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17/03/2010 | FRANCE | N°08-45288

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mars 2010, 08-45288


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en matière de référé, que la société Penauille, devenue la société Servisair France attributaire d'un marché de prestation de service au sein de l'aéroport Charles de Gaulle a notifié à la société Aéroports de Paris la cessation de son activité ; que vingt-six salariés privés de rémunération depuis le 1er septembre 2006 ont saisi le juge des référés de demandes de provisions sur salaires ; que deux actions au fond ayant été engagées, celle concernant un pre

mier groupe de salariés a abouti à un arrêt du 16 octobre 2007, devenu irrévocable...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en matière de référé, que la société Penauille, devenue la société Servisair France attributaire d'un marché de prestation de service au sein de l'aéroport Charles de Gaulle a notifié à la société Aéroports de Paris la cessation de son activité ; que vingt-six salariés privés de rémunération depuis le 1er septembre 2006 ont saisi le juge des référés de demandes de provisions sur salaires ; que deux actions au fond ayant été engagées, celle concernant un premier groupe de salariés a abouti à un arrêt du 16 octobre 2007, devenu irrévocable, qui a dit que les licenciements prononcés par la société Servisair France étaient nuls ; qu'il n'a pas encore été statué au fond à l'égard d'un second groupe de salariés ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Aéroport de Paris fait grief à l'arrêt de constater un trouble manifestement illicite et d'ordonner le paiement conjoint et solidaire par Aéroports de Paris et la société Servisair France de provisions sur salaires depuis le 1er septembre 2006 à hauteur de 1 600 euros par mois au bénéfice du second groupe de salariés alors, selon le moyen :

1° / que la juridiction de référé ne peut accorder une provision au créancier que dans l'hypothèse où l'existence de l'obligation qu'il invoque n'est pas sérieusement contestable à l'égard du débiteur à laquelle il l'oppose ; qu'en accueillant la demande de provision des salariés dits du second groupe à l'égard d'Aéroports de Paris sans avoir constaté que l'obligation invoquée par ces salariés n'était pas sérieusement contestable à l'égard d'Aéroports de Paris, la cour d'appel a violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile ;

2° / que seule l'évidence du droit revendiqué permet de caractériser un trouble manifestement illicite ; que la circonstance que la qualité d'employeur et par conséquent de débiteur d'Aéroports de Paris à l'égard des salariés dits du second groupe soit contestée et qu'elle ait été expressément exclue à l'égard d'un certain nombre de salariés parties au litige (dits du premier groupe), imposait d'écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande des salariés à l'égard d'Aéroports de Paris quand l'évidence du droit revendiqué à son encontre n'était pas établie, la cour d'appel a derechef violé l'article 809 du code de procédure civile ;

3° / qu'en toute hypothèse, Aéroports de Paris avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que les salariés considéraient aussi que leur situation, à savoir, une privation de travail et de rémunération depuis le 1er septembre 2006, était la conséquence exclusive de décisions de la société Penauille Servisair France et non d'Aéroports de Paris ; qu'en ne vérifiant pas si cette circonstance excluait toute condamnation de la société Aéroports de Paris, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser le trouble manifestement illicite ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les salariés, dont le contrat de travail n'avait pas été rompu, avaient été privés de toute rémunération, a pu décider, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la condamnation solidaire des deux sociétés, dont la qualité d'employeur devait être décidée au fond, constituait une mesure conservatoire de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite dont elle a caractérisé l'existence ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Aéroports de Paris fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de restitution quelle a formée concernant les sommes versées à titre provisionnel au premier groupe de salariés et, en conséquence, de la débouter de sa demande en restitution des sommes versées à ces salariés alors, selon le moyen que l'infirmation de la décision de première instance ayant condamné une partie à paiement entraîne de ce seul fait obligation de restituer les sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire attachée à cette décision ; qu'en en dispensant cependant les salariés au prétexte que cette obligation de restitution serait sérieusement contestable, la cour d'appel a violé l'article 561 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt qui a retenu que la société Aéroports de Paris s'était acquittée des salaires en exécution de la condamnation prononcée par les premiers juges qui l'avaient condamnée solidairement avec la société Servisair, a pu décider que la restitution par les salariés de la totalité des sommes ainsi payées se heurtait à une contestation sérieuse dès lors qu'Aéroports de Paris avait, au moins pour partie, réglé ces sommes pour le compte de Servisair, codébiteur solidaire contre lequel elle a un recours pour sa part et portion ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Aéoports de Paris aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Aéoports de Paris.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté un trouble manifestement illicite et d'avoir ordonné le paiement conjoint et solidaire par Aéroports de Paris et la société Servisair France de provisions sur salaires depuis le 1er septembre 2006 à hauteur de 1. 600 euros par mois au bénéfice de Messieurs X..., Y..., Z..., D..., E..., M..., A...
F..., B...
G..., B...
H..., I..., J..., K..., L... (soit le second groupe de salariés) ;

