LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 25 mars 2009), que, le 25 novembre 1999, des membres de l'Association de défense des associés de l'avenir du prolétariat (l'ADAAP) ont confié à M. X..., avocat, la défense de leurs intérêts dans un contentieux les opposant à la société foncière ADP ; qu'une convention d'honoraires a été conclue avec les membres de l'association, pris individuellement, prévoyant un honoraire de diligences ainsi qu'un honoraire de résultat fixé à 20 % HT des sommes obtenues au profit du client ; qu'alors que plusieurs procédures étaient en cours, un protocole transactionnel a été signé le 18 octobre 2007 entre la société foncière ADP, l'ADAAP et les actionnaires minoritaires de la société foncière ADP, membres de l'association ; que M. X... a alors saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation d'honoraires à l'encontre de certains membres de l'ADAAP ; que Mme Y... a formé un recours ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de déclarer le recours recevable ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'auteur du recours critiquait sur le fond la décision du bâtonnier, qu'il ne sollicitait pas simplement une rectification d'une erreur de calcul mais celle d'une erreur concernant l'étendue de ses droits et les conditions d'exécution de la convention d'honoraires, le premier président, qui n'a pas modifié l'objet du litige, en a exactement déduit que ce recours, formé en application de l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'ordonnance de fixer l'honoraire de résultat à la somme de 255,66 euros par action et à celle de 85,22 euros par "rompu" et de fixer en conséquence celui dû par Mme Y... à la somme de 1 278,30 euros HT ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la convention d'honoraires conclue en 1999 stipulait un honoraire complémentaire de résultat fixé à 20 % des sommes obtenues au profit du client et précisait qu'en cas de valorisation des titres, le résultat à prendre en considération serait la part de prix excédant 2 500 francs (381,12 euros), et constaté qu'après que la société foncière ADP avait été absorbée par la société CCPI et qu'il avait été décidé, lors d'une assemblée générale du 27 juin 2001, que trois actions de la Foncière ADP donneraient lieu à attribution d'une action de la société CCPI, le protocole transactionnel conclu en 2007 prévoyait une indemnisation de 3 700 euros par action, le premier président a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation du sens et de la portée de la convention d'honoraires, sans en dénaturer les termes, que le seuil à partir duquel il convenait de déterminer le résultat n'était pas de 381,12 euros par action CCPI mais de cette somme multipliée par trois, soit 1 143,37 euros, de sorte que le résultat servant de base au calcul de l'honoraire de résultat était de (3 700 - 1 143,37) euros pour chaque action, soit 2 556,63 euros et de (2 556,63 : 3) soit 852,21 euros pour chaque "rompu" correspondant à la valeur de l'ancienne action Foncière ADP résiduelle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. X... fait enfin grief à l'ordonnance de le débouter de sa demande tendant à voir appliquer à son honoraire de résultat le taux de 20 % fixé par la convention de mandat et d'honoraires ;
Mais attendu que, pour confirmer le taux de 10 % retenu par le bâtonnier, l'ordonnance se borne à énoncer, par des motifs non critiqués par le pourvoi, que M. X... ne pouvait contester ce pourcentage, faute pour lui d'avoir formé un recours incident dans le délai fixé par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 ; que dès lors le moyen, qui invoque la violation d'un texte dont le premier président n'a pas fait application, est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à Mme Y... la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR déclaré le recours recevable ;
AUX MOTIFS QUE le recours est recevable ; que le recours est recevable ; que son auteur critique le fond de l'ordonnance du Bâtonnier ; que la lettre de recours est mal qualifiée ; qu'elle ne sollicite pas simplement une rectification d'erreur matérielle telle qu'erreur de calcul mais la rectification pour un calcul d'une erreur concernant l'étendue de ses droits et les conditions d'exécution de la convention d'honoraires ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'appel tend à faire réformer ou annuler un jugement rendu par une juridiction du premier degré ; que l'appel ne défère à la Cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ; qu'est donc irrecevable, comme poursuivant une fin non prévue par les dispositions des articles 542 et 562 du code de procédure civile, l'appel