LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Jean-Denys,
- X... luc,
- Y... Michèle, épouse X..., civilement responsables,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 3-6, en date du 14 mai 2009, qui, pour agression sexuelles aggravées, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 312-6 du code de l'organisation judiciaire, 23 de l'ordonnance du 2 février 1945, 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel était composée de Mme A..., conseiller faisant fonction de président en remplacement de Mme Z..., Mme B..., conseiller, et Mme G...
H... en remplacement de Mme A..., conseiller amené à présider l'audience ;
" alors que l'appel des décisions du tribunal pour enfants est jugé par la cour d'appel lors d'une audience spéciale par une formation comprenant le conseiller délégué à la protection de l'enfance ; qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que l'affaire a été jugée par un conseiller délégué à la protection de l'enfance ; que dès lors, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer que la cour d'appel était régulièrement composée " ;
Attendu qu'il résulte des pièces régulièrement communiquées à la Cour de cassation que Mmes I...-A...et B...ont bien la qualité de conseiller délégué à la protection de l'enfance ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22 et 222-29 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Denys X... coupable d'atteintes sexuelles commises, du 23 mai 1998 au 31 décembre 2000, avec violence, contrainte, menace ou surprise, sur Marie-Laure X..., en procédant sur elle à des attouchements de nature sexuelle avec cette circonstance que les faits ont été commis sur une mineure de moins de quinze ans, l'a condamné à une peine d'emprisonnement de dix mois avec sursis ;
" aux motifs que les dénégations de Jean-Denys X... n'emportent pas la conviction et c'est par des motifs pertinents et circonstanciés qu'il convient d'adopter que les premiers juges l'ont retenu dans les liens de la prévention, sauf à préciser que la prévention doit être comprise entre le 23 mai 1998 et le 31 décembre 2000 ; qu'il convient en effet de relever au vu des indications données par la victime elle-même pendant la procédure et au cours de l'audience devant la cour, que les faits délictueux ne se sont pas prolongés au-delà du 31 décembre 2000 ; que, pour sa part, la cour met en exergue la constance et la cohérence des déclarations de la partie civile ; que tout au long de la procédure et jusque devant la cour, Marie-Laure X... a réitéré ses accusations de manière cohérente et nuancée, soulignant dans la plus grande logique et sans jamais varier la progressivité et l'escalade dans la dynamique des agressions ; qu'elle n'a parallèlement pas éludé ses propres difficultés, reconnaissant avec sincérité avoir mené une vie précaire et marginale non exempte de critiques ; que parallèlement, les explications du prévenu, qui, au fil de la procédure, s'avéraient perdre progressivement le souvenir même de certaines accusations, sont restées floues, parfois mêmes confuses ; que les éléments que la partie civile a fournis concernant tant l'organisation de la vie familiale quotidienne, que l'agencement des différents lieux où se sont déroulés les faits se sont révélés exacts et compatibles avec le déroulement des faits tels qu'elle les a énoncés ; que, s'il est exact qu'elle n'a pas mentionné la présence d'eczéma sur le corps de son frère, aucune conséquence ne peut être tirée de cette omission qui s'explique aisément par la banalité que présentait, pour elle, cette affection dont son frère était atteint depuis l'enfance ; que ses dires sont confortés par les conclusions de l'expertise psychologique qui la décrit comme attentive, concentrée, et dépourvue de toute tendance à l'affabulation ou à la mythomanie ; que les circonstances de la révélation des faits dénoncés venant encore corroborer la crédibilité de la victime ; que la dénonciation faite aux services de police est intervenue le 5 février 2004 ce qui exclut toute manoeuvre de vengeance liée à la remise de la cassette litigieuse à ses parents par son frère, celle-ci étant intervenue au plus tard au début de l'année 2002 et sans que la jeune fille en ait été de plus informée ; que les éléments du dossier démontrent en revanche, que la plainte n'est intervenue qu'au terme d'un long parcours au cours duquel la victime a tenté, à de nombreuses reprises d'attirer l'attention sur les agissements fraternels, ce que les parents et le prévenu n'ont jamais contesté ; qu'ainsi Jean-Denys X... a expliqué, dès sa première audition devant les services de police, que sa soeur le menaçait fréquemment de déposer plainte pour viol et qu'elle avait évoqué à plusieurs reprises, avoir subi, de sa part, des agressions sexuelles devant toute la famille y compris son grand-père ; que M. et Mme X... ont confirmé leur connaissance des accusations de Marie-Laure et la mère a elle-même remis au cours de l'enquête une lettre que Marie-Laure lui avait écrite avant de déposer plainte et qui énonce, en des termes similaires, l'ensemble des accusations ultérieurement reprises à l'encontre de son frère ; qu'en outre, il ressort du courrier adressé au parquet le 3 février 2004 par le proviseur du lycée le Rebours que les parents lui avaient fait part des accusations d'attouchements, en précisant que ceux-ci seraient intervenus il y a plusieurs années ; que bien plus, l'existence d'une autre lettre bien antérieure et retrouvée lors d'un rangement de la chambre du prévenu par sa mère n'a jamais été contestée ; qu'alors que celui-ci, devant la cour, affirme désormais, curieusement, ne plus se souvenir du contenu de ce courrier en dépit de son importance, ni de la manière dont il s'était retrouvé dans ses affaires, il avait reconnu au cours de l'enquête avoir bien reçu ce mot de sa soeur, " il y a longtemps un jour de Noël, " dont il lui « semblait » qu'il pouvait correspondre à ce qu'elle en disait, soit des accusations sur sa conduite non conforme