LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Mulhouse, 20 mars 2008), que M. X... a été engagé par la société Banque Populaire d'Alsace à compter de mai 1983 et a exercé divers mandats syndicaux au sein de la Banque populaire d'Alsace et du groupe Banque populaire ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'un rappel de salaire et de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l'absence d'augmentation individuelle de salaire en violation des engagements pris par l'employeur ;
Attendu que l'employeur fait grief au jugement de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de régularisation de salaire, alors, selon le moyen :
1°) qu'il ne résulte ni des stipulations de l'accord collectif d'entreprise du 20 décembre 2004, ni de celles de l'accord collectif d'entreprise du 28 décembre 2005, lesquelles prévoient seulement un objectif et un « rythme moyen » d'augmentation de salaires de trois ans, un droit automatique pour les salariés à voir leur salaire augmenter tous les trois ans ; qu'en affirmant l'inverse, le conseil de prud'hommes a violé lesdits accords ;
2°) qu'il ne résulte pas davantage de l'article 11 de l'accord collectif de groupe concernant le droit syndical conclu le 26 avril 2006, un droit automatique pour les salariés investis de fonctions syndicales dont les absences justifiées sont au moins égales à 75 % de leur temps de travail, à bénéficier d'une augmentation automatique de salaire tous les cinq ans ; qu'en affirmant l'inverse, le conseil de prud'hommes a violé ledit accord collectif ;
3°) qu'à supposer même que cet accord ait institué un droit automatique à être augmenté tous les cinq ans, M. X..., qui reconnaissait lui-même avoir été précédemment augmenté le 22 avril 2002, ne disposait d'aucun droit à une augmentation sur le fondement de cet accord avant le 22 avril 2007 ; qu'en statuant au regard de cet accord quand la demande du salarié était arrêtée au 5 janvier 2007, le conseil de prud'hommes a violé l'article 11 de l'accord collectif de groupe du 26 avril 2006 ;
4°) que l'entretien annuel prévu par l'accord collectif de groupe du 26 avril 2006 a seulement pour objet de permettre au salarié de s'entretenir avec la direction des ressources humaines de l'évolution de sa carrière, non de discuter avec lui de ses augmentations de salaire éventuelles ; qu'en accordant au salarié la régularisation de salaires qu'il sollicitait sous le prétexte que cet entretien annuel n'aurait pas eu lieu, le conseil de prud'hommes a statué par des motifs inopérants qui privent sa décision de base légale au regard de l'accord collectif du 26 avril 2006 ;
5°) que sauf pour lui à prévoir l'inverse, un accord collectif n'a point d'effet rétroactif ; qu'à supposer que les accords d'entreprise des 20 décembre 2004 et 28 décembre 2005 et l'accord collectif de groupe du 26 avril 2006 aient institué un droit automatique à être augmenté selon un rythme triennal ou quinquennal, la période de trois ou de cinq ans prévue par ces accords ne pouvait commencer à courir qu'à compter de la date d'entrée en vigueur des accords collectifs ; qu'en faisant courir lesdites périodes à compter de la date de la dernière augmentation de salaire de M. X..., soit le 22 avril 2002, le conseil de prud'hommes a violé l'article 2 du code civil, ensemble les accords collectifs d'entreprise des 20 décembre 2004 et 28 décembre 2005 et l'accord collectif de groupe du 26 avril 2006 ;
Mais attendu qu'il résulte de l'accord de groupe du 26 avril 2006 que les délégués syndicaux nationaux non permanents dont les cumuls de mandat entraînent des absences de leur poste de travail d'au moins 75 % de leur temps de travail, font l'objet, tous les cinq ans, d'un point spécifique, pour s'assurer que l'évolution salariale est au moins équivalente à l'évolution moyenne du métier et à tout le moins à une augmentation globale de 3 % sur l'ensemble de la période considérée, hors mesures générales ; qu'à défaut, un réajustement est opéré à due concurrence ;
Et attendu qu'après avoir constaté que M. X... bénéficiait d'une délégation excédant 75 % de son temps de travail et que son salaire avait été augmenté en dernier lieu les 22 avril 2002 et 5 janvier 2007, le conseil de prud'hommes, appréciant la situation des parties au jour où il statuait, a retenu que le salarié n'avait pas bénéficié d'une augmentation de salaire suffisante sur une période de cinq ans et a fixé le montant du rappel de salaire ; qu'il a ainsi fait une exacte application de l'accord de groupe du 26 avril 2006 dont les dispositions sont applicables immédiatement aux situations en cours ;
