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18/05/2010 | FRANCE | N°08-44235

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2010, 08-44235


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation, (Cass. soc. 13 décembre 2006, n° 05-44.093), que M. X... a été engagé le 1er juillet 1989 en qualité de vendeur par la société Eroshop ; que son contrat de travail prévoyait notamment un horaire hebdomadaire de 39 heures de travail effectif, dont la répartition hebdomadaire ou mensuelle pouvait être modifiée en fonction des nécessités de l'entreprise ; que, selon le commun accord entre les parties, il a travaillé dans un premier temps selo

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation, (Cass. soc. 13 décembre 2006, n° 05-44.093), que M. X... a été engagé le 1er juillet 1989 en qualité de vendeur par la société Eroshop ; que son contrat de travail prévoyait notamment un horaire hebdomadaire de 39 heures de travail effectif, dont la répartition hebdomadaire ou mensuelle pouvait être modifiée en fonction des nécessités de l'entreprise ; que, selon le commun accord entre les parties, il a travaillé dans un premier temps selon un roulement sur trois tranches horaires, à savoir 9 heures-17heures ou 13heures-21heures ou 17heures-1heure, puis a cessé de travailler durant cette dernière tranche ; que l'employeur lui ayant demandé de reprendre le travail pendant cette dernière tranche, M. X... a refusé ces nouveaux horaires et a été licencié, le 12 octobre 2000 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer des sommes à titre, notamment, d'heures supplémentaires et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 23 février 2005, qui avait rejeté la demande à titre d'heures supplémentaires et confirmé le jugement attaqué en ce qu'il avait débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a été cassé, mais seulement en ce que cet arrêt avait débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Eroshop fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à M. X... une somme à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que si le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue en principe une modification du contrat de travail, en revanche, il ne s'agit que d'une simple modification des conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, lorsque la modification proposée consiste en un retour à l'horaire d'équipe qui était auparavant celui du salarié, qu'il est constant qu'à compter de son embauche et pendant plusieurs années, M. X... a travaillé par roulement en assurant les trois tranches horaires déterminées par l'employeur, qui était 9heures-17heures, 13heures-21heures et 17heures-1heure ; qu'en lui demandant de reprendre par roulement la tranche horaire de 17heures-1 heure, l'employeur n'a fait que lui demander de se conformer à l'horaire collectif de travail établi dans l'entreprise depuis son embauche ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur avait modifié le contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ alors que les juges sont tenus de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction et ne peuvent relever d'office un moyen de droit sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, les juges ont déduit de l'existence d'un arrangement entre les salariés pour dispenser M. X... de travail de nuit et de l'absence d'opposition de l'employeur, une «novation» du contrat de travail ; qu'en se fondant sur un tel moyen de droit, relevé d'office, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ alors que la novation ne se présume pas et doit résulter clairement de l'acte ; qu'elle ne peut se déduire d'un comportement purement passif de celui à qui on l'oppose ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a seulement relevé que «la pratique du salarié avait trouvé un écho favorable auprès de l'employeur qui ne s'est jamais opposé à cette modification des conditions d'exercice du contrat de travail» et en a déduit une novation dudit contrat ; qu'en statuant ainsi, sans relever aucun élément permettant de déduire de manière certaine et non équivoque l'intention de nover de la société Eroshop, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1273 du code civil ;
4°/ alors que les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société Eroshop avait indiqué que M. X... avait continué à travailler de nuit les samedis et dimanches ainsi qu'en remplacement des autres vendeurs au moment des vacances, ce qui démontrait qu'elle n'avait pas entendu le dispenser de tout travail de nuit ; qu'en affirmant qu«il n'est pas démenti que M. X... ne travaillait plus par roulement de nuit depuis six ans», la cour d'appel a violé l'article 4 et 5 du code civil ;
Mais attendu que le moyen, en ses diverses branches, est irrecevable dès lors qu'il invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine de son précédent arrêt, alors que la juridiction de renvoi s'y est conformée ;