à celle d'un frère, et l'avoir conservée sans pouvoir en donner la raison ; que Mme X... devait évoquer les termes de « sale niqueur » devant les premiers juges ; qu'au delà de sa famille, la victime s'est également confiée, de manière certaine, à trois autres personnes ; que les propos tenus à son amie Leïla au cours de sa scolarité à Compiègne en 2002 / 2003, n'ont pas été contestés et alors que le prévenu a affirmé que les motivations de sa soeur étaient d'obtenir un éloignement de sa famille, la cour constate qu'à cette époque, elle ne vivait plus au domicile parental, étant interne ; que Cécilia C..., qui était pourtant la petite amie du prévenu et n'avait pas toujours eu de bonnes relations avec la partie civile, a confirmé avoir été informée des faits par Marie-Laure, soulignant en cette occasion la violence des réactions du prévenu ; qu'enfin, l'ex petit ami de la partie civile, Grégory D..., a lui aussi reçu ses confidences dès les premiers temps de leur relation, sachant qu'il avait fait sa connaissance un an et demi avant le dépôt de plainte ; qu'il a souligné dans son audition du 16 février 2004 qu'il avait dû insister car Marie-Laure avait du mal à en parler et était très mal ; que l'attestation rédigée par ce témoin le 9 décembre 2008 et transmise à la cour est sans effet sur la cause ; qu'elle ne revient en aucune façon sur le contenu des déclarations antérieures mais constitue uniquement, près de cinq années après, une appréciation subjective de leur véracité, alors que le couple a rompu et que le jeune Grégory nourrit visiblement une animosité envers son ancienne amie, qui selon lui, l'a « trop fait souffrir » ; que les deux autres attestations transmises n'apportent rien de plus à la compréhension du dossier ; que l'une émane d'un camarade de la victime, Guillaume E... qui n'a reçu aucune confidence, et l'autre d'un ami du prévenu, Henri F... qui déclare apprécier sa personnalité équilibrée et avoir constaté qu'il était très respectueux avec ses propres soeurs ; que les conséquences de la plainte sont également mis en exergue ; qu'il est acquis que les révélations de la victime n'ont entraîné, pour celle-ci, aucun avantage, mais ont abouti tout au contraire à son éviction progressive de la cellule familiale, avec de lourdes conséquences et dans les plus mauvaises conditions : qu'elle s'est heurtée au silence de ses parents et à leur refus d'intervenir ; que ses fugues et le processus de marginalisation qu'elle a engagés à partir de 2001, largement orientés autour de comportements sexuels perturbés, révélateurs de son profond malaise et du traumatisme subi, ainsi que l'expert l'a souligné, n'ont fait qu'accentuer l'exaspération parentale, aboutissant au rejet, voire à des violences de la part de son père ; qu'en dépit de cette attitude, elle a constamment persisté dans ses accusations ; que le dépôt de plainte auquel elle a fini par se résoudre a entraîné son départ définitif de sa famille pour une longue période d'errance et de grande précarité ; que le courrier qu'elle a adressé au juge d'instruction le 19 février 2007 reflète parfaitement à cet égard son état d'esprit lorsqu'elle écrit notamment, alors qu'elle avait entamé des démarches de réconciliation avec sa famille « … concernant l'affaire avec Jean-Denys X..., je ne sais vraiment plus quoi faire, je suis perdue, deux choix s'offrent à moi : soit je vais jusqu'au bout et je risque de perdre à nouveau ma famille … soit je baisse les bras et j'abandonne et je m'en voudrai toute ma vie … dans les deux choix qui s'offrent à moi, je souffrirai » ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments, que les faits visés à la prévention sont établis, les arguments des appelants et les pièces versées aux débats n'étant pas déterminants ; que les agressions sexuelles sont caractérisées en tous leurs éléments ; qu'elles ont consisté pour le prévenu à se faire masturber par la victime jusqu'à éjaculation, et à se faire lécher le sexe par elle, à lui caresser les seins, à procéder à des attouchements sur son sexe à même la peau, en utilisant ses doigts, des stylos feutre, ou son sexe, et à lui lécher le sexe ; qu'elles ont été commises par surprise sur une très jeune fille encore ignorante de la sexualité, qui n'avait pas au départ pris la mesure des agissements du prévenu, en ayant recours à la menace de dénoncer ses incartades à leurs parents, si elle n'accédait pas à ses demandes, avec la circonstance qu'elle était mineure de quinze ans comme étant née le 28 novembre 1986 ; que la décision attaquée sera donc infirmée en ce qu'elle a déclaré le prévenu coupable des faits visés par la prévention entre le 1er juillet 1997 et le 22 mai 1998 et sera confirmée sur le surplus de la culpabilité, sauf à préciser que la prévention doit être comprise entre le 23 mai 1998 et le 31 décembre 2000 ;
" alors que, pour entrer en voie de condamnation du chef d'agression sexuelle, les juges doivent caractériser en quoi l'atteinte sexuelle reprochée a été commise, par le prévenu, avec violence, contrainte, menace ou surprise concomitamment à l'acte de nature sexuelle ; que les éléments de violence, contrainte, menace ou surprise doivent être relevés dans le comportement du prévenu et non dans les sentiments susceptibles d'avoir été éprouvés par la partie civile ; que les motifs retenus par la cour d'appel énonçant que la partie civile était cohérente, que les conclusions de l'expertise psychologique la décrivaient comme dépourvue de tendance à l'affabulation, qu'elle était crédible, qu'elle s'était confiée à plusieurs personnes, que la jeune fille était ignorante de la sexualité, ou encore qu'elle était mineure, ne caractérisent pas, dans le comportement du prévenu, les éléments de violence, contrainte, menace ou surprise ; que dès lors la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié l'allocation au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Corneloup conseiller rapporteur, Mme Ponroy conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;