La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2010 | FRANCE | N°09-13972

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 avril 2010, 09-13972


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 février 2009), que M. X... et son épouse Mme Y... (M. et Mme X...), qui étaient titulaires de comptes ouverts dans les livres de la société Crédit du Nord (la banque) et souhaitaient investir les sommes provenant de la vente de leur résidence secondaire, ont, le 24 avril 2001, souscrit divers contrats à cette fin ; qu'ils ont ainsi, chacun de leur côté, souscrit un contrat d'assurance-vie sur lequel ils ont investi des sommes répart

ies entre différents supports ; que M. X... a également ouvert un plan d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 février 2009), que M. X... et son épouse Mme Y... (M. et Mme X...), qui étaient titulaires de comptes ouverts dans les livres de la société Crédit du Nord (la banque) et souhaitaient investir les sommes provenant de la vente de leur résidence secondaire, ont, le 24 avril 2001, souscrit divers contrats à cette fin ; qu'ils ont ainsi, chacun de leur côté, souscrit un contrat d'assurance-vie sur lequel ils ont investi des sommes réparties entre différents supports ; que M. X... a également ouvert un plan d'épargne en actions et souscrit des parts de Sicav ; qu'en 2000, la banque avait consenti à M. X... un crédit renouvelable ; que la situation financière de M. et Mme X... s'étant dégradée, la banque leur a consenti une ouverture de crédit à échéance du 30 juin 2004 ; que M. et Mme X... n'ayant pas satisfait à leurs obligations, la banque a dénoncé le crédit renouvelable et la convention de compte courant puis sollicité le paiement des sommes dues à ce double titre ; que M. et Mme X..., soutenant que la banque avait manqué à son devoir de prudence, d'information et de conseil, ont demandé que celle-ci soit condamnée à leur payer des dommages-intérêts ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande alors, selon le moyen :

1°/ que le prestataire de services d'investissement doit mettre en garde son client non averti des risques encourus dans les opérations spéculatives qu'il lui propose ; que seul le client disposant de compétences et de connaissances effectives quant au fonctionnement du marché sur lequel les placements sont envisagés peut être considéré comme un client averti dont la présence dispense le prestataire de services de ses obligations de mise en garde et de conseil ; qu'en relevant, pour dire que M. et Mme X... étaient des clients avertis, que M. X... de par sa profession de dirigeant de société disposait de la compétence nécessaire à la bonne compréhension des mécanismes bancaires et qu'il connaissait les aléas du marché boursier, tout en constatant qu'il ne pouvait être considéré comme un spécialiste des placements financiers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'en déduisant la compétence et les connaissances de M. X... quant au fonctionnement des marchés boursiers de sa qualité de dirigeant de plusieurs sociétés, sans rechercher si, compte tenu notamment de son expérience passée, M. X... avait une connaissance précise des risques particuliers présentés par les placements qui lui avaient été proposés par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'en se déterminant au regard des seules compétences de M. X..., sans s'expliquer sur celles de son épouse, cependant qu'elle constatait qu'un certain nombre de placements avaient été faits au seul nom de celle-ci, ce qui en faisait une cliente de la banque à part entière, créancière d'une obligation d'information et de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

4°/ que le banquier doit procéder à l'évaluation de la compétence de son client s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations et lui fournir une information adaptée en fonction de cette évaluation ; qu'en se déterminant par des considérations dont il ne résulte ni que le banquier avait, lors de l'ouverture des comptes, procédé à l'évaluation de la compétence de M. et Mme X... s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus, ni qu'elle leur avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier ;

5°/ que la présence au côté du client d'un tiers averti ne dispense pas la banque de ses obligations d'information et de conseil ; qu'en se fondant également, sur la présence aux côtés de M. et Mme Lagant de l'expert-comptable des sociétés dirigées par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

6°/ qu'en affirmant que l'expert-comptable des sociétés dirigées par M. X... devait être considéré comme celui qui les avait conseillés quant à la souscription des placements, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait tandis que M. et Mme X... avaient vivement contesté que M. Z... ait exercé d'autres fonctions que celles d'expert-comptable des sociétés que M. X... dirigeait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ qu'en ne s'expliquant pas sur les compétences et les connaissances que M. Z..., expert-comptable, pouvait avoir des mécanismes des marchés financiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