Mais sur le second moyen :
Vu l'article 631 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu de prononcer la compensation revendiquée par l'employeur entre l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourrait être allouée au salarié et les sommes perçues par celui-ci à titre d'heures supplémentaires dont il avait été définitivement débouté, la cour de renvoi a énoncé que, liée par les termes de la Cour de cassation, elle n'avait pas à interpréter les conséquences du rejet du pourvoi formé à l'égard des autres dispositions qui faisaient grief au salarié ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu son office et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de prononcer la compensation demandée par la société Eroshop, l'arrêt rendu le 6 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eroshop ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Eroshop
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamné, en conséquence, la SARL EROSHOP à payer à Monsieur X... la somme de 19.000 euros à titre de dommages et intérêts majorée des intérêts au taux légal et de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE monsieur X... a été embauché le 1er juillet 1989 par la SARL EROSHOP en qualité de vendeur ; que son contrat de travail prévoyait notamment un horaire hebdomadaire de 39 heures de travail effectif, dont la répartition était susceptible d'être modifiée en fonction des nécessités de l'entreprise et autorisait l'employeur à imposer au salarié l'accomplissement d'heures supplémentaires ; que par lettre du 19 septembre 2000, la gérante de la société lui a renouvelé sa demande verbale de reprendre par roulement les 3 tranches horaires du magasin à savoir 9 h – 17 h ou 13 h – 21 h ou 17 h – 1 h à compter du 25 septembre ; qu'elle indiquait connaître son souhait de ne plus assurer la tranche horaire 17 h -1 h et avoir accepté de lui laisser assurer les autres tranches horaires tant que cela avait été possible avec ses collègues ce qui n'était plus possible avec le retour de grave maladie d'un de ses collègues pour qui la médecine du travail exigeait une reprise avec travail de jour uniquement ; qu'elle lui précisait qu'au cas où il confirmerait ses deux refus verbaux, elle se verrait dans l'obligation de considérer qu'il s'agissait là d'un refus d'obéissance et donc d'une faute grave rendant nécessaire une procédure de licenciement et son départ immédiat ; que convoqué le 29 septembre 2000 à un entretien préalable le 9 octobre, il a été licencié par lettre du 12 octobre 2000 au motif ainsi énoncé : «Votre refus de reprendre par roulement la tranche horaire 17 – 1 h, ce qui nous empêche d'établir un planning équilibré avec vos collègues et en particulier l'un d'eux relevant d'une grave maladie) rendant impossible la continuation de votre contrat. Compte tenu de votre ancienneté, nous ne considérons pas qu'il s'agit d'une faute grave et nous vous accordons le bénéfice du préavis et de l'indemnité de licenciement» ; que l'article 1134 du code civil proclame que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ; que le premier juge a décidé que le licenciement était causé au regard du contrat de travail stipulant en son article 5 § 2 que la répartition mensuelle ou hebdomadaire du travail pourra être modifiée en fonction des nécessités liées au fonctionnement du service, ce dont il résulte que le salarié ne pouvait se dérober aux exigences de l'employeur qui le sommait d'avoir à reprendre le roulement de nuit ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il est désormais de principe que le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail, qui doit être acceptée par le salarié, le conseil a méconnu le texte susvisé ; qu'en effet, pour rechercher la confirmation du jugement dont appel, la société s'est attachée à montrer que les horaires de travail avaient été le fruit d'un arrangement entre M. X... et Philippe Y..., lequel accord n'avait jamais été validé par la direction ; qu'elle martèle que c'est en toute bonne foi qu'elle a laissé les salariés s'organiser entre eux, et ce d'autant qu'elle ne voulait pas nuire au salarié qui souhaitait disposer de ses soirées dans le but d'exploiter le fonds de commerce dont il était propriétaire avec son épouse et qui se trouvait juste en face du magasin ; mais, à supposer avérés la malice de M. X... et même son secret désir d'être licencié « au motif qu'il avait lui-même des problèmes de personnel à gérer au sein de sa société» ainsi que l'attestent MM. Michel Z... et Michel A... dans leur déposition écrite en date des 2 mai 2001 et 20 juin 2001, il n'en reste pas moins patent que la pratique