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08/04/2010 | FRANCE | N°08-87415

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 avril 2010, 08-87415


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIÉTÉ VINCI CONSTRUCTION FRANCE,
- LA SOCIÉTÉ BOUYGUES CONSTRUCTION,
- LA SOCIÉTÉ GFC CONSTRUCTION,
- LA SOCIÉTÉ QUILLE,

contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de PARIS, en date du 9 septembre 2008, qui ont statué sur la régularité des opérations de visite et de saisie de documents effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des

fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;

Joignant les p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIÉTÉ VINCI CONSTRUCTION FRANCE,
- LA SOCIÉTÉ BOUYGUES CONSTRUCTION,
- LA SOCIÉTÉ GFC CONSTRUCTION,
- LA SOCIÉTÉ QUILLE,

contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de PARIS, en date du 9 septembre 2008, qui ont statué sur la régularité des opérations de visite et de saisie de documents effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour la société Vinci construction France, pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, 6 § 1er, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté la société Vinci Construction France de sa demande tendant à l'annulation des visite et saisie pratiquées dans ses locaux ;

"1) alors qu'en matière de visite domiciliaire, le droit d'accès aux tribunaux garanti par la Convention européenne des droits de l'homme implique que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ; que l'ordonnance, non contradictoire, autorisant l'administration à effectuer des opérations de visite et saisie n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation, de telle sorte que l'autorisation qu'elle contient s'inscrit en méconnaissance des exigences des textes susvisés, faute pour ce recours de permettre un examen des éléments de fait fondant l'autorisation litigieuse ; que doivent donc être annulées les visite et saisie pratiquées en vertu d'une autorisation rendue au terme d'une telle procédure ;

"2) alors qu'en matière de visite domiciliaire, le droit d'accès aux tribunaux garanti par la Convention européenne des droits de l'homme implique que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité des mesures prises sur le fondement de l'ordonnance ayant autorisé les visite et saisie ; que le recours au juge ayant autorisé la visite, pendant le déroulement de celle-ci, pour contester l'exécution des visite et saisie est plus théorique qu'effectif et la décision sur ce recours, n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation qui, en tout état de cause, ne répond pas aux exigences des textes susvisés ; que doivent être, en conséquence, annulées les visite et saisie dont l'exécution n'a pu faire l'objet d'un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Thomas-Raquin et Bénabent pour les sociétés Bouygues construction, GFC construction et Quille, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a refusé d'annuler les opérations de saisie réalisées le 23 octobre 2007 dans les locaux des sociétés Bouygues Construction à Guyancourt, GFC Construction à Caluire et Cuire et Quille à Rouen ;

"aux motifs que, dans son arrêt Ravon et autres c. France, en date du 21 février 2008, la Cour européenne des droits de l'homme indique que, en matière de visite domiciliaire, les personnes concernées (doivent avoir) accès à un tribunal, qui puisse décider d'une contestation sur des droits et obligations de caractère civil et qui ait compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait ou de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi ; que cela implique que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement ; que le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié ; qu'en l'espèce, et contrairement à ce qui existe en procédure fiscale, si l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention ne peut faire l'objet d'un recours en cassation, les opérations de visite et de saisie peuvent être contestées, comme en l'espèce, devant le juge des libertés et de la détention qui dispose d'une pleine compétence pour apprécier de la régularité des opérations, tant en droit qu'en fait ; que, dès lors, la procédure prévue à l'article L. 450-4 du code de commerce ne paraît pas contraire à l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"alors qu'en vertu de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne soumise à une visite domiciliaire doit pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision autorisant la visite ; que le droit français, qui permet uniquement de se pourvoir en cassation contre l'ordonnance autorisant les visites ne consacre pas un tel contrôle en fait et en droit ; que, dès lors, en l'espèce, en refusant d'annuler les visites litigieuses, alors qu'il n'existait pas de recours en fait et en droit contre la décision les ayant autorisées, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 précité" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu aux moyens, satisfait aux exigences conventionnelles invoquées le contrôle qui peut être exercé par le juge, en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 13 novembre 2008, sur la régularité, tant des opérations de visite et de saisie effectuées que de l'ordonnance qui les a autorisées ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour la société Vinci construction France, pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, 66-5 de la loi du 31 décembre 1997, 6 § 1er, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9 du code civil, 2, 6, 7, 26 de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978, 56, 59, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a débouté la société Vinci Construction France de sa demande d'annulation des saisies informatiques ;

"aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce que les saisies sont opérées conformément aux dispositions de l'article 56 du code de procédure pénale ; qu'il résulte de cet article que l'enquêteur prend connaissance des papiers, documents ou données informatiques avant de procéder à leur saisie ; qu'il a l'obligation de provoquer, préalablement, toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ; qu'enfin, tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que l'inventaire dressé indique le motif de la saisie ; que, plus généralement, ni les dispositions du code de commerce ni les dispositions du code de procédure pénale n'imposent à l'administration d'indiquer sur les procès-verbaux de visite et de saisie les raisons qui la conduisent à saisir tel ou tel documents ; qu'il convient simplement de vérifier que l'administration a bien procédé à un examen préalable, même succinct, des documents saisis ; qu'en ce qui concerne les documents autres que les messageries électroniques, il résulte clairement du procès-verbal de saisie établi le 23 octobre 2007, que les enquêteurs ont visité plusieurs bureaux et n'ont procédé à des saisies que dans certains d'entre eux ; qu'il ressort ainsi du procès-verbal, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, non rapportée en l'espèce, que les enquêteurs ont bien respecté les règles impératives découlant de l'article 56 du code de procédure pénale ; qu'en ce qui concerne les messageries électroniques, et sans se prononcer dès à présent sur la légalité d'une saisie générale, il convient de noter que le procès-verbal de saisie mentionne que les enquêteurs n'ont procédé aux saisies de ces messageries qu'après avoir opéré un sondage ; que cet examen, même succinct, suffit à considérer que les enquêteurs ont bien respecté les règles impératives découlant de l'article 56 du code de procédure pénale ; que, s'agissant plus particulièrement de la réalisation de l'inventaire, aucune règle n'impose la description exhaustive des pièces saisies ; qu'en l'espèce, l'inventaire des documents informatiques saisis est suffisamment précis puisqu'il contient le nom du fichier, son extension, le chemin et l'empreinte numérique ; que l'ordonnance, en date du 5 octobre 2007, délivrée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris autorise l'administration à procéder, notamment dans les locaux de la société Vinci Construction France, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1, 1°, 2° et 4°, du code de commerce et 81-1 du Traité de Rome dans le secteur de la construction et de la rénovation des établissements de santé, ainsi que de toute manifestation de cette concertation prohibée ; que, contrairement à ce que soutient la demanderesse, il n'est pas nécessaire que pour entrer dans le champ de l'enquête, les documents saisis fassent directement référence aux agissements recherchés ; que la preuve de ceux-ci peut en effet être établie par le recoupement de plusieurs informations résultant de plusieurs documents saisis éventuellement en divers lieux et découler d'éléments pouvant relever notamment de la stratégie commerciale des entreprises incriminées, de leurs relations avec leurs clients assurant la distribution des produits visés par le champ de l'ordonnance, de la mise en place de normes de nature à faciliter la répartition du marché ou de la structure ou de l'évolution des produits ; qu'à ce titre, il est tout à fait loisible à l'administration de procéder à la saisie de pièces dès lors qu'elles concernent des pratiques concertées susceptibles de limiter la concurrence par un jeu de compensations réciproques entre les mêmes sociétés et à la même époque sur différents marchés individualisés, faisant ainsi ressortir le lien entre les marchés publics visés par l'ordonnance et les autres marchés publics en cause et manifestant ainsi la concertation prohibée visée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention susvisée ; qu'enfin, comme le soutient l'administration, cette dernière est fondée, dès lors qu'une partie du document saisi contient des informations entrant dans le champ de l'autorisation, à appréhender la totalité de celui-ci lorsqu'il constitue un tout indissociable afin de préserver l'authenticité du document saisi ; qu'à la lumière de ces principes, il n'apparaît pas que, concernant les documents autres que les messageries électroniques, les documents saisis par l'administration l'aient été en dehors du champ de compétence ouvert par l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention ; que le fait que l'administration propose de restituer amiablement certains de ces documents ne signifie pas qu'ils ont été saisis illégalement mais qu'ils ne sont, en définitive, pas utiles à cette dernière ; que, s'agissant plus particulièrement des messageries électroniques, la nature de celles-ci permet une saisie globale ; qu'en effet, il ressort des explications techniques de l'administration que les boites de messagerie présentent un caractère insécable et que seule la saisie du fichier en son entier donne garantie de l'origine des données, notamment pour ne pas modifier le numéro d'identification par une entrée ; qu'elles doivent donc être considérées chacune comme un tout indissociable dont la saisie globale est possible dès lors qu'elles contiennent, même de manière très parcellaire, des éléments intéressant l'enquête en cours ; que, plus généralement, en matière informatique, le code de procédure pénale permet de telle saisie globale puisque l'article 56 du code de procédure pénale dispose qu'il peut être procédé à la saisie des données informatiques nécessaires à la manifestation de la vérité en plaçant sous main de justice le support physique de ces données, notamment le disque dur de l'ordinateur ; qu'il ressort du procès-verbal de saisie et des explications données par l'administration que chacune des boites électroniques saisies contenaient bien des messages pouvant intéresser l'enquête en cours ; que c'est donc à bon droit que l'administration a procédé aux saisies contestées ; que le fait que ces boites de messagerie aient éventuellement contenu des messages personnels est sans incidence sur la régularité desdites saisies ; que l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention permet bien évidemment de consulter et de saisir l'ensemble des éléments contenus dans les locaux professionnels ; qu'il suffit que les documents saisis intéressent l'enquête en cours, sans que la nature privée ou professionnelle dudit document entre en ligne de compte pour apprécier la régularité de l'opération ; qu'il en va de même d'une correspondance émanant d'un avocat, le respect du secret professionnel n'interdisant pas la saisie des pièces et documents couverts par celui-ci mais imposant simplement à l'agent qui procède à la visite de veiller à ce que ce secret soit respecté vis-à-vis des personnes éventuellement présentes lors des opérations ; qu'il ne résulte aucunement de l'article 56 du code de procédure pénale que les représentants de la société présents lors des opérations doivent prendre connaissance des documents informatiques préalablement à leur saisie ; qu'une telle prise de connaissance préalable n'est prévue que par l'article 56-1 du code de procédure pénale relatif aux perquisitions dans un cabinet d'avocat ; que, de même, l'article 57 du code de procédure pénale n'impose pas que les éventuelles réserves des personnes présentes soient transcrites sur le procès-verbal de perquisitions et de saisie ;