D'où il suit que le moyen, qui critique des motifs surabondants dans ses première et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque populaire d'Alsace aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Banque populaire d'Alsace à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire d'Alsace
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE à payer à Monsieur X... une somme de 1. 500 € à titre de régularisation de salaires ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... affirme sans être contredit par la défenderesse que sa précédente augmentation date du mois d'avril 2002, alors que les textes qu'il invoque stipulent qu'il devait bénéficier d'une révision au plus tard tous les trois ans dé son salaire ; qu'il fait référence tout particulièrement aux accords spécifiques signés entre les BANQUE POPULAIRE D'ALSACE et les organisations syndicales ; que notamment il fait état d'un accord du 20 décembre 2004 dont l'article 1 stipule : « une attention particulière sera portée (…) à ce que chacun puisse s'inscrire dans un rythme de révision salariale trisannuel » ; qu'il fait également état d'un accord du 28 décembre 2005 dont l'article 1 stipule : « sauf cas particuliers, les révisions individuelles interviennent à une fréquence moyenne de trois ans. Il convient donc de s'assurer que chacun puisse s'inscrire dans ce rythme et les managers disposeront à ce titre d'un état qui reprend la liste des collaborateurs non révisés depuis trois ans » ; qu'il est également produit par Monsieur X... un état de ses heures de délégations duquel état il ressort que Monsieur X... a effectué 1297 heures de délégation pour l'année 2005, soit un taux de 82 % du nombre d'heures annuel et 1476 heures de délégation pour l'année 2006, soit un taux de 93 % du nombre d'heures annuel ; que cela n'est pas sérieusement contesté par la défenderesse qui ne produit aucun document sur les heures de délégation dont elle prétend que le décompte réel serait inférieur à ce que Monsieur X... présente comme chiffrage ; que Monsieur X... a en outre bénéficié d'une mesure de détachement à temps complet à son syndicat, la CGT. Cela ressort indiscutablement du courrier de la direction des ressources humaines qui est produit par la défenderesse ; que Monsieur X... fait également référence à un nouvel accord sur le droit syndical daté d'avril 2006 qui, relatif à « la situation individuelle des représentants du personnel » prévoit : « Principe général : la situation individuelle des titulaires de mandats syndicaux ou de représentation du personnel doit être déterminée en fonction de leur compétences professionnelles et de leur activité durant le temps qu'ils consacrent à leur poste de travail. L'exercice de leurs mandats ne doit pas constituer un handicap à l'égard de l'évolution de leur salaire et de la progression de carrière, s'il s'exécute dans le respect des règles qui s'imposent. Dans ce cadre, les entreprises du groupe sont invitées à définir des procédures garantissant ce principe général. Ces procédures doivent notamment prévoir :
Situation individuelle : (…) Pour les collaborateurs dont les cumuls de mandats locaux et au niveau du groupe entraînent des absences dûment justifiées de leur poste de travail, d'au moins 75 % de leur temps de travail :
- un suivi spécial annuel, lors d'un entretien avec la direction des ressources humaines de l'entreprise. Au cours de cet entretien, l'évolution de carrière des intéressés est examinée ;
- un point spécifique effectué tous les cinq ans, pour s'assurer que l'évolution salariale de ces collaborateurs est au moins équivalente à l'évolution moyenne du métier et à tout le moins à une augmentation globale de 3 % sur l'ensemble de la période, hors mesures générales. A défaut, un réajustement est opéré à due concurrence » ;
