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05/05/2010 | FRANCE | N°08-44047

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mai 2010, 08-44047


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Thionville, 9 juin 2008), que M. X... a été engagé le 25 septembre 2006, en qualité de conducteur routier par la société Lexser, par un contrat de travail dont une disposition mentionnait qu'il optait pour l'application du droit français et de la convention collective nationale des transports routiers et activités annexes, renonçant à la loi locale applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

dont les dispositions des articles 616 du code civil local et 63 du c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Thionville, 9 juin 2008), que M. X... a été engagé le 25 septembre 2006, en qualité de conducteur routier par la société Lexser, par un contrat de travail dont une disposition mentionnait qu'il optait pour l'application du droit français et de la convention collective nationale des transports routiers et activités annexes, renonçant à la loi locale applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle dont les dispositions des articles 616 du code civil local et 63 du code de commerce local concernent le maintien du salaire en cas d'arrêt de maladie ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir des sommes par suite de ses arrêts de travail pour maladie ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer diverses sommes à titre de rappel de salaire correspondant à des jours de carence et au titre du maintien de salaire après chaque arrêt de travail pour maladie, alors selon le moyen :
1°) que si le contrat de travail, la convention ou l'accord collectif peuvent comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur mais ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public, il en va différemment lorsque la dérogation est expressément autorisée par la loi ; qu'en affirmant, dès lors, que M. X... ne pouvait valablement renoncer à se prévaloir des dispositions de l'article 616 du code civil local alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'article 10 de la loi du 24 juillet 1921 autorisait expressément l'option par un salarié de la loi française plutôt que du droit local, même d'ordre public, le conseil de prud'hommes a d'ores et déjà violé l'ensemble de ces dispositions ;
2°) que l'article 4, alinéa 4, du contrat de travail de M. X... disposait qu'«ayant pris connaissance des dispositions de la loi locale (article 616 code civil local et 63 du code de commerce local) qui concernent le maintien du salaire en cas d'arrêt de travail, et des conditions de la convention collective des transports, le salarié opte pour l'application du droit français en vertu des dispositions de la loi du 24 juillet 1921» ; qu'il ressortait de ces dispositions claires et non équivoques que M. X... avait exercé l'option qui lui était ouverte en choisissant expressément la loi française ; qu'en affirmant, dans ces conditions, que la preuve de l'acceptation par l'intéressé de la loi applicable n'était pas rapportée et que cette disposition contractuelle apparaissait comme non écrite, le conseil de prud'hommes, qui a manifestement dénaturé les termes de l'article susvisé, a violé l'article 1134 du code civil ;
3°) que c'est à celui qui prétend que son consentement aurait été vicié d'en apporter la preuve ; qu'en se contentant d'affirmer qu'il n'était pas rapporté que l'acceptation du contrat de travail soit le fruit d'un acte volontaire et éclairé sur la loi applicable, le conseil de prud'hommes, qui a fait peser sur la société Lexser la charge de la preuve quant il appartenait à M. X... d'établir que son consentement aurait été vicié, a également méconnu les exigences de l'article 1315 du code civil ;
4°) qu'en affirmant que la formule de l'article 4, alinéa 4, du contrat de travail de M. X... par laquelle il optait pour la loi française était une disposition contractuelle qui apparaissait comme non écrite et était «de surcroît discriminante pour les salariés de moins de trois ans d'ancienneté», alors qu'il peut y avoir différence de traitement entre des salariés qui ne sont pas placés dans la même situation et que l'ancienneté constituait un critère objectif susceptible de justifier précisément la différence stigmatisée en l'occurrence par le conseil, ce dernier a violé le principe d'égalité de traitement ;
Mais attendu, d'une part, que la loi 24 juillet 1921 n'a pas pour objet de régler les conflits entre droit local et accords collectifs ;
Attendu, d'autre part, que l'article 616 du code civil local applicable est d'ordre public ; qu'il ne peut y être dérogé que de façon plus favorable pour le salarié ;
Et attendu que les dispositions de l'article 616 du code civil local étant plus favorables que celles de la convention collective nationale des transports routiers en ce qu'elles prévoient l'indemnisation des jours d'absence pour maladie sans délai de carence, le conseil de prud'hommes a exactement décidé que le salarié était fondé à en demander l'application, peu important la clause de son contrat de travail mentionnant qu'il avait opté pour l'application de la convention collective nationale des transports routiers ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lexser aux dépens.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Lexser

