LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... ayant en 1998 conclu deux conventions, l'une d'ouverture d'un compte-titres auprès de la Société européenne d'intermédiation financière et boursière, désormais la société CM-CIC Securities (la société CM-CIC), l'autre confiant un mandat de gestion de son portefeuille de titres à la société Etna finance, la société CM-CIC l'a assigné le 23 février 2005 en paiement du solde de son compte débiteur ; qu'à titre reconventionnel, celui-ci a demandé la condamnation de la société CM-CIC au paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société CM-CIC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 15 774,56 euros en principal, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 décembre 2001, date de la mise en demeure, les intérêts étant capitalisés après une année échue, ainsi que de la condamner à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, qu'en rejetant cette demande, sans assortir sa décision d'aucun motif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt ayant infirmé le jugement déféré sans statuer sur la demande principale, le moyen critique une omission de statuer qui ne peut donner lieu, selon l'article 463 du code de procédure civile, qu'à un recours devant la juridiction qui s'est prononcée ; que le moyen est irrecevable ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société CM-CIC fait encore grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que de la condamner à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que si, quelles que soient ses relations contractuelles avec son client, le prestataire de services d'investissement doit informer l'investisseur des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, cette obligation pèse, dans le cas où l'investisseur a confié un mandat de gestion à un professionnel, sur ce seul mandataire de gestion et non sur le prestataire de services d'investissement, simple teneur de compte ; qu'en retenant la responsabilité de la société CM-CIC Securities, établissement financier teneur de compte, pour n'avoir pas procédé à l'évaluation des objectifs et de la compétence de M. X... s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations, et pour ne pas lui avoir fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation tandis que cette obligation pesait sur la seule société Etna finance, mandataire professionnel de services boursiers, à laquelle M. X... avait confié la gestion de son portefeuille, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1984 du code civil, ensemble l'article 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 et les articles 19 et 20 du Règlement 96-03 de la Commission des opérations de bourses, applicables en la cause ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que M. X..., directeur d'hôtel, n'était pas un opérateur averti au moment de l'ouverture du compte-titres par la société EIFB, devenue la société CM-CIC, l'arrêt constate que cette convention autorise l'accès à plusieurs marchés financiers, dont le marché à règlement mensuel, devenu service à règlement différé en septembre 2000, et que la société CM-CIC, teneur de compte, n'a procédé ni à l'évaluation des objectifs ni à celle de la compétence de M. X... s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations et ne lui a pas fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation ; qu'il retient que la vente à découvert a été effectivement pratiquée par le mandataire gestionnaire de portefeuille, de sorte que M. X... ne peut reprocher à la société teneur de compte le défaut d'alerte lors du pic du débit du compte et que ce n'est qu'en tant que conséquence de ses manquement lors de l'ouverture du compte que la responsabilité de la société CM-CIC est engagée ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a opéré une distinction entre les obligations du teneur de compte-titres et celles du gestionnaire de portefeuille, a fait l'exacte application des textes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur ce moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la CM-CIC à réparation du préjudice de M. X..., l'arrêt retient qu'il s'agit d'une perte de chance, si ce dernier avait été informé des risques encourus lors de la signature du contrat d'avoir agi de manière différente ;
Attendu qu'en statuant ainsi , sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société CM-CIC Securities à payer à M. X... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 19 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société CM-CIC Securities
Premier moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société CM – CIC Securities tendant à la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 15.774,56 € en principal, augmentée des intérêts de droit à compter du 4 décembre 2001, date de la mise en demeure, les intérêts étant capitalisés après une année échue, ainsi que de l'avoir condamnée à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Alors qu'en rejetant cette demande, sans assortir sa décision d'aucun motif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Second moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CM – CIC Securities à payer à M. X... la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que de l'avoir condamnée à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs que « M. X..., directeur d'hôtel dont il n'est pas démontré qu'il ait eu une expérience ou des connaissances en bourse avant la signature de la convention de compte titres litigieuse, n'était pas un opérateur averti ; que cette convention de compte titres autorise l'accès à plusieurs marchés financiers énumérés dont le marché à règlement mensuel, devenu le marché avec service de règlement différé en septembre 2000, pratiqué par le mandataire ; que si des informations sont données sur les obligations de couverture par l'article 6 ainsi que sur d'autres modalités de technique financière, aucune information relative aux risques que présentent des opérations telles que la vente à découvert, autorisée par la convention, effectivement pratiquée par la mandataire, n'a été donnée par la société EIFB ; qu'à bon droit, M. X... soutient que les documents qui lui ont été remis au titre de l'obligation d'information du prestataire de services d'investissement étaient insuffisants ; que cependant, il n'est pas fondé à se plaindre du défaut d'alerte par la société teneur de compte en juillet 2001, date du pic du débit de son compte, en ce qu'il s'agit d'une conséquence des opérations de gestion dont la société teneur de compte n'est pas responsable ; que ce n'est qu'en tant que conséquence du défaut, lors de l'ouverture du compte, d'avoir procédé à l'évaluation des objectifs et de la compétence de M. X... s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations, et de lui avoir fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, que la responsabilité de la société CM-CIC Securities est retenue ;Que, sur le préjudice, il s'agit de la perte d'une chance, si M. X... avait été informé des risques encourus lors de la signature du contrat, d'avoir agi de manière différente ; que la réalisation d'une chance n'est jamais certaine, que sa réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'il convient de tenir compte, dans l'évaluation des dommages-intérêts de l'aléa affectant la chance perdue ; Que la demande portant sur la perte de valeur du compte n'est pas fondée, qu'au regard des montants investis et des circonstances décrites, l'indemnisation de la perte de chance est fixée à la somme de 30.000 € » (arrêt attaqué, p. 3).
Alors, d'une part, que, si, quelles que soient ses relations contractuelles avec son client, le prestataire de services d'investissement doit informer l'investisseur des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, cette obligation pèse, dans le cas où l'investisseur a confié un mandat de gestion à un professionnel, sur ce seul mandataire de gestion et non sur le prestataire de services d'investissement, simple teneur de compte ; qu'en retenant la responsabilité de la société CM-CIC Securities, établissement financier teneur de compte, pour n'avoir pas procédé à l'évaluation des objectifs et de la compétence de M. X... s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations, et pour ne pas lui avoir fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation tandis que cette obligation pesait sur la seule société Etna Finance, mandataire professionnel de services boursiers, à laquelle M. X... avait confié la gestion de son portefeuille, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1984 du code civil, ensemble l'article 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 et les articles 19 et 20 du Règlement 96-03 de la Commission des Opérations de Bourses, applicables en la cause ;
Et alors, d'autre part et subsidiairement, que la Cour d'appel qui, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, a relevé d'office le moyen tiré de l'indemnisation d'une perte de chance, a violé l'article 16 du code de procédure civile.