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17/03/2010 | FRANCE | N°09-88674

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 mars 2010, 09-88674


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Marc,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 26 novembre 2009, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de MEURTHE-et-MOSELLE sous l'accusation de viols et d'agressions sexuelles aggravés ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 194, 197, 591 et 593 du code de procédure pénale, article 6 de la Conve

ntion européenne des droits de l'homme ;
" en ce que il résulte des mentions de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Marc,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 26 novembre 2009, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de MEURTHE-et-MOSELLE sous l'accusation de viols et d'agressions sexuelles aggravés ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 194, 197, 591 et 593 du code de procédure pénale, article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que il résulte des mentions de l'arrêt que le procureur général a joint ses réquisitions écrites au dossier le 12 octobre 2009 et que l'audience s'est tenue le 13 octobre 2009 ;
" alors que toute personne a droit à un procès équitable et à disposer d'un temps suffisant pour préparer sa défense ; que l'article 197 du code de procédure pénale ne prévoit pas que le procureur général puisse déposer ses réquisitions écrites jusqu'à la veille de l'audience ; que le dépôt des réquisitions écrites par le procureur général la veille de l'audience ne permet pas aux parties de disposer du temps suffisant pour préparer leur défense et porte atteinte au principe du procès équitable ; qu'en statuant sur le fondement des réquisitions écrites du procureur général, après avoir constaté qu'elles avaient été déposées la veille de l'audience soit le 12 octobre 2009, ce dont il résultait que Jean-Marc X... n'avait pas bénéficié d'assez de temps pour préparer sa défense, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que, l'audience de la chambre de l'instruction s'étant tenue le 13 octobre 2009, les réquisitions écrites du procureur général ont été versées au dossier déposé au greffe le 12 octobre ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les prescriptions de l'article 197 ont été observées et qu'il n'a été porté aucune atteinte aux droits de la défense ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-23, 222-28, 222-31, 222-44, 222-45, 222-47 et 222-48-1 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance, a dit qu'il résultait de l'information des charges suffisantes à l'encontre de Jean-Marc X... d'avoir, par contrainte ou par surprise, commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de Maryline Y..., Laëtitia Z..., Salima ZZ..., Magali A..., Adeline B..., Christelle C..., Christelle D..., Marie-Isabelle E..., Sophie F..., Alexandra AA..., Virginie G..., Emilie H..., Claudine I..., Yvette J..., Anne K..., Aurore BB..., Patricia L..., Audrey M..., Sabrina N..., Diane O..., Annabelle P..., Monique Q..., Stéphanie R..., Aurore CC..., Karen S..., Eloïse T..., Aline U..., Ingrid V..., Corinne W..., Christelle C..., Christelle D..., Sophie F..., et d'avoir commis une atteinte sexuelle avec contrainte ou surprise sur Christelle C..., Christelle D..., Sophie F..., Audrey M..., Annabelle P..., Stéphanie R..., Karen S..., Aude XX..., Ingrid V..., a prononcé la mise en accusation de Jean-Marc X... du chef de viols et agressions sexuelles commis par personne ayant abusé de l'autorité conférée par ses fonctions et l'a renvoyé devant la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle ;
" aux motifs propres qu'il résulte des déclarations précises et circonstanciées de chacune des vingt-neuf plaignantes, ci-dessus rappelées, que Jean-Marc X... pratiquait des touchers vaginaux d'une durée particulièrement longue, pouvant durer jusqu'à un quart d'heure, accompagnés d'excitation du clitoris, de mouvements de va et vient du praticien et pour certaines d'entre elles de mouvements du bassin de la patiente sur demande du médecin gynécologue, de positions de la patiente parfois non nécessitées par la nature de l'examen, de propos à caractère sexuel de la part du praticien, qui, en outre, à quelques reprises, avait une réaction physique anormale (excitation, visage rouge), et parfois ne portait pas de gant durant l'examen ; que les plaignantes qui ont eu des échographies gynécologiques, effectuées par Jean-Marc X..., ont relaté également la durée anormalement longue de ces examens et les mouvements de va et vient opéré par le praticien avec la sonde d'examen ; qu'une autre patiente du docteur Jean-Marc X..., Aude XX..., a indiqué qu'au cours d'une seule consultation en janvier 2004, le gynécologue lui avait demandé si elle était " vaginale ou clitoridienne " et que lors de l'examen il lui avait caressé le clitoris