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08/04/2010 | FRANCE | N°09-13024

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 avril 2010, 09-13024


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la Banque populaire Loire et Lyonnais (la banque) a consenti à la société civile immobilière Chantecaille (la SCI), suivant acte du 25 juillet 1991, un prêt de 1 000 000 francs (152 449,02 euros) remboursable en 15 ans ; que M. Régis X... a, ainsi qu'un autre associé de la SCI, adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par la banque auprès de la compagnie Generali vie (l'assureur), prévoyant la prise en charge à 100 % des échéances du prêt en cas de décès, invalidité absolue

et définitive et incapacité totale de l'un ou l'autre, le bulletin d'adh...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la Banque populaire Loire et Lyonnais (la banque) a consenti à la société civile immobilière Chantecaille (la SCI), suivant acte du 25 juillet 1991, un prêt de 1 000 000 francs (152 449,02 euros) remboursable en 15 ans ; que M. Régis X... a, ainsi qu'un autre associé de la SCI, adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par la banque auprès de la compagnie Generali vie (l'assureur), prévoyant la prise en charge à 100 % des échéances du prêt en cas de décès, invalidité absolue et définitive et incapacité totale de l'un ou l'autre, le bulletin d'adhésion de M. X... désignant comme bénéficiaire la banque à concurrence des sommes dues sur le prêt, l'excédent éventuel devant lui revenir ; que M. X... ayant interrompu ses activités professionnelles a été placé, en 1994, en invalidité par la Sécurité sociale ; que l'assureur a pris en charge les échéances du prêt puis a fait savoir à la banque et à M. X... qu'il cessait sa prise en charge à compter de juillet 1995 et considérait comme nulle, en application de l'article L. 113-8 du code des assurances, l'adhésion de M. X... au motif qu'il avait omis de déclarer un antécédent médical ; que M. X... ayant assigné l'assureur, la cour d'appel de Nîmes a, par arrêt du 9 juillet 2002, désormais irrévocable, dit que compte tenu de la règle proportionnelle, la compagnie Generali vie aurait dû régler à M. X... 90,91 % des échéances de remboursement d'emprunt en l'état de son incapacité de travail et condamné en conséquence celle-là à régler à celui-ci les échéances des emprunts garantis à compter de la date d'interruption de la prise en charge dans la proportion de 90,91 % des échéances ; qu'à la suite de cette décision, l'assureur a versé le 9 septembre 2002 la somme de 173 016,86 euros dont 159 939,75 euros correspondaient aux échéances du prêt précité du 13 août 1993 au 1er août 2001, à la banque qui a reversé le 30 septembre 2002 la somme à la SCI, celle-ci ayant continué à payer les échéances ; que M. Régis X..., se prévalant de l'arrêt du 9 juillet 2002, a fait pratiquer le 30 septembre 2003 une saisie-attribution sur les comptes de la société Generali vie à hauteur d'une somme correspondant à 90,91 % des trois prêts faisant l'objet de l'arrêt du 9 juillet 2002, en ce compris celui de 1 000 000 francs consenti à la SCI et a obtenu le règlement des causes de la saisie à la suite d'une décision d'un juge de l'exécution ; qu'ayant en vain mis en demeure M. X... afin qu'il lui rembourse les indemnités d'assurance qu'il avait encaissées et qu'il intervienne auprès de l'assureur pour que les échéances suivantes soient directement versées à la banque, la SCI l'a assigné avec la banque et l'assureur afin d'obtenir sa condamnation in solidum avec l'assureur à lui payer la somme de 95 666 euros correspondant aux indemnités d'assurance destinées à garantir les échéances du prêt pour la période du 1er août 2001 au 9 septembre 2006 ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1371 du code civil ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à la SCI la somme qu'elle réclamait, la cour d'appel a retenu que la compagnie Generali vie n'avait certes pas respecté la lettre de l'arrêt du 9 juillet 2002 en versant à la banque la somme de 159 939,75 euros mais qu'elle n'avait fait que devancer M. X... dans ses obligations puisqu'il devait reverser cette somme au prêteur ; qu'elle a ajouté que la SCI avait toujours payé les échéances du prêt tandis que M. X... avait perçu les indemnités destinées à garantir le remboursement de ce même prêt sans les reverser à la banque ni à la SCI et qu'ainsi cette dernière s'était appauvrie en payant des cotisations d'assurance sans contrepartie et des échéances qui devaient être payées, en raison de la garantie, soit par l'assureur, soit par M. X... tandis que ce dernier s'était enrichi sans cause en conservant des indemnités d'assurance qui devaient exclusivement être employées à payer les échéances du prêt ; que l'arrêt attaqué en déduit que M. X... doit reverser les sommes qu'il a perçues et qui étaient destinées à couvrir les échéances postérieures au 1er août 2001 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ce qu'elle qualifiait d'enrichissement de M. X... trouvait sa cause dans l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 9 juillet 2002 qui avait reconnu le droit de celui-ci de percevoir de l'assureur les sommes litigieuses, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1250 et 1251 du code civil ;