AUX MOTIFS QU'il n'entre pas dans les pouvoirs des juges des référés de statuer sur le caractère applicable ou non, des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail aux contrats de travail des salariés de la société Servisair France, à la suite de la rupture de la relation commerciale qui liait cette société à ADP ; que bien que cette cour ait tranché au fond ce litige par son arrêt du 16 octobre 2007, l'ADP ne saurait se prévaloir de cette décision à l'égard des salariés appartenant au « second groupe » qui ne sont pas partie à cette procédure et verront leurs propres demandes au fond examinées prochainement par le conseil de prud'hommes, l'audience de plaidoirie les concernant étant prévue le 16 septembre 2009 ; que la détermination de l'employeur de ces salariés, au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail suppose une appréciation de la notion de fait et de droit d'entité économique, discutée entre les deux sociétés, susceptibles de se voir reconnaître la qualité d'employeur ; que dans ces conditions, la demande de provision formée par les salariés de ce groupe, tendant à obtenir la condamnation « in solidum » de l'ADP et de la société Servisair France à assurer le paiement de leur salaire qui ne leur était plus payé depuis le 1er septembre 2006, a été justement accueillie par les premiers juges, cette condamnation des deux sociétés constituant une mesure conservatoire destinée à faire cesser le trouble manifestement illicite subi par les intéressés, privés de toute rémunération, en l'absence de rupture de leur contrat de travail ;

1 / ALORS QUE la juridiction de référé ne peut accorder une provision au créancier que dans l'hypothèse où l'existence de l'obligation qu'il invoque n'est pas sérieusement contestable à l'égard du débiteur à laquelle il l'oppose ; qu'en accueillant la demande de provision des salariés dits du second groupe à l'égard d'Aéroports de Paris sans avoir constaté que l'obligation invoquée par ces salariés n'était pas sérieusement contestable à l'égard d'Aéroports de Paris, la cour d'appel a violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 1455-5 et R. 1455-7 du code du travail ;

2 / ALORS QUE seule l'évidence du droit revendiqué permet de caractériser un trouble manifestement illicite ; que la circonstance que la qualité d'employeur et par conséquent de débiteur d'Aéroports de Paris à l'égard des salariés dits du second groupe soit contestée et qu'elle ait été expressément exclue à l'égard d'un certain nombre de salariés parties au litige (dits du premier groupe), imposait d'écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande des salariés à l'égard d'Aéroports de Paris quand l'évidence du droit revendiqué à son encontre n'était pas établie, la cour d'appel a derechef violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ;

3 / ALORS QUE, en toute hypothèse, Aéroports de Paris avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que les salariés considéraient aussi que leur situation, à savoir, une privation de travail et de rémunération depuis le 1er septembre 2006, était la conséquence exclusive de décisions de la société Penauille Servisair France et non d'Aéroports de Paris (conclusions d'appel, page 9) ; qu'en ne vérifiant pas si cette circonstance excluait toute condamnation de la société Aéroports de Paris, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de restitution formée par Aéroports de Paris concernant les sommes versées à titre provisionnel à Messieurs C..., A...
N..., O..., P..., B... Abdelhakim, B... Ahmed, B... Ali (né le 3 octobre 1959), B... Ali (né le 25 février 1968), B... Mohamed (né le 18 décembre 1965), B... Mohamed (né le 8 février 1965), Q..., R... et S... (soit le premier groupe de salariés), et d'avoir en conséquence débouté ADP de sa demande en restitution des sommes versées à ces salariés ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant des salariés du « 1er groupe », il n'est pas contestable que le juge du fond ayant reconnu, par l'arrêt du 16 octobre 2007, que seule la société Servisair France était leur employeur, la condamnation provisionnelle prononcée contre l'ADP par le conseil de prud'hommes dans son ordonnance du 3 novembre 2006, n'a pas lieu d'être maintenue et ne peut qu'être infirmée, la décision exécutoire du juge du fond devant désormais primer sur celle, provisoire, du juge des référés ; que pour autant, l'obligation pour ces salariés de restituer à l'ADP le montant des provisions que celle-ci leur a versées s'avère sérieusement contestable ; qu'en effet, ces sommes, versées en exécution de la condamnation prononcée par les premiers juges contre l'ADP, in solidum avec la société Servisair France, ont eu pour effet en définitive, d'acquitter entre les mains de ces salariés, la dette qu'avait à l'égard de ceux-ci la société Servisair France ; que l'ADP apparaît donc créancière au premier chef de cette société ; qu'il n'y a pas lieu à statuer en référé sur la demande de restitution de l'ADP présentement dirigée contre les salariés ;

ALORS QUE l'infirmation de la décision de première instance ayant condamné une partie à paiement entraîne de ce seul fait obligation de restituer les sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire attachée à cette décision ; qu'en en dispensant cependant les salariés au prétexte que cette obligation de restitution serait sérieusement contestable, la cour d'appel a violé l'article 561 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45288
Date de la décision : 17/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mar. 2010, pourvoi n°08-45288


Composition du Tribunal
Président : Mme Perony (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45288
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