LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société AXA France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse régionale d'assurance maladie des Pays de la Loire et contre le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Bretagne ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° A 09-10.708, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu que pour condamner l'entreprise utilisatrice à prendre en charge la totalité du surcoût des cotisations résultant de l'accident du travail de M. X... et dire que son assureur devait la garantir en totalité pour ce surcoût, l'arrêt se borne à autoriser la société employeur à réclamer à l'entreprise utilisatrice le remboursement des cotisations supplémentaires accident du travail résultant de l'accident dont a été victime M. X... sur présentation des factures acquittées de la caisse régionale d'assurance maladie ou de la caisse primaire d'assurance maladie ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
Condamne la société Construction rebours et la société AXA France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° P 09-10.559 par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société AXA France IARD
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé une entreprise de travail temporaire (la société ADECCO), dont le salarié mis à disposition avait été victime d'un accident du travail, à réclamer à l'entreprise utilisatrice (la société CONSTRUCTION REBOURS, assurée par la société AXA FRANCE IARD) le remboursement des majorations de cotisations accident du travail effectivement exposées, sur présentation des factures acquittées de la CRAM ou de la CPAM ;
1°/ ALORS QUE nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en l'espèce, la cour, qui a autorisé la société ADECCO -qui n'avait pourtant produit, à l'appui de sa demande de remboursement, qu'une simple simulation sur papier libre émanant d'elle-même et pas même certifiée par son commissaire aux comptes- à réclamer à la société CONSTRUCTION REBOURS, sur présentation de factures acquittées, le remboursement des majorations de cotisations d'accident du travail qu'elle prétendait avoir exposées, a violé l'article 1315 du cde civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que l'assureur (la société AXA FRANCE IARD) d'une entreprise utilisatrice (la société CONSTRUCTION REBOURS) d'un salarié mis à disposition par une entreprise de travail temporaire (la société ADECCO) et victime d'un accident du travail devait entièrement garantir son assurée du fait de la condamnation de celle-ci à rembourser le surcoût des cotisations accident du travail prétendument subi par l'entreprise de travail temporaire ;
AUX MOTIFS QUE la société AXA FRANCE IARD, assureur de la société CONSTRUCTION REBOURS, prétendait que sa garantie, au titre de la faute inexcusable, était limitée à la somme de 100.736 € ; que, cependant, la société CONSTRUCTION REBOURS avait justifié, par la production des conditions particulières du contrat n°860 520 y 1 du 20 novembre 1986 responsabilité civile du chef d'entreprise, que la garantie « faute inexcusable » était sans limitation de montant par sinistre ; que, d'ailleurs, la société AXA FRANCE IARD avait reconnu, dans ses écritures, que cette garantie illimitée n'intervenait que pour le seul remboursement de la cotisation complémentaire prévue à l'article L.452-2-2 du code de la sécurité sociale ;
1°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des contrats d'assurance, quand bien même ils auraient à combiner conditions particulières et conditions générales ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé -prétexte pris de ce que la garantie responsabilité civile faute inexcusable était, aux conditions particulières de la police, stipulée sans limitation de montant- que la société AXA FRANCE IARD devait son entière garantie à la société CONSTRUCTION REBOURS, au titre de la demande en remboursement présentée par la société ADECCO, du surcoût de cotisations accident du travail que celle-ci prétendait avoir subi par suite de l'augmentation de sa sinistralité en accidents du travail, quand il résultait clairement des conditions générales de la police (article 8, p.15) que la garantie visée par les juges était une garantie facultative ne couvrant pas du tout la demande de la société ADECCO, a dénaturé les termes clairs et précis de la police d'assurance (conditions générales et particulières) au mépris des prescriptions de l'article 1134 du code civil ;
2°/ ALORS QUE les clauses des contrats d'assurance relatives à l'étendue des garanties souscrites doivent être appliquées par les juges du fond ; qu'en l'espèce, la cour qui, au mépris de l'article 8 des conditions générales de la police d'assurance, a décidé que la société AXA FRANCE IARD devait son entière garantie à la société CONSTRUCTION REBOURS, au titre de la demande en remboursement du surcoût de cotisations accident du travail présentée par la société ADECCO, quand cette demande n'était pas couverte par la garantie facultative visée par la cour et due, comme prévu aux conditions particulières, sans limitation de montant, a violé la loi du contrat au mépris des prescriptions de l'article 1134 du code civil.