pendant un temps estimé à 5 minutes ; que bien qu'elle se fût crispée, il avait continué ; qu'il avait cessé ses agissements soudainement ; que dans son rapport d'expertise le docteur YY... a indiqué que tant le toucher vaginal que l'échographie gynécologique se réalisent sur une patiente allongée et que les mouvements de va et vient n'ont pas de justification médicale ; que l'expert a indiqué que la durée excessive des touchers vaginaux ne saurait être justifiée que dans quelques cas de recherche diagnostique difficile, la durée d'un toucher vaginal n'excédant pas 10 à 20 secondes ; qu'il a conclu que des touchers anormalement longs, des mouvements de va et vient, des mouvements du bassin, des positions non conformes des patientes et des pratiques d'excitation du clitoris ne constituaient pas des pratiques conformes pour un médecin gynécologue ; que l'avis de cet expert confirme que les actes de pénétration et les attouchements à caractère sexuel tels que décrits par chacune des victimes ne peuvent s'analyser en des actes médicaux, et revêtent la qualification d'actes de nature sexuelle ; que dans son mémoire, Jean-Marc X... soutient que les actes de pénétration sexuelle qui lui sont reprochés ne peuvent être qualifiés de viols dans la mesure où en l'absence de connaissance du dossier médical de chacune des patientes concernées il existe une incertitude sur l'absence de justification du déroulement de ces actes ; qu'il convient de relever que durant la procédure d'information Jean-Marc X... n'a pas contesté son comportement tel que décrit par les plaignantes, admettant que ses agissements ne correspondaient pas à des actes normaux d'un médecin gynécologue envers ses patientes ; que le mis en examen n'a jamais fait état de justification de ces actes pour des raisons médicales ; qu'en outre, il apparaît invraisemblable que les examens gynécologiques de vingt-neuf de ses patientes par toucher vaginal ou au moyen d'une échographie, tels que décrits par celles-ci et non contestés par le mis en examen, aient été justifiés pour des raisons médicales, alors que, d'une part, ainsi qu'il en résulte du rapport d'expertise du professeur YY..., la durée excessive des examens, particulièrement des touchers vaginaux sont exceptionnels et ne sont justifiés que dans quelques cas rares de recherche diagnostique difficile, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; qu'il convient d'ajouter surtout, que tant les mouvements de va et vient relatés par les victimes que l'excitation du clitoris des patientes, ainsi que la prise de position non conforme à celle normale sur le dos en position gynécologique ne trouvent aucune justification dans l'exercice professionnel du médecin gynécologue ; que ce moyen ne peut qu'être écarté ; que, de même, il ne peut être prétendu, ainsi que le fait le mis en examen, que les faits de viols qui lui sont reprochés constituent en réalité des agressions sexuelles au motif que les actes de pénétrations sexuelles étaient antérieures à ses dérives à caractère sexuel, tels l'excitation du clitoris et le questionnement de nature sexuelle des victimes ; qu'en effet, tant l'excitation du clitoris, que les mouvements de va et vient ou circulaires pratiqués par l'intéressé lors des examens des victimes par toucher vaginal et par échographie sont concomitants à l'acte de pénétration sexuelle ; qu'il y a lieu de souligner que quand bien même il y aurait eu dans un premier temps lors des examens effectués par Jean-Marc X... une pénétration sexuelle conforme à la pratique professionnelle d'un médecin gynécologue, à partir du moment où cette pénétration sexuelle s'est poursuivie durant un délai excessif avec des excitations du clitoris des patientes, des mouvements de type va et vient ou circulaires, accompagnés de propos à caractère sexuel, cet acte d'apparence médicale en son commencement était alors un acte de pénétration à caractère sexuel commis avec surprise caractérisant un viol ; que, si le dossier de l'information ne fait pas apparaître de violence ou de menace imputable à Jean-Marc X..., les éléments de surprise et de contrainte nécessaires pour qualifier le crime de viol et les délits connexes d'agressions sexuelles par personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions sont réunis en l'espèce ; qu'en effet, c'est au cours d'examens médicaux pratiqués par un médecin gynécologue, envers lequel les patientes avaient toute confiance, et qui de par sa qualité avait autorité sur elles, que les faits ont été commis ; qu'agissant dans le cadre médical sur des personnes fragilisées par leur situation de patientes venues le consulter à des fins thérapeutiques, Jean-Marc X... a surpris leur consentement en effectuant sur elles des gestes qui n'avaient qu'une apparence médicale, et qui en réalité étaient de nature sexuelle ; que Jean-Marc X... a abusé de l'autorité conférée par ses fonctions de médecin gynécologue, les victimes, ainsi qu'elles l'ont expliqué, n'ayant pu manifester d'opposition en raison de l'autorité attachée à la fonction de médecin gynécologue du mis en examen ; qu'il existe donc des charges suffisantes à l'encontre de Jean-Marc X... d'avoir commis les crimes de viols et les délits connexes d'agressions sexuelles par personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, pour lesquels il a été mis en examen ;