Attendu que pour se prononcer comme elle l'a fait, la cour d'appel a encore retenu que M. X... devait restituer, en vertu des obligations résultant de son adhésion au contrat d'assurance de groupe, à la SCI subrogée dans les droits de la banque les indemnités qu'il avaient perçues et qui étaient destinées à couvrir les échéances postérieures au 1er août 2001;

Qu'en statuant ainsi alors que la banque avait reçu paiement de la part de la SCI des échéances dues au titre du prêt en cause et n'avait pas de droits à faire valoir à l'encontre de M. X..., qui avait perçu de l'assureur les sommes litigieuses en application de l'arrêt précité de la cour d'appel de Nîmes, à l'autorité duquel ne pouvait faire échec une prétendue subrogation née du contrat d'assurance sur lequel cette décision était fondée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Régis X... à payer à la SCI Chantecaille la somme de 95 666 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2005, l'arrêt rendu le 20 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la SCI Chantecaille aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Odent, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un dirigeant de société (M. Régis X...), qui avait adhéré à une assurance de groupe emprunteur, souscrite par une banque (la S.A. BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS), auprès d'un assureur (la compagnie GENERALI VIE), dans le but de garantir le remboursement de l'emprunt contracté par l'entreprise dirigée (la SCI CHANTECAILLE), à rembourser à celle-ci le montant d'échéances de l'emprunt, ayant donné lieu au versement d'indemnités d'assurance, par suite de l'état d'invalidité dans lequel s'était trouvé le dirigeant ;

AUX MOTIFS QUE la SCI CHANTECAILLE avait contracté un prêt n°332063 d'un million de francs dont le paiement des assurances était garanti par une assurance-vie à 100 % sur la tête de M. Régis X..., qui avait adhéré à cette fin à un contrat d'assurance-groupe souscrit par la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, auprès de la compagnie GENERALIVIE ; que, selon les termes de la convention d'assurance-groupe souscrite par la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, auprès de la compagnie GENERALI-VIE, l'assurance avait pour objet de procurer au prêteur une garantie de remboursement en cas de décès, invalidité ou incapacité de l'emprunteur et ne pouvait être utilisée à une autre fin ; que le bulletin d'adhésion à cette convention signé le 6 mars 1991 par M. Régis X... désignait le prêteur comme bénéficiaire des indemnités d'assurance à concurrence des sommes dues sur le prêt, l'excédent revenant à lui-même en cas d'invalidité ; que la société GENERALI-VIE avait suspendu sa garantie en invoquant une fausse déclaration de M. Régis X... sur son état de santé lors de son adhésion, en l'espèce la dissimulation d'un antécédent médical ; que, dans son assignation initiale devant le tribunal de grande instance de Privas, M. Régis X... avait rappelé qu'il avait contracté en 1999 un emprunt d'un million de francs, auprès de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS «au nom de la SCI CHANTECAILLE» ; que, dès lors, ayant obtenu la condamnation de la société GENERALI-VIE au paiement de 90,91 % des échéances de ce prêt depuis 1995 jusqu'à son apurement, il se devait de reverser les indemnités perçues au prêteur, et ce en exécution de son obligation contractuelle à laquelle il était engagé par son adhésion du 6 mars 1991 ; que la compagnie GENERALI-VIE, en reversant, le 29 août 2002, 159.939,75 € au titre du prêt n°332063 à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, n'avait certes pas respecté la lettre de l'arrêt du 9 juillet 2002 de la cour d'appel de Nîmes, mais n'avait fait que devancer M. X... dans ses obligations, puisqu'il devait reverser cette somme au prêteur ; qu'il était constant que la SCI CHANTECAILLE avait toujours régulièrement réglé les échéances du prêt n°332063 jusqu'à son terme, lesdites échéances comprenant une cotisation d'assurance, tandis que M. Régis X... avait perçu des indemnités destinées à garantir le remboursement de ce même prêt, sans les reverser, ni à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, ni même à la SCI CHANTECAILLE ; qu'ainsi, la SCI CHANTECAILLE s'était appauvrie en payant des cotisations d'assurance sans contrepartie et des échéances qui faisaient l'objet d'une garantie et devaient être payées, soit directement par la compagnie GENERALI-VIE, soit par M. Régis X... ; que, par ailleurs, ce dernier s'était enrichi sans cause en conservant des indemnités d'assurance qui devaient être employées exclusivement à payer les échéances du prêt souscrit par la SCI CHANTECAILLE ; que ces indemnités correspondaient à 90,91 % de 69 échéances, de sorte que la somme due s'élevait à 96.810,41 € ;

