LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Angers, 24 avril 2009) que, le 21 novembre 2008, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Angers a autorisé des agents de l'administration des impôts à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux et dépendances sis... à Angers, susceptibles d'être occupés notamment par la société Artal forest, et au lieu-dit..., susceptibles d'être occupés notamment par les sociétés Artal forest et Paswinturn et Partners ainsi que M. et Mme X..., en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société Artal forest au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Attendu que les sociétés Artal forest et Paswinturn et Partners ainsi que M. et Mme X... font grief à l'ordonnance d'avoir confirmé la décision du premier juge, alors, selon le moyen :
1° / qu'en se bornant à vérifier si le juge des libertés et de la détention avait pu, au vu des documents dont il disposait dans le cadre d'une procédure non contradictoire, retenir des présomptions de fraude fiscale à l'encontre de la société costaricaine Artal forest, sans vérifier lui-même l'existence de telles présomptions au vu non seulement des pièces communiquées par l'administration fiscale au juge des libertés et de la détention mais aussi des conclusions d'appel des parties et des pièces produites par elles dans le cadre d'un débat contradictoire, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel d'Angers a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, L. 16 B du livre des procédures fiscales et 561 du code de procédure civile ;
2° / que, dans leurs conclusions récapitulatives datées du 31 mars 2009 (page 7), les demandeurs faisaient valoir que le centre des impôts d'Angers Nord, situé 15 bis rue Dupetit Thouars, avait été informé, par un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 23 octobre 2006, de la création par la société Artal forest d'un bureau de liaison sis ... à Angers et dont la responsable était Mme Véronique X..., qu'il y avait répondu le 30 novembre suivant, enfin, que la société Artal forest avait à nouveau écrit le 11 janvier 2007 par lettre recommandée avec accusé de réception, les trois courriers en cause étant joints auxdites conclusions ; qu'en fondant l'existence de présomptions de fraude sur l'absence de respect par les époux X..., en leur qualité de dirigeants de la société costaricaine Artal forest, de leurs obligations déclaratives et sur le fait que le bureau de liaison étant inconnu au regard de la loi fiscale, l'administration était légitime à solliciter la mise en oeuvre des visites et saisies litigieuses, sans répondre à ces conclusions, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel d'Angers n'a pas motivé sa décision et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
3° / que la notion de " bureau de liaison " est retenue par le juge fiscal pour définir certaines installations en France de sociétés étrangères, qui ne constituent pas des établissements stables passibles de l'impôt sur les bénéfices en France ; qu'en retenant le bureau de liaison était inconnu au regard de la législation fiscale, l'ordonnance attaquée a donc violé les dispositions de l'article 209 du code général des impôts ;
4° / que l'ordonnance qui, sur appel du justiciable, rejette la demande d'annulation d'une ordonnance autorisant des visites et saisies domiciliaires, doit se référer avec précision aux éléments d'information produits devant le premier juge ou en appel, qui laissent présumer des agissements frauduleux ; qu'en se bornant à énoncer que " le bureau de liaison pouvait être le support d'une fraude fiscale élaborée car, en l'état de l'information recueillie, il fournissait à une société formellement domiciliée au Costa Rica, des moyens humains et une logistique financière et économique dont elle ne disposait pas localement en recourant aux services de sociétés françaises dirigées par le couple X... ", que " l'écheveau des sociétés et la multiplicité des flux économiques entre les sociétés et les contribuables situées en France d'une part et entre le groupe X... et la société costaricaine d'autre part dont les dirigeants sont le couple X..., créent une présomption de fraude en l'absence de respect des obligations déclaratives " et que " l'administration fiscale …, compte tenu de l'imbrication des liens entre les différentes activités s'abritant les unes les autres, le bureau de liaison principal artisan de l'activité de recherche d'investisseur bénéficiant du soutient des autres étant inconnu au regard de la loi fiscale, elle était légitime à solliciter la mise en oeuvre de visites et saisies … ", sans préciser et analyser les pièces soumises à son appréciation dont il tirait les faits fondant les présomptions de la fraude alléguées, l'ordonnance attaquée qui, dans le même temps, ne s'approprie pas les motifs retenus par le premier juge, est privée de base légale au regard des exigences de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
