LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'Alice X..., veuve Y..., est décédée le 29 mai 1990 laissant pour lui succéder ses quatre enfants, Pierre, Béatrice, Isabelle et Roland ; qu'aux termes d'un testament en date du 21 octobre 1953, Jeanne Z..., veuve X..., sa mère, avait légué à ses deux petites-filles, Mmes Isabelle A... et Béatrice B..., en indivision, chacune pour moitié, des biens immobiliers sis à Strasbourg Neudorf, rue du Grand Couronne, en réservant l'usufruit gratuit et viager de ces biens à sa fille Alice X...-Y... ; que M. Pierre Y... considérant que ses soeurs Isabelle et Béatrice auraient bénéficié d'une donation indirecte dans le cadre du règlement de succession de leur grand-mère maternelle Jeanne X...-Z..., du fait de la renonciation d'Alice Y... à exercer ses droits réservataires dans la succession de sa mère et s'opposant au partage, un procès-verbal de difficultés a été dressé par le notaire ; que, contestant l'existence de la donation indirecte, Mme Isabelle Y..., épouse A..., a saisi le tribunal de grande instance ;
Attendu que M. Pierre Y... fait grief à l'arrêt (Colmar, 11 septembre 2008) d'avoir décidé que Mmes Isabelle A... et Béatrice B... n'avaient pas bénéficié d'une donation indirecte de la part de leur mère, Mme Alice Y..., du fait de la renonciation de cette dernière à ses droits réservataires dans la succession de sa propre mère au titre des immeubles situés à Hochfelden et Strasbourg, légués par celle-ci ;
Attendu qu'après avoir relevé que M. Pierre Y... avait fondé son action sur l'article 843 du code civil dans sa rédaction applicable, la cour d'appel, d'une part, n'était pas tenue d'inviter les parties à formuler leurs observations dès lors qu'elle se bornait à vérifier l'absence ou la réunion des conditions d'application de la règle de droit invoquée ; que, d'autre part, sans se prononcer par des motifs dubitatifs, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a estimé par une appréciation souveraine que la preuve d'une intention libérale d'Alice Y... n'était pas rapportée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Pierre Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Pierre Y... et le condamne à payer, d'une part, à Mme A... et, d'autre part, à Mme F..., la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour M. Pierre Y...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que des petites-filles (mesdames Isabelle A... et Béatrice B...) n'avaient pas bénéficié d'une donation indirecte de la part de leur mère (madame Alice Y...) du fait de la renonciation de cette dernière à ses droits réservataires dans la succession de sa propre mère (madame Jeanne Z..., veuve X...) au titre des immeubles sis à Hochfelden et Strasbourg légués par la grand-mère à ses petites-filles ;
AUX MOTIFS QUE suivant testament en date du 21 octobre 1953, madame Jeanne X... avait légué à ses petites filles, mesdames Isabelle A... et Béatrice B... en indivision, chacune pour moitié, ses biens sis à Strasbourg-Neudorf, rue du Grand Couronne à l'exception d'une bande de trois mètres de largeur longeant la maison de la testatrice ainsi que ses biens sis à Hochfelden, à l'exception des terrains situés autour de la briqueterie ; que madame X... avait en outre légué à sa fille, Alice Y..., l'usufruit gratuit et viager de tous les biens dont elle avait disposé au profit de ses petites-filles à l'exceptions des peupliers situés sur les terrains légués ; que conformément aux articles 843 et 857 anciens du code civil, ces legs faits à des successibles qui n'étaient pas héritières au jour de l'ouverture de la succession, n'étaient pas susceptibles de donner lieu à rapport à la succession ; qu'en revanche, madame Alice Y... qui était héritière réservataire pouvait en demander la réduction à la quotité disponible par application des articles 920 et 921 anciens du code civil, action à laquelle elle a renoncé en acceptant la délivrance du legs le 31 décembre 1953 ; qu'il appartient aux héritiers qui demandent le rapport des biens légués de démontrer l'intention libérale de leur auteur ; que cette preuve ne saurait résulter du seul fait que madame Alice Y... avait renoncé à exercer ses droits réservataires, dans la mesure où cette dernière bénéficiait de l'usufruit de l'ensemble des biens légués ; qu'en effet, le fait de n'avoir à supporter que les seules dépenses d'entretien d'un ensemble immobilier conséquent pouvait ainsi apparaître plus avantageux pour madame Alice Y... et il ne pouvait donc être déduit de cette renonciation qu'elle eût entendu avantager ses filles ; que la preuve d'une intention libérale de madame Alice Y... n'étant pas rapportée, il y avait lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait retenu l'existence d'une donation indirecte et de débouter monsieur Pierre Y... et les héritiers de feu Roland Y... de leur demande de rapport à la succession des biens légués (arrêt, p. 8) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans avoir invité les parties à s'en expliquer préalablement, que l'usufruit dont bénéficiait la mère sur les biens légués pouvait apparaître plus avantageux dans la mesure où elle n'avait à supporter que les dépenses d'entretien, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant que « le fait de n'avoir à supporter que les seules dépenses d'entretien d'un ensemble immobilier conséquent pouvait apparaître plus avantageux » pour madame Y..., la cour d'appel s'est prononcée par un motif hypothétique et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE monsieur Y... faisait valoir, dans ses conclusions (p. 8-9), que les biens légués par madame X... à ses petites-filles constituaient la quasi-totalité de son patrimoine immobilier et que leur valeur était très supérieure aux biens dont madame Y... avait bénéficié dans la succession de sa mère, de sorte que cette dernière avait nécessairement entendu, en renonçant à ses droits réservataires dans la succession de sa mère, avantager ses propres filles ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.