LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, ci-après annexé :
Attendu que c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a fixé comme elle l'a fait le montant de la prestation compensatoire allouée à l'épouse ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses quatre premières branches ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1712 du code général des impôts, ensemble l'article 757- A de ce même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 ;
Attendu, selon le second de ces textes, que les versements en capital entre ex-époux sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit lorsqu'ils proviennent des biens propres de l'un d'eux, et, suivant le premier, qu'à moins de stipulation contraire dans les actes, les droits des actes civils ou judiciaires emportant translation de propriété sont supportés par les nouveaux possesseurs ;
Attendu que pour débouter l'épouse de sa demande tendant à faire supporter les droits d'enregistrement relatifs à la prestation compensatoire par le mari, l'arrêt retient que les règles de l'administration fiscales ne peuvent être modifiées ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, ci après annexé :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour débouter l'épouse de sa demande de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, l'arrêt retient que le premier juge avait admis que Mme X... n'avait pas produit de pièces démontrant un préjudice distinct de celui du divorce et que la durée de la procédure et ses complications ne sont pas des causes de préjudice, mais la contrepartie inévitable d'un conflit familial long et difficile pour les deux parties ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté le refus du mari de produire les pièces financières demandées par l'expert dont résultait l'échec de la mesure, comportement caractérisant l'existence du préjudice distinct de la rupture du lien conjugal invoqué par l'épouse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté l'épouse de ses demandes tendant à faire supporter les droits d'enregistrement relatifs à la prestation compensatoire par le mari et à l'octroi de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 22 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux conseils pour Mme X... ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité le montant de la prestation compensatoire allouée à Madame X... à la somme de 300. 000 € ;
AUX MOTIFS QUE le Juge aux affaires familiales a retenu que Madame X... était en invalidité de puis le 1er septembre 2000 et percevait une somme annuelle de 10. 702, 91 € ; (…) ; que, pour Monsieur Y..., le Juge aux affaires familiales avait relevé un salaire déclaré de 6. 180 € en 2002, des retraites de 9. 452 €, un revenu foncier de 40. 546 € et une recette locative nette de 25. 640 € (soit un total de 81. 828 €) ; que la liste de son patrimoine comprenait 63 (sic ; il faut lire : 3) studios ou appartements à PARIS, outre 3 autres dans les Hauts de Seine (pour 2 d'entre eux) et les Yvelines (pour le 3ème) ; qu'outre encore ces 6 biens immobiliers, il possédait un pavillon au Vésinet évalué à 1. 220. 000 € par sa femme et à 533. 000 € par lui (avec, à l'appui de ce dernier chiffre, l'estimation d'une agence immobilière et de son notaire) ; (…) ; qu'au jour du divorce, soit en 1999, (Madame X... et Monsieur Y... formaient) un couple depuis 16 ans (avec) deux enfants de 13 ans et 10 ans ; qu'au jour de son mariage, Madame X... était ingénieur au Crédit commercial de France, son mari étant alors VRP ; qu'elle a perdu son emploi en 1991 et n'a pas retrouvé de travail malgré son diplôme d'ingénieur, le mari ayant manifestement admis qu'elle reste au foyer pour s'occuper des enfants tandis que lui-même poursuivait une bonne carrière, ce qui n'était donc pas une mauvaise solution pour le couple aussi bien pour le foyer et les enfants que sur le plan fiscal ; que, cependant, les époux étant mariés sous le régime de la séparation des biens, (Madame X...) n'avait pas les mêmes chances que son mari pour augmenter son patrimoine ; qu'elle rappelle à ce sujet qu'en 1984, elle avait obtenu de son employeur une caution qui, à l'époque, garantissait la conservation du pavillon du Vésinet qui appartient à Monsieur Y... mais qui était le domicile conjugal ; qu'en 1996, Monsieur Y... déclarait 279. 354 francs (42. 587, 24 €) ; qu'en février 1999, le Juge aux affaires familiales prononçait le divorce (…) ; que le rapport de Maître Z..., désigné par le Juge aux affaires familiales, n'a jamais été déposé, le notaire ayant écrit au Tribunal de grande instance pour expliquer les carences des parties et notamment de Monsieur Y... sur l'évaluation des patrimoines respectifs et que si les éléments du patrimoine de Monsieur Y... ont été donnés quant à l'énumération de ses biens, il n'a jamais donné les éléments relatifs à l'ISF ni aux résultats des comptes de SCI ; que, par ailleurs, selon Madame X..., Monsieur Y... aurait dissimulé une partie de sa fortune en achetant des appartements à ses aînés, nés de sa première union ; que les époux sont séparés de biens et que la prestation compensatoire n'a pas pour objet d'égaliser les patrimoines mais de compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux, étant tenu compte de la situation ponctuelle (en l'espèce en 1999) et des perspectives raisonnablement envisageables, notamment au regard des choix faits par les époux pendant le temps de la vie conjugale ; que Madame X... est bien fondée à faire valoir qu'elle a perdu 8 ans de travail et les droits à la retraite y afférents et que ceci a grevé sa capacité à retrouver un emploi en 1999 dans la mesure où elle avait déjà 55 ans et que le métier d'ingénieur suppose de garder ses acquis professionnels, une rupture de près de 10 ans pouvant difficilement être rattrapée ; que les conséquences de cette situation prévisible dès 1999 conduisent à constater que Madame X..., propriétaire d'un seul appartement à Puteaux, ne pouvait le garder que pour autant qu'elle puisse vivre d'un autre revenu que celui de l'éventuelle location du bien ; qu'elle explique aujourd'hui avoir été conduite à devoir vendre ce bien en 2004 cependant qu'elle ne pouvait plus payer son loyer et a dû subir une expulsion ; qu'en outre, elle ne pourra pas placer cet argent dont elle a besoin pour vivre ; que Monsieur Y... offre à son ex-épouse de lui abandonner l'un des biens lui appartenant, soit l'appartement de la ... ; que, cependant, il n'existe, ni accord de l'épouse, ni évaluation du bien (…) ; que, subsidiairement, il offre 150. 000 € ; que, compte tenu des éléments produits par les parties, il y a lieu de tenir cette somme pour non suffisante, de même que celle fixée par le premier juge, la prestation compensatoire dont Monsieur Y... devra s'acquitter envers son épouse devant être fixée à la somme de 300. 000 € ; que, sur le surplus, la décision du Juge aux affaires familiales sera confirmée, la provision devant être déduite et la somme fixée ne pouvant être accordée nette de droits, les règles de l'administration fiscale ne pouvant être modifiées par la décision de la Cour d'appel (arrêt, p. 7 et 8).