"1) alors que l'appréhension de l'intégralité de la messagerie électronique d'un ordinateur confère à la saisie un caractère massif et indifférencié prohibé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en retenant que la nature d'une messagerie électronique permettrait une « saisie globale » de la totalité des messages qui y sont contenus, soit en l'espèce, plusieurs centaines de milliers de documents informatiques, sous prétexte qu'il ne serait techniquement pas possible de ne saisir que les documents en rapport avec l'enquête en cours, le juge des libertés et de la détention a méconnu le principe de proportionnalité des conditions d'exécution de la visite par rapport au but de l'opération découlant de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"2) alors que la société Vinci Construction France prétendait, dans sa requête, qu'outre les messageries électroniques de ses dirigeants, l'administration avait saisi l'intégralité des fichiers word, pdf, excel, powerpoint contenus dans les disques durs des ordinateurs de ses dirigeants ; qu'en se bornant à retenir qu'en raison de leur caractère insécable les boites de messageries électroniques pouvaient faire l'objet d'une saisie globale par l'administration, sans rechercher si la saisie portant sur l'ensemble des fichiers word, pdf, excel, powerpoint présents dans les disques durs des ordinateurs des principaux dirigeants de la société visitée ne constituait pas une saisie massive et indifférenciée prohibée, le juge des libertés et de la détention n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3) alors que doit être censuré, pour contradiction de motifs, l'arrêt qui fonde sa décision sur une constatation qu'il déclare puiser dans un élément du dossier et qui est contredite par les termes de ce document ; que l'administration avait elle-même reconnu, dans ses écritures, avoir illégalement saisi « en dehors du champ de l'ordonnance » un certain nombre de documents qu'elle se proposait de restituer ; qu'en retenant que la proposition par l'administration de restituer ces documents ne signifiait pas que ceux-ci avaient été illégalement saisis, le juge des libertés et de la détention s'est contredit ;