Il est reproché au jugement attaqué d'avoir constaté au profit de M. X... l'existence d'une créance salariale et d'avoir, en conséquence, condamné la Société LEXSER à lui verser les sommes de 388,08 € au titre du remboursement de neuf jours de carence durant trois arrêts maladie en application de l'article 616 du Code civil local et de 690,83 € au titre du paiement du maintien du salaire pendant 24 jours en application de ce même texte ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande en paiement d'un rappel de salaires correspondant à neuf jours de « carence » durant les arrêts pour maladie, au titre de l'article 616 du Code civil local pour la somme de 804,24 €, il échet, à titre liminaire pour le Conseil, de statuer sur la recevabilité de la demande et ainsi de la primauté du Droit local en son article 616 du Code civil local sur l'article 4 alinéa 4 du contrat de travail ; qu'il convient de souligner que la partie défenderesse ne s'attache qu'à se prévaloir de l'article 10 de la loi du 24 juillet 1921 et son principe de « faculté d'option de la loi française» ; que la démarche procède du sophisme, car s'affranchit des notions et dispositions issues de la loi du 1er juin 1924, modifiée par la loi n° 85-1496 du 31 décembre 1985, consacrées de plus par la Haute Cour dans ses jurisprudences constantes et récentes, notamment en l'espèce, en ses articles 7 12°, et 10, lesquels ont ainsi reconnu le caractère d'ordre public entre autres de l'article 616 du Code civil local sur les trois départements d'Alsace Moselle ; que dès lors, il ne saurait y avoir « conflit entre la législation civile française et la législation civile locale » toujours en vigueur, laquelle est soumise aussi aux principes du droit général français pour ce qui concerne notamment la protection d'un salarié qui ne saurait renoncer par avance aux droits qu'il tient de la loi et de l'ordre public ; qu'à cet égard, peu important que Monsieur X... eût été informé, peu ou pas ou par simulacre d'une disposition contractuelle, qui apparaît comme non écrite pour le Conseil et de surcroît discriminante pour les salariés de moins de trois ans d'ancienneté, ce qui est le cas du demandeur susvisé, eu égard aux dispositions conventionnelles applicables à la Société susnommée, et rappelées dans les conclusions de la partie défenderesse elle-même ; qu'ainsi, on ne saurait contracter et déroger de la sorte a minima pour le salarié, car le Conseil déclare qu'il n'est point rapporté que l'acceptation du contrat de travail soit le fruit d'un acte volontaire, éclairé, sur la loi applicable, tant cette clause encore rare reste ambiguë et insuffisante sur les «avantages» de la primauté de la convention collective nationale en vigueur dans l'entreprise et ses accords afférents ; que le Conseil retient notamment, ainsi dit et juge que le contrat de travail de Monsieur X... a été rédigé, et ce constaté notamment en l'état de la relation de travail avec moins de trois ans d'ancienneté, en méconnaissance et en contravention de l'article ancien L.132-4 du Code du travail, devenu article L.2251 dudit Code qui dispose : «une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public» ; qu'ainsi, le Conseil déclare Monsieur X... Marc recevable en sa demande formée au titre de l'article 616 du Code civil local ; que cependant, si le Conseil concède le remboursement de trois fois trois jours dits de «carence», il apparaît que le quantum réclamé ne correspond pas à ce qui doit être accordé ; qu'il convient de valider un calcul revu par les soins du Conseil sur la base de 9/30ème de mois salarial, donc sur la base de 43,12 € par jour, multiplié par neuf ; qu'en conséquence, le Conseil fait droit à la demande pour la somme de 388,08 € au titre du remboursement pour maintien du salaire afférent à neuf jours de «carence», au titre de l'article 616 du Code civil local ;