1°/ ALORS QUE l'assurance de groupe emprunteurs, dont l'adhérent est un dirigeant de l'entreprise ayant contracté l'emprunt ainsi garanti, a vocation à profiter à l'établissement bancaire prêteur, uniquement en cas de défaillance du débiteur, de sorte que, dans l'hypothèse contraire, c'est l'adhérent lui-même qui bénéficie des indemnités d'assurance en cas de survenance du risque (décès, invalidité ou incapacité de travail) ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que M. Régis X... devait reverser à la débitrice de l'emprunt le montant correspondant aux indemnités d'assurance qu'il avait perçues à raison de son invalidité, alors que la SCI CHANTECAILLE avait honoré toutes les échéances de son prêt, a méconnu la loi du contrat d'assurance de groupe emprunteurs auquel M. X... avait adhéré, en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ ALORS QUE le succès d'une demande fondée sur l'enrichissement sans cause suppose un enrichissement sans droit d'une partie, corrélatif à l'appauvrissement d'une autre ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que M. X... était tenu à restitution des indemnités qu'il avait perçues, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, alors que l'adhérent ne s'était pas enrichi sans cause (son droit à indemnité était fondé sur un contrat d'assurance qu'il avait souscrit personnellement et ce droit avait été définitivement reconnu par arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 9 juillet 2002) et que l'emprunteur ne s'était pas appauvri, car il s'était borné à régler les échéances d'un prêt qu'il avait contracté (lui, et pas M. X..., qui s'était contenté d'en garantir le paiement par l'assurance en cause), le règlement des cotisations d'assurance faisant partie intégrante de ses obligations et n'étant pas dénué de cause, l'entreprise disposant d'une sûreté de remboursement et ayant aussi pu déduire les primes de son résultat imposable, a violé l'article 1371 du code civil ;

3°/ ALORS QUE la subrogation a lieu de plein droit ou conventionnellement au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt à l'acquitter ou si le débiteur, par son paiement et du fait d'une subrogation conventionnelle, a libéré envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé que la SCI CHANTECAILLE était subrogée dans les droits de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, alors que l'emprunteuse n'avait pas réglé seule une dette à laquelle elle aurait été tenue avec M. X... (qui n'avait jamais contracté avec la banque), qu'aucune quittance subrogative n'avait été établie et qu'en tout état de cause l'établissement bancaire ne disposait d'aucune action dans laquelle la SCI CHANTECAILLE aurait été subrogée, puisque le prêt en cause avait été intégralement remboursé et que M. X... n'avait jamais été débiteur de la banque, a violé les articles 1250 et 1251 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir accordé des intérêts, dont le point de départ a été fixé au jour de la demande, sur une dette d'enrichissement sans cause ou de subrogation, prétendument due par une partie (M. Régis X...), au profit d'une autre (la SCI CHANTECAILLE) ;

AUX MOTIFS QUE des intérêts étaient accordés au taux légal, à compter de l'assignation du 18 juillet 2005 ;

1°/ ALORS QUE la créance née d'un enrichissement sans cause n'existe et ne peut produire d'intérêts moratoires que du jour où elle est judiciairement constatée ; qu'en l'espèce, la cour, qui a accordé des intérêts au taux légal à la SCI CHANTECAILLE depuis le jour de la demande, alors que les intérêts dus en vertu d'une condamnation pour enrichissement sans cause ne peuvent courir qu'à partir du prononcé de la décision en reconnaissant le principe, a violé les articles 1153 et 1153-1 du code civil ;

2°/ ALORS QUE la créance née du mécanisme de la subrogation ne peut produire d'intérêts que du jour où la subrogation a été effectuée ; qu'en l'espèce, la cour, qui a accordé des intérêts au taux légal à la SCI CHANTECAILLE depuis le jour de la demande, alors qu'ils n'auraient pu courir que du jour où la subrogation retenue par la cour avait joué, a violé les articles 1153 et 1153-1 du code civil ;

3°/ ALORS QUE le point de départ des intérêts peut être fixé au jour où les dépenses dont le remboursement est réclamé ont été exposées, quand la demande est antérieure ; qu'en l'espèce, la cour qui, pour les échéances ayant couru entre le 18 juillet 2005 et le mois de septembre 2006, a fixé les intérêts au jour de la demande, alors que les dépenses n'avaient pas encore été exposées, a violé les articles 1153 et 1153-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-13024
Date de la décision : 08/04/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 20 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 avr. 2010, pourvoi n°09-13024


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Odent, SCP Ortscheidt, SCP Peignot et Garreau, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13024
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