5° / que les visites et saisies domiciliaires doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but légitime recherché ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance attaquée que les présomptions de fraude alléguées ne visent ni M. et Mme X... ni les sociétés P et R Conseils, Ingeris, Ingenieris et Paswinturn et Partners, dont il n'est pas contesté qu'ils ont chacun toujours rempli leurs obligations fiscales, la société Paswinturn et Partners étant détenue à concurrence de 10 % par la société Artal forest ; que, par ailleurs, les demandeurs faisaient valoir dans leurs conclusions récapitulatives datées du 31 mars 2009 que non seulement le centre des impôts d'Angers Nord avait été informé de la création du bureau de liaison litigieux mais aussi que l'administration fiscale disposait de diverses procédures d'information ou de contrôle pour vérifier la nature de l'activité de ce bureau et son éventuel assujettissement aux différents impôts français ; qu'en estimant néanmoins que l'administration était libre des procédés qu'elle entendait utiliser pour réprimer la fraude fiscale dans les limites de la loi et que les autorisations accordées n'étaient en rien disproportionnées au regard des atteintes qu'elles pouvaient causer aux libertés, bien qu'était en cause la vérification du statut fiscal d'un bureau de liaison régulièrement déclaré au centre des impôts compétent, ce qu'une demande d'information précise ou une vérification de comptabilité aurait suffi à établir, l'ordonnance attaquée viole les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des impôts et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile est proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'ainsi elles ne contreviennent pas à celles de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et attendu, en second lieu, que, répondant aux conclusions, l'ordonnance se réfère, par motifs propres et adoptés, en les analysant, aux éléments qu'elle retient ; que le premier président, qui a relevé les faits en résultant à partir desquels il a souverainement apprécié l'existence d'une présomption de fraude, sans être tenu de s'expliquer sur les éléments qu'il écartait et sans avoir à justifier autrement de la proportionnalité de la mesure qu'il confirmait, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit qu'abstraction faite du motif surabondant que critique la troisième branche, le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Artal forest et Paswinturn et Partners et M. et Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour les sociétés Artal forest et Paswinturn et Partners et M. et Mme X...
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté au fond les appelants de leur demande d'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, datée du 21 novembre 2008,
Aux motifs que l'ordonnance est signée et datée par le juge des libertés ; qu'elle est motivée au regard des pièces qui lui ont été produites ; qu'il a fait siens ainsi les motifs de soupçons exprimés par l'administration fiscale ; que le fait qu'il n'y a rien retranché ou ajouté ne saurait démontrer qu'il n'a pas fait un examen concret et personnel avant de signer la requête ; que le juge des libertés a justement considéré que le bureau de liaison pouvait être le support d'une fraude fiscale élaborée car, en l'état de l'information recueillie, elle fournissait à une société formellement domiciliée au Costa Rica, des moyens humains et une logistique financière et économique dont elle ne disposait pas localement en recourant aux services de sociétés françaises dirigées par le couple X..., l'apparence juridique pouvant être démentie par la réalité économique et l'imbroglio un moyen d'éluder l'impôt ; que l'écheveau des sociétés et la multiplicité des flux économiques entre les sociétés et les contribuables situés en France d'une part et entre le groupe X... et la société costaricaine d'autre part dont les dirigeants sont le couple X... créent une présomption de fraude en l'absence de respect des obligations déclaratives ; que l'administration fiscale est libre des procédés qu'elle entend utiliser pour réprimer la fraude fiscale dans les limites de la loi et dans le cas présent compte tenu de l'imbrication des liens entre les différentes activités s'abritant les unes les autres, le bureau de liaison principal artisan de l'activité de recherche d'investisseurs bénéficiant du soutien des autres étant inconnu au regard de la loi fiscale, elle était légitime à solliciter la mise en oeuvre de visites et de saisies sans que ces mesures soient disproportionnées au but recherché ; que le bureau de liaison avait une fonction qui allait bien au-delà de la collecte d'information et de simples relations publiques ; que ce serait ajouter à la loi que d'exiger du juge des libertés qu'il impose à l'administration fiscale qu'elle présente des présomptions graves, précises et concordantes pour favoriser les visites domiciliaires sollicitées ; que le juge a donc motivé après un examen concret et personnel des éléments de l'espèce la décision dont appel et fait référence aux éléments de fait et de droit réclamés par la loi et les autorisations accordées n'étaient en rien disproportionnées au regard des atteintes qu'elles peuvent causer aux libertés ;
Alors, en premier lieu, qu'en se bornant à vérifier si le juge des libertés et de la détention avait pu, au vu des documents dont il disposait dans le cadre d'une procédure non contradictoire, retenir des présomptions de fraude fiscale à l'encontre de la société costaricaine ARTAL FOREST, sans vérifier lui-même l'existence de telles présomptions au vu non seulement des pièces communiquées par l'administration fiscale au juge des libertés et de la détention mais aussi des conclusions d'appel des parties et des pièces produites par elles dans le cadre d'un débat contradictoire, le magistrat délégué par le premier président de la Cour d'appel d'ANGERS a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, L. 16 B du livre des procédures fiscales, et 561 du code de procédure civile ;
