'aéronef a violé, par fausse qualification, les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
2°) ALORS PAR VOIE DE CONSÉQUENCE QUE l'aéroclub de Péronne ayant organisé un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d'aéronef dû à la conjonction de la mauvaise préparation du vol, de l'imprudence de l'équipage qui a tenté de poursuivre le voyage jusqu'à sa destination finale malgré sa fatigue, de très mauvaises conditions météorologiques et la surcharge de l'appareil, et encore en s'abstenant sciemment de déposer le plan de vol afin de dissimuler le défaut de qualification au vol de nuit du pilote d'un autre aéronef volant en convoi avec celui accidenté, a manqué à son obligation de sécurité, faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du Code civil.
DEUXIÈME MOYEN, SUBSDIDIAIRE, DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu de retenir une responsabilité du fait des choses imputable à l'Aéroclub de Péronne dans l'accident dont a été victime Monsieur X..., membre de cet aéroclub, car l'aéroclub avait perdu la garde de l'aéronef accidenté ;
AUX MOTIFS QUE dès lors que la mise d'un aéronef à la disposition des participants s'analyse en un contrat de prêt, les consorts X... sont mal fondés à invoquer contre l'Aéroclub de Péronne un moyen tiré de la responsabilité quasi-délictuelle ; qu'une responsabilité du fait des choses n'est pas concevable dès lors que la mise à disposition de l'appareil a pour effet d'en transférer l'usage, le contrôle et la direction au pilote, qui est donc gardien de son comportement, la structure n'étant pas, jusqu'à preuve du contraire, non rapportée en l'espèce, en cause dans l'accident ;
ALORS QUE l'aéroclub de Péronne dont le président ès-qualités conduisait un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d'aéronef, en avait conservé la garde matérielle et juridique, de sorte qu'il est responsable des conséquences de cet accident ; la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de cette constatation, a violé l'article 1384 alinéa 1er du Code civil.
TROISIÈME MOYEN, PLUS SUBSDIDIAIRE, DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y a pas lieu de retenir une responsabilité délictuelle pour faute personnelle de l'Aéroclub de Péronnedans l'accident dont a été victime Monsieur X..., membre de l'aéroclub et passager de l'aéronef accidenté ;
AUX MOTIFS QU'il est paradoxal de la part des consorts X... d'invoquer l'existence d'un contrat de transport et de ne viser d'autres textes que les articles 1382 à 1384 du Code civil, sauf à considérer que ces derniers ne le sont qu'à titre subsidiaire ; que, comme le soutiennent les assureurs, l'Aéroclub de Péronne n'est pas intervenu dans le cadre d'un contrat de transport, mais d'un contrat de mise à disposition d'appareil, qui doit être assimilé, non à un louage, faute de loyer, mais à un prêt : sa responsabilité ne peut donc être recherchée que sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; que de plus, les fautes alléguées, soit ne lui sont pas imputables, soit n'ont pas de lien de causalité prouvé avec l'accident ; qu'il convient en effet de rappeler que l'information judiciaire ouverte au cabinet du juge d'instruction de Saverne a été clôturée par une ordonnance de non-lieu, qui n'a certes pas l'autorité de la chose jugée, mais n'a mis en évidence aucune défaillance mécanique ni, à plus forte raison, un quelconque défaut d'entretien de l'appareil, tout comme l'expertise du groupe motopropulseur réalisée à la demande du Bureau Enquêtes Accidents par le Centre d'essai des propulseurs de Saclay (Essonne), dépendant de la Direction des Constructions Aéronautiques, qui est elle-même une division de la Direction Générale de l'Armement, et dont la compétence n'est pas sujette à caution ; que l'enquête diligentée par les militaires de la Gendarmerie des transports aériens à d'ailleurs retenu l'hypothèse d'une conjonction de facteurs sans rapport avec l'entretien de l'appareil : une mauvaise préparation du vol, l'imprudence de l'équipage qui a tenté de poursuivre le voyage jusqu'à sa destination finale malgré de très mauvaises