qui ne poursuit pas la réformation ou l'annulation d'un jugement ou d'une ordonnance du premier degré ; que par suite, l'appel tendant uniquement à la rectification d'une erreur matérielle est irrecevable à faire réformer ou annuler par la Cour d'appel le jugement rendu par la juridiction du premier degré qu'il tend à voir rectifier ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'ordonnance attaquée que la lettre de recours sollicite une rectification d'erreur matérielle ; qu'en déclarant néanmoins recevable le recours, le Premier Président a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations, violé les articles 542 et 562 du code de procédure civile et excédé ses pouvoirs ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dénature les conclusions écrites d'une partie et méconnaît les termes du litige le juge qui attribue à des écritures un autre contenu que le leur ; qu'en l'espèce, en énonçant que l'auteur du recours « critique le fond de l'ordonnance du Bâtonnier », le Premier Président a dénaturé la lettre de recours qui déclare tout au contraire : « par la présente, nous portons à votre connaissance que nous acceptons la décision de Monsieur le Bâtonnier » ; que le Premier Président de la Cour d'appel a ainsi méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande et que le Juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; que l'importance quantitative de l'erreur matérielle n'interdit pas une rectification ; que le Juge ne peut refuser de rectifier une erreur matérielle en se fondant sur l'importance des conséquences résultant de la rectification ; que relève notamment de l'article 462 du code de procédure civile l'erreur commise par le Juge et portant sur un calcul, fût-elle lourde de conséquences, dès lors qu'aucune erreur d'ordre juridique n'est alléguée ; que la lettre de recours tendait « simplement à obtenir que des corrections soient apportées, plus particulièrement, dans les calculs relatifs à l'annexe 2 » ; que par suite, en considérant, comme il l'a fait, que la lettre de recours ne relevait pas de l'erreur matérielle, le Premier Président de la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article 462 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR fixé l'honoraire de résultat dû à Maître X... à la somme de 255, 66 euros par action et à celle de 85, 22 euros par « rompu » et d'AVOIR en conséquence fixé celui dû par Madame Y... à la somme de 1. 278, 30 euros ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que le protocole transactionnel conclu le 18 octobre 2007 prévoyant une indemnisation de 3. 700 euros par action concerne les actions CCPI valant trois anciennes actions FONCIERE ADP telles que détenues par les actionnaires lors de la signature de la convention d'honoraires ; qu'il en résulte nécessairement que le seuil à partir duquel il convient de déterminer le résultat en application de la convention d'honoraires n'est pas de 2.500 F (381, 12 euros) mais de cette somme multipliée par trois soit 1.143, 37 euros ; que le résultat servant de base de calcul à l'honoraire de résultat est ainsi de (3. 700-1.143, 37) 2. 556, 63 euros pour chaque action et de (2.556, 63 : 3) 852, 21 euros pour chaque rompu (valeur de l'ancienne action FONCIERE ADP résiduelle) ;
ALORS QUE, D'UNE PART, toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite ; qu'est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ; que la fixation de l'honoraire de résultat consiste pour le client à abandonner une quote-part à l'avocat de ce qu'il obtiendra à titre définitif ; que cet honoraire varie selon le résultat obtenu puisqu'il trouve par définition son origine dans l'obtention du résultat ; que l'honoraire est donc calculé exclusivement sur le montant des sommes récupérées ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué à la fois que la convention d'honoraires de novembre 1999 prévoit un honoraire de résultat de 20 % de toutes sommes obtenues au profit du client, précision faite qu'en cas de valorisation des titres, le résultat à prendre en considération serait la part de prix du titre valorisé excédant 381, 12 euros, que, depuis la signature de la convention, par assemblée générale du 27 juin 2001, il avait été décidé que trois actions FONCIERE ADP donnaient droit à attribution d'une action CCPI et que le protocole transactionnel conclu le 18 octobre 2007 prévoit une indemnisation de 3. 700 euros par action CCPI, ce dont il résultait que le résultat servant de base à l'honoraire était, pour chaque action indemnisée, de 3.700 euros sous déduction de 381, 12 euros, soit de 3. 