LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2009), que la société Immobilière Carrefour (société Carrefour), venant aux droits de la société Euromarché, est devenue propriétaire d'un ensemble immobilier situé à Stains, dont le lot n° 2, qui a été aménagé à usage de cafétéria, avait, selon acte sous seing privé du 14 février 1992, été donné à bail à construction à la société Eris restauration, aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière du Centre commercial de Stains (la SCI du Centre commercial de Stains) ; que par acte authentique reçu par M. X..., notaire, le 12 février 2004, cette société a cédé le bail à construction à la société civile immobilière Synergie HM (la SCI Synergie) ; qu'après avoir infructueusement fait délivrer le 26 avril 2004 à la société du Centre commercial de Stains un commandement de payer une somme au titre du loyer du 2ème trimestre 2004, visant la clause résolutoire, la société Carrefour a assigné cette société, sollicitant notamment, à titre principal, que la convention du 14 février 1992 soit qualifiée de bail commercial régi par les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, à titre subsidiaire, que la clause d'agrément insérée dans le bail à construction soit validée, que la clause résolutoire soit déclarée acquise, à titre très subsidiaire, que la résiliation judiciaire du bail à construction soit prononcée pour violation de la clause d'agrément relative à la cession de bail, défaut d'exploitation des lieux loués et absence de paiement des loyers pendant deux ans et demi ; que la SCI du Centre commercial de Stains a appelé en garantie M. X... ; que la SCI Synergie est intervenue volontairement à l'instance ;
Attendu que pour débouter la société Carrefour de sa demande de requalification de la convention du 14 février 1992 en bail commercial, l'arrêt retient que le bail à construction suppose l'édification de travaux ayant un caractère à la fois immobilier et substantiel, que le bail initial porte, en l'espèce, sur un terrain de 3470 m² et de deux volumes sans précision d'ouvrages existants, que cet élément de fait ajouté à la qualification de bail à construction (article L. 251-1 du code de la construction) que les parties ont très explicitement énoncé dans leur contrat ne permet pas d'effectuer la requalification sollicitée sans dénaturer leurs intentions au 14 février 1992 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le preneur s'était engagé à édifier des constructions sur le terrain du bailleur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne, ensemble, la SCI Synergie, la SCI du Centre commercial de Stains et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, la SCI Synergie, la SCI du Centre commercial de Stains et M. X... à payer à la société Carrefour la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SCI Synergie, de la SCI du Centre commercial de Stains et de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Odent, avocat aux Conseils, pour la société Immobilière Carrefour
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de requalifier en bail commercial un prétendu bail à construction conclu entre un bailleur (la société IMMOBILIERE CARREFOUR) et un preneur (la SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE STAINS) qui l'avait irrégulièrement cédé à un tiers (la SCI SYNERGIE HM) ;
AUX MOTIFS QUE la société IMMOBILIERE CARREFOUR avait demandé à la cour de requalifier le contrat du 14 février 1992 en bail commercial, aux motifs résumés que cette requalification entrait dans les pouvoirs du juge et que le contrat comportait une clause de destination commerciale des lieux (cafétéria), une clause d'agrément en cas de cession et en cas de sous-location et une clause de solidarité entre cédant et cessionnaire, clauses typiques du bail commercial ; que, cependant, le bail à construction supposait l'édification de travaux ayant un caractère à la fois immobilier et substantiel ; que le bail initial portait, en l'espèce, sur un terrain d'une surface de 3.470 m² et de deux volumes sans précision d'ouvrages existants ; que cet élément de fait, ajouté à la qualification de «bail à construction» que les parties avaient très explicitement énoncée dans leur contrat comme indiqué cidessus, ne permettait pas d'effectuer la requalification sollicitée sans dénaturer leurs intentions au 14 février 1992 ;
1°/ ALORS QUE le bail à construction est principalement caractérisé par l'obligation de construire qui pèse sur le preneur ; qu'en l'espèce, la cour, qui a qualifié le bail litigieux de bail à construction et non de bail commercial, en se fondant sur la qualification donnée par les parties à l'acte et sur le défaut de mention des ouvrages existants, quand il résultait de ce bail que le lot de volume n°2 était déjà construit, sa destination étant précisément déterminée, qu'il prévoyait un loyer significatif et qu'il comportait des clauses (clause de solidarité en cas de cession, clause d'agrément et clause résolutoire) absolument incompatibles avec un bail à construction, qui confère un droit réel au preneur, a violé les articles L.251-1 du code de la construction et de l'habitation et L.145-1 du code de commerce ;
2°/ ALORS QUE l'obligation de construire est de l'essence du bail à construction ; qu'en l'espèce, la cour, qui a refusé de requalifier le bail litigieux en bail commercial, sans caractériser la construction devant être édifiée par la prétendue preneuse à construction, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.251-1 du code de la construction et de l'habitation et L.145-1 du code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de valider la clause d'agrément figurant dans un prétendu bail à construction, conclu entre un bailleur (la société IMMOBILIERE CARREFOUR) et un preneur (la SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE STAINS) qui l'avait irrégulièrement cédé à un tiers (la SCI SYNERGIE HM) ;
AUX MOTIFS QUE, concernant la validation de la clause d'agrément que la société IMMOBILIERE CARREFOUR sollicitait, il suffisait de constater que cette validation contreviendrait aux dispositions d'ordre public régissant le bail à construction, lesquelles interdisaient formellement une telle clause d'agrément dans la logique et l'aboutissement du droit réel immobilier dont disposait le preneur sur le bien donné à bail ;
ALORS QUE la clause d'agrément figurant dans un bail à construction se distingue de la clause interdisant au preneur de céder son bail, cette dernière seule étant invalide ; qu'en l'espèce, la cour qui, pour refuser de valider la clause d'agrément figurant au prétendu bail à construction, l'a assimilée à une clause interdisant toute cession du bail au preneur, a violé les articles L.251-3 et L.251-8 du code de la construction et de l'habitation.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné une appelante (la société IMMOBILIERE CARREFOUR) à régler une indemnité de procédure à une partie (Me X...) qui ne l'avait pas sollicitée ;
ALORS QUE les juges du fond ne peuvent, sans modifier les termes du litige, accorder une indemnité de procédure à une partie qui ne l'avait jamais demandée ; qu'en l'espèce, la cour, qui a alloué une indemnité de 3.000 € à Me X... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors qu'il n'en avait jamais sollicité le bénéfice à l'encontre de la société IMMOBILIERE CARREFOUR, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.