Moyen produit au pourvoi n° A 09-10.708 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Adecco France
AUX MOTIFS QU'« il résulte de la combinaison des articles L.241-5-1, 242-5, R.242-6-1 du Code de la Sécurité Sociale, de l'article 40 de la loi du 12 juillet 1990 et de son décret d'application du 25 juin 1992 sur la détermination du taux de cotisation accident du travail que si en principe le coût de l'accident du travail défini aux articles L.411-1 est mis pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice à concurrence d'un tiers, les deux autres tiers restant à la charge de l'employeur, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge procède à une répartition différente, en fonction des données de l'espèce, mais en toutes circonstances il doit respecter le principe du partage des charges ; que le fait que dans son arrêt la Cour d'Appel d'ANGERS ait décidé que : « la garantie de la Société CONSTRUCTION REBOURS vis-à-vis des condamnations mise à la charge de la Société ADECCO du fait de l'accident survenu à Pierre X... comprendra le surcoût des cotisations accident du travail en résultant » ne saurait faire échec aux dispositions des articles L.241-5-1, L.242-5, R.242-6-1 du Code de la Sécurité Sociale, de l'article 40 de la loi du 12 juillet 1990 ; que si la CRAM DES PAYS DE LA LOIRE justifie que le capital représentatif de la rente versé par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE à la victime, d'un montant de 70.205,58 €, a été réparti selon les dispositions de la loi soit 1/3 à la charge de la Société CONSTRUCTION REBOURS et 2/3 à la charge d'ADECCO, les circonstances de l'accident qui ont été parfaitement analysées par le Tribunal Correctionnel dans son jugement du 31 mai 1995 condamnant le dirigeant de la société pour emploi d'un salarié travaillant sur une toiture sans respect des règles de sécurité et par la Cour d'Appel d'ANGERS dans son arrêt du 4 novembre 1999 qui lui a permis de retenir la faute inexcusable de l'employeur, autorisent de mettre à la charge de la société utilisatrice la part la plus importante soit les ¾, le ¼ restant à la charge de l'employeur en raison de sa négligence pour ne s'être pas assuré par une visite du chantier que toutes les conditions de sécurités dont celles prescrites par les articles 156 et 157 du décret du 8 janvier 1965 avaient été prises et qu'elles étaient efficaces ; que s'agissant des éventuelles majorations des cotisations accident du travail résultant de l'accident du travail dont a été victime Monsieur X..., par arrêt définitif en date du 4 novembre 1999 de la Cour d'Appel d'ANGERS il a été dit que : « la garantie de la Société CONSTRUCTION REBOURS vis-à-vis des condamnations mise à la charge de la Société ADECCO du fait de l'accident survenu à Pierre X... comprendra le surcoût des cotisations accident du travail en résultant » à ce titre la Société ADECCO réclame la somme de 178.577,42 €, il lui appartient selon les dispositions de l'article R.242-6-2-4° du Code de la Sécurité Sociale de transmettre à l'entreprise utilisatrice la Société CONSTRUCTION REBOURS le double des notifications des décisions de la CRAM et les justifications comptables des cotisations supplémentaires imputables au seul accident de Monsieur X... dont elle réclame le remboursement au titre de l'article L.452-2-2 du Code de la Sécurité Sociale ; que si la Société ADECCO produit aux débats sur papier libre une simulation tendant à chiffrer le montant des cotisations supplémentaires qu'elle prétend avoir supportées, ce seul document qui ne provient pas de la CRAM, qui n'est pas approuvé par le Commissaire aux comptes de la société, ne permet pas d'établir que la Société ADECCO s'est acquittée de ces cotisations et d'en déterminer le montant réel, dans ces conditions la Société ADECCO sera autorisée à réclamer à la Société CONSTRUCTION REBOURS le remboursement des cotisations supplémentaires accident du travail résultant de l'accident du travail dont a été victime Monsieur X... que sur présentation des factures acquittées de la CRAM » (Arrêt p. 3-4) ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE les juges du fond ne sauraient subordonner l'exercice d'un droit par une partie à la production par elle de documents qui n'existent pas ; qu'il résulte de l'article D.242-6-3 et D.242-6-17 du Code de la sécurité sociale que les dépenses consécutives à l'accident du travail sont prises en compte pour le calcul du taux brut de cotisation dû au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ; que les dépenses sont ainsi prises en compte par les caisses régionales d'assurance maladie dès qu'elles leur ont été communiquées par les caisses primaires ; que les caisses régionales notifient ensuite à chaque employeur, les taux de cotisation afférents aux établissements se trouvant dans leur circonscription, après leur avoir communiqué le compte employeur dans lequel figure l'ensemble des dépenses prises en compte pour le calcul de ce taux ; qu'en vertu de l'article R. 243-6 du Code de la sécurité sociale, les cotisations sont prélevées par l'employeur sur les rémunérations versées aux salariés de l'établissement et versées aux organismes de recouvrement ; qu'aucune disposition du Code de la sécurité sociale ne prévoit que les organismes de sécurité sociale établissent des factures qui devraient être acquittées par l'employeur ; qu'au cas présent, la société ADECCO démontrait que le coût de l'accident du travail calculé par elle résultait des éléments figurant aux comptes employeur et des décisions de notification de taux qui lui avaient été notifiées par la CRAM des PAYS DE LA LOIRE, qu'elle produisait aux débats ; que la société ADECCO produisait également aux débats les déclaration annuelles de salaires et des attestations de l'URSSAF concernant le versement des cotisations sociales dues par elle ; qu'en subordonnant néanmoins le droit au remboursement par la société CONSTRUCTION REBOURS du surcroît de cotisations résultant pour la société ADECCO de l'accident de Monsieur X..., qu'elle avait elle-même constaté, à la présentation de factures acquittées de la CRAM ou de la CPAM, la Cour d'appel a privé la Société ADECCO de toute possibilité effective d'obtenir ce remboursement, violant ainsi les textes susvisés, ensemble les articles 1er du Protocole additionnel n°1 et 6-1 de la Convention européenne de sauvegard e des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel devait déclarer sa décision concernant la répartition du coût de l'accident du travail de Monsieur X... entre les sociétés ADECCO et CONSTRUCTION REBOURS commune à la CRAM afin que cet organisme soit tenu d'en tirer les conséquences sur les taux de cotisations des deux entreprises en opérant un transfert des éléments de tarification entre les comptes employeurs des deux entreprises ; qu'en s'abstenant de le faire, la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale a privé la société ADECCO de toute possibilité concrète de faire exécuter sa décision concernant la répartition du coût de l'accident du travail, violant ainsi les articles L.241-5-1 et R.246-6-3 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1er du Protocole additionnel n°1 et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.