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08/04/2010 | FRANCE | N°09-10790

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 avril 2010, 09-10790


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu qu'ayant signé des bulletins de souscription à des produits d'assurance-vie et d'épargne de la société Dexia épargne pension (ci-après Dexia) qui leur étaient présentés par M. X..., les époux Y..., d'une part, M. Z..., d'autre part, ont remis à ce dernier le montant de leurs souscriptions en des chèques libellés, à sa demande, à l'ordre de la société FC. patrimoine, courtier d'assurance, dont il était le dirigeant ; que M. X...,

qui avait falsifié les contrats et détourné à son profit les fonds ainsi remis, ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu qu'ayant signé des bulletins de souscription à des produits d'assurance-vie et d'épargne de la société Dexia épargne pension (ci-après Dexia) qui leur étaient présentés par M. X..., les époux Y..., d'une part, M. Z..., d'autre part, ont remis à ce dernier le montant de leurs souscriptions en des chèques libellés, à sa demande, à l'ordre de la société FC. patrimoine, courtier d'assurance, dont il était le dirigeant ; que M. X..., qui avait falsifié les contrats et détourné à son profit les fonds ainsi remis, a été jugé coupable d'abus de confiance, faux et usage de faux ; que les époux Y... et M. Z... ont assigné la société FC. patrimoine, M. X... et la société Dexia en remboursement des sommes versées et indemnisation ;

Attendu que la société Dexia reproche à l'arrêt attaqué (Bourges, 20 novembre 2008) de la condamner, in solidum avec la société FC patrimoine et son gérant, à payer aux victimes des détournements commis par ce dernier les sommes de 35 000 euros et 20 000 euros, alors, selon le moyen :
1°) que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en se fondant sur les seules déclarations de M. X... pour retenir que ce dernier se faisait passer pour un conseiller financier travaillant au sein de sa société FC. patrimoine et au nom de grands groupes d'épargne dont Dexia, alors que les conditions dans lesquelles s'étaient nouées des relations entre M. X... et ses victimes étaient contestées par la société Dexia, qui soutenait que les parties avaient d'abord entretenu des relations amicales, l'arrêt a violé l'article 1315 du code civil ;

2°) que la société Dexia avait fait injonction aux époux Y... de verser aux débats le bulletin de souscription à l'origine du lien contractuel allégué ; que, statuant sur les conclusions d'incident de la société Dexia à cette fin, une ordonnance du juge de la mise en état du 17 septembre 2008 a pris acte de ce que l'avoué des époux Y... déclarait n'avoir pas d'autres pièces à communiquer ; qu'en décidant néanmoins que les contrats litigieux avaient été établis à entête de la société Dexia, alors qu'elle ne disposait pas du bulletin de souscription concomitant au versement des fonds, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile, ainsi que l'article 1134 du code civil ;

3°) que le mandant ne peut être engagé sur le fondement du mandat apparent que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ce pouvoir ; que la société Dexia faisait valoir que le contrat proposé à M. Z... par M. X... était une sorte de compte à terme qu'elle ne pratiquait pas, garantissant un rendement exorbitant de 27, 60 % l'an, et que de nombreuses mentions du bulletin de souscription avaient été grossièrement raturées ou trafiquées ; qu'en ne recherchant pas si ces circonstances ne devaient pas amener M. Z... à vérifier les limites exactes du prétendu pouvoir de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil ;

4°) que la croyance légitime du tiers, permettant de retenir l'existence d'un mandat apparent, s'apprécie au jour de la souscription du contrat litigieux ; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur des circonstances postérieures à la conclusion du contrat litigieux et au versement des fonds, en retenant que, pour écarter tout soupçon, M. X... n'avait pas hésité à adresser le 3 septembre 2004 et le 14 mai 2005 aux époux Y... et à M. Z..., une lettre au nom de la société Dexia, signée du directeur administratif, les priant de trouver ci-joint les conditions particulières de leurs contrats et les remerciant d'avoir fait confiance à Dexia, a statué par un motif inopérant et privé ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil ;