"4) alors qu'il résulte de la combinaison des articles L. 450-4 du code de commerce et 56 du code de procédure pénale que les saisies pratiquées en vertu d'une ordonnance d'autorisation de visite et de saisie doivent être opérées dans le respect du secret professionnel, les officiers de police judiciaire désignés par le juge ayant autorisé les visite et de saisie étant chargés de veiller au respect du secret professionnel ; qu'une saisie de documents couverts par le secret professionnel de l'avocat ne peut être autorisée qu'à la condition que les documents saisis soient de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à la pratique prohibée présumée de son client ; qu'en se bornant à retenir que le respect du secret professionnel n'interdisait pas la saisie des pièces et documents couverts par celui-ci, sans constater qu'une telle participation de l'avocat à une pratique prohibée avait été alléguée, le juge des libertés et de la détention a méconnu le principe de confidentialité des échanges entre un avocat et son client ;

"5) alors que le respect des correspondances est protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, quel que soit le support choisi pour les émettre ; qu'en retenant que le fait que les boîtes de messagerie aient contenu des messages personnels était sans incidence sur la régularité de la saisie de ces boîtes, le juge des libertés et de la détention a méconnu le principe du respect de la vie privée des dirigeants de la société Vinci Construction France et les textes susvisés ;

"6) alors que les procès-verbaux dressés en application de l'article L. 450-4 du code de commerce doivent comporter un inventaire des documents saisis réalisé conformément aux dispositions de l'article 56 du code de procédure pénale afin de permettre aux personnes visitées de connaître avec précision les pièces saisies pouvant être retenues à charge contre elles par l'administration et d'exercer utilement leurs droits de la défense et de mettre le juge à même de contrôler l'adéquation des documents saisis au champ de l'autorisation ; que ne répond pas à cette exigence un inventaire de données informatiques qui cite les fichiers saisis sans énumérer ou, à tout le moins, dénombrer tous les documents contenus dans ces fichiers ; qu'en retenant qu'aucune règle n'imposait la description exhaustive des pièces saisies et qu'était suffisamment précis l'inventaire de documents informatiques comprenant uniquement le nom du fichier, son extension, le chemin et l'empreinte numérique, le juge des liberté et de la détention a méconnu les textes susvisés, ensemble les droits de la défense" ;

Sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Thomas-Raquin et Bénabent pour les sociétés Bouygues construction, GFC construction et Quille, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a refusé d'annuler les opérations de saisie réalisées le 23 octobre 2007 dans les locaux de la société Bouygues Construction à Guyancourt, où l'administration a procédé à la saisie indifférenciée de disques durs d'ordinateurs ;