Qu'il n'est fait aucune mention par rapport aux textes décrits ci dessus et qui conviennent d'un suivi spécial annuel et d'un point spécifique et qu'aucun document n'a été fourni par la défenderesse à ce sujet ; qu'ainsi lorsque la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE adresse un courrier, portant la date du 5 janvier 2007, mais dont la date n'est pas certaine, informant Monsieur X... de l'attribution d'une augmentation mensuelle de 75 €, précisant que c'est sur proposition de ses responsables et que cette évolution vient récompenser le sérieux de son travail et sa forte implication dans la bonne marche de « notre maison », elle commet pour le moins une violation des dispositions ci dessus sur le un suivi spécial annuel et sur le point spécifique effectué tous les cinq ans, pour s'assurer que l'évolution salariale des collaborateurs ; qu'il est ainsi établi que les accords signés et concernant les représentants du personnel, tous explicitement cités ci dessus ont été violés par la défenderesse autant dans l'esprit que dans la lettre et que l'augmentation de salaire accordée à Monsieur X..., après qu'il eu saisi le Conseil de céans pour ses réclamations, sans entretien comme les accords le stipulent expressément démontre que la défenderesse a rattrapé les " omissions " avec effet au 1er janvier 2007 ; que le Conseil dit que cette augmentation, reconnue explicitement en violation des dispositions des accords cités ci dessus doit bénéficier à Monsieur X... depuis la date de sa demande ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il ne résulte ni des stipulations de l'accord collectif d'entreprise du 20 décembre 2004, ni de celles de l'accord collectif d'entreprise du 28 décembre 2005, lesquelles prévoient seulement un objectif et un « rythme moyen » d'augmentation de salaires de trois ans, un droit automatique pour les salariés à voir leur salaire augmenter tous les trois ans ; qu'en affirmant l'inverse, le Conseil de prud'hommes a violé lesdits accords ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il ne résulte pas davantage de l'article 11 de l'accord collectif de groupe concernant le droit syndical conclu le 26 avril 2006, un droit automatique pour les salariés investis de fonctions syndicales dont les absences justifiées sont au moins égales à 75 % de leur temps de travail, à bénéficier d'une augmentation automatique de salaire tous les 5 ans ; qu'en affirmant l'inverse, le Conseil de prud'hommes a violé ledit accord collectif ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer même que cet accord ait institué un droit automatique à être augmenté tous les 5 ans, Monsieur X..., qui reconnaissait lui-même avoir été précédemment augmenté le 22 avril 2002, ne disposait d'aucun droit à une augmentation sur le fondement de cet accord avant le 22 avril 2007 ; qu'en statuant au regard de cet accord quand la demande du salarié était arrêtée au 5 janvier 2007, le Conseil de prud'hommes a violé l'article 11 de l'accord collectif de groupe du 26 avril 2006 ;
ALORS, TOUJOURS SUBSIDIAIREMENT, QUE l'entretien annuel prévu par l'accord collectif de groupe du 26 avril 2006 a seulement pour objet de permettre au salarié de s'entretenir avec la direction des ressources humaines de l'évolution de sa carrière, non de discuter avec lui de ses augmentations de salaire éventuelles ; qu'en accordant au salarié la régularisation de salaires qu'il sollicitait sous le prétexte que cet entretien annuel n'aurait pas eu lieu, le Conseil de prud'hommes a statué par des motifs inopérants qui privent sa décision de base légale au regard de l'accord collectif du 26 avril 2006 ;
ALORS, ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT, QUE sauf pour lui à prévoir l'inverse, un accord collectif n'a point d'effet rétroactif ; qu'à supposer que les accords d'entreprise des 20 décembre 2004 et 28 décembre 2005 et l'accord collectif de groupe du 26 avril 2006 aient institué un droit automatique à être augmenté selon un rythme triennal ou quinquennal, la période de 3 ou de 5 ans prévue par ces accords ne pouvait commencer à courir qu'à compter de la date d'entrée en vigueur des accords collectifs ; qu'en faisant courir lesdites périodes à compter de la date de la dernière augmentation de salaire de Monsieur X..., soit le 22 avril 2002, le Conseil de prud'hommes a violé l'article 2 du Code civil, ensemble les accords collectifs d'entreprise des 20 décembre 2004 et 28 décembre 2005 et l'accord collectif de groupe du 26 avril 2006.