8°/ que le prestataire de services d'investissement, tenu d'une obligation de mise en garde, doit non seulement informer son client des rendement positifs ou négatifs des supports qu'il lui propose mais est également tenu d'attirer spécialement son attention sur les risques encourus par tels supports ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la responsabilité de la banque, que la note remise à M. et Mme X... faisait état des rendements prévisibles des différents supports et qu'à ce titre, figuraient les rendements négatifs de certains d'entre eux, sans constater que le banquier avait, en plus de ces informations, attiré l'attention de M. et Mme X... sur les risques encourus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

9°/ qu'au titre de son obligation de conseil, le banquier est tenu de proposer à son client un placement adapté à sa situation personnelle ; que M. et Mme X... soutenaient que les placements conseillés et mis en place par la banque n'était pas adaptés à leur situation dès lors que les risques encourus étaient trop élevés pour leur assurer les revenus nécessaires au remboursement de leur emprunt cependant qu'ils avaient spécialement informé la banque de l'obligation dans laquelle ils se trouvaient de faire face aux échéances mensuelles de ce prêt ; qu'en ne recherchant pas si les placements proposés et mis en place par la banque étaient adaptés à cette contrainte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

10°/ que les obligations d'information, de mise en garde et de conseil du banquier s'étendent à chaque nouvelle opération spéculative proposée à son client ; qu'en refusant de rechercher si la banque avait manqué à ces obligations au titre du support Etoile-multi-gestion en considérant que ce support avait été mis en place en novembre 2000 tandis que cette circonstance ne pouvait dispenser la banque de procéder à l'évaluation de la compétence et de connaissances de ses clients quant aux risques encourus du fait de ce support particulier et, compte tenu de cette évaluation, de leur fournir une information adéquate, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier ;

Mais attendu que M. et Mme X... s'étaient bornés à soutenir devant les juges du fond que la banque avait eu un comportement fautif engageant sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil ; que dès lors, le moyen pris, sur le fondement des articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier, de la méconnaissance des règles relatives à la responsabilité civile contractuelle est nouveau ; que, mélangé de fait et de droit, il est donc irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros à la société Crédit du Nord ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté les époux X... de toutes leurs demandes dirigées contre le Crédit du Nord ;

AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que M. X... exerce les fonctions de directeur général d'une société spécialisée dans le commerce de gros matériel de construction ; qu'il est également gérant de deux sociétés civiles immobilières et de la société européenne de roche corse ; que, s'il ne saurait être regardé comme étant un spécialiste des placements, il dispose des compétences nécessaires à la bonne compréhension des mécanismes boursiers et bancaires et qu'il connait notamment l'existence de l'aléa boursier ; qu'à l'occasion de la conclusion des contrats dont il s'agit, M. X... était assisté de M. Z..., expert-comptable, qui avait pour mission, non seulement de tenir les comptes des sociétés dirigées par M. X..., mais également d'apporter son conseil aux époux X... à l'occasion des opérations financières et placements envisagés, sa présence ne pouvant s'expliquer autrement ; qu'il suit de là que M. Z..., même s'il n'était pas présent à l'instant de la signature des actes, doit être regardé comme étant celui qui, informé de l'état du patrimoine des époux X... qui venaient notamment de vendre leur résidence secondaire, leur a donné tous les conseils utiles quant à la souscription des divers placements ; que la note manuscrite établie par un préposé du Crédit du Nord et intitulée « projet investissement 2.500.000 francs », fait état des rendements prévisibles des différents supports et qu'à ce titre, sont indiqués expressément, au titre de l'année 2000, des rendements négatifs qui auraient dû attirer l'attention des clients et de leur conseil ; qu'en outre, il ne saurait être fait grief à l'employé de la banque de n'avoir pas renseigné les époux X... et leur conseil sur le rendement du support Etoile-multi-gestion dès lors que ce support n'a été mis en place qu'au moins de novembre 2000 ; que de plus, la répartition et le montant des placements faits entre M. X... et son épouse démontre qu'ils ont mûrement réfléchi la dimension spéculative de leurs placements de sorte que, compte tenu de tout ce qui précède, les susnommés, clients avertis, ne sont pas fondés à reprocher à la banque les fautes qu'ils lui reprochent ;