5°) que constitue une circonstance qui aurait dû amener le tiers à vérifier les pouvoirs du prétendu mandataire, la mention du contrat d'assurance précisant que les versements doivent être effectués directement entre les mains de l'assureur ; qu'en décidant que les consorts Y... et M. Z... n'avaient pas commis de faute en libellant directement leurs chèques à l'ordre de la société FC. patrimoine, au motif qu'ils n'avaient aucune raison de soupçonner M. X..., avec qui ils avaient établi une relation de confiance, de détournements, quand précisément, un tel versement, contraire aux stipulations contractuelles, aurait dû les amener à vérifier les pouvoirs du prétendu mandataire, la cour d'appel a violé l'article 1998 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il résulte du jugement correctionnel définitif et des procès-verbaux de gendarmerie que, courant septembre 2004, les époux Y... ont souscrit deux contrats d'assurance-vie auprès de la société Dexia épargne pension, par l'intermédiaire de M. X... à qui ils ont remis deux chèques, qu'en mai 2005, dans des conditions similaires, M. Z... a souscrit un contrat de capitalisation pour lequel il a remis à M. X... un chèque, que les époux Y... et M. Z... ont pu légitimement croire que M. X... agissait en qualité de mandataire de la société Dexia épargne pension dès lors que les contrats litigieux ont été établis à en-tête de cette société et que, si les époux Y... et M. Z... ont libellé leurs chèques à l'ordre de la société FCP et non pas à l'ordre de la société Dexia épargne pension, ceci ne saurait constituer une faute de leur part, dans la mesure où ils n'avaient aucune raison de soupçonner de détournements M. X..., avec lequel ils avaient établi une relation de confiance ;

Qu'ayant ainsi relevé les circonstances qui autorisaient les souscripteurs à ne pas vérifier les limites exactes du pouvoir de M. X..., la cour d'appel a pu, sans encourir aucun des griefs du moyen, retenir l'existence d'un mandat apparent, justifiant ainsi légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Dexia épargne pension aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Dexia épargne pension à payer aux époux Y... et à M. Z... la somme totale de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Dexia épargne pension ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Dexia épargne pension

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné une société d'assurance (DEXIA EPARGNE PENSION), in solidum avec un courtier d'assurance (FC PATRIMOINE) et son gérant (Monsieur X...) à payer aux victimes des détournements commis par ce dernier (les époux Y... et Monsieur Z...) les sommes de 35. 000 et 20. 000 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il résultait du jugement définitif rendu le 21 / 03 / 2006 par le tribunal correctionnel de Nevers ainsi que des procès-verbaux de gendarmerie versés aux débats, que courant septembre 2004, les époux Y... ont souscrit deux contrats d'assurance-vie auprès de la société DEXIA EPARGNE PENSION, par l'intermédiaire de M. X..., courtier et gérant de la société FC PATRIMOINE à qui ils ont remis deux chèques de 16. 500 € ; qu'en mai 2005, dans des conditions similaires, M. Z... avait souscrit un contrat de capitalisation multisupport pour lequel il avait remis à M. X... un chèque de 18. 500 € ; que ce dernier avait encaissé à son profit les trois chèques et reconnu avoir fabriqué de faux contrats d'assurance en falsifiant des imprimés vierges établis par la société DEXIA EPARGNE PENSION, qui les lui avait remis en sa qualité de courtier agréé ; que les époux Y... et M Z... ayant assigné M X..., la société FC PATRIMOINE, ainsi que la société DEXIA EPARGNE PENSION en réparation de leurs préjudices devant la juridiction civile, le premier juge avait rejeté leurs demandes contre la société DEXIA EPARGNE PENSION au motif que cette dernière était elle-même victime des agissements de Monsieur X..., lequel avait été condamné par le tribunal correctionnel à lui verser la somme de 1. 000 € pour préjudice moral ; mais que les époux Y... et M Z... avaient pu légitimement croire que Monsieur X... agissait en qualité de mandataire de la société DEXIA EPARGNE PENSION, dès lors, d'une part, qu'il ressortait des déclarations faites à la gendarmerie par M Y..., que Monsieur X... se faisait passer comme conseiller financier travaillant « au sein de sa société FC PATRIMOINE et au nom de grands groupes d'épargne dont DEXIA », que d'autre part, les contrats litigieux avaient été établis à entête de la société DEXIA EPARGNE PENSION, et qu'enfin pour écarter tout soupçon et les persuader qu'il agissait bien comme représentant de cette dernière, Monsieur X... n'avait pas hésité à adresser le 3 septembre 2004 et le 14 mai 2005 aux époux Y... et à M Z..., une lettre au nom de la société DEXIA EPARGNE PENSION, signée Julien A..., directeur administratif et financier, les priant de trouver ci-joint les conditions particulières de leurs contrats en les remerciant d'avoir fait confiance à DEXIA, l'enquête ayant démontré qu'en réalité ce document était un faux comme les autres courriers qui leur avaient été adressés par Monsieur X... ; que certes, les époux Y... et M Z... avaient libellé leurs chèques à l'ordre de la société FCP et non pas à l'ordre de la société DEXIA EPARGNE PENSION, mais que ceci ne saurait constituer une faute de leur part, dans la mesure où ils n'avaient aucune raison de soupçonner Monsieur X..., avec lequel ils avaient établi une relation de confiance, de détournements ; qu'il convenait par conséquent de retenir l'existence d'un mandat apparent entre Monsieur X..., gérant de la société FC PATRIMOINE, et la société DEXIA EPARGNE PENSION, et de condamner cette dernière in solidum avec la société FC PATRIMOINE et Monsieur X... à réparer le préjudice subi par les époux Y... et M Z..., lequel serait évalué à la somme de 35. 000 € en ce qui concerne les premiers, et celle de 20. 000 € en ce qui concerne le second (arrêt pages 4 et 5) ;