" aux motifs, à les supposer adoptés, que le viol est l'acte de pénétration sexuelle imposé par violence, menace, contrainte ou surprise ; que la pénétration sexuelle pratiquée par un médecin gynécologue dans des conditions normales, notamment par toucher vaginal, est inhérente à l'acte médical et ne saurait recevoir la qualification de viol ; que cependant, lorsque ce toucher vaginal s'éternise sans nécessité thérapeutique, ou qu'il s'accompagne d'une excitation du clitoris, de mouvements de va et vient du praticien ou de mouvements du bassin de la patiente sans justification médicale, cet acte ne peut plus s'analyser en un acte médical mais doit s'analyser en un viol, et ce d'autant plus lorsque ces pratiques font suite à un questionnement à caractère sexuel ; que le docteur Jean-Marc X... a reconnu qu'il était anormal de faire durer un examen gynécologique comme il avait pu le faire ; qu'il n'a pu donner de justification médicale à l'excitation du clitoris qu'il a pratiquée le plus souvent de façon concomitante au toucher vaginal et en a donc reconnu le caractère anormal ; que le professeur YY..., expert, a confirmé que des touchers anormalement longs, des mouvements de va et vient, des mouvements du bassin, des positions non conformes des patientes et l'excitation clitoridienne ne constituaient pas des pratiques conformes pour un gynécologue ; que Jean-Marc X... a ainsi commis des actes de pénétration et des attouchements à caractère sexuel qui ne peuvent s'analyser en des actes médicaux ; que ces agissements sexuels ont néanmoins été commis au cours de consultations gynécologiques par une personne abusant de l'autorité que lui conférait sa fonction, ce qui a permis de surprendre le consentement des patientes venues consulter ; que Jean-Marc X... sera donc mis en accusation des chefs de viols et agressions sexuelles par personne ayant abusé de ses fonctions ;
" 1°) alors que ne constitue pas un viol le toucher vaginal pratiqué par un médecin gynécologue pour des raisons thérapeutiques même si ce toucher se prolonge dans le temps et qu'il est accompagné ou suivi d'excitations du clitoris et de propos à caractère sexuel ; qu'en décidant néanmoins que les touchers vaginaux effectués par le docteur Jean-Marc X..., justifiés pour des raisons médicales, mais qui s'étaient poursuivis durant un délai excessif et avaient été accompagnés ou suivis d'excitations du clitoris et de propos à caractère sexuel constituaient des viols, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que la surprise, élément constitutif de l'infraction de viol et d'atteinte sexuelle, consiste à surprendre le consentement de la victime, ce qui suppose que la volonté de la victime se trouve abolie au moment de l'acte ; que tel n'est pas le cas d'une patiente venue consulter un médecin gynécologue, qui conserve son libre arbitre et sa faculté de décision ; qu'en déduisant l'élément de surprise de la circonstance que les actes avaient été commis dans le cadre d'un examen médical sur des personnes fragilisées par leur situation de patientes venues consulter à des fins thérapeutiques, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que l'élément de contrainte, élément constitutif de l'infraction de viol et d'atteinte sexuelle, ne saurait se déduire de la seule qualité de personne ayant autorité de l'auteur présumé, cette qualité ne constituant qu'une circonstance aggravante des infractions lorsque celles-ci sont constituées ; qu'en déduisant l'élément de contrainte de la circonstance que les patientes n'avaient pu manifester leur opposition en raison de l'autorité attachée à la fonction de médecin, c'est-à-dire d'un prétendu abus de l'autorité conférée par la qualité de médecin, la chambre de l'instruction qui a ainsi confondu l'élément constitutif des infractions principales, avec la circonstance aggravante d'abus d'autorité, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Jean-Marc X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols et d'agressions sexuelles par abus d'autorité ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Pometan conseiller rapporteur, Mme Ponroy conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-88674
Date de la décision : 17/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, 26 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 mar. 2010, pourvoi n°09-88674


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gaschignard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.88674
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