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19/05/2010 | FRANCE | N°08-45506

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2010, 08-45506


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 11 avril 1994 par la société Transports Jacques Barre en qualité de conducteur routier, a été licencié le 16 juin 2005 pour faute grave tenant au refus d'obéir à un ordre de mission et à une insubordination permanente quant aux règles relatives aux temps de conduite ;

Attendu que pour dire le licenciement pour faute grave justifié et débouter le salarié de s

es demandes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient notamm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 11 avril 1994 par la société Transports Jacques Barre en qualité de conducteur routier, a été licencié le 16 juin 2005 pour faute grave tenant au refus d'obéir à un ordre de mission et à une insubordination permanente quant aux règles relatives aux temps de conduite ;

Attendu que pour dire le licenciement pour faute grave justifié et débouter le salarié de ses demandes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient notamment qu'au vu de la réglementation applicable et du relevé d'activité de M. X... à l'époque considérée, il n'est nullement établi que ce dernier se serait mis en infraction en exécutant la tâche demandée puisqu'il avait la possibilité d'accomplir, ce jour-là, avec l'autorisation et, en l'occurrence l'ordre de son employeur, une vacation de douze heures, possible au regard d'une seule précédente vacation de plus de dix heures dans la semaine considérée, du nombre d'heures accomplies au cours de cette même semaine et du nombre de vacations de plus de dix heures dans les semaines précédentes, que l'attitude de M. X... ne relève pas d'une erreur d'appréciation sur la réglementation en vigueur ou d'un excès de scrupule dans le respect des dispositions applicables puisque tant le service exploitation de l'entreprise que le formateur référent pour ces questions l'ont entièrement et de manière circonstanciée rassuré à ce sujet, que c'est donc avec une certaine mauvaise foi que M. X... soutient avoir agi en considération des intérêts de son employeur et de la sécurité des usagers de la route, qu'antérieurement, y compris dans un passé récent, il n'avait pas hésité à s'affranchir des même règles pour des motifs de convenances personnelles , que c'est sans apporter le moindre élément de preuve que M. X... soutient que le déplacement demandé l'aurait amené à un service de plus de douze heures sur la journée, que l'insubordination caractérisée du salarié le 27 mai 2005 est à mettre en perspective avec son comportement antérieur faisant peu de cas du pouvoir de direction de l'employeur ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser de quelle réglementation il s'agissait, ni en quoi consistait le "comportement antérieur du salarié faisant peu de cas du pouvoir de direction de l'employeur", la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. X... de ses demandes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 23 octobre 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. Y..., ès qualités, et la société Transports Jacques Barre aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y..., ès qualités, et la société Transport Jacques Barre à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour M. X... ;

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur X... était justifié et d'AVOIR débouté l'intéressé de ses demandes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, et d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE le vendredi 27 mai 2005, alors qu'il se trouvait à CHATEAU-THIERRY, Monsieur Roland X... a refusé de se rendre à REIMS pour un chargement en invoquant le dépassement du temps de conduite autorisé qu'impliquerait ce déplacement. Au vu de la réglementation applicable et du relevé d'activité de Monsieur Roland X... à l'époque considérée, il n'est aucunement établi que ce dernier se serait mis en infraction en exécutant la tâche demandée puisqu'il avait la possibilité d'accomplir ce jour-là, avec l'autorisation, et en l'occurrence l'ordre, de son employeur, une vacation de 12 heures, possible au regard d'une seule précédente vacation de plus de 10 heures dans la semaine considérée, du nombre d'heures accomplies au cours de cette même semaine et du nombre de vacations de plus de l0 heures dans les semaines précédentes.

Contrairement à ce que soutient Monsieur Roland X..., l'employeur ne pouvait être entravé dans l'usage de sa faculté d'autorisation d'un second dépassement hebdomadaire par les termes du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 18 novembre 2004 (question n° 3) qui fixent une ligne de conduite en réservant les situations exceptionnelles et qui rappellent les règles à respecter par les chauffeurs à cet égard et encore moins par les termes d'un courrier du 22 décembre 2003 relatif à une réglementation antérieure. L'attitude de Monsieur Roland X... ne relève pas d'une erreur d'appréciation sur la réglementation en vigueur ou d'un excès de scrupule dans le respect des dispositions applicables puisque tant le service exploitation de l'entreprise que le formateur référent pour ces questions, Monsieur Patrice Z... (présenté par la société conmle étant par ailleurs délégué syndical), l'ont entièrement et de manière circonstanciée rassuré à ce sujet. C'est donc avec une certaine mauvaise foi que Monsieur Roland X... soutient avoir agi en considération des intérêts de son employeur et de la sécurité des usagers de la route, ce qui apparaît d'autant plus éloigné de sa véritable motivation que, antérieurement, y compris dans un passé récent, il n'avait pas hésité à s'affranchir des mêmes règles pour des motifs de convenance personnelle. Au demeurant, il résulte de l'attestation du formateur qu'aux assurances qui lui étaient données sur la régularité de la situation Monsieur Roland X... a répondu par le simple argument « qu'il n'en avait rien à faire et que de toute façon il rentrait directement à Lizy-sur-Ourcq ». Monsieur Roland X... soutient en vain n'avoir pas été officiellement informé de la réglementation, ce que démentent les rappels à l'ordre qui lui ont été adressés à l'occasion de précédents incidents et la politique générale de la société en la matière, telle qu'elle résulte des pièces versées aux débats. De même c'est sans apporter le moindre élément de preuve que Monsieur Roland X... soutient que de toute façon le déplacement demandé l'aurait amené à un service de plus de 12 heures sur la journée. Ses allégations sur le licenciement d'autres salariés pour de simples dépassements d'horaires ou sur le lien de causalité entre le procès intenté par son frère, également collègue de travail, contre la direction de l'entreprise et son licenciement ne sont de même étayées par aucune pièce justificative.