1°) ALORS QUE nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en se fondant sur les seules déclarations de Monsieur X... pour retenir que ce dernier se faisait passer pour un conseiller financier travaillant au sein de sa société FC PATRIMOINE et au nom de grands groupes d'épargne dont DEXIA, alors que les conditions dans lesquelles s'étaient nouées des relations entre Monsieur X... et ses victimes étaient contestées par la société DEXIA, qui soutenait que les parties avaient d'abord entretenu des relations amicales, l'arrêt a violé l'article 1315 du Code civil ;

2°) ALORS QUE la société DEXIA avait fait injonction aux époux Y... de verser aux débats le bulletin de souscription à l'origine du lien contractuel allégué ; que statuant sur les conclusions d'incident de la société DEXIA à cette fin, une ordonnance du juge de la mise en état du 17 septembre 2008 a pris acte de ce que l'avoué des époux Y... déclarait n'avoir pas d'autres pièces à communiquer ; qu'en décidant néanmoins que les contrats litigieux avaient été établis à entête de la société DEXIA, alors qu'elle ne disposait pas du bulletin de souscription concomitant au versement des fonds, la cour d'appel a violé les articles et 16 du Code de procédure civile, ainsi que l'article 1134 du Code civil ;

3°) ALORS QUE le mandant ne peut être engagé sur le fondement du mandat apparent que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ce pouvoir ; que la société DEXIA faisait valoir que le contrat proposé à Monsieur Z... par Monsieur X... était une sorte de compte à terme qu'elle ne pratiquait pas, garantissant un rendement exorbitant de 27, 60 % l'an, et que de nombreuses mentions du bulletin de souscription avaient été grossièrement raturées ou trafiquées ; qu'en ne recherchant pas si ces circonstances ne devaient pas amener Monsieur Z... à vérifier les limites exactes du prétendu pouvoir de Monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du Code civil ;

4°) ALORS QUE la croyance légitime du tiers, permettant de retenir l'existence d'un mandat apparent, s'apprécie au jour de la souscription du contrat litigieux ; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur des circonstances postérieures à la conclusion du contrat litigieux et au versement des fonds, en retenant que pour écarter tout soupçon, Monsieur X... n'avait pas hésité à adresser le 3 septembre 2004 et le 14 mai 2005 aux époux Y... et à M. Z..., une lettre au nom de la société DEXIA, signée du directeur administratif, les priant de trouver ci-joint les conditions particulières de leurs contrats et les remerciant d'avoir fait confiance à DEXIA, a statué par un motif inopérant et privé ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du Code civil ;

5°) ALORS QUE constitue une circonstance qui aurait dû amener le tiers à vérifier les pouvoirs du prétendu mandataire, la mention du contrat d'assurance précisant que les versements doivent être effectués directement entre les mains de l'assureur ; qu'en décidant que les consorts Y... et Z... n'avaient pas commis de faute en libellant directement leurs chèques à l'ordre de la société FCP, au motif qu'ils n'avaient aucune raison de soupçonner Monsieur X..., avec qui ils avaient établi une relation de confiance, de détournements, quand précisément, un tel versement, contraire aux stipulations contractuelles, aurait dû les amener à vérifier les pouvoirs du prétendu mandataire, la cour d'appel a violé l'article 1998 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-10790
Date de la décision : 08/04/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 20 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 avr. 2010, pourvoi n°09-10790


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.10790
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