Alors, en deuxième lieu, que dans leurs conclusions récapitulatives datées du 31 mars 2009 (page 7), les exposants faisaient valoir que le Centre des impôts d'Angers Nord, situé 15 bis rue Dupetit Thouars, avait été informé, par un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 23 octobre 2006, de la création par la société ARTAL FOREST d'un bureau de liaison sis ... à Angers et dont la responsable était Mme Véronique X..., qu'il y avait répondu le 30 novembre suivant, enfin, que la société ARTAL FOREST avait à nouveau écrit le 11 janvier 2007 par lettre recommandée avec accusé de réception, les trois courriers en cause étant joints auxdites conclusions ; qu'en fondant l'existence de présomptions de fraude sur l'absence de respect par les époux X..., en leur qualité de dirigeants de la société costaricaine ARTAL FOREST, de leurs obligations déclaratives et sur le fait que le bureau de liaison étant inconnu au regard de la loi fiscale, l'administration était légitime à solliciter la mise en oeuvre des visites et saisies litigieuses, sans répondre à ces conclusions, le magistrat délégué par le premier président de la Cour d'appel d'Angers n'a pas motivé sa décision et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, en troisième lieu, que la notion de « bureau de liaison » est retenue par le juge fiscal pour définir certaines installations en France de sociétés étrangères, qui ne constituent pas des établissements stables passibles de l'impôt sur les bénéfices en France ; qu'en retenant le bureau de liaison était inconnu au regard de la législation fiscale, l'ordonnance attaquée a donc violé les dispositions de l'article 209 du code général des impôts ;
Alors, en quatrième lieu, que l'ordonnance qui, sur appel du justiciable, rejette la demande d'annulation d'une ordonnance autorisant des visites et saisies domiciliaires, doit se référer avec précision aux éléments d'information produits devant le premier juge ou en appel, qui laissent présumer des agissements frauduleux ; qu'en se bornant à énoncer que « le bureau de liaison pouvait être le support d'une fraude fiscale élaborée car, en l'état de l'information recueillie, il fournissait à une société formellement domiciliée au Costa Rica, des moyens humains et une logistique financière et économique dont elle ne disposait pas localement en recourant aux services de sociétés françaises dirigées par le couple X..., le couple X... », que « l'écheveau des sociétés et la multiplicité des flux économiques entre les sociétés et les contribuables situées en France d'une part et entre le groupe X... et la société costaricaine d'autre part dont les dirigeants dont le couple X..., créent une présomption de fraude en l'absence de respect des obligations déclaratives » et que « l'administration fiscale …, compte tenu de l'imbrication des liens entre les différentes activités s'abritant les unes les autres, le bureau de liaison principal artisan de l'activité de recherche d'investisseur bénéficiant du soutient des autres étant inconnu au regard de la loi fiscale, elle était légitime à solliciter la mise en oeuvre de visites et saisies … », sans préciser et analyser les pièces soumises à son appréciation dont il tirait les faits fondant les présomptions de la fraude alléguées, l'ordonnance attaquée qui, dans le même temps, ne s'approprie pas les motifs retenus par le premier juge, est privée de base légale au regard des exigences de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
Alors, en dernier lieu, que les visites et saisies domiciliaires doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but légitime recherché ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance attaquée que les présomptions de fraude alléguées ne visent ni M. et Mme X... ni les sociétés P et R CONSEILS, INGERIS, INGENIERIS et PASWINTURN et PARTNERS, dont il n'est pas contesté qu'ils ont chacun toujours rempli leurs obligations fiscales, la société PASWINTURN et PARTNERS étant détenue à concurrence de 10 % par la société ARTAL FOREST ; que, par ailleurs, les exposants faisaient valoir dans leurs conclusions récapitulatives datées du 31 mars 2009 que non seulement le Centre des impôts d'Angers Nord avait été informé de la création du bureau de liaison litigieux mais aussi que l'administration fiscale disposait de diverses procédures d'information ou de contrôle pour vérifier la nature de l'activité de ce bureau et son éventuel assujettissement aux différents impôts français ; qu'en estimant néanmoins que l'administration était libre des procédés qu'elle entendait utiliser pour réprimer la fraude fiscale dans les limites de la loi et que les autorisations accordées n'étaient en rien disproportionnées au regard des atteintes qu'elles pouvaient causer aux libertés, bien qu'était en cause la vérification du statut fiscal d'un bureau de liaison régulièrement déclaré au Centre des Impôts compétent, ce qu'une demande d'information précise ou une vérification de comptabilité aurait suffi à établir, l'ordonnance attaquée viole les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.