L'insubordination caractérisée de Monsieur Roland X... le 27 mai 2005 est à mettre en perspective avec son comportement antérieur faisant peu de cas du pouvoir de direction de l'employeur comme en attestent les nombreux rappels à l'ordre qui lui ont été adressés et les tonnes mêmes de ses propres courriers (notamment quatrième paragraphe de la lettre du 18 avril 2005). Le degré de gravité de la faute doit aussi s'apprécier au regard de la situation de l'entreprise qui, à cette époque, et Monsieur Roland X... ne l'ignorait pas, était dans une position délicate et ne pouvait risquer de perdre des clients au gré des humeurs de ses salariés. C'est donc à juste titre que la S.A. TRANSPORTS JACQUES BARRE a procédé à un licenciement sans indemnité et il convient de débouter Monsieur Roland X... de ses demandes de ce chef, y compris celle relative au droit individuel de formation ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en se bornant à constater que le salarié avait commis un acte d'insubordination, sans rechercher en quoi ce comportement était de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.122-6 (devenu L.1234-1), L.122-8 (devenu L.1234-4 à 6), L.122-9 (devenu L.1234-9) et L.122-14-3 (devenu L.1232-1) du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE ne constitue pas une cause de licenciement ni, a fortiori, une faute le justifiant, l'exercice par un salarié de ses droits ; qu'en l'espèce, Monsieur X... a refusé d'obtempérer à une instruction émanant de l'employeur non-conforme à la réglementation applicable en matière de temps de travail ; qu'en estimant que le refus du salarié d'aller charger sur le dépôt de la société BSL à Reims justifiait le licenciement du salarié, la Cour, qui a ainsi qualifié de faute grave ce qui n'était que l'exercice d'un droit, a violé les articles L.122-6 (devenu L.1234-1), L.122-8 (devenu L.1234-4 à 6), L.122-9 (devenu L.1234-9) et L.122-14-3 (devenu L.1232-1) du Code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue le défaut de motifs ; qu'en l'espèce, Monsieur X... exposait, dans ses conclusions d'appel récapitulatives, que son refus de chargement pour la journée du 27 mai 2005 était dû au fait qu'il ne pouvait valablement prendre le risque de dépassement du temps de conduite puisque lorsqu'il l'avait fait, avec l'autorisation du directeur d'exploitation, le 2 juillet 2004, il s'était tout de même fait sanctionner par courrier du 1er septembre 2004 ; qu'il ajoutait que l'employeur avait produit la veille de l'audience devant le bureau de jugement du Conseil de prud'hommes des avertissements antérieurs sur des dépassements, en sorte qu'il avait une raison légitime de ne pas vouloir dépasser ce temps, et que l'employeur lui reprochait de ne pas avoir accepté un dépassement alors que le rapport d'activité versé aux débats démontrait que la semaine 20 faisait apparaître deux dépassements, lorsque le décret indiquait l'autorisation d'un seul dépassement par semaine ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions dont elle était saisie et de s'expliquer sur ces pièces, tous éléments déterminants pour la conclusion du litige, la Cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE le juge ne peut procéder par voie de considérations générales et abstraites, et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en se bornant, pour décider que le licenciement était fondé sur une faute grave, à retenir que les faits survenus le 27 mai 2005 étaient à mettre en perspective avec le « comportement antérieur du salarié faisant peu de cas du pouvoir de direction de l'employeur comme en attestent les nombreux rappels à l'ordre qui lui ont été adressés et les tonnes mêmes de ses propres courriers (notamment quatrième paragraphe de la lettre du 18 avril 2005) », sans préciser en quoi consistait le « comportement antérieur » du salarié, ni donner d'exemple précis de celui-ci au regard des éléments de preuve retenus, la Cour d'appel qui s'est déterminée par voie de considérations générales et abstraites a privé sa décision de base légale au regard des articles L.122-6 (devenu L.1234-1), L.122-8 (devenu L.1234-4 à 6), L.122-9 (devenu L.1234-9) et L.122-14-3 (devenu L.1232-1) du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45506
Date de la décision : 19/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2010, pourvoi n°08-45506


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45506
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