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE, pour apprécier l'ampleur de la disparité créée par le divorce et fixer le montant de la prestation compensatoire destinée à la compenser, le juge doit procéder à une évaluation au moins sommaire du patrimoine des époux ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel s'est bornée à indiquer que Monsieur Y... était propriétaire de six immeubles sans préciser la valeur d'aucun d'entre eux, ni s'expliquer sur les évaluations de ces biens que Madame X... avait proposées, de façon argumentée, dans ses conclusions d'appel ;
qu'en l'absence de toute évaluation, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé les articles 271 et 272 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le juge doit par ailleurs trancher sur l'évaluation d'un bien appartenant à un époux à propos de laquelle les époux s'opposent ; qu'en l'espèce, pour un septième bien immobilier appartenant en propre à Monsieur Y... à titre personnel, situé au Vésinet et ayant constitué le domicile familial, la Cour d'appel a relevé les évaluations respectives très différentes des époux sans trancher sur la valeur du bien, ni s'expliquer sur le moyen de Madame X... selon lequel ce pavillon avait une superficie habitable de « 240 m ² » sur un terrain de « 1057 m ² » avec « droit à construire » ; que la Cour d'appel a ainsi à nouveau violé les articles 271 et 272 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'ayant constaté qu'en 2002, Monsieur Y... déclarait des revenus fonciers de 40. 546 € (provenant nécessairement de ses participations dans les diverses sociétés dont il détient des parts), en plus d'une recette locative nette de 25. 640 euros (provenant des biens immobiliers dont il est propriétaire à titre personnel), sans en déduire l'importance corrélative du patrimoine immobilier nécessairement détenu par Monsieur Y... par l'intermédiaire de ses diverses sociétés, la Cour d'appel a derechef violé les articles 271 et 272 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 ;
ALORS EN OUTRE QUE dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire par le juge, les parties doivent lui fournir une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ; qu'en l'espèce, l'exposante avait fait valoir que Monsieur Y... n'avait produit qu'une attestation « lapidaire » et « mensongère » (Conclusions d'appel p. 12, alinéa 3) ; qu'en ne vérifiant pas si l'attestation produite était régulière, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE lorsque les époux sont mariés sous le régime de la séparation des biens, il appartient au juge allouant la prestation compensatoire de prévoir que les droits d'enregistrement y afférents seront supportés ou non par le débiteur ; qu'en refusant de se prononcer sur la demande de Madame X... tendant à faire supporter ces droits par Monsieur Y..., au motif erroné qu'elle n'avait pas le pouvoir de modifier les règles fiscales, la Cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 274 et 275 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, ensemble l'article 1712 du Code général des impôts et 757- A du même Code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... de sa demande en paiement de la somme de 600. 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande de dommages et intérêts, c'est à bon droit que le Juge aux affaires familiales a admis que Madame X... n'avait pas produit de pièces démontrant un préjudice distinct de celui du divorce ; qu'à ce jour, la durée de la procédure et ses complications ne sont pas des causes de préjudice mais la contrepartie inévitable d'un conflit familial long et difficile pour les deux parties (arrêt, p. 8 deux avant derniers alinéas) ;
et AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE la demande de dommages et intérêts présentée par Madame X... lors de la procédure de divorce a été rejetée par le jugement du 25 février 1999 ; qu'elle ne produit aucune pièce démontrant l'existence d'un préjudice distinct de la procédure de divorce (jugement du 24 mars 2005, p. 6) ;
ALORS D'UNE PART, QUE, le jugement du 25 février 1999 ne tranche sur aucune demande de dommages et intérêts présentée par Madame X... ;
qu'en affirmant, par motif éventuellement adopté, que ce jugement avait rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Madame X..., la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART, QUE, saisie par l'effet dévolutif de l'entier litige, la Cour d'appel ne pouvait s'appuyer sur une appréciation portée par le premier juge sur les pièces versées aux débats devant celui-ci, mais devait examiner par ellemême la demande présentée devant elle par Madame X..., dûment étayée par les pièces produites devant elle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 561 et suivants du Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN, QUE, dans ses conclusions d'appel, Madame X... démontrait, pièces à l'appui, que Monsieur Y... avait résisté de façon déloyale à la mesure d'expertise ayant pour objet la détermination de l'ampleur de son patrimoine (conclusions d'appel de Madame X... signifiées le 11 juin 1997, p. 7 à 9) ; que la Cour d'appel constate elle-même que Monsieur Y... n'a jamais produit les éléments relatifs à l'ISF ni aux résultats des comptes de SCI (p. 7 antépénultième alinéa), de nature à permettre son information correcte sur l'importance de son patrimoine ; qu'en affirmant que les complications de la procédure n'étaient que la contrepartie inévitable du conflit familial, sans s'expliquer sur la résistance déloyale de Monsieur Y... et le préjudice distinct du divorce en résultant pour Madame X..., la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.