du salarié avait trouvé un écho favorable auprès de l'employeur qui ne s'est jamais opposé à cette modification des conditions d'exercice du contrat de travail ; qu'il n'est pas démenti que M. X... ne travaillait plus par roulement de nuit depuis 6 ans ; qu'il s'en est suivi une véritable novation ayant valeur contractuelle entre les parties, et ce, malgré les protestations émises à ce sujet par la société ; que dans les limites de la cassation, cette cour décidera que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1. – ALORS QUE si le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue en principe une modification du contrat de travail, en revanche, il ne s'agit que d'une simple modification des conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, lorsque la modification proposée consiste en un retour à l'horaire d'équipe qui était auparavant celui du salarié ; qu'il est constant qu'à compter de son embauche et pendant plusieurs années, monsieur X... a travaillé par roulement en assurant les trois tranches horaires déterminées par l'employeur, qui était 9h–17h, 13h– 21h et 17h–1h ; qu'en lui demandant de reprendre par roulement la tranche horaire de 17h-1h, l'employeur n'a fait que lui demander de se conformer à l'horaire collectif de travail établi dans l'entreprise depuis son embauche ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur avait modifié le contrat de travail, la Cour d'appel a violé l'article L.1221-1 du code du travail ;
2. – ALORS QUE les juges sont tenus de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction et ne peuvent relever d'office un moyen de droit sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, les juges ont déduit de l'existence d'un arrangement entre les salariés pour dispenser monsieur X... de travail de nuit et de l'absence d'opposition de l'employeur, une «novation» du contrat de travail ; qu'en se fondant sur un tel moyen de droit, relevé d'office, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3. – ALORS en tout état de cause QUE la novation ne se présume pas et doit résulter clairement de l'acte ; qu'elle ne peut se déduire d'un comportement purement passif de celui à qui on l'oppose ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a seulement relevé que «la pratique du salarié avait trouvé un écho favorable auprès de l'employeur qui ne s'est jamais opposé à cette modification des conditions d'exercice du contrat de travail» et en a déduit une novation dudit contrat ; qu'en statuant ainsi, sans relever aucun élément permettant de déduire de manière certaine et non équivoque l'intention de nover de la société EROSHOP, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1273 du code civil ;
4. – ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société EROSHOP avait indiqué que monsieur X... avait continué à travailler de nuit les samedis et dimanches ainsi qu'en remplacement des autres vendeurs au moment des vacances, ce qui démontrait qu'elle n'avait pas entendu le dispenser de tout travail de nuit ; qu'en affirmant qu'«il n'est pas démenti que M. X... ne travaillait plus par roulement de nuit depuis 6 ans», la Cour d'appel a violé l'article 4 et 5 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu de prononcer la compensation revendiquée par l'employeur ;
AUX MOTIFS QUE liée par les termes de la Cour de cassation, cette cour de renvoi n'a pas à interpréter les conséquences du rejet du pourvoi formé à l'égard des autres dispositions qui faisaient grief au salarié ;
ALORS QUE la Cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation, a des pouvoirs identiques à ceux de la juridiction ayant rendu la décision cassée et reprend l'affaire en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; que si elle statue dans les limites de la cassation, elle n'en doit pas moins tirer les conséquences juridiques de sa décision au regard des chefs non atteints par la cassation ; qu'en l'espèce, la société EROSHOP avait sollicité la compensation entre les éventuels dommages et intérêts qui seraient alloués au salarié et les sommes perçues au titre des heures supplémentaires dont il avait été définitivement débouté par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ; qu'en refusant d'ordonner cette compensation, la Cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 631 et suivants du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44235
Date de la décision : 18/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2010, pourvoi n°08-44235


Composition du Tribunal
Président : Mme Perony (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44235
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