ET QUE, sur la demande en paiement du maintien du salaire pendant trois arrêts pour maladie, sur la base de trois fois huit jours, au titre de l'article 616 du Code civil local pour la somme de 812,16 € ; que la demande paraît raisonnable pour ce qui est du nombre de jours sur le total des trois arrêts de maladie ; qu'ainsi, en l'espèce, le Conseil reconnaît la notion «d'un empêchement de peu d'importance dans son amplitude» ; qu'il convient tout de même de réajuster le quantum revendiqué par un calcul plus approprié, en adéquation avec les montants des indemnités journalière de Sécurité sociale afférentes à chaque arrêt pour maladie et ainsi de cumuler pour les trois arrêts dans l'ordre chronologique : 242,05 € + 96,14 € + 352,64 €, qui totalisent 690,83 € ; qu'en conséquence, le Conseil fait droit à la demande pour la somme de 690,83 € au titre du paiement du maintien du salaire pendant les arrêts pour maladie, en application des dispositions de l'article 616 du Code civil local ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si le contrat de travail, la convention ou l'accord collectif peuvent comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur mais ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public, il en va différemment lorsque la dérogation est expressément autorisée par la loi ; qu'en affirmant, dès lors, que M. X... ne pouvait valablement renoncer à se prévaloir des dispositions de l'article 616 du Code civil local alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'article 10 de la loi du 24 juillet 1921 autorisait expressément l'option par un salarié de la loi française plutôt que du droit local, même d'ordre public, le Conseil de Prud'hommes a d'ores et déjà violé l'ensemble de ces dispositions ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 4, alinéa 4, du contrat de travail de M. X... disposait qu'« ayant pris connaissance des dispositions de la loi locale (article 616 Code civil local et 63 du Code de commerce local) qui concernent le maintien du salaire en cas d'arrêt de travail, et des conditions de la Convention collective des Transports, le salarié opte pour l'application du droit français en vertu des dispositions de la loi du 24 juillet 1921 » ; qu'il ressortait de ces dispositions claires et non équivoques que M. X... avait exercé l'option qui lui était ouverte en choisissant expressément la loi française ; qu'en affirmant, dans ces conditions, que la preuve de l'acceptation par l'intéressé de la loi applicable n'était pas rapportée et que cette disposition contractuelle apparaissait comme non écrite, le Conseil de prud'hommes, qui a manifestement dénaturé les termes de l'article susvisé, a violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS ENCORE QUE c'est à celui qui prétend que son consentement aurait été vicié d'en apporter la preuve ; qu'en se contentant d'affirmer qu'il n'était pas rapporté que l'acceptation du contrat de travail soit le fruit d'un acte volontaire et éclairé sur la loi applicable, le Conseil de Prud'hommes, qui a fait peser sur la Société LEXSER la charge de la preuve quant il appartenait à M. X... d'établir que son consentement aurait été vicié, a également méconnu les exigences de l'article 1315 du Code civil ;
ET ALORS, ENFIN, QU'en affirmant que la formule de l'article 4, alinéa 4, du contrat de travail de M. X... par laquelle il optait pour la loi française était une disposition contractuelle qui apparaissait comme non écrite et était «de surcroît discriminante pour les salariés de moins de trois ans d'ancienneté», alors qu'il peut y avoir différence de traitement entre des salariés qui ne sont pas placés dans la même situation et que l'ancienneté constituait un critère objectif susceptible de justifier précisément la différence stigmatisée en l'occurrence par le Conseil, ce dernier a violé le principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44047
Date de la décision : 05/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Thionville, 09 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mai. 2010, pourvoi n°08-44047


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44047
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