"aux motifs que, s'agissant des messageries électroniques, la nature de celle-ci permet une saisie globale ; qu'en effet, il ressort des explications techniques de l'administration que les boites de messagerie présentent un caractère insécable et que seule la saisie du fichier en son entier donne garantie de l'origine des données, notamment pour ne pas modifier le numéro d'identification par une entrée ; qu'elles doivent donc être considérées chacune comme un tout indissociable dont la saisie globale est possible dès lors qu'elles contiennent, même de manière très parcellaire, des éléments intéressant l'enquête en cours ; que, plus généralement, en matière informatique, le code de procédure pénale permet de telles saisies globales puisque l'article 56 du code de procédure pénale dispose qu'il peut être procédé à la saisie des données informatiques nécessaires à la manifestation de la vérité en plaçant sous main de justice le support physique de ces données, notamment le disque dur de l'ordinateur ; qu'il ressort du procès-verbal de saisie et des explications données par l'administration que chacune des boîtes électroniques saisies contenait bien des messages pouvant intéresser l'enquête en cours ; que c'est donc à bon droit que l'administration a procédé aux saisies contestées ; que le fait que ces boîtes de messagerie aient éventuellement contenu des messages personnels est sans incidence sur la régularité desdites saisies ; que l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention permet bien évidemment de consulter et de saisir l'ensemble des éléments contenus dans les locaux professionnels ; qu'il suffit que les documents saisis intéressent l'enquête en cours, sans que la nature privée ou professionnelle du document influe sur la régularité de l'opération ;

"alors qu'en vertu de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que toute ingérence d'une autorité publique dans ce droit doit être prévue par la loi et proportionnée au but poursuivi ; que tel n'est pas le cas de la saisie indifférenciée du disque dur d'ordinateur, contenant des emails relatifs à la vie privée, alors qu'il est possible d'en faire une sélection, puisque les enquêteurs de la Commission européenne le font ; qu'en décidant que la saisie du disque dur de plusieurs ordinateurs était régulière, le juge des libertés et de la détention a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour dire régulières les saisies réalisées dans les locaux des sociétés demanderesses, les ordonnances, après avoir constaté la restitution des documents appréhendés en dehors du champ de l'enquête, prononcent par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, le juge a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Que, d'une part, il relève que les fichiers informatiques ont été identifiés puis inventoriés et que les boîtes de messagerie électronique, qui n'étaient pas divisibles, étaient susceptibles de contenir des éléments intéressant l'enquête ;

Que, d'autre part, la société Vinci construction France n'invoque, parmi les documents saisis qui émanent de ses avocats ou leur ont été adressés, aucune correspondance liée à l'exercice des droits de la défense ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés, celui proposé pour la société Vinci construction France, pris en sa quatrième branche, étant inopérant ;

Sur le moyen additionnel de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour la société Vinci construction France, pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, 6 § 1er, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'ordonnance attaqué a débouté la société Vinci construction de France de sa demande tendant à l'annulation des visite et saisie pratiquées dans ses locaux ;

"alors que ne sont régulières les visites et saisies pratiquées dans les locaux d'une entreprise qu'à la condition que cette entreprise soit suspectée de s'être livrée à des pratiques dont la preuve est recherchée sur la base d'indices permettant de le présumer ; que n'est pas constitutif d'un tel indice le lien de capital unissant deux sociétés en l'absence de tout autre élément ; que le juge des libertés et de la détention ne pouvait donc juger régulières les visites et saisies pratiquées dans les locaux de la société Vinci construction France, visités à raison du seul lien de capital unissant cette dernière et des entreprises suspectées de s'être livrées à des pratiques prohibées en vertu des dispositions du livre IV du code de commerce, sans violer les textes susvisés" ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant le juge du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Et attendu que les ordonnances sont régulières en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-87415
Date de la décision : 08/04/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 09 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 avr. 2010, pourvoi n°08-87415


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Bénabent, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.87415
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