318, 88 euros ; qu'en décidant néanmoins de fixer l'honoraire de résultat en prenant en considération, pour calculer le seuil applicable, non pas le nombre des seules actions faisant l'objet d'une indemnisation à la date de la transaction définitive et, partant, d'un résultat, mais le nombre des anciennes actions FONCIERE ADP détenues par les clients, alors que ces dernières ne faisaient l'objet d'aucune indemnisation dans le protocole transactionnel et que l'avocat n'avait donc obtenu aucun résultat à leur égard, le Premier Président de la Cour d'appel, méconnaissant les conséquences nécessaires de ses propres constatations sur le résultat obtenu, a méconnu la définition de l'honoraire de résultat et violé l'article 10 alinéa 3 de la loi du 31 décembre 1971 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, il est interdit au Juge de dénaturer les documents de la cause ; que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il n'est pas permis aux Juges, lorsque les termes des conventions sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations que les actes renferment ; que la convention d'honoraires fait la loi des parties et qu'il est interdit au Juge de la modifier ; que l'accord conclu entre un avocat et son client sur le montant de l'honoraire de résultat ne peut être remis en cause que par une annulation de la convention ; qu'en l'espèce, selon l'article 3 paragraphe 2 de la convention de mandat et d'honoraires conclue entre les parties, il a été stipulé un honoraire de résultat fixé à 20 % hors taxes de toutes les sommes qui seraient obtenues au profit du client, et particulièrement au titre des sommes obtenues pour une valorisation des titres FONCIERE ADP détenus par le client, et que dans le cas d'une valorisation des actions encore détenues par le client (transaction avec l'associé majoritaire en vue d'une cession des titres, ou avec tout autre tiers en vue d'une cession des titres), il a été convenu de fixer comme point de repère la somme de 2.500 F (381,12 euros), le prix de l'action, au-delà duquel cet honoraire devra être calculé ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le protocole transactionnel conclu le 18 octobre 2007 prévoit une indemnisation de 3. 700 euros par action CCPI, ce dont il résultait, en vertu de la convention d'honoraires, que le résultat servant de base à l'honoraire était, pour chaque action « encore détenue par le client » et donc indemnisée, de 3.700 euros sous déduction de 381, 12 euros, soit de 3. 318,88 euros ; qu'en décidant néanmoins de fixer l'honoraire de résultat en prenant en considération, pour calculer le seuil applicable, non pas le nombre des seules actions encore détenues par le client à la date de la transaction et faisant seules l'objet d'une indemnisation et donc du résultat convenu par la convention, mais le nombre des anciennes actions FONCIERE ADP qui n'étaient plus détenues par les clients à la date du protocole transactionnel, le Premier Président de la Cour d'appel a dénaturé l'article 3 paragraphe 2 de la convention de mandat et d'honoraires, et violé ainsi le principe de l'interdiction faite au Juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis et l'article 1134 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté Maître X... de sa demande tendant à voir appliquer à son honoraire de résultat le taux de 20% fixé par la convention de mandat et d'honoraires ;
AU MOTIF ADOPTE DU PREMIER JUGE QUE dans la mesure où Maître X... n'a pas été le négociateur ni le signataire de la transaction, il apparaît équitable de fixer à 10 % et non 20 % le taux de l'honoraire de résultat à retenir ;
ALORS QU'il est interdit au Juge de dénaturer les documents de la cause ; que la convention d'honoraires fait la loi des parties ; qu'il est interdit au Juge de la modifier ; que la remise en cause de l'accord sur le montant de l'honoraire de résultat entre un avocat et son client ne pourrait intervenir que par une annulation de la convention pour vice du consentement ; qu'en l'espèce, selon l'article 3 paragraphe 2 de la convention de mandat et d'honoraires conclue entre les parties, il a été clairement stipulé un honoraire de résultat fixé à 20 % hors taxes de toutes les sommes qui seraient obtenues au profit du client ; que cette convention n'a pas été résiliée ni annulée ; qu'en décidant néanmoins de ramener à un taux de 10 % le pourcentage de l'honoraire de résultat de Maître X..., alors que le résultat obtenu par le client provenait exclusivement des diligences de l'avocat, le Premier Président de la Cour d'appel a dénaturé à nouveau l'article 3 paragraphe 2 de la convention de mandat et d'honoraires, et violé ainsi le principe de l'interdiction faite au Juge de dénaturer les documents de la cause et l'article 1134 du code civil.