ALORS, 1°), QUE le prestataire de services d'investissements doit mettre en garde son client non averti des risques encourus dans les opérations spéculatives qu'il lui propose : que seul le client disposant de compétences et de connaissances effectives quant au fonctionnement du marché sur lequel les placements sont envisagés peut être considéré comme un client averti dont la présence dispense le prestataire de services de ses obligations de mise en garde et de conseil ; qu'en relevant, pour dire que les époux X... étaient des clients avertis, que M. X... de par sa profession de dirigeant de société disposait de la compétence nécessaire à la bonne compréhension des mécanismes bancaire et qu'il connaissait les aléas du marché boursier, tout en constatant qu'il ne pouvait être considéré comme un spécialiste des placements financiers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;

ALORS, 2°), QU'en déduisant la compétence et les connaissances de M. X... quant au fonctionnement des marchés boursiers de sa qualité de dirigeant de plusieurs sociétés, sans rechercher si, compte tenu notamment de son expérience passée, M. X... avait une connaissance précise des risques particuliers présentés par les placements qui lui avaient été proposés par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS, 3°), QU'en se déterminant au regard des seules compétences de M. X..., sans s'expliquer sur celles de son épouse, cependant qu'elle constatait qu'un certain nombre de placements avaient été faits au seul nom de celle-ci, ce qui en faisait une cliente de la banque à part entière, créancière d'une obligation d'information et de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS, 4°), QU'en tout état de cause, le banquier doit procéder à l'évaluation de la compétence de son client s'agissant de la maitrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations et lui fournir une information adaptée en fonction de cette évaluation ; qu'en se déterminant pas dont considérations dont il ne résulte ni que le banquier avait, lors de l'ouverture des comptes, procédé à l'évaluation de la compétence des époux X... s'agissant de la maitrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus, ni qu'elle leur avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier ;

ALORS, 5°), QUE la présence au côté du client d'un tiers averti ne dispense pas la banque de ses obligations d'information et de conseil ; qu'en se fondant également, sur la présence aux côtés des époux Lagant de l'expert-comptable des sociétés dirigées par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

ALORS, 6°), QU'en affirmant que l'expert-comptable des sociétés dirigées par M. X... devait être considéré comme celui qui les avait conseillé quant à la souscription des placements, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait tandis que les époux X... avaient vivement contesté que M. Z... ait exercé d'autres fonctions que celles d'expert-comptable des sociétés que M. X... dirigeait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 7°), QU'en tout état de cause, en ne s'expliquant pas sur les compétences et les connaissances que M. Z..., expert-comptable, pouvait avoir des mécanismes des marchés financiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS, 8°) et subsidiairement, QUE le prestataire de services d'investissements, tenu d'une obligation de mise en garde, doit non seulement informer son client des rendements positifs ou négatifs des supports qu'il lui propose mais est également tenu d'attirer spécialement son attention sur les risques encourus par tels supports ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la responsabilité de la banque, que la note remise aux époux X... faisait état des rendements prévisibles des différents supports proposés et qu'à ce titre, figuraient les rendements négatifs de certains d'entre eux, sans constater que le banquier avait, en plus de ces informations, attiré l'attention des époux X... sur les risques encourus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS, 9°), QU'au titre de son obligation de conseil, le banquier est tenu de proposer à son client un placement adapté à sa situation personnelle ; que les époux X... soutenaient que les placements conseillés et mis en place par la banque n'étaient pas adaptés à leur situation dès lors que les risques encourus étaient trop élevés pour leur assurer les revenus nécessaires au remboursement de leur emprunt cependant qu'ils avaient spécialement informé la banque de l'obligation dans laquelle ils se trouvaient de faire face aux échéances mensuelles de ce prêt ; qu'en ne recherchant pas si les placements proposés et mis en place par la banque étaient adaptés à cette contrainte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS, 10°), QUE les obligations d'information, de mise en garde et de conseil du banquier s'étendent à chaque nouvelle opération spéculative proposée à son client ; qu'en refusant de rechercher si la banque avaient manqué à ces obligations au titre du support Etoile-multi-gestion en considérant que ce support avait été mis en place en novembre 2000 tandis que cette circonstance ne pouvait dispenser la banque de procéder à l'évaluation de la compétence et les connaissances de ses clients quant aux risques encourus du fait de ce support particulier et, compte tenu de cette évaluation, de leur fournir une information adéquate, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 533-4 du code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-13972
Date de la décision : 07/04/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 05 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 avr. 2010, pourvoi n°09-13972


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13972
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award