conditions météorologiques, l'existence d'une surcharge et des pilotes «vraisemblablement» fatigués ; que les enquêteurs ajoutent que la prise d'altitude a été laborieuse, comme Madame Z... a pu personnellement le constater pour l'avion dont elle était passagère et qui était pourtant plus puissant que le F-GCET ; qu'ils ont conclu que ce dernier, n'ayant pu atteindre l'altitude de sécurité requise, a percuté le relief montagneux ; qu'en conséquence, rien ne permet d'objectiver un lien de cause à effet entre l'accident et la mise à disposition d'un appareil pourvu d'un certificat de navigabilité périmé, comme prétendu en l'espèce ; qu'il en va de même pour l'absence de dépôt d'un plan de vol qui, au surplus, est de la seule responsabilité des pilotes de l'appareil ; qui relève également de la responsabilité des pilotes le respect des prescriptions du constructeur relatives à la masse maximale de l'appareil au décollage ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de retenir une responsabilité de l'Aéroclub de Péronne sur le fondement des'articles 1382 et 1383 du Code civil ;
ALORS QUE l'aéroclub de Péronne dont le président dirigeait ès-qualités un voyage en Hongrie au cours duquel était survenu un accident d'aéronef dû à la conjonction de la mauvaise préparation du vol, de l'imprudence de l'équipage qui a tenté de poursuivre le voyage jusqu'à sa destination finale malgré sa fatigue, de très mauvaises conditions météorologiques et la surcharge de l'appareil, et encore en s'abstenant sciemment de déposer le plan de vol afin de dissimuler le défaut de qualification au vol de nuit du pilote d'un autre aéronef volant en convoi avec celui accidenté, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle ; la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé lesarticles 1382 et 1383 du Code civil.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir limité à la somme de 114.336, 76 € le préjudice économique subi par Madame X... et garanti par la société d'assurance AXA du fait de la mort accidentelle de son mari ;
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne le préjudice économique, Madame X... se contente d'expliquer que « sur la base d'un revenu moyen de 22.867,35 € et d'une retraite évaluée à environ 70% dudit revenu, il peut être chiffré forfaitairement à la somme de 457.347,05 € » que les plus anciens avis d'imposition versés aux débats, afférents aux années 1990 et 1991 révèlent un revenu annuel de Monsieur X..., artisan monteur d'antennes, s'établissant tantôt à 12.821 €, tantôt à 18.816 € qu'en tout état de cause, Madame X... se devait de préciser ses bases de calcul, et non de demander une indemnisation «chiffrée forfaitairement» pour un préjudice qui, s'il est toujours délicat à chiffrer, n'est tout de même pas purement immatériel, que dans la mesure où Axa reconnaît dans ses conclusions que le préjudice se situe approximativement entre 114.336,76 € et 121.959,21 €, mais soutient ne pas être tenue d'indemniser ce chef de préjudice au delà des 114.336,76 € correspondant au plafond de garantie stipulé dans la police, la Cour la condamnera à payer la moindre de ces sommes à Madame X..., au titre de ce chef de préjudice ;
1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; que pour limiter à la somme de 114.336,76 € le montant garanti par la société d'assurance AXA, l'arrêt se réfère au «plafond de garantie stipulé dans la police», quand l'assureur se référait, non à son contrat, mais au plafond légal (conclusions AXA p. 30, 32 et 39) prévu par l'article L 322-3 du Code de l'aviation civile ; qu'ainsi la cour d'appel a violé le principe susvisé.
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU' après s'être ainsi référée au «plafond de garantie stipulé dans la police», la cour a néanmoins statué simultanément sur le fondement de l'article L 322-3 du Code de l'aviation civile dont elle a estimé qu'il n'était pas applicable, à défaut d'existence d'un contrat de transport, et, ce faisant elle a rendu les motifs de son arrêt contradictoires et inintelligibles en violation de l'